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Essais de phase III sur l’hypertension artérielle pulmonaire conçus pour évaluer la protection contre la progression de la maladie plutôt que la maîtrise des symptômes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 35e Congrès annuel de la European Society of Cardiology (ESC)

Amsterdam, Pays-Bas / 31 août-4 septembre 2013

Amsterdam - Dans l’hypertension artérielle pulmonaire, la majorité des essais sont maintenant conçus pour évaluer la protection contre la progression de la maladie plutôt qu’une simple maîtrise des symptômes, à en juger par les données présentées au congrès. Ce changement de cap découle directement d’une déclaration consensuelle d’experts publiée en 2009 (McLaughlin et al. J Am Coll Cardiol 2009;54[suppl]:S97-107). Avant cette recommandation, la distance parcourue au test de marche de 6 minutes était le paramètre principal de la quasi-totalité des essais, emboîtant ainsi le pas au premier essai de phase III ayant mené à l’homologation d’un agent indiqué expressément pour le traitement de l’HTAP (Barst et al. N Engl J Med 1996;334:296-301). Après la recommandation de 2009, les essais ont été nombreux à évaluer la mortalité et d’autres événements importants regroupés dans un paramètre principal mixte. Les résultats des premiers essais «de nouvelle génération» – notamment une comparaison directe de deux agents déjà homologués et un essai de phase III sur un nouvel antagoniste des récepteurs de l’endothéline – ont été présentés au congrès. 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’homologation de l’époprosténol, analogue de la prostacycline, a marqué le début de l’ère moderne du traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), le traitement ayant été associé après 12 semaines à une augmentation de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes (TM6M) (Barst et al. N Engl J Med 1996;334:296-301). Plusieurs essais subséquents sur l’HTAP ont reposé sur le même paramètre fonctionnel, mais la tendance a désormais été renversée. La quasi-totalité des nouveaux essais sur le traitement de l’HTAP présentés au congrès 2013 de l’ESC étaient axés sur la survenue d’événements plutôt que sur une amélioration fonctionnelle après 6 mois de traitement ou plus. En se concentrant sur les événements plutôt que sur les symptômes, les cliniciens seront mieux outillés pour sélectionner les traitements les plus susceptibles de ralentir la progression de la maladie.

Dans le cadre d’un essai où l’on comparait nez à nez le bosentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline (ARE), au sildénafil, inhibiteur de la phosphodiestérase-5 (PDE-5), la distance parcourue au TM6M servait de paramètre provisoire pour l’analyse des données à court terme, mais l’évaluation globale à long terme du traitement reposait sur le délai d’aggravation clinique (paramètre principal mixte), Mazzanti et al. ESC 2013, résumé 1063). Les 205 sujets atteints d’HTAP de cet essai ouvert ont été randomisés de façon à recevoir 125 mg de bosentan 2 fois/jour ou 20 mg de sildénafil 3 fois/jour. Les résultats à court terme, à savoir la distance parcourue au TM6M – qui n’ont fait ressortir aucune différence entre les deux agents – avaient été présentés antérieurement.

Performance similaire de l’ARE et de l’inhibiteur de la PDE-5

Après un suivi d’une durée moyenne de 26 mois, les traitements se sont révélés étonnamment similaires sur le plan de la survie sans événement (SSE). La médiane du délai d’aggravation clinique – auquel la mort toutes causes confondues, l’hospitalisation pour aggravation de l’HTAP ou l’ajout d’un nouveau traitement pour l’HTAP, selon la première des éventualités, met un terme – ne peut pas encore être calculée en raison du faible nombre d’événements survenus à ce jour, mais la SSE à 2 ans se chiffrait à 72 % chez les sujets sous bosentan et à 73 % chez les sujets sous sildénafil.

«Le bosentan et le sildénafil sont à peu près aussi efficaces l’un que l’autre si l’on en juge par l’évaluation des paramètres fonctionnels à court terme et de l’aggravation clinique à long terme», explique la Dre Gaia Mazzanti, Département de médecine expérimentale, diagnostique et spécialisée, Università di Bologna, Italie. Les taux de SSE à 3 ans ont été estimés à 41 % sous bosentan et à 47 % sous sildénafil, ce qui ne représente pas un écart significatif, souligne-t-elle. Le taux de survie globale à 3 ans a pour sa part été estimé à 71 % et à 81 %, respectivement; là encore, l’écart n’était pas significatif.

Ces données semblent indiquer que l’ARE et l’inhibiteur de la PDE-5 évalué dans cette étude confèrent une protection similaire contre la progression malgré des modes d’action différents, mais le stade de la maladie au moment de l’admission à l’étude – légère à modérée le plus souvent – pourrait expliquer le faible taux d’événements. Au sein de cette population, 46 % des sujets appartenaient à la classe fonctionnelle I ou II, et l’âge moyen était de 53 ans. La distribution des causes de l’HTAP reflétait la réalité assez fidèlement. Plus précisément, 41% des HTAP étaient idiopathiques, 25 % étaient familiales et 18 % étaient liées à une maladie du tissu conjonctif; une autre étiologie était en cause dans les autres cas.

Essai de phase III axé sur la survenue d’événements dans l’HTAP

Le premier essai de phase III à utiliser un principal paramètre mixte axé sur la survenue d’événements cliniques plutôt que sur la maîtrise des symptômes a aussi été présenté au congrès. Intitulé SERAPHIN (Study with an Endothelin Receptor Antagonist in Pulmonary Arterial Hypertension to Improve Clinical Outcome), l’essai visait à évaluer le macitentan, un ARE expérimental, et a été publié quelques jours avant la tenue du congrès de l’ESC (Pulido et al. N Engl J Med 2013;369:809-18). Ses principales conclusions ont été étayées par les résultats de plusieurs études satellites présentées au congrès.

L’une de ces études satellites a reconfirmé les limites de la distance parcourue au TM6M en tant qu’outil pronostique (Galiè et al. ESC 2013, résumé 1061). Dans le cadre de l’essai SERAPHIN, le paramètre principal mixte regroupait la mort, la septostomie auriculaire, la transplantation pulmonaire, la mise en route d’un traitement par prostanoïde ou l’aggravation de l’HTAP, alors que dans l’étude satellite, la distance parcourue au TM6M a été évaluée à la lumière du paramètre mixte.

Selon les principaux résultats de l’essai SERAPHIN – dont les 742 sujets avaient été randomisés de façon à recevoir 10 mg de macitentan, 3 mg de macitentan ou un placebo –, la plus forte dose de macitentan a été associée à une diminution de 45 % du risque relatif de survenue de l’un des événements du paramètre mixte (HR 0,55; IC à 95 % : 0,39 – 0,76; p<0,001) par rapport au placebo; il n’y avait toutefois aucune corrélation avec la variation de la distance parcourue au TM6M après 3 ou 6 mois de traitement. Bien que la distance initiale parcourue au TM6M ait eu une valeur pronostique dans cet essai comme dans d’autres essais, la variation de la distance parcourue sous traitement – lorsque comparée par quartile – n’en avait aucune. Ces données sont venues renforcer la recommandation consensuelle des experts en 2009, à savoir que l’évaluation de la distance parcourue au TM6M devait faire place à l’évaluation d’événements afin que l’on puisse déterminer si les traitements évalués pouvaient infléchir l’évolution naturelle de l’HTAP.

Dans le cadre d’une deuxième étude satellite de SERAPHIN – pour laquelle 187 des 742 sujets ont été évalués par cathétérisme cardiaque droit – , les deux doses de macitentan ont été associées à une amélioration durable des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) et de l’index cardiaque par rapport aux valeurs initiales (p<0,0001 vs placebo dans les deux cas) alors que le placebo a été associé à une détérioration de ces deux mêmes paramètres hémodynamiques (Torbicki et al. ESC 2013, résumé 1062). La mise en évidence d’une variation favorable de paramètres hémodynamiques qui témoignent du risque de changement structural du cœur et des poumons est compatible avec les efforts que l’on déploie pour mieux comprendre la capacité relative des traitements contre l’HTAP de prévenir la progression de la maladie.

Suivi des événements dans les essais de phase III sur le tadalafil

De nouvelles données du programme de recherche de phase III sur le tadalafil, inhibiteur de la PDE-5, présentées au congrès étaient aussi axées sur la survenue d’événements à long terme (Galiè et al. ESC 2013, résumé 338). Le premier essai avec placebo et randomisation – intitulé PHIRST – utilisait comme paramètre la variation de la distance parcourue au traditionnel TM6M après 16 semaines pour évaluer l’effet bénéfique du traitement, alors que le deuxième essai – PHIRST-2 – était un suivi ouvert visant à recueillir des données sur l’innocuité et la protection à long terme contre les événements. Les événements surveillés étaient notamment la mort, la transplantation pulmonaire, la septostomie auriculaire, l’hospitalisation pour cause d’HTAP ou une aggravation de la maladie nécessitant un nouveau traitement contre l’HTAP.

Parmi les 286 sujets inscrits à l’étude, 217 (76 %) étaient évaluables après un suivi d’une durée moyenne de 818 jours d’exposition (62 % des patients ayant commencé à recevoir du tadalafil dans l’essai PHIRST-2 recevaient déjà du bosentan), précise le Dr Nazzareno Galiè, professeur agrégé, Università di Bologna, Italie, qui présentait aussi ces données. La probabilité observée d’absence d’événement était de 80 % à 1 an, de 64 % à 2 ans et de 56 % à 3 ans. La plupart des événements survenus durant le suivi étaient des aggravations nécessitant l’instauration d’un nouveau traitement contre l’HTAP, mais le décès représentait 14 % des cas de détérioration. De l’avis du Dr Galiè, le taux de probabilité de survie à 4 ans – 73 % – est compatible avec les résultats associés aux autres traitements actifs.

Dans un essai de phase III en cours sur le tréprostinil injectable par voie sous-cutanée dans le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique inopérable, le paramètre principal est la variation de la distance parcourue au TM6M plutôt que la survenue d’événements, mais on mesure cette variation après 6 mois plutôt qu’après 12 ou 16 semaines de suivi – jadis la norme dans les essais de phase III. De plus, au nombre des paramètres secondaires de cet essai figure la stabilisation physiologique telle que mesurée par les paramètres hémodynamiques (Sadushi-Kolici et al. ESC 2013, résumé 1065).  L’analyse intermédiaire présentée au congrès – qui portait sur 54 des 92 patients inscrits à l’étude – a révélé que l’activité de la dose cible de 30 ng/kg/min était encourageante, cette dernière ayant été associée après 6 mois à une augmentation de la distance parcourue au TM6M et à une amélioration des RVP. Dans le groupe témoin, la distance parcourue au TM6M est restée globalement inchangée alors que les RVP se sont détériorées par rapport aux valeurs initiales.

Conclusion

Depuis que des experts ont recommandé à l’unanimité il y a 4 ans que les traitements soient évalués en fonction de leur capacité à prévenir les événements liés à l’HTAP plutôt qu’à simplement maîtriser les symptômes, les premiers essais à appliquer ce principe arrivent à terme. Ces essais peuvent nous aider à mieux comprendre la capacité relative des options thérapeutiques à prévenir la progression de la maladie, objectif important en présence d’un processus morbide irréversible. Parmi les essais que l’on a présentés au congrès 2013 de l’ESC figuraient une comparaison directe de deux traitements homologués, un essai de phase III sur un ARE expérimental avec placebo et un essai de phase III sur un inhibiteur de la PDE-5. 

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