Comptes rendus

Nouvelles données sur le risque croissant de dysfonction rénale chez les patients atteints du VIH/SIDA

Du traitement de première intention au traitement de consolidation : regard sur l’éventail d’options dans les hémopathies malignes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 49e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology (ASCO)

Atlanta, Géorgie / 8-11 décembre 2007

Traitement de première intention de la LLC à risque élevé L’observation vigilante – le «watchful waiting» de nos homologues anglophones – demeure la conduite à tenir dans la leucémie lymphoïde chronique (LLC), contrairement à d'autres cancers que l'on traite dès le diagnostic. Cette stratégie tient en partie au fait que, souvent, la LLC est asymptomatique au moment du diagnostic et qu'elle demeure indolente. L'âge médian étant d'environ 70 ans au moment où la maladie s’installe, le patient peut fort bien présenter d’autres facteurs de comorbidité et mourir d’une autre cause. En outre, la LLC demeure incurable, sinon on envisagerait assurément un traitement à visée curative, même en l’absence de symptômes.

Les essais avec randomisation réalisés dans les années 1980 ont corroboré la pertinence de l’observation vigilante, aucun n’ayant associé le traitement précoce à un gain de survie. C’était toutefois à l’époque où les chercheurs ne pouvaient pas encore différencier la LLC à faible risque de la LLC à risque élevé, l’évolution indolente étant maintenant considérée comme beaucoup plus improbable dans ce dernier cas. C’est précisément dans la LLC à risque élevé et de mauvais pronostic que l’on délaisse peu à peu l’observation vigilante au profit d’un traitement plus précoce.

À l’heure actuelle, plusieurs essais d’envergure avec randomisation ont pour objectif de déterminer si un traitement amorcé tôt peut se traduire par des différences quant à la survie sans progression (SSP) et à la survie globale (SG) à long terme. Pour l’instant, les résultats de l’étude menée au University of Texas M.D. Anderson Cancer Center – qui ont été présentés par Wierda et al. – témoignent de l’activité prometteuse du protocole CFAR (cyclophosphamide, fludarabine, alemtuzumab et rituximab) dans le traitement de première intention de la LLC à risque élevé.

Lors de cette étude, 47 patients dont la LLC jamais traitée et considérée comme à risque élevé en raison de ses caractéristiques ont reçu le protocole CFAR. Chez 26 patients évaluables, on a obtenu 18 réponses complètes (RC) et sept réponses partielles (RP). L’ajout de l’alemtuzumab au protocole FCR, lequel a été étudié plus à fond, n’a pas exacerbé l’hématotoxicité du traitement ni entraîné un excédent d’infections. Fait probablement important, aucun signe de maladie résiduelle n’a été décelé après l’administration du protocole CFAR chez plus de 80 % des sujets du groupe.

Une étude italienne multicentrique – dont les résultats ont été rapportés par Montillo et al. – a de nouveau confirmé l’activité de la fludarabine, du cyclophosphamide et de l’alemtuzumab dans le traitement de la LLC principalement caractérisée par des indicateurs de mauvais pronostic. Chez 23 patients évaluables, le taux de réponse globale se chiffrait à 74 %, soit 31 % de RC, 39 % de RP, et 4 % de RP nodulaires. Chez quatre des 17 répondeurs, la moelle osseuse ne montrait aucun signe de maladie résiduelle minimale (MRM-) après le traitement. Après un suivi d’une durée médiane de 10 mois, la maladie n’avait toujours pas progressé chez 73 % des répondeurs, et les signes de toxicité étaient traitables pour la plupart.

Dans la LLC précoce et à risque élevé, selon une autre étude de petite envergure, l’association de l’alemtuzumab et du rituximab s’est révélée tout aussi prometteuse en première intention. Comme le soulignent Zent et al., Mayo Clinic College of Medicine, Rochester, Minnesota, 27 patients sur 30 ont répondu à la stratégie des deux anticorps monoclonaux, pour un taux de réponse globale de 90 %. On a signalé des manifestations de toxicité de classe 3 ou 4, mais aucune complication à long terme. La médiane du délai de reprise du traitement n’avait pas encore été atteinte au moment de la présentation des résultats.

Comme l’alemtuzumab agit indépendamment de la voie p53, c’est un choix rationnel dans les cas où la maladie est réfractaire à la fludarabine, dont l’activité pourrait être tributaire de p53. Lors de l’essai CLL2H présenté par Stilgenbauer et al., du groupe d’étude allemand sur la LLC, la médiane de SSP a atteint 7,7 mois chez les 109 patients réfractaires à la fludarabine qui ont reçu de l’alemtuzumab par voie sous-cutanée trois fois par semaine pendant quatre à 12 semaines, tandis que la médiane de SG a atteint 19,1 mois, ce qui montre clairement que l’alemtuzumab est actif dans la LLC réfractaire.

Plusieurs chercheurs se sont aussi penchés sur la pertinence de l’élimination de la MRM, surtout dans la moelle osseuse, en tant qu’objectif thérapeutique après une rechute de la LLC. Lors d’une étude déjà rapportée par Moreton et al. (J Clin Oncol 2005;23:2971-9), la majorité des patients d’un petit sous-groupe qui avait atteint une rémission MRM- grâce à l’alemtuzumab étaient toujours en vie après 60 mois. Selon le suivi que Sayala et son équipe du Royaume-Uni ont réalisé sur cette cohorte MRM- (LLC réfractaire à la fludarabine chez huit des 18 patients), la médiane de survie était, là encore, significativement plus longue chez les patients MRM- que chez les patients MRM+ après un suivi d’une durée médiane de 77 mois. L’intervalle médian précédant le traitement subséquent (excluant la greffe de cellules souches hématopoïétiques [CSH]) a atteint 114 mois.

Dans l’étude de Flowers et al., dont l’objectif était d’évaluer la présence ou l’absence de MRM après un traitement par l’alemtuzumab et la fludarabine dans la LLC en rechute ou réfractaire, le taux de réponse globale a atteint 64 % chez 28 patients évaluables. En outre, chez huit patients évaluables sur 17 de la même série, la moelle osseuse ne présentait aucun signe de MRM. Si cette étude n’a pas permis à Flowers et al. de confirmer que l’absence de MRM est un prédicteur de la survie à long terme, elle leur a néanmoins permis de déterminer que l’évaluation de la MRM dans la moelle osseuse, et non dans le sang périphérique, par la cytométrie en flux à quatre couleurs, et non à deux couleurs, pourrait être plus avantageuse aux fins d’évaluation de la MRM dans les essais cliniques.

Sous la direction de Hopfinger et al., le groupe d’étude allemand sur la LLC s’est pour sa part penché sur la leucémie prolymphocytaire T chez 26 patients qui ont reçu le protocole FMC (fludarabine, mitoxantrone et cyclophosphamide) suivi d’un traitement de consolidation par l’alemtuzumab. Chez 18 patients évaluables, le taux de réponse globale se chiffrait à 66 % après le protocole FMC et à 86 % après le traitement de consolidation par l’alemtuzumab. Les médianes de SG et de SSP étaient respectivement de 19,2 mois et de 10,6 mois. Certains patients ayant rechuté une fois le traitement terminé, les chercheurs ont suggéré d’inclure l’alemtuzumab dans le schéma de première intention et d’ajouter un traitement d’entretien par l’anticorps monoclonal afin d’obtenir des réponses plus durables chez les patients souffrant de cette forme rare, mais agressive de leucémie.

Le risque d’infection grave associé à l’alemtuzumab en traitement de consolidation – comme en font état Lin et al. dans leur analyse provisoire de l’étude CALGB 10101 – a suscité la controverse. Ces chercheurs ont enregistré un taux excessif de toxicité chez les patients qui avaient obtenu une RC après une chimio-immunothérapie d’induction. Selon d’autres chercheurs qui ont évalué la même démarche, par contre, le taux d’infections graves n’était pas anormalement élevé, peut-être parce que l’intervalle séparant le traitement d’induction du traitement de consolidation par l’alemtuzumab était plus long dans ces essais que dans l’étude CALGB 10101. De l’avis de certains chercheurs, on devrait prévoir un intervalle d’au moins cinq à six mois afin de donner au système immunitaire du patient le temps de se reconstituer avant le traitement par l’alemtuzumab.

Alemtuzumab et maladie du greffon contre l’hôte

Comme le soulignent van Besien et al., certains schémas de conditionnement guérissent parfois les patients atteints de leucémie aiguë myéloïde (LAM) et de myélodysplasie, mais la maladie chronique du greffon contre l’hôte (GVH) demeure un défi. Aspirant à en réduire la fréquence, des chercheurs de Chicago (University of Chicago) et du Texas (University of Texas M.D. Anderson Cancer Center) ont comparé les résultats d’un traitement par la fludarabine, le melphalan et l’alemtuzumab avec ceux d’un traitement identique sans alemtuzumab. Les résultats ont montré que l’alemtuzumab n’augmentait pas le risque d’infection opportuniste et qu’il diminuait à la fois la mortalité imputable à la maladie GVH chronique et au traitement. Cela dit, les probabilités de récidive de la maladie étaient plus élevées dans le groupe alemtuzumab.

Radio-immunothérapie et hémopathie maligne

Les anticorps «chauds» qui éliminent non seulement les cellules tumorales auxquelles ils sont fixés, mais aussi les cellules avoisinantes, ont généré pas mal d’intérêt au congrès. Dans leur présentation, Hagenbeek et al. ont expliqué que l’essai FIT (First-line Indolent Trial) portait sur 414 patients souffrant d’un lymphome non hodgkinien (LNH) avancé de type folliculaire qui avaient répondu à un traitement de première intention et qui avaient ensuite reçu soit une perfusion unique d’ibritumomab-Y90, soit aucun autre traitement. Les résultats ont été frappants : la perfusion unique de radio-immunothérapie (RIT) a essentiellement prolongé la SSP de deux ans par rapport à l’autre stratégie. La consolidation de la première RC/RC non confirmée par l’ibritumomab-Y90 a aussi permis d’obtenir la négativité du Bcl-2 à l’amplification génique par PCR dans 90 % des cas où la positivité de bcl-2 persistait après le traitement d’induction, tandis que 77 % des patients en RP ont obtenu une RC non confirmée après la RIT de consolidation. En tout, 87 % des patients ont obtenu une RC/RC non confirmée après la RIT de consolidation, alors que la médiane de SSP est passée à 54,5 mois. On a également signalé des taux très élevés de rémission moléculaire dans le groupe RIT. Par ailleurs, et c’est là un point important, les échelles de qualité de vie liée à la santé ont révélé que les réponses durables associées à la RIT ne s’accompagnaient pas d’une détérioration de la qualité de vie. En effet, les mesures du bien-être étaient quasiment identiques dans les deux groupes, et la diarrhée était nettement moins fréquente dans le groupe RIT que dans le groupe témoin.

Les résultats partiels d’une petite série sur les LNH à risque moyen ou élevé ont révélé que le traitement par la fludarabine et la mitoxantrone suivi d’un traitement par l’ibritumomab-Y90 et d’un traitement d’entretien par le rituximab était associé à une réponse globale de 100 %, soit 70 % de RC et 30 % de RP, chez 20 patients évaluables. Il est intéressant de noter que les taux de RC augmentaient après chaque étape du traitement; comme le précisent les chercheurs du Rush University Medical Center, ce schéma pourrait optimiser les réponses chez les patients atteints d’un LNH à risque plus élevé.

L’ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) a aussi fait état de réponses encourageantes à la chimiothérapie d’induction et au traitement de consolidation par l’ibritumomab-Y90 dans le lymphome du manteau jamais traité. Chez 53 patients évaluables, le taux de réponse de 70 % obtenu après l’administration du protocole R-CHOP (rituximab puis cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone) est passé à 88 % sous l’effet de la RIT. La médiane de SSP – d’une trentaine de mois – était significativement plus longue qu’après l’administration du seul protocole R-CHOP.

Enfin, un schéma de conditionnement constitué d’ibritumomab-Y90 (Z-BEAM), puis d’une autogreffe de CSH a donné lieu à des taux de réponse impressionnants chez des patients dont le lymphome de type folliculaire rechutait ou était devenu réfractaire au traitement, comme l’expliquent Gisselbrecht et al. du GELA (groupe d’étude des lymphomes chez l’adulte). La quasi-totalité des 77 patients a répondu au schéma, obtenant soit une RC, soit une RP, et le protocole Z-BEAM n’a pas entraîné de toxicité excessive. Bien que le suivi ne soit pas suffisamment long, les résultats donnent à penser que l’ibritumomab-Y90 pourrait remplacer la radiothérapie ou l’irradiation corporelle totale à titre adjuvant dans les schémas de conditionnement pour les lymphomes à cellules B.

Considérés en bloc, ces nouveaux résultats fascinants sont très prometteurs. Ils laissent entrevoir la possibilité que les anticorps monoclonaux – tant «froids» que «chauds» – permettent d’obtenir des réponses plus solides et plus durables dans le traitement des hémopathies malignes pour lesquelles nous n’avons toujours pas de solution. -

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