Comptes rendus

Diminution de la protéinurie chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique : nouveau schème de référence
Du traitement de première intention au traitement de consolidation : regard sur l’éventail d’options dans les hémopathies malignes

Nouvelles données sur le risque croissant de dysfonction rénale chez les patients atteints du VIH/SIDA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 15e Congrès sur les rétrovirus et les infections opportunistes

Boston, Massachusetts / 3-6 février 2008

Plusieurs études menées à bien récemment, portant généralement sur un effectif assez vaste, ont confirmé que l’infection à VIH et son traitement augmentent le risque de dysfonction rénale. S’il est à craindre que les complications rénales prendront de l’ampleur à mesure qu’augmentera le nombre de patients infectés par le VIH atteignant l’âge où la dysfonction rénale devient monnaie courante, la prévention des complications pourrait bien être la meilleure conduite à tenir. Sur la foi des nouvelles données, la prévention pourrait consister notamment à préserver la fonction immunitaire, à faire un usage judicieux du ténofovir (TDF) ou d’autres agents réputés pour entraîner une dysfonction rénale et à effectuer un dépistage systématique de la dysfonction rénale.

Point de mire de l’étude de Copenhague

«Il est reconnu que la détérioration de la fonction rénale chez les patients infectés par le VIH résulte des facteurs de risque rénal traditionnels, de l’infection à VIH en tant que telle et de l’exposition aux antirétroviraux», affirme le Dr Ole Kirk, programme anti-VIH de Copenhague, Université de Copenhague, Danemark. En sa qualité d’auteur principal d’une étude sur la corrélation entre la fonction rénale et l’immunodéficience qui regroupait 5526 patients, il précise que des signes de dysfonction rénale ont été observés chez environ 5 % des patients au fil des trois années de suivi, mais qu’un nombre élevé de cellules CD4+ atténuait le risque.

L’étude prospective de Copenhague était conçue expressément pour quantifier l’incidence de la dysfonction rénale et la vitesse de dégradation sur une période de trois ans et pour reconnaître les facteurs de risque associés à la dysfonction rénale. Chez tous les patients, la fonction rénale était évaluée au départ, puis à quatre occasions subséquentes, d’après le taux de filtration glomérulaire estimatif (TFGe), lui-même calculé à l’aide de la formule de Cockcroft et Gault. La détérioration de la fonction rénale se définissait comme deux mesures consécutives du TFGe de £60 mL/min/1,73 m2 ou un déclin confirmé de 25 % du TFGe depuis la dernière mesure. La majorité des patients admis à l’étude étaient déjà sous traitement antirétroviral, et 75 % avaient une charge virale <500 copies de l’ARN du VIH/mL. L’âge médian de la population de l’étude était de 43 ans, et le nombre médian de cellules CD4+, de 453 cellules/mL.

L’incidence de la dysfonction rénale a atteint 2,4 %, et un déclin de 25 % du TFGe a été confirmé au fil du suivi chez une autre tranche de 3,2 % de la population. L’évaluation des facteurs de risque avérés ou soupçonnés de la dysfonction rénale a confirmé qu’un nombre élevé de cellules CD4+ était associé à un risque moindre de dysfonction rénale; dans les faits, le doublement du nombre de cellules CD4+ réduisait le risque de 31 % (taux de risque [hazard ratio ou HR] de 0,69; IC à 95 % : 0,55-0,87; p=0,0034). Un diagnostic préalable de SIDA augmentait le risque de 75 % (HR de 1,75; IC à 95 % : 1,10-2,79; p=0,0002). Au nombre des autres facteurs de risque indépendants d’une dysfonction rénale figuraient un faible TFGe dès le départ, des antécédents d’événement cardiovasculaire et un taux élevé de copies de l’ARN du VIH.

«Les données confirment que l’immunodéficience contribue sensiblement au risque d’atteinte rénale en présence d’une infection à VIH. C’est ce que semblaient indiquer les études antérieures, mais aucune ne l’avait clairement démontré», insiste le Dr Kirk.

Rôle du traitement

D’autres chercheurs se sont livrés à une analyse rétrospective de la fonction rénale chez des patients dont le schéma antirétroviral hautement actif (HAART) comportait du TDF. Des études préalables avaient associé le TDF à un risque accru de dysfonction rénale, mais les estimations du risque relatif manquaient de cohérence. Lors de cette étude, 1742 patients infectés par le VIH qui recevaient un schéma HAART avec TDF et 623 patients infectés par le VIH qui ne recevaient pas de TDF ont été évalués pendant une période dont la durée médiane a atteint 2,7 ans. Au départ, plusieurs caractéristiques pouvant influer sur la fonction rénale différaient d’un groupe à l’autre, mais ces différences ne favorisaient pas systématiquement un groupe aux dépens de l’autre. Plus précisément, même si un nombre moindre de patients du groupe TDF n’avaient jamais reçu d’antirétroviral auparavant, leur nombre de cellules CD4+ était plus élevé, mais la prévalence du diabète était plus élevée chez les patients du groupe TDF. Par contre, toutes les autres caractéristiques, dont les taux sériques de créatinine, de phosphates et de bicarbonates (HCO3), les analyses d’urines et la charge virale, étaient comparables.

«Le risque d’une diminution de 50 % ou plus du TFG était 76 % plus élevé [HR de 1,76; IC à 95 % : 1,10-2,82; p=0,02] chez les patients qui recevaient du TDF que chez ceux qui n’en recevaient pas», rapporte le Dr Michael Horberg, Kaiser Permanente, Oakland, Californie. À l’aide de la base de données de Kaiser Permanente, ce dernier a également montré que le TDF était associé à un risque 90 % plus élevé d’augmentation de la créatininémie de >2,0 mg/dL (>176,8 µmol/L) (HR de 1,9; IC à 95 % : 1,0-3,29; p=0,05).

Autres facteurs de risque

On a aussi comparé les patients quant au risque relatif de survenue du syndrome de Fanconi, qui se définissait comme la présence d’au moins trois critères parmi les cinq suivants sur une période de 30 jours : augmentation du taux sérique de créatinine de 50 % ou de ³0,5 mg/dL (³44,2 µmol/L) ou taux sérique de créatinine >1,5 mg/dL (>132,6 µmol/L), phosphatémie <2,7 mg/dL (<0,87 mmol/L), protéinurie, glycosurie s’accompagnant d’une glycémie normale ou taux de HCO3 <23 mEq/L (<23 mmol/L). Selon cette définition, le risque de survenue du syndrome de Fanconi a presque triplé chez les patients qui recevaient du TDF, par rapport à ceux qui n’en recevaient pas (HR de 2,91; IC à 95 % : 1,80-4,71; p<0,001).

«La protéinurie, un taux sérique élevé de créatinine et le taux de HCO3 étaient les critères définitoires du syndrome de Fanconi les plus fréquents chez les patients sous TDF. La proportion de patients répondant à moins de trois critères était de 16 % dans le groupe TDF vs 28 % (p<0,001) dans l’autre groupe», précise le Dr Horberg. Bien que l’abandon du traitement ait été plus fréquent chez les patients sous TDF (39 % vs 32 %; p<0,001), l’efficacité ne semblait pas en cause, enchaîne-t-il. A contrario, la probabilité d’une charge virale de <75 copies de l’ARN du VIH/mL au moment de l’abandon du traitement était considérablement plus élevée chez les patients qui étaient sous TDF que chez ceux qui ne l’étaient pas (p=0,002).

«Le TDF est hautement efficace, mais il est associé à une détérioration statistiquement significative de la fonction rénale, entre autres à la survenue du syndrome de Fanconi selon notre définition, fait valoir le Dr Horberg. La surveillance étroite de la fonction rénale et des caractéristiques du syndrome de Fanconi chez les patients sous TDF est justifiée.»

Cela dit, les patients ne semblent pas tous exposés au même risque de dysfonction rénale. Aux facteurs de risque que l’on a repérés dans la cohorte de Copenhague s’ajoute le groupe ethnique; en effet, selon l’évaluation des patients traités à la Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland, le risque d’insuffisance rénale (IR) chronique était presque deux fois plus élevé chez les Noirs que chez les Blancs (HR de 1,9; IC à 95 % : 1,2-2,8). L’étude en question regroupait 3332 Noirs et 927 Blancs au sein d’une cohorte de sujets infectés par le VIH, et le suivi de 1990 à 2004 a généré des données équivalentes à 18 778 années-personnes. Pendant cette période, 284 patients, soit 7 % de la cohorte, ont développé une IR chronique et 100 patients (2 %), une IR terminale. Le risque d’apparition d’une protéinurie et de progression vers l’IR terminale était plus élevé chez les Noirs. «Les raisons de cette différence interethnique quant aux taux d’IR chronique ne sont pas claires, mais le suivi a révélé que l’IR était plus agressive et qu’elle progressait plus rapidement vers la phase terminale chez les Noirs, même après prise en compte de l’infection à VIH dans les données», ajoute le Dr Gregory Lucas, professeur agrégé, division des maladies infectieuses, Johns Hopkins University.

Ces résultats montrent que le risque de dysfonction rénale n’est pas réparti également chez les sujets infectés par le VIH et qu’il pourrait être exacerbé par des différences relatives quant à l’immunodéficience relative et aux facteurs de comorbidité. Même si les données générées par les cohortes de Copenhague et de Kaiser Permanente indiquent que certaines caractéristiques pourraient aider les cliniciens à reconnaître les patients exposés à un risque élevé de dysfonction rénale, elles révèlent aussi qu’une dysfonction rénale peut survenir en l’absence de facteurs de risque. Globalement, ces résultats plaident en faveur d’une surveillance systématique de la fonction rénale chez les sujets infectés par le VIH. La détection précoce d’une dysfonction rénale donnerait l’occasion de modifier le traitement et ainsi de ralentir la progression et de diminuer les complications de la phase terminale.

Résumé

Chez les personnes infectées par le VIH, la dysfonction rénale est un problème clinique courant qui peut donner lieu à des complications potentiellement mortelles, même si l’infection demeure bien maîtrisée. Comme c’est le cas pour les maladies cardiovasculaires et hépatiques, qui peuvent aussi menacer le pronostic vital à long terme des personnes infectées par le VIH répondant aux antirétroviraux, la fonction rénale devrait être surveillée de manière systématique chez les personnes infectées par le VIH, à en juger par les nouvelles données. Il est particulièrement important d’opter pour des stratégies qui réduisent le risque de dysfonction rénale chez les sujets exposés d’emblée à un risque élevé.

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