Comptes rendus

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Prise en charge des douleurs neuropathiques centrales, de la fibromyalgie et de l’allodynie chronique : regard sur la modulation du système endocannabinoïde

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 28e Congrès annuel de la Société canadienne de la douleur

Victoria, Colombie-Britannique / 27-30 mai 2008

Les douleurs neuropathiques centrales (DNC) qui sont déclenchées par une lésion primaire ou un dysfonctionnement du système nerveux central touchent environ 28 % des patients atteints de sclérose en plaques (SEP). Selon le Dr David J. Rog, neurologue consultant, Greater Manchester Neurosciences Centre, Royaume-Uni, «la SEP frappe des sujets jeunes. C’est la principale cause non traumatique d’invalidité chronique chez les personnes jeunes.»

En 2005, le Dr Rog et ses collègues avaient fait état des résultats d’une étude contrôlée par placebo, menée à double insu, avec randomisation et groupes parallèles, chez 66 patients atteints de SEP; cette étude visait à évaluer un médicament à base de cannabis pour vaporisation buccale, renfermant 2,7 mg de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et 2,5 mg de cannabidiol (CBD) par vaporisation de 100 µl. Leurs conclusions montraient que cet agent atténue efficacement la douleur et les troubles du sommeil chez les patients souffrant de DNC liées à la SEP et est en général bien toléré (Neurology 2005;65:812-9).

Résultats à long terme

Cette étude a été suivie d’une phase de prolongation ouverte et non comparative d’une durée de deux ans à laquelle ont pris part 63 de ces patients (Clin Ther 2007;29[9]:2068-79). L’association THC:CBD en vaporisateur buccal a montré une efficacité continue, et aucun signe de tolérance au médicament n’a été observée chez les 28 patients qui ont poursuivi le traitement pendant environ deux ans. Les effets indésirables—surtout des étourdissements et des nausées—étaient d’intensité légère à modérée.

«Les bénéfices obtenus au chapitre du soulagement de la douleur s’ajoutaient aux bénéfices conférés par les analgésiques standard», indique le Dr Rog. Les investigateurs ont spécifié que les patients de l’étude devaient continuer de prendre leurs médicaments concomitants et ne pas en modifier les doses. L’utilisation d’analgésiques concomitants est demeurée relativement stable.

Le Dr Rog a présenté une analyse des posologies employées et des variations observées quant aux analgésiques concomitants utilisés au cours de l’étude. Les patients pouvaient auto-régler leur posologie sans dépasser un maximum de 48 vaporisations (129,6 mg de THC, 120 mg de CBD) par période de 24 heures. Le nombre moyen de vaporisations utilisées durant les six derniers jours complets de traitement était de 6,5 (extrêmes : 0,5-24,8; écart type : 5,8). Treize patients (46 %) ont pris <5 vaporisations, 10 patients (36 %) en ont pris entre 5 et 10, et cinq patients (18 %) en ont pris >10 (par période de 24 heures).

Au début de la phase ouverte, les patients qui ont ensuite terminé l’étude prenaient 31 analgésiques concomitants. Au terme de l’étude, la dose était la même pour 15 (48 %) de ces analgésiques. Au cours de l’étude, 14 patients (50 %) ont introduit de nouveaux analgésiques dans leur schéma de traitement; la moitié d’entre eux prenaient toujours ces médicaments au terme de l’étude. Des profils similaires ont été observés en ce qui concerne les médicaments «non analgésiques» qui peuvent avoir un effet sur la douleur. «La plupart des médicaments contre la douleur ont un schéma posologique plutôt strict, explique le Dr Rog. Dans cette étude, nous avons démontré qu’un médicament dérivé du cannabis administré par voie [buccale] permet une flexibilité […] en offrant la possibilité d’individualiser la dose.»

Cela dit, nous devons réunir d’autres données probantes fiables dans le traitement des DNC associées à la SEP, souligne-t-il. «Avant 2003, il existait très peu de données issues d’études comparatives sur l’utilisation des cannabinoïdes dans la SEP, quel que soit le symptôme considéré, poursuit-il. Depuis, un certain nombre d’essais comparatifs randomisés ont été menés et l’évaluation des bienfaits possibles des cannabinoïdes a pris un caractère plus scientifique.»

Résultats dans le traitement de la fibromyalgie

Le Dr David Saul, omnipraticien au North York Men’s Health Centre, Toronto, Ontario, s’intéresse particulièrement à la fibromyalgie (FM) et à l’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique. Il a présenté les résultats de deux études d’observation portant sur le traitement de la FM au moyen de l’association THC:CBD en vaporisateur buccal. Le premier de ces essais a été réalisé à la fin de l’automne 2005/début de l’hiver 2006, et le second, au printemps/début de l’été 2007.

L’essai de huit semaines mené à la fin de l’automne/début de l’hiver a permis de constater que le vaporisateur avait atténué la douleur fibromyalgique et amélioré substantiellement la capacité fonctionnelle de 32 des 67 patients atteints de FM dont les symptômes étaient d’intensité modérée à sévère. Trente-deux patients (47,8 %) de cette cohorte de la saison froide ont signalé une diminution de la douleur entre le début de l’étude et la semaine 4, notamment une réduction du score de douleur sur l’échelle NRS (Numerical Rating Scale) et du score fondé sur le questionnaire FIQ (Fibromyalgia Impact Questionnaire); 22 patients ont été suivis jusqu’à la semaine 8, dont 17 ont continué de présenter une réduction appréciable du score FIQ durant les semaines 4 à 8. Au cours du deuxième essai mené au printemps/début de l’été, 30 des 53 patients (56,6 %) ont fait état de bienfaits similaires. Sur les 17 patients suivis jusqu’à la semaine 8, 15 ont présenté une diminution continue du score FIQ.

Les patients des deux essais ont continué de prendre tous les autres médicaments qui leur étaient prescrits, sans en modifier les doses. Des améliorations ont été observées dans les deux cohortes, à la fois pour le score de douleur NRS et le score FIQ (douleur et symptômes comorbides). Les patients qui ont constaté un effet bénéfique présentaient également une amélioration de leur capacité fonctionnelle et de leur mobilité. Environ la moitié des patients de chaque essai ont abandonné le traitement en raison d’intolérance ou de bénéfice insuffisant.

Il semble que la période de l’année pendant laquelle ce médicament est utilisé pour traiter la FM ait une influence, un plus grand nombre de sujets ayant retiré des bienfaits du traitement lorsqu’ils y étaient exposés durant le printemps, note le Dr Saul.

Rapport de cas : allodynie chronique

Une équipe de chercheurs de la University of British Columbia a présenté une étude de cas sur une patiente souffrant d’allodynie chronique depuis 14 ans et traitée par l’association THC:CBD en vaporisateur buccal.

«Les cannabinoïdes ont leur place dans la prise en charge des DNC complexes», affirme l’investigatrice principale, la Dre May Ong-Lam, professeure agrégée de médecine clinique, University of British Columbia, et fondatrice du programme de gestion de la douleur chronique, St. Paul’s Hospital, Vancouver.

Le cas décrit par la Dre Ong-Lam concernait une femme caucasienne âgée de 46 ans qui, au moment de la première consultation, souffrait d’une douleur continue à type de brûlure et en coup de poignard dans la région du cou et de la ceinture scapulaire droite. La douleur irradiait vers le bord inféro-médial de l’omoplate et était associée à une hypersensibilité au contact de vêtements sur la peau dans la même région.

Quatorze ans auparavant, la patiente avait été opérée d’une tumeur bénigne de la glande parotide droite. Après l’opération, est apparu un syndrome de Frey avec paralysie du nerf facial droit s’accompagnant d’engourdissements dans le territoire du V2 et du V3 du trijumeau droit et d’une atteinte du système nerveux sympathique. La patiente s’est rétablie lentement sur une période de six mois, mais a par la suite remarqué une hyperesthésie au contact de vêtements sur la peau intéressant la région parascapulaire et le trapèze droits et s’accompagnant de spasmes musculaires. L’allodynie s’étant peu à peu étendue à d’autres territoires, il est devenu impossible pour la patiente de porter des vêtements au-dessus de la deuxième vertèbre thoracique. L’allodynie ne se produisait qu’au contact de vêtements (et non au froid, au toucher, à des variations de température ou au contact de l’eau de la douche). Des examens neurologiques ont mis en évidence une paresthésie sensitive partielle touchant le dermatome du V2 droit.

Cinq semaines après la mise en route d’un traitement par le THC:CBD à raison de 1 ou 2 vaporisations trois fois par jour (8 h, midi, 18 h), la patiente pouvait se vêtir normalement et tous ses symptômes avaient diminué, indique la Dre Ong-Lam. Après 14 mois, tous les symptômes de la patiente avaient essentiellement disparu. La patiente signalait une diminution de sa vigilance pendant environ 30 minutes une heure après chaque vaporisation, mais avait par ailleurs totalement recouvré sa capacité de fonctionner et de travailler.

Deux ans après l’instauration du traitement, la patiente continue de prendre le THC:CBD à raison de 1 vaporisation trois fois par jour. «Ses besoins n’ont pas changé, note la Dre Ong-Lam. Ainsi, on ne constate aucun problème d’abus, de surutilisation ni de recherche de bénéfice secondaire. La patiente fonctionne parfaitement bien et travaille à plein temps.» La Dre Ong-Lam conclut que le traitement par un dérivé du cannabis est efficace pour traiter l’allodynie chronique associée aux DNC. Les résultats d’une étude de cinq semaines sur le traitement de douleurs neuropathiques ont également attesté la suppression réussie de l’allodynie (Nurmikko et al. Pain 2007;133:210-20).

Résumé

L’homologation du THC:CBD au Canada comme traitement d’appoint pour le soulagement symptomatique des DNC chez les patients atteints de SEP a suscité un nouvel espoir dans le domaine de la prise en charge de la douleur. Cette préparation en vaporisateur buccal permet une souplesse de la posologie, les patients pouvant individualiser leur dose. Les effets à long terme et le profil de tolérabilité de cet agent dans le traitement des DNC associées à la SEP sont prometteurs, mais on doit poursuivre son évaluation. S’ils font la preuve de leur capacité à soulager efficacement la douleur dans d’autres affections comme la FM et l’allodynie chronique, les modulateurs du système endocannabinoïde pourraient devenir un ajout fort opportun dans l’arsenal du traitement de la douleur.

Nota : Au Canada, le vaporisateur buccal THC:CBD est aussi indiqué pour le traitement analgésique d’appoint chez les adultes atteints de cancer avancé qui présentent une douleur modérée ou grave pendant un puissant traitement opioïde administré à la plus forte dose tolérée contre une douleur de fond persistante.

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