Comptes rendus

L’évaluation systématique de l’état nutritionnel, pour lutter contre la morbi-mortalité évitable liée à la malnutrition

Exacerbations et inflammation dans la MPOC : perspectives thérapeutiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence Better Breathing 2011

Toronto, Ontario / 27-29 janvier 2011

Au Canada, le fardeau économique des exacerbations de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est estimé à plus de 1,5 milliard de dollars par an (Mittman et al. Respir Med 2008;102: 413-21). En 2020, selon les données de 2007 de l’Agence de santé publique du Canada, la MPOC occupera la troisième place parmi les principales causes de décès, passant ainsi devant les AVC.

Importance de la réduction des exacerbations

Le Dr Charles Chan, professeur titulaire de médecine, Division de pneumologie, UHN-Toronto General Hospital, Ontario, a présenté les données d’un examen de la pratique effectué entre juin et octobre 2010 par 58 pneumologues répartis dans l’ensemble du Canada et regroupant 931 patients atteints de MPOC.

Selon la spirométrie de la dernière visite, 83 % des 476 patients concernés étaient atteints de MPOC modérée ou sévère. De plus, 57 % des patients inclus dans l’évaluation avaient eu une exacerbation au cours des 12 derniers mois, dont 67 % étaient sévères ou très sévères. Les exacerbations doivent être dans notre ligne de mire, car elles sont responsables de la majeure partie des coûts de la maladie, souligne le Dr Chan.

Rôle de l’inflammation

Le Dr Alan Kaplan, président, Regroupement canadien des médecins de famille en santé respiratoire, Richmond Hill, Ontario, et membre du comité scientifique de l’étude, a fait état des premiers résultats d’un sondage en ligne mené dans 14 pays et incluant notamment 150 patients et 100 médecins du Canada. Le patient type était âgé de 53 ans et présentait au moins deux symptômes parmi les suivants : dyspnée à l’effort, expectorations/mucosités, toux chronique ou incommodante, ou gêne respiratoire à la marche et infections respiratoires périodiques, surtout en hiver. Au chapitre des exacerbations, 60 % des patients en avaient eu une au cours de la dernière année et 40 % en avaient eu au moins deux.

Il ressort également de l’étude que les patients atteints de MPOC ne comprenaient pas vraiment le rôle de l’inflammation chronique, les exacerbations et leurs conséquences à long terme. En ce qui a trait aux exacerbations, 57 % des médecins canadiens interrogés considéraient leur impact à long terme important ou très important. «Le fardeau de la MPOC pourrait être allégé si nous repérions plus tôt ces patients et si nos stratégies de prise en charge et de prévention des “crises pulmonaires” étaient plus efficaces», fait valoir le Dr Kaplan.

Processus inflammatoire dans la MPOC

Comme l’explique le Dr Ken Chapman, Asthma and Airway Centre, UHN-Toronto Western Hospital, chez l’asthmatique, l’inflammation des voies respiratoires est surtout liée à des allergènes/agents sensibilisants qui font intervenir les lymphocytes T CD4+, les éosinophiles, les macrophages et les mastocytes, et elle se résorbe généralement sous l’action des corticostéroïdes. Dans la MPOC, l’agression provient surtout de la fumée ou d’agents nocifs, et les médiateurs activés sont les lymphocytes T CD8+, les neutrophiles et les macrophages. À mesure que la MPOC devient plus sévère, l’inflammation devient largement irréversible malgré l’emploi de corticostéroïdes (Figure 1).

Figure 1. Inflammation au cours de l’asthme et de la MPOC


Lors de l’étude ISOLDE sur la MPOC modérée ou sévère, on a observé une baisse du taux annuel d’exacerbation de 25 % (p=0,026) après 3 ans dans le groupe recevant 500 µg de fluticasone en inhalation 2 fois/jour par rapport au groupe placebo (Burge et al. BMJ 2000;320:1297-303). Cela dit, selon des données récentes, l’augmentation de la dose de corticostéroïde en inhalation (CSI) chez des patients atteints de MPOC est associée à un risque accru d’apparition d’un diabète. Une méta-analyse a en outre mis en évidence une hausse du risque de pneumonie non mortelle chez les sujets atteints de MPOC traités par ces agents.

Si jusqu’ici les corticostéroïdes étaient les seuls anti-inflammatoires réputés utiles dans la MPOC et l’asthme, une meilleure compréhension des processus morbides sous-jacents a mis en lumière le besoin d’une nouvelle classe d’agents qui ciblent spécifiquement l’inflammation observée dans la MPOC.

Giembycz (Monaldi Arch Chest Dis 2002;57[1]:48-64) avait déjà démontré que les lymphocytes T, les éosinophiles, les neutrophiles, les monocytes, les mastocytes et les macrophages expriment la phosphodiestérase de type 4 (PDE-4). En outre, dans les études in vivo comme in vitro, les composés qui inhibent la PDE-4 suppriment ces cellules pro-inflammatoires et immunitaires. On sait que la famille des PDE catalyse la dégradation de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) en nucléotides 5’-monophosphates. Par conséquent, l’inhibition des PDE se traduit par une augmentation des concentrations d’AMPc et de GMPc. Toutefois, l’inhibition de la PDE-4 module le processus inflammatoire de manière spécifique puisqu’elle ne fait augmenter que l’AMPc.

Le roflumilast, un nouvel inhibiteur de la PDE-4, est indiqué en association avec un bronchodilatateur pour le traitement d’entretien dans la MPOC sévère. Les données dont on dispose sur ce composé ont mis en évidence une réduction statistiquement significative du nombre de leucocytes dans les expectorations (leucocytes totaux, éosinophiles et neutrophiles) par rapport au placebo, signale le Dr Chapman.

Résultats d’études

Lors d’un essai multicentrique mené à double insu avec placebo portant sur 1411 patients ambulatoires atteints de MPOC, le nombre d’exacerbations a diminué de 34 % dans le groupe roflumilast à 500 µg comparativement au groupe placebo (Rabe et al. Lancet 2005; 366:563-71). L’inhibiteur de la PDE-4 a en outre été associé à une augmentation de 97 mL – statistiquement significative – du VEMS après 24 semaines de traitement à la dose de 500 µg. Le protocole autorisait le salbutamol comme médicament de secours de même que la prise concomitante d’un anticholinergique à courte durée d’action à une dose quotidienne constante. Les patients pouvaient également recevoir un corticostéroïde oral durant une exacerbation aiguë, mais les CSI étaient exclus et avaient été éliminés du traitement 4 semaines avant la randomisation.

Lors des deux vastes essais multicentriques à double insu M2-127 et M2-128, des patients atteints de MPOC modérée ou sévère ont été randomisés en vue de recevoir 500 µg de roflumilast ou un placebo pendant 24 semaines en plus du salmétérol ou du tiotropium (Fabbri et al. Lancet 2009;374:695-703). L’ajout de l’inhibiteur de la PDE-4 au salmétérol ou au tiotropium a été associé à une augmentation du VEMS pré-bronchodilatation de 49 mL et de 80 mL, respectivement (p<0,0001 dans les deux cas). Bien que le taux d’exacerbation modérée ou sévère ait diminué dans les deux études, l’ajout de l’inhibiteur de la PDE-4 n’a eu un effet significatif que dans l’essai M2-127 où il était associé au salmétérol (p=0,0015), et non dans l’essai M2-128 portant sur le tiotropium (p=0,0867).

Le Dr Chapman a également cité les résultats d’une analyse groupée post-hoc des études M2-111 et M2-112 sur la MPOC. L’association du roflumilast et d’un CSI a donné lieu à une baisse supplémentaire de 18,8 % (p=0,0137) du taux moyen d’exacerbation modérée ou sévère par année-patient (Rennard et al. Respir Res 2011;12:18).

L’inhibition de la PDE-4 dans la MPOC améliore la fonction pulmonaire et réduit le taux d’exacerbation avec ou sans traitement de fond par un bronchodilatateur, soutient le Dr Chapman. «Les patients aux prises avec une toux chronique — en d’autres termes, une inflammation des voies respiratoires, signalée par cette toux — semblent présenter le phénotype idéal pour l’inhibition de la PDE-4», ajoute-t-il.

MPOC et comorbidité

Dans une étude prospective récente (Crisafulli et al. Eur Resp J 2010;36:1042-8), les auteurs ont déterminé que 62 % des patients atteints de MPOC souffraient d’affections concomitantes. Ils ont en outre constaté que 45 % des patients ayant suivi un programme standard de rééducation respiratoire avaient vu leur état s’améliorer. Si l’on revient à l’enquête canadienne rapportée par le Dr Chan, on note que la prévalence spécifique des facteurs de comorbidité était dans ce contexte de 45 % pour l’hypertension, de 36 % pour la maladie cardiaque ischémique, de 17 % pour le diabète et de 7 à 10 % pour l’insuffisance cardiaque congestive; par ailleurs, 63 % des patients ne suivaient pas de programme de rééducation respiratoire. Cela dit, au Canada, il semble y avoir une corrélation positive entre la sévérité de la maladie et la participation à un programme de réadaptation.

Sur le front éducatif, le Dr Peter Selby, directeur des services cliniques, programme de toxicomanies, et chef, clinique de dépendance à la nicotine, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, rappelle que «nous devons améliorer notre travail de sensibilisation de façon que les gens voient clairement le lien entre le tabagisme et la MPOC.» Il y a une relation entre le temps que le médecin consacre à ses patients en fait de conseils antitabagiques et le taux d’abandon du tabac chez ces derniers.

Résumé

Les exacerbations de la MPOC continuent d’être un facteur d’augmentation des hospitalisations, de déclin de la fonction pulmonaire et de détérioration générale de l’état du patient. Nous devons travailler à combler les lacunes qui existent tant sur le plan thérapeutique qu’éducatif. Améliorer la communication médecin-patient de sorte que le patient reconnaisse mieux les exacerbations et comprenne leur prise en charge fait partie des défis à relever. D’autre part, l’inhibition de la PDE-4 offre une nouvelle option dans la prise en charge des exacerbations et de l’inflammation sous-jacente.

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