Comptes rendus

Essais de phase III sur l’hypertension artérielle pulmonaire conçus pour évaluer la protection contre la progression de la maladie plutôt que la maîtrise des symptômes
Traitements ciblés dans les GIST et les CCR métastatiques

Le point sur la sensibilité aux antifongiques et la prise en charge des populations particulières

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Semaine des maladies infectieuses - Infectious Diseases Society of America (IDSA)

San Francisco, Californie / 2-6 octobre 2013

San Francisco - L’incidence croissante des infections fongiques invasives en général et de l’aspergillose invasive (AI) en particulier – que l’on attribue à l’utilisation de plus en plus fréquente des traitements immunosuppresseurs – pourrait donner lieu en parallèle à une augmentation des espèces résistantes. La crainte que suscite ce risque amène les experts à insister sur l’importance du choix d’un traitement optimal dont la dose et la durée sont optimales. Durant la semaine des maladies infectieuses, plusieurs communications ont porté sur les stratégies de traitement efficaces et inefficaces. Contre toute attente, l’étude des données d’un registre a permis de constater que l’ajout d’un agent au traitement de référence pour l’AI n’améliorait en rien les taux de guérison chez les transplantés d’organe solide. Dans une deuxième étude, les chercheurs ont constaté qu’une technique inappropriée annulait souvent les avantages éventuels du monitoring thérapeutique. Selon une troisième étude sur le risque d’issue défavorable chez des insuffisants rénaux atteints d’AI, la présence d’une atteinte rénale n’était pas prédictive de mauvais résultats du traitement de première intention, à plus forte raison lorsque le traitement était administré par voie intraveineuse. 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Surveillance de la sensibilité aux antifongiques

Chez les patients atteints d’aspergillose invasive (AI), il est essentiel d’instaurer sans délai le traitement antifongique le plus approprié qui soit afin de réduire le risque de décès. C’est pourquoi l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) recommande maintenant dans son guide de pratique qu’un traitement antifongique de première intention soit instauré en cas d’AI probable ou possible, avant la confirmation diagnostique (Walsh et al. Clin Infect Dis 2008;46:327-360). De nouvelles données épidémiologiques sont venues étayer la séquence des traitements recommandés, aspect qui pourrait revêtir une importance encore plus grande au vu de la crainte que la non-optimisation des traitements antifongiques donne lieu à l’émergence de souches résistantes avec le temps.

«Malgré la faible prévalence de la résistance aux antifongiques parmi les isolats provenant d’infections fongiques, une surveillance rigoureuse semble prudente en raison des taux croissants d’AI à l’échelle mondiale», souligne Mariana Castanheira, Ph.D., chercheuse principale, Section des études moléculaires, JMI Laboratories, North Liberty, Iowa. Lorsqu’elle a présenté ses données sur 1714 isolats provenant d’infections fongiques invasives (IFI) et comprenant 107 espèces responsables d’AI, Mme Castanheira a souligné que les concentrations minimales inhibitrices témoignaient d’une sensibilité acceptable aux échinocandines et aux dérivés azolés, y compris le voriconazole, que l’IDSA recommande dans son guide de pratique pour le traitement de première intention de plusieurs formes d’AI.

Cette étude avait pour objectif de mesurer la sensibilité de tous les isolats à trois dérivés azolés – le voriconazole, le posaconazole et le fluconazole – et à trois échinocandines – l’anidulafungine, la caspofongine et la micafungine. Les chercheurs ont observé une résistance au fluconazole d’espèces de Candida, C. tropicalis par exemple, dans les isolats de cinq pays, y compris les États-Unis, et une augmentation des taux de résistance de plusieurs autres espèces de Candida, comme C. glabrata, depuis leur dernière évaluation. Les taux de sensibilité des diverses espèces de Candida aux échinocandines étaient d’au moins 97,4 %. Le voriconazole était actif contre toutes les candidoses et les aspergilloses invasives, mais comme d’autres antifongiques, il n’était pas associé à une couverture uniforme des moisissures rares.

«Il est important de surveiller l’émergence de souches résistantes parce que les IFI sont devenues une cause majeure de morbi-mortalité chez les patients immunodéprimés, précise Mme Castanheira. À en juger par nos données, les taux d’isolats résistants demeurent faibles, mais l’incidence globale des IFI est à la hausse, et il pourrait en résulter une pression de sélection des souches résistantes.»

L’utilisation d’un traitement optimal à une dose suffisante est l’un des moyens à notre disposition pour combattre la résistance. Dans ses recommandations factuelles, l’IDSA préconise le voriconazole comme traitement de première intention des aspergilloses pulmonaires invasives et de plusieurs autres types d’AI, comme les AI du système nerveux central. Il y a toutefois des exceptions, notamment l’aspergillose cardiaque invasive, pour laquelle aucun antifongique particulier n’est recommandé en première intention, et l’aspergillose bronchopulmonaire allergique, pour laquelle l’itraconazole est le premier choix.

Transplantation d’organe solide : monothérapie vs bithérapie

L’analyse des données d’un registre semble indiquer que l’association du voriconazole et d’une échinocandine à des fins d’intensification du traitement d’une AI n’est pas une stratégie valable d’amélioration des résultats, à tout le moins à la suite de la transplantation d’un organe solide.

Compte tenu des taux élevés de morbi-mortalité secondaire à l’AI chez les patients sous immunosuppresseurs après une transplantation d’organe solide, l’intensification du traitement est une option séduisante. Les essais prospectifs sont loin d’être faciles à réaliser au sein de cette population en raison des difficultés que pose la randomisation et du vaste éventail de variables qui peuvent influer sur les résultats, mais les données du registre de l’Alliance PATH (Prospective Antifungal Therapy) – qui regroupe 25 centres aux États-Unis et au Canada – ont permis d’évaluer l’utilisation empirique du voriconazole en association avec une échinocandine. Cette stratégie est monnaie courante, comme en témoignent les données du registre, 50 des 145 cas d’AI chez des transplantés d’organe solide ayant été traités par l’association du voriconazole et d’une échinocandine sur une période de 4 ans.

L’évaluation des données en fonction d’un paramètre principal mixte qui regroupait la mort ou l’absence de réponse – par opposition à une réponse complète ou partielle après 12 semaines de traitement antifongique – a permis de définir des scores de propension déterminant la probabilité d’obtention de bons résultats avec le voriconazole en bithérapie ou en monothérapie. Comme l’a souligné le Dr Shahid Husain, Division des traitements expérimentaux – Infectiologie et immunologie, Toronto General Research Institute, University of Toronto, le taux brut de résultats favorables à 12 semaines s’élevait à 34 % pour la bithérapie et à 32 % pour la monothérapie. L’écart n’était pas significatif, pas plus que ne l’était l’écart stratifié selon le score de propension, lequel prend en compte le biais de sélection reposant sur des facteurs prédictifs d’une issue défavorable.

«Bien que nous ayons eu recours à l’une des cohortes les plus vastes de transplantés d’organe solide, la comparaison de la bithérapie voriconazole + échinocandine et du voriconazole en monothérapie dans le traitement de l’AI n’a pas réussi à objectiver un avantage de la bithérapie», poursuit le Dr Husain.

Monitoring thérapeutique : l’importance de procédures standardisées dans un établissement

Le monitoring thérapeutique est une stratégie qui permet d’améliorer les résultats du traitement de l’AI, mais son utilité demeure incertaine en tant qu’outil de routine, même dans un contexte où les interactions médicamenteuses ou le risque d’effet indésirable sucitent des inquiétudes. Selon les recommandations de l’IDSA, il «pourrait être utile» de mesurer les concentrations sériques du médicament pour s’assurer d’une exposition suffisante au médicament, «surtout» dans les cas d’infection progressant sous traitement oral, mais l’IDSA ne préconise pas d’analyse systématique. Dans la pratique clinique, la progression de l’infection semble être un motif courant de dosage des concentrations sériques, mais une étude présentée durant la Semaine des maladies infectieuses donne tout lieu de croire que les analyses sont souvent mal exécutées.

«Dans notre établissement, nous avons pris l’habitude il y a plusieurs années d’ajuster la dose de voriconazole en fonction des creux sériques, mais la décision est laissée à la discrétion du clinicien», affirme Mildred Vicente, Pharm.D., Département de pharmacie, University of Chicago School of Medicine, Chicago, Illinois. Cela dit, en examinant cette pratique de plus près, nous avons constaté que «la dose était souvent ajustée en fonction de concentrations ne correspondant pas aux creux sériques, ce qui est inapproprié».

Dans cette étude regroupant 86 sujets sous voriconazole, 42 ont fait l’objet d’un monitoring thérapeutique. La fréquence du monitoring thérapeutique était significativement plus élevée chez les patients souffrant d’une hémopathie maligne et les patients ayant des antécédents d’IFI. La durée médiane du traitement par le voriconazole était aussi significativement plus longue (8,5 vs 4 jours; p=0,03) chez les patients surveillés par monitoring thérapeutique. Lorsque les chercheurs ont examiné de plus près le moment où l’on avait eu recours au monitoring thérapeutique, ils ont constaté que seulement 54 % des dosages avaient été réalisés au moment d’un creux théorique, ce qui veut dire que 46 % des dosages ont été réalisés à un autre moment.

Il peut être utile de doser les concentrations sériques pour confirmer qu’elles se situent dans les limites thérapeutiques lorsqu’une infection progresse ou que le patient est aux prises avec un effet indésirable évitable, mais «les établissements qui optent pour le monitoring thérapeutique du voriconazole doivent standardiser leur façon de faire, y compris le moment où l’on doit avoir recours au monitoring thérapeutique et l’ajustement de la dose à effectuer en fonction des résultats», conclut Mme Vicente.

La présence d’une atteinte rénale justifie le recours au monitoring thérapeutique. Dans ses recommandations sur l’utilisation du voriconazole par voie intraveineuse (i.v.). l’IDSA met les médecins en garde contre l’accumulation rénale du véhicule utilisé dans la préparation de voriconazole, c’est-à-dire le sel de sodium de l’éther butylsulfonique de la bêta-cyclodextrine, dont l’élimination se fait par le rein. Cependant, une étude menée chez 63 insuffisants rénaux sous voriconazole pour une AI possible, probable ou prouvée a objectivé un taux de néphrotoxicité de 3 % associé à la préparation i.v. et un taux de 8 % associé à la préparation orale. Une analyse de régression logistique n’a pas associé la néphrotoxicité à un risque accru de mortalité dans l’un ou l’autre groupe.

À la lumière de ces données, «notre étude semble indiquer que l’utilisation du voriconazole i.v. en présence d’une atteinte rénale semble sûre comparativement au voriconazole oral», affirme la Dre So-Youn Park, Département d’infectiologie, Faculté de médecine de l’Université d’Ulsan, Séoul, Corée du Sud. Ces données ne remettent pas en cause l’utilité du monitoring thérapeutique en présence d’une atteinte rénale, mais elles évoquent un faible risque global de néphrotoxicité.

Conclusion

On s’attend à ce que les taux d’IFI demeurent à la hausse en raison de l’utilisation répandue des immunosuppresseurs pour diverses maladies fréquentes chez les sujets âgés. La surveillance actuelle des isolats fongiques donne tout lieu de croire qu’ils demeurent très sensibles aux antifongiques d’usage courant, mais la prudence s’impose si l’on souhaite que le traitement demeure efficace. Une bonne connaissance des recommandations officielles comme celles de l’IDSA et leur mise en application contribueront assurément à la diminution de la morbi-mortalité associée aux AI et à d’autres infections fongiques sévères.

               


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