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Dépistage pharmacogénétique de l’hypersensibilité : vers une médecine personnalisée

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 4e Congrès de l’International AIDS Society sur la pathogenèse, le traitement et la prévention de l’infection à VIH

Sydney, Australie / 22-25 juillet 2007

L’essai PREDICT-1 (Prospective Randomised Evaluation of DNA Screening in a Clinical Trial) vient étayer, par des données probantes optimales, le dépistage systématique de l’allèle HLA-B*5701. Les résultats montrent que le dépistage prospectif se traduit par une diminution pertinente sur le plan clinique et significative sur le plan statistique des réactions d’hypersensibilité à l’abacavir (ABC) chez les patients infectés par le VIH. Il s’agit de la première étude randomisée, réalisée en aveugle et ayant la puissance nécessaire pour valider le dépistage pharmacogénétique à titre d’outil clinique de personnalisation du traitement.

Plan de l’étude PREDICT-1

Des adultes provenant de 265 établissements d’Europe et d’Australie, jamais traités par l’ABC, ont été affectés après randomisation à l’un des deux modes de prise en charge que voici : pas de dépistage pharmacogénétique prospectif, schéma à base d’ABC et surveillance de l’hypersensibilité; ou dépistage pharmacogénétique prospectif et, en cas d’absence du HLA-B*5701, schéma à base d’ABC. Les patients porteurs de l’allèle ont été exclus de l’essai. Les paramètres principaux conjoints étaient l’incidence de l’hypersensibilité à l’ABC avec soupçons cliniques et de l’hypersensibilité à l’ABC avec soupçons cliniques et confirmation immunologique. Comme l’explique l’auteur principal, le Dr Simon Mallal, professeur titulaire et directeur général, Centre for Clinical Immunology and Biomedical Statistics, Royal Perth Hospital, Australie, le moindre soupçon clinique d’hypersensibilité à l’ABC donnait lieu à un arrêt de traitement. «Si l’on agit ainsi, de 2 à 7 % des diagnostics d’hypersensibilité à l’ABC seront posés à tort», d’affirmer le Dr Mallal.

Résultats de l’étude

La confirmation immunologique de l’hypersensibilité à l’ABC a été menée à bien au moyen d’un test cutané avec bande adhésive (TCBA), réalisé environ six semaines après le diagnostic clinique. Les données de 1650 patients, surtout des hommes de race blanche, ont été analysées.

L’incidence de l’hypersensibilité, tant constatée cliniquement que confirmée par voie immunologique (TCBA), a été significativement plus faible dans le groupe soumis au dépistage prospectif que dans le groupe témoin. De fait, aucun cas d’hypersensibilité avec confirmation immunologique n’a été recensé chez les sujets soumis au dépistage prospectif. «À vrai dire, on n’aurait pu espérer résultat plus probant», commente le Dr Mallal. Des soupçons cliniques d’hypersensibilité pesaient sur 3,4 % des patients soumis à un dépistage prospectif, proportion conforme au taux de diagnostics d’hypersensibilité erronés obtenu lors d’essais cliniques antérieurs menés en aveugle avec randomisation.

L’étude a démontré que le test de dépistage du HLA-B*5701 avait une valeur prédictive négative de 100 % à l’égard de l’hypersensibilité avec confirmation immunologique. Le Dr Mallal affirme qu’il recommanderait le dépistage du HLA-B*5701, dans la mesure du possible, chez tous les patients avant la prescription d’ABC afin de les rassurer, eux et leur médecin, quant à la prévisibilité du traitement à court terme. «Nous n’avons aucun doute sur l’innocuité et le profil de toxicité avantageux à long terme de ce traitement. La prévisibilité à court terme et la confiance à long terme, c’est l’idéal», fait observer le Dr Mallal. Il constate avec satisfaction que les cliniques commencent enfin à se tourner vers la médecine personnalisée, le dépistage systématique étant désormais pratiqué au Canada, en Australie et au Royaume-Uni. Il fait valoir que le test est facilement disponible, valable pendant toute la vie du patient et peu onéreux. Le coût est largement compensé par l’économie réalisée lorsqu’on évite une réaction d’hypersensibilité.

Autre avantage du dépistage de l’allèle HLA-B*5701 : la possibilité d’une réaction d’hypersensibilité étant exclue, le médecin recherchera d’autres causes en présence de symptômes qui évoqueraient une telle réaction, soit de la fièvre, des manifestations pseudo-grippales, de la diarrhée, des symptômes gastro-intestinaux, des difficultés respiratoires ou une éruption cutanée, souligne le Dr Mallal. «Si des symptômes apparaissent au cours des semaines suivant le début du traitement, le patient et son médecin orienteront leurs recherches dans la bonne direction», enchaîne-t-il.

Le Canada a fait figure de proue en instituant le dépistage génétique et a joué un rôle de premier plan en matière d’assurance de la qualité dans les laboratoires. «L’assurance de la qualité est essentielle, insiste le Dr Mallal. Si le laboratoire détermine que le dépistage du HLA-B*5701 est négatif, le médecin doit être absolument certain que le gène est effectivement absent», ajoute-t-il.

Cela dit, si le dépistage pharmacogénétique constitue une précaution supplémentaire, la vigilance clinique demeure la pierre angulaire d’une sage gestion du risque pendant un traitement par l’ABC.

Étude SHAPE

Après avoir établi l’efficacité du test de dépistage du HLA-B*5701 dans la population blanche, il fallait, note le Dr Mallal, en démontrer l’utilité chez des patients d’autres races, d’où la réalisation de l’étude SHAPE (Study of Hypersensitivity to Abacavir and Pharmacogenetic Evaluation). En effet, bien que le gène HLA-B*5701 soit fortement associé à l’hypersensibilité à l’ABC chez les Blancs, on a fait état de sensibilités variables d’une étude et d’une race à l’autre, lorsque le diagnostic d’hypersensibilité à l’ABC ne reposait que sur des constatations cliniques.

Dans cette analyse cas/témoins rétrospective, on a évalué la sensibilité du HLA-B*5701 chez des Blancs et des Afro-Américains en étayant le diagnostic d’hypersensibilité d’un TCBA. Comme l’explique l’un des coauteurs de l’étude, la Dre Elizabeth Phillips, directrice, Centre for Clinical Pharmacology and Infectious Diseases, Murdoch University, Perth, la méthode cas/témoins s’imposait en raison de la faible prévalence de l’hypersensibilité à l’ABC – environ 2 % – chez les Afro-Américains.

Après avoir recensé de façon rétrospective des patients sur lesquels avaient pesé des soupçons cliniques d’hypersensibilité à l’ABC, on les a soumis à un dépistage du HLA-B*5701, puis à un TCBA. Le groupe des «cas» était constitué de cas d’hypersensibilité à l’ABC selon tous les critères, mais sans égard au TCBA, et de cas d’hypersensibilité à l’ABC avec TCBA positif. On dénombrait 130 cas d’hypersensibilité à l’ABC chez les Blancs contre 69 chez les Afro-Américains, mais le TCBA s’est révélé positif chez seulement 42 et cinq patients, respectivement. Quant au groupe des «témoins», il était constitué de sujets qui avaient toléré l’ABC pendant ³12 semaines sans réaction d’hypersensibilité. Les résultats ont montré que la sensibilité du HLA-B*5701 à l’égard de l’hypersensibilité avec TCBA positif était de 100 % chez les deux races. Cependant, la sensibilité était réduite lorsque le diagnostic d’hypersensibilité ne reposait que sur des critères cliniques (44 % chez les Blancs contre 14 % chez les Afro-Américains).

Qualifiant ces résultats de très convaincants, la Dre Phillips avance que le dépistage du HLA-B*5701 pourrait réduire l’hypersensibilité à l’ABC chez les deux races. «En procédant au dépistage, on évite non seulement les véritables réactions d’hypersensibilité, mais également les abandons de traitement pour d’autres causes, fait-elle valoir. Nous disposons aujourd’hui d’épreuves diagnostiques peu onéreuses, fiables, rapides et assorties d’un court délai d’analyse, d’une réponse non équivoque et de rapports faciles à lire. Ce sont des tests que le médecin peut facilement commander et interpréter.» Il y a fort à parier que le dépistage présentera un rapport coût-efficacité des plus avantageux.

«Il faut tenir compte, bien sûr, du véritable taux de porteurs du HLA-B*5701 dans la population, mais aussi du fait que pour chaque tranche de 100 patients qui entreprendront un traitement par l’ABC sans dépistage, de 3 à 7 % mettront fin à leur traitement en raison d’un diagnostic clinique positif erroné», fait valoir la Dre Phillips. Qui plus est, tous les patients infectés par le VIH dans les pays développés, et bon nombre d’entre eux dans les pays en développement, subissent des numérations systématiques des cellules CD4+ et CD8+, auxquelles pourrait être intégré le dépistage du HLA-B*5701. Le dépistage a été fort bien accueilli au Canada, et les médecins canadiens qui ont eu recours au test de dépistage du HLA-B*5701 se montrent enthousiastes, note la Dre Phillips. «Les réactions d’hypersensibilité à l’ABC sont chose du passé après la mise en place du dépistage», affirme-t-elle.

Le Dr David Haas, directeur, AIDS Clinical Trials Center, et professeur agrégé de médecine, division des maladies infectieuses (également rattaché au département de microbiologie et d’immunologie), Vanderbilt University, Nashville, Tennessee, considère comme un progrès remarquable le dépistage du HLA aux fins de détection de l’hypersensibilité à l’ABC. «Pour la première fois, on peut prédire l’allergie à un médicament sans devoir exposer le patient au médicament en question; c’est la démarche thérapeutique même qui s’en trouve modifiée.»

Au-delà de la réaction d’hypersensibilité

Le Dr Jürgen Rockstroh, professeur titulaire de médecine, université de Bonn, Allemagne, estime que l’ABC se prête bien à un emploi au long cours. C’est là un avantage non négligeable, puisque l’infection à VIH est chronique et se traite, mais impose un traitement à long terme, rappelle-t-il. Pourtant, le tiers des patients seulement s’en tiennent au schéma HAART initial, les autres passant à un nouveau schéma, essentiellement pour cause de toxicité.

Quantité de données, colligées au fil de plus d’un million d’années-patients d’exposition à l’ABC, sauront rassurer les utilisateurs quant à l’innocuité à long terme de cet agent. On n’a jamais observé d’effets toxiques dans les tissus adipeux ni les os, et l’ABC ne risque pas de provoquer une lipoatrophie. La toxicité rénale semble s’accentuer avec l’âge, si bien qu’une proportion croissante de porteurs du VIH de plus de 50 ans souffrent d’une néphropathie, fait remarquer le Dr Rockstroh. Dans le cas de l’ABC, toutefois, on n’a jamais observé de toxicité rénale. Par ailleurs, plus les patients avancent en âge, plus les affections concomitantes nécessitant un traitement médicamenteux sont nombreuses; or, l’association ABC/3TC est associée à très peu d’interactions médicamenteuses, de préciser le Dr Rockstroh. La puissance de l’ABC et la durabilité de cette puissance ont été démontrées. «L’ABC est bien toléré et efficace», ajoute-t-il en guise de confirmation.

Résumé

Le dépistage de l’allèle HLA-B*5701 chez les porteurs du VIH en vue d’une réduction des réactions d’hypersensibilité à l’ABC vient modifier la démarche thérapeutique en l’orientant vers une médecine on ne peut plus personnalisée : le choix du médicament est fonction du bagage génétique du patient. Le dépistage pharmacogénétique est une précaution supplémentaire qui consolide l’innocuité des schémas à base d’ABC, ajoutant la prévisibilité à court terme à la confiance à long terme.

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