Comptes rendus

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Facteur VIII recombinant : vers une plus grande innocuité pour le patient

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le XXVIIIe Congrès international de la Fédération mondiale de l’hémophilie (FMH)

Istanbul, Turquie / 1er-5 juin 2008

Les experts réunis au congrès ont fait un tour d’horizon des préparations actuelles de facteur antihémophilique VIII (FVIII) pour le traitement de l’hémophilie A.

Historique du facteur VIII recombinant

L’emploi de concentrés de FVIII lyophilisés dérivés du plasma de nombreux donneurs, qui remonte au tournant des années 1970, a marqué un progrès considérable par rapport à l’utilisation antérieure de sang total ou de plasma frais pour maîtriser les hémorragies chez les patients atteints d’hémophilie A. Toutefois, au cours des années 1980, cette méthode a donné lieu à une importante proportion de cas d’infection par des agents pathogènes véhiculés par le sang, tels le VIH et le virus de l’hépatite C. Les chercheurs ont alors mis au point des concentrés de FVIII exempts de virus en améliorant la sélection des donneurs et les tests de dépistage et en recourant à des procédés spéciaux pour tuer tout virus résiduel dans les pools de plasma. Malgré cela, certains risques hypothétiques subsistaient, tels que la transmission de prions. Grâce à l’essor des biotechnologies permettant l’expression de protéines recombinantes, on a pu produire des FVIII recombinants (rFVIII) dotés d’un bon profil d’innocuité pour le traitement de l’hémophilie. Un vaste éventail de concentrés de facteur recombinant sont maintenant commercialisés, et c’est en général la forme de traitement qui est aujourd’hui recommandée en première intention pour la sécurité des patients.

Améliorer l’innocuité

L’utilisation de produits antihémophiliques recombinants de première génération comporte encore un risque théorique d’exposition à des agents pathogènes à diffusion hématogène étant donné que diverses protéines humaines et mammaliennes entrent dans leur fabrication. Les risques hypothétiques de contamination comprennent, par exemple, l’éventuelle présence de prions dans le sérum de veau fœtal ajouté au milieu de culture utilisé pour la culture cellulaire initiale; de virus murins dans les anticorps monoclonaux (AcM) employés pour les techniques de purification; et de virus humains et de mammifères dans les nutriments ou stabilisants à base d’albumine sérique utilisés dans les procédés de production et la préparation finale.

Stacey B. Weston, PhD, chercheure, Andover, Massachusetts, explique que le développement des préparations de rFVIII de deuxième génération s’est concrétisé lorsqu’on a retiré l’albumine à la fois des procédés de production et du produit final. Cela dit, comme l’albumine est encore nécessaire lors de la phase initiale de culture cellulaire, le risque de contamination du FVIII ne peut être totalement écarté. Le premier produit de deuxième génération était un rFVIII entier. Depuis, les chercheurs ont déterminé que le domaine B de la molécule FVIII n’est pas nécessaire à la fonction hémostatique et peut être délété, ce qui a mené à la production d’un rFVIII dépourvu du domaine B (BDDrFVIII, pour B-Domain-deleted rFVIII) de 170 kDa, comparativement à environ 280 kDA pour le rFVIII entier natif. Si la mise au point d’un rFVIII plus petit et fonctionnel sur le plan hémostatique était initialement motivée par la recherche d’une forme que l’on pourrait utiliser avec un vecteur viral pour la thérapie génique, c’est à titre d’agent thérapeutique de deuxième génération que le BDDrFVIII a été introduit sur le marché.

Des préparations de rFVIII de troisième génération sont maintenant commercialisées. Les préparations finales de ces produits sont exemptes d’albumine sérique humaine ou bovine et ne nécessitent pas non plus d’albumine à la phase de culture des cellules. Ces produits comportent le plus faible risque théorique de contamination qui soit, ce qui constitue un grand progrès pour la sécurité des patients. Les progrès récents susceptibles d’améliorer l’innocuité des procédés de fabrication des rFVIII de troisième génération comprennent l’élimination de la seule étape qui était encore liée à l’utilisation d’une protéine (AcM de souris) et l’ajout d’une étape de filtration virale. Actuellement, le BDDrFVIII est le seul facteur dont la fabrication intègre de nouvelles mesures de purification, si bien que l’on peut presque parler de produit de quatrième génération.

Anticorps anti-FVIII non neutralisants

Le Dr Georges-Étienne Rivard, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, service d’hémato-oncologie, et professeur de clinique en pédiatrie, Université de Montréal, Québec, s’est intéressé à une autre différence possible entre les diverses préparations de rFVIII. Selon l’hypothèse émise par son équipe, les anticorps anti-FVIII non neutralisants pourraient être dirigés contre des domaines non fonctionnels du FVIII, comme le domaine B, et être responsables de la faible récupération de FVIII in vivo observée en l’absence d’anticorps neutralisants. Ils ont analysé le plasma de 58 participants atteints d’hémophilie congénitale A traités exclusivement par un rFVIII entier et de sept participants atteints d’hémophilie acquise. Les techniques de dosage utilisées comprenaient le test Nimègue-Bethesda (visant à détecter les anticorps neutralisants) et trois dosages immuno-enzymatiques (ELISA, visant à détecter les anticorps non neutralisants) utilisant comme antigènes de capture des anticorps présents dans le plasma des patients deux préparations de rFVIII entier ou une préparation de BDDrFVIII.

Chez les sept patients atteints d’hémophilie acquise, le test Bethesda et les trois dosages ELISA ont mis en évidence des anticorps dirigés contre chacune des trois préparations de rFVIII. Tous les patients atteints d’hémophilie congénitale chez qui le test Bethesda était positif avaient aussi des anticorps détectés en ELISA dirigés contre les trois préparations de rFVIII. Toutefois, chez les patients dont les échantillons de plasma ne contenaient pas d’anticorps détectés par le test Bethesda, six et quatre d’entre eux, respectivement, avaient des anticorps détectés en ELISA dirigés contre les deux préparations distinctes de rFVIII entier, alors qu’aucun n’avait d’anticorps détectés en ELISA dirigés contre la préparation de BDDrFVIII.

«On ne connaît pas encore la portée clinique de la présence d’anticorps anti-rFVIII non neutralisants, mais elle pourrait impliquer une réduction de la demi-vie du FVIII in vivo, d’expliquer le Dr Rivard. Il faudrait étudier le rôle de ces anticorps chez un grand nombre de sujets pour évaluer leur pertinence clinique.» On doit également effectuer des études pharmacocinétiques pour confirmer la pertinence clinique de ces résultats in vivo, souligne-t-il. Ainsi, il se pourrait que le suivi des patients hémophiles A comprenne, outre des dosages fréquents par le test Bethesda, la recherche systématique d’anticorps en ELISA afin de rationaliser le choix du concentré de rFVIII; cela dit, insiste le Dr Rivard, «d’autres recherches s’imposent» avant que les médecins puissent envisager de sélectionner le concentré de rFVIII approprié sur la foi de tests in vitro.

Préparations de rFVIII de troisième génération

Le Dr Laszlo Nemes, directeur, Centre national d’hémophilie, Centre médical national, Budapest, Hongrie, a présenté des données sur le profil pharmacocinétique, l’innocuité et l’efficacité d’un BDDrFVIII de troisième génération (moroctocog alfa sans albumine [AF-CC]).

Le profil pharmacocinétique de ce produit a été comparé à celui d’une préparation de rFVIII entier de troisième génération. Les profils ont été évalués dans le cadre d’une étude croisée menée à double insu avec randomisation chez des patients non préalablement traités, et on a utilisé une méthode classique pour déterminer leur bioéquivalence (dosage chronométrique en un temps). L’utilisation prophylactique de ces produits a été amorcée à une dose de 30 (+5) UI/kg trois fois par semaine, et le protocole prévoyait un ajustement posologique en cas d’épisode hémorragique perthérapeutique. Les résultats relatifs à la valeur K (taux de récupération), à l’ASC0-t (aire sous la courbe du temps zéro à la dernière concentration mesurable) et à l’ASC se situaient à l’intérieur des limites de bioéquivalence de 80 à 125 % pour les deux produits. De plus, le suivi à six mois – qui avait pour objectif d’analyser la stabilité du moroctocog alfa (AF-CC) dans un sous-groupe de ces patients – n’a mis en évidence aucune variation du profil pharmacocinétique.

L’innocuité et l’efficacité ont par ailleurs été évaluées lors d’une seconde phase de cette étude, qui consistait en un essai multicentrique ouvert sur l’utilisation du moroctocog alfa (AF-CC) pour la prophylaxie systématique et le traitement ponctuel des hémorragies chez des patients souffrant d’une hémophilie A sévère ou modérément sévère préalablement traitée. Les participants ont été exposés au BDDrFVIII pendant au moins 50 jours sur une période de six mois; le médicament devait être utilisé exclusivement à titre prophylactique et pour le traitement de toute hémorragie spontanée ou traumatique. La dose médiane en prophylaxie systématique s’établissait à environ 30 UI/kg. Dans l’ensemble, le profil d’effets indésirables était semblable à celui du BDDrFVIII de deuxième génération et d’autres préparations de rFVIII. L’apparition transitoire de faibles titres d’inhibiteurs cliniquement silencieux était rare (deux des 94 participants d’origine). Dans ces deux cas, la présence des inhibiteurs a été détectée à une seule occasion lors des examens systématiques de surveillance; chez les deux patients, le résultat a été négatif lors du dosage suivant. Les résultats des tests ELISA correspondants pour la recherche d’anticorps anti-rFVIII étaient négatifs.

Le Dr Nemes conclut que le BDDrFVIII de troisième génération est équivalent, sur le plan pharmacocinétique, au rFVIII entier de troisième génération; que son profil pharmacocinétique demeure stable lorsque le produit est utilisé pendant six mois; et qu’il est efficace pour la prévention et le traitement des épisodes hémorragiques chez les patients atteints d’hémophilie A. En outre, les données d’innocuité quant à l’apparition d’anticorps inhibiteurs n’ont mis en évidence aucun signe de néoantigénicité, et le profil d’effets indésirables a attesté son innocuité chez les patients hémophiles A préalablement traités.

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