Comptes rendus

Lorsque l’allaitement est impossible, la préparation choisie devrait optimiser la croissance et le développement du nourrisson
Détermination du seuil de régression de l’athérosclérose par le taux de LDL et la coronarographie quantitative

ENHANCE : le traitement hypolipidémiant, au-delà des statines

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Les 57es Séances scientifiques annuelles de l’American College of Cardiology

Chicago, Illinois / 29 mars-1er avril 2008

Bien qu’elle ait porté sur une population très spécifique dont l’échantillon était restreint, l’étude ENHANCE (Ezetimibe and Simvastatin in Hypercholesterolemia Enhances Atherosclerosis Regression) et ses répercussions sur la pratique clinique ont été scrutées à la loupe dans le cadre du congrès. Cette étude – dont les résultats viennent d’être publiés (Kastelein et al. N Engl J Med 2008;358(14):1431-43) – regroupait 720 patients présentant une hypercholestérolémie familiale, qui se définit comme une prédisposition génétique assez rare à l’hypercholestérolémie. Après randomisation, les sujets recevaient 80 mg de simvastatine en monothérapie ou 80 mg de simvastatine en association avec 10 mg d’ézétimibe et faisaient l’objet d’un suivi échographique visant à déterminer les variations de l’épaisseur intima-média (EIM) carotidienne. Comme on s’y attendait, le traitement d’association a autorisé une baisse supplémentaire de 16,5 % du taux de LDL, mais l’athérosclérose telle que mesurée par l’EIM carotidienne n’a pas régressé comme cela avait été le cas lors d’études préalables sur le traitement hypolipidémiant.

L’optimisation du bilan lipidique demeure primordiale

Ce résultat étonnant aura, semble-t-il, plus d’impact sur les théories de la dynamique des plaques d’athérosclérose que sur la pratique clinique. L’importance d’atteindre les taux cibles de LDL demeure inchangée, même en présence d’hypercholestérolémie familiale.

«Chez ces patients, même la dose maximale d’une statine ne permet pas d’atteindre le taux cible de LDL. [L’ajout d’]ézétimibe est donc la seule façon d’y arriver», explique l’investigateur principal de l’étude ENHANCE, le Dr John J.P. Kastelein, Centre médical universitaire, Utrecht, Pays-Bas. Ce dernier précise par ailleurs qu’il n’a aucunement l’intention de changer ses habitudes de pratique et qu’il continuera donc d’associer une statine et l’ézétimibe, inhibiteur de l’absorption du cholestérol, lorsqu’un traitement d’association s’impose pour atteindre les cibles thérapeutiques chez un patient atteint d’hypercholestérolémie familiale.

Bien qu’aucun sondage ne l’ait confirmé, les commentaires de nombreux congressistes donnent tout lieu de croire que la plupart des autres experts sont aussi d’avis que les résultats de l’étude ENHANCE ne diminuent en rien l’importance d’atteindre les taux cibles de LDL et que l’ézétimibe devrait être associé à une statine lorsque la dose maximale tolérée de cette statine ne permet pas d’atteindre les taux cibles. Les experts que l’on a invités à une discussion officielle sur les résultats de l’étude ENHANCE ont déclaré que les nouvelles données soulignent l’importance d’utiliser la dose maximale d’une statine – cette stratégie ayant fait la preuve qu’elle abaisse le taux de mortalité – avant d’y ajouter de l’ézétimibe. Ils ont toutefois répété à maintes reprises que les taux cibles de LDL préconisés dans les lignes directrices actuelles demeurent inchangés. Si les experts insistent sur l’importance de prescrire une statine à la dose maximale, c’est qu’il est monnaie courante aux États-Unis d’associer une statine à faible dose et l’ézétimibe. Cette pratique s’est répandue aux États-Unis en raison de la commercialisation d’un comprimé associant les deux agents, mais elle n’est pas très courante au Canada.

«Le médecin doit optimiser le traitement en prescrivant la dose maximale tolérée d’une statine afin que le patient atteigne le taux cible dicté par son risque clinique. Lorsque ce taux cible ne peut être atteint, soit à cause des effets indésirables du traitement, soit à cause d’interactions médicamenteuses, on doit se tourner vers un traitement d’appoint», affirme l’un des experts invités, le Dr Patrick T. O’Gara, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. Au dire d’un autre expert, le Dr Joseph Messer, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois, on ne doit pas lire dans les résultats de l’étude ENHANCE des choses qui n’y sont pas. «L’hypothèse du taux des LDL tient toujours», dit-il.

Au Canada, il est actuellement recommandé de prescrire la dose maximale tolérée d’une statine avant d’y ajouter un traitement d’appoint, l’ézétimibe par exemple, pour atteindre le taux cible de LDL. Bien que ces recommandations proviennent en grande partie d’essais sur des statines, les données ne laissent planer aucun doute. Les résultats de l’étude ENHANCE – dont les paramètres n’étaient pas de nature clinique – ne modifient pas cette démarche thérapeutique. L’inhibiteur de l’absorption du cholestérol demeure un outil important pour atteindre le taux cible de LDL chez la proportion substantielle de patients pour qui une statine en monothérapie ne suffit pas.

Si plusieurs déclarations ont été faites au congrès, l’une des critiques les plus virulentes est la remise en question d’un traitement d’association énergique vu l’absence de données confirmant le bénéfice clinique hors de tout doute. Cependant, même le plus ardent défenseur de cette position, le Dr Harlan Krumholz, professeur titulaire de cardiologie, Yale School of Medicine, New Haven, Connecticut, reconnaît que les marqueurs de substitution sont essentiels à l’avancement des traitements cliniques en attendant la tenue d’essais permettant d’évaluer les événements cliniques. Dans l’une de ces études en cours, intitulée IMPROVE-IT (Improved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial), les patients reçoivent aléatoirement 10 mg d’ézétimibe plus 40 mg de simvastatine ou 40 mg de simvastatine seule. Déjà 11 000 des 18 000 patients prévus ont été recrutés. Le paramètre principal de cette étude de prévention secondaire regroupe la mort, l’infarctus du myocarde ainsi que la réhospitalisation pour un syndrome coronarien aigu ou une intervention de revascularisation (survenant 30 jours ou plus après l’événement de référence).

Dans son évaluation fort critique du rôle de l’ézétimibe, le Dr Krumholz estime essentiel de sensibiliser les patients aux limites de nos connaissances sur la baisse des taux de cholestérol et insiste sur le fait que la plupart des données à l’appui du bénéfice associé à la baisse du taux de LDL proviennent d’essais sur les statines. Si le médecin envisage de prescrire de l’ézétimibe, le Dr Krumholz recommande d’informer le patient que la baisse du taux de LDL qui en résulte n’a pas fait la preuve de son effet bénéfique dans le cadre d’un essai avec paramètres cliniques. S’il reconnaît qu’il y a de «très bonnes chances» pour que les patients optent pour un traitement recommandé sur la foi de critères de substitution, il estime qu’ils doivent tout de même avoir toute l’information en main pour faire un choix éclairé.

Résultats de l’étude ENHANCE : EIM carotidienne

L’ézétimibe s’est révélé très efficace pour abaisser les taux lipidiques lors de l’étude ENHANCE. À l’instar des études qui ont autorisé l’homologation de cet agent de la catégorie des inhibiteurs de l’absorption du cholestérol alimentaire, l’ajout de l’ézétimibe a non seulement permis une baisse de 16,5 % du taux de LDL, mais aussi une baisse de 25,7 % du taux de protéine C-réactive, marqueur important de l’activité inflammatoire, et une baisse de 6,6 % du taux de triglycérides. De telles baisses laisseraient présager un ralentissement prononcé de la progression de l’EIM carotidienne si l’on en juge par une étude préalable sur l’hypercholestérolémie familiale. L’absence d’effet dans l’étude ENHANCE est toutefois moins surprenante si l’on examine de très près les différences entre les populations de l’étude. Les sujets de l’étude précédente intitulée ASAP (Atorvastatin vs. Simvastatin on Atherosclerosis Progression) présentaient au départ une EIM carotidienne plus élevée et avaient jusque-là été moins exposés aux statines.

«Les sujets de l’étude ENHANCE présentaient en revanche une EIM carotidienne initiale qui était en moyenne de 0,7 mm – donc beaucoup plus mince que celle des sujets de l’étude ASAP – et qui était plus faible que ce à quoi l’on s’attendait. Cette observation vient étayer l’hypothèse voulant que la déplétion antérieure des plaques en lipides explique les résultats de l’étude ENHANCE», soulignent les Drs B. Greg Brown, professeur titulaire de médecine, University of Washington, Seattle, et Allen J. Taylor, Uniformed Services University of the Health Sciences, Bethesda, Maryland. Dans leur évaluation des résultats de l’étude ENHANCE, ils indiquent que les explications plausibles des résultats et l’importance déjà démontrée de la baisse du taux de LDL devraient faire pencher la balance en faveur de l’utilisation d’ézétimibe dans la pratique clinique (Brown GB, Taylor AJ. N Engl J Med 2008; 358(14):1504-7). En vertu de l’une de ces explications, et non la moindre, il est probable que l’intima-média ne régresse pas en deçà d’une certaine limite à cause de la chape fibreuse et du tissu cicatriciel qui caractérisent l’athérosclérose et qui sont peu susceptibles de disparaître, peu importe l’ampleur de la baisse des taux lipidiques.

Innocuité confirmée

D’ici la publication des résultats d’essais avec paramètres cliniques, le profil d’innocuité de l’ézétimibe est l’une des raisons pour lesquelles on devrait continuer d’utiliser cet agent afin d’atteindre les taux cibles de LDL. Lors de l’étude ENHANCE, le taux d’effets indésirables était plus faible dans le groupe simvastatine/ézétimibe que dans le groupe simvastatine seule, quoique l’écart n’ait pas atteint le seuil de signification statistique (8,1 % vs 9,4 %, respectivement; p=0,56). La proportion de patients ayant dû abandonner le traitement en raison d’élévations consécutives du taux d’alanine aminotransférase était aussi presque identique dans les deux groupes sur le plan statistique (2,8 % vs 2,2 %, respectivement; p=0,62). Une élévation du taux de créatine kinase supérieure à 10 fois la limite normale supérieure a été signalée chez deux fois plus de patients du groupe statine seule, mais là encore, la différence n’était pas significative (1,1 % vs 2,2 %, respectivement; p=0,25). Dans l’ensemble, fait valoir le Dr Kastelein, il est ressorti de l’étude que «ce traitement d’association chronique n’entraînait aucun problème d’innocuité».

Résumé

Dans un essai qui portait sur 720 patients présentant une hypercholestérolémie familiale, l’administration concomitante d’ézétimibe et de simvastatine n’a pas permis de prévenir davantage l’épaississement de l’intima-média carotidienne que la simvastatine seule, malgré la baisse plus marquée du taux de LDL. Ce résultat, quoique inattendu, pourrait s’expliquer par la faible EIM carotidienne initiale des sujets de l’étude, lesquels recevaient déjà un traitement énergique par une statine. En tant que marqueur de substitution, la régression de l’EIM est rassurante quant à l’activité d’un traitement hypolipidémiant, mais ce sont les événements cliniques qui comptent en définitive. Les nouvelles observations ne modifient en rien l’importance d’atteindre le taux cible de LDL grâce aux traitements actuels, dont l’ézétimibe fait partie.

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