Comptes rendus

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Hyperphosphatémie chez le sujet en dialyse : priorité à la réduction des calcifications

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 40e Assemblée/Exposition scientifique annuelle de l’American Society of Nephrology

San Francisco, Californie / 2-5 novembre 2007

Les données épidémiologiques recueillies chez des personnes en bonne santé et des personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique (IRC) font ressortir une corrélation positive entre la phosphatémie et la maladie cardiovasculaire (CV). Ainsi, sur une période de 20 ans, la probabilité d’apparition d’une maladie CV était 55 % plus élevée chez les sujets de la cohorte de Framingham dont la phosphatémie se situait dans le quartile des valeurs normales supérieures que chez ceux dont la phosphatémie se trouvait dans le quartile des taux les plus faibles. «C’est donc dire que l’hyperphosphatémie est mauvaise pour la santé CV, même chez les individus dont le débit de filtration glomérulaire [DFG] est normal», confirme le Dr Craig Langman, professeur titulaire de néphrologie, Feinberg School of Medicine, Northwestern University, Chicago, Illinois.

Observations issues de l’essai DCOR

DCOR (Dialysis Clinical Outcomes Revisited) est un essai clinique randomisé et prospectif qui a été mené chez 2103 sujets en dialyse (Suki et al. Kidney Int 2007;72[9]:1130-7). Les résultats ont révélé que, chez les patients âgés, un chélateur de phosphate sans calcium est avantageux sur le plan de la survie par rapport aux chélateurs de phosphate avec calcium. Après randomisation, les patients étaient divisés en deux groupes égaux recevant soit du sevelamer, soit un chélateur de phosphate à base de calcium. Au terme de l’étude, après 44 mois, ni la mortalité toutes causes confondues ni la mortalité par cause ne différaient de façon notable entre les deux groupes totalisant alors 1068 patients. Chez les patients de plus de 65 ans, le taux de mortalité pour 100 années-patients était de 18,2 et de 23,4 dans les groupes sevelamer et chélateur à base de calcium, respectivement (p=0,02).

Compte tenu du volume plus important de calcifications chez les sujets âgés en hémodialyse, il se pourrait que l’effet du calcium sur la mortalité ait pu être observé sur une période assez courte par comparaison aux patients plus jeunes, dont le volume de calcifications était moins lourd en début de traitement.

Les chercheurs ont aussi noté une tendance vers un besoin moindre d’hospitalisation chez les patients du groupe sevelamer. Plus précisément, ils ont noté une diminution du nombre d’hospitalisations par année-patient et du nombre de jours passés à l’hôpital. Là encore, cette différence était plus prononcée chez les patients âgés.

Mécanismes de la calcification

Tonnelli et al. ont aussi montré que, sur une période de cinq ans, le risque de mortalité toutes causes confondues, d’infarctus du myocarde mortel ou non mortel et d’apparition d’une insuffisance cardiaque chez les patients coronariens augmentait de façon progressive et indépendante lorsque la phosphatémie initiale passait de <2 mg/dL à ³4 mg/dL (Circulation 2005;112:2627-33). Chez les patients souffrant d’IRC, Kesenbaum et al. ont rapporté qu’une phosphatémie >3,5 mg/dL s’accompagnait d’une augmentation significative du risque de mortalité, lequel augmentait de façon linéaire pour chaque hausse supplémentaire de 0,5 mg/dL de la phosphatémie (J Am Soc Nephrol 2005;16:520-8). «Une importante proportion de patients atteints d’IRC présentent déjà des calcifications coronariennes avant la dialyse ou au début de celle-ci, ajoute le Dr Langman, et 100 % des patients qui souffrent d’IRC de stade 3 à 5 présentent des calcifications pathologiques.»

Le lien entre l’hyperphosphatémie et les calcifications est complexe. La détérioration de la fonction rénale s’accompagne d’une incapacité progressive de synthèse du calcitriol, hormone et métabolite actif de la vitamine D. La carence chronique en vitamine D qui accompagne souvent l’IRC exacerbe la perte de calcitriol, et la baisse des taux se solde par un changement fondamental de la biologie des glandes parathyroïdes et, avec le temps, par une hyperparathyroïdie secondaire. «En même temps, une hyperphosphatémie apparaît parallèlement à la diminution du DFG», explique le Dr Langman. L’hyperphosphatémie peut à son tour accentuer la libération de la parathormone (PTH) et, au bout du compte, causer une ostéodystrophie rénale. C’est la combinaison de la carence en calcitriol, de l’hyperphosphatémie et de l’hyperparathyroïdie secondaire qui crée un environnement toxique propice aux calcifications et à l’apparition subséquente de la maladie CV.

Score de calcium coronaire et mortalité

Les résultats de l’étude Treat-to-Goal semblent indiquer que le processus peut être atténué par le chélateur de phosphate administré (Kidney Int 2002;62:245-52). Lors de cette étude, 99 patients ont été randomisés dans le groupe sevelamer (6,5 g/jour) alors que 101 autres sujets ont reçu soit de l’acétate de calcium (4,6 g/jour), soit du carbonate de calcium (3,9 g/jour). Au cours des 52 semaines subséquentes, la phosphatémie moyenne était essentiellement identique dans tous les groupes, et les cibles préconisées par la Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (K/DOQI) en présence d’IRC de stade 5 ont été atteintes dans tous les cas. Au terme de l’étude, par contre, la variation médiane des scores de calcium coronaire et aortique était significativement plus marquée chez les sujets recevant un chélateur à base de calcium (25 % et 28 %, respectivement) que chez les sujets du groupe sevelamer (6 % et 5 %, respectivement) (p=0,02 dans les deux cas).

L’étude initiale RIND (Renagel in New Dialysis) visait elle aussi à élucider le lien entre le choix du chélateur de phosphate et le score de calcium coronaire (SCC) chez 127 patients en hémodialyse depuis peu. En tout, 55 patients du groupe calcium et 54 patients du groupe sevelamer ont été inclus dans une analyse par tomodensitométrie. Au cours des 18 mois de l’étude, la baisse de phosphatémie a été identique dans les deux groupes. La médiane de l’augmentation absolue des SCC était 11 fois plus élevée dans le groupe calcium (SCC initial >30), et le risque d’hypercalcémie modérée ou sévère était significativement plus élevé chez ces patients que chez ceux du groupe sevelamer, note le Dr Langman.

L’un des paramètres secondaires prédéterminés de la prolongation de l’étude RIND (RIND Outcomes) Kidney Int 2007;71[5]:438-41) était le lien entre le chélateur de phosphate administré, le SCC et la mortalité toutes causes confondues après un suivi d’une durée médiane de 44 mois. Au terme de l’étude, les chercheurs ont observé que le SCC initial était un important facteur prédictif de la mortalité au point où, après ajustement des données pour tenir compte de multiples facteurs de confusion, un SCC initial >400 quadruplait la mortalité. De même, l’utilisation d’un chélateur de phosphate à base de calcium, par comparaison à celle du sevelamer, multipliait la mortalité par un facteur de 2,2. «Cet essai a été le premier à montrer que le SCC initial et le choix du chélateur de phosphate étaient des facteurs prédictifs indépendants de la mortalité chez les sujets en hémodialyse depuis peu. Il a également confirmé que la sévérité du SCC au moment où l’hémodialyse est amorcée est un important facteur prédictif de la survie à long terme et étaye les lignes directrices quant à l’utilisation du sevelamer en présence de calcifications», de conclure le Dr Langman.

Une nouvelle préparation à base de carbonate de sevelamer est attendue prochainement. Lors d’une étude d’équivalence évaluée par le Dr Langman, la baisse de la phosphatémie a été comparable sous l’effet des deux préparations, mais la préparation de carbonate – comparativement à celle de chlorhydrate – a permis d’atteindre les taux sériques cibles de bicarbonates préconisés par la K/DOQI et a causé moins d’effets indésirables d’ordre digestif.

Regard ponctuel sur la conformité aux taux cibles

À partir de la plus vaste cohorte de patients en hémodialyse jamais étudiée au Canada, le Dr David Mendelssohn, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, et son équipe ont généré un «instantané» de l’adhésion aux lignes directrices de la K/DOQI sur le métabolisme minéral à l’aide du logiciel PhotoGraph. Comme dans l’étude DOPPS (Dialysis Outcomes and Practice Patterns Study), cet instantané a montré que l’adhésion aux taux cibles recommandés par la K/DOQI n’est pas encore parfaite. Cela dit, il y a eu amélioration dans les centres du Canada depuis la publication des données de l’étude DOPPS II, et cette amélioration pourrait être attribuable à l’utilisation accrue de nouveaux médicaments. Par exemple, près de 60 % des 2337 sujets en hémodialyse ont atteint la phosphatémie cible recommandée par la K/DOQI, mais les pourcentages de patients ayant atteint les taux sériques cibles de calcium et de PTH intacte (PTHi) recommandés par la K/DOQI étaient plus faibles. «Les provinces où l’accès [aux nouveaux médicaments] est plus facile semblent mieux performer que les autres sur le plan de la conformité aux taux cibles», fait remarquer le Dr Mendelssohn, ce qui donne à penser qu’un accès plus facile aux nouveaux médicaments pourrait se traduire par un pourcentage plus élevé d’atteinte des taux cibles de la K/DOQI.

Le «portrait» était également assez reluisant chez les patients en dialyse péritonéale (DP). Comme le souligne le Dr Steven Soroka, directeur médical, programme de dialyse et de prédialyse, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, 65 % des 317 patients en DP évalués dans le cadre du programme avaient une phosphatémie conforme aux taux recommandés par la K/DOQI, mais là encore, les pourcentages de patients en DP ayant atteint les taux cibles de calcium et de PTHi étaient plus faibles. «La question est de savoir si nous obtiendrons de meilleurs résultats en passant plus de temps à souligner aux patients l’importance de prendre leur médicament ou en leur facilitant l’accès aux médicaments, lance le Dr Soroka. C’est le type de questions que ces données soulèvent.»

Entre-temps, on a modifié le logiciel PhotoGraph pour permettre aux néphrologues de suivre les tendances du métabolisme minéral osseux chez les enfants souffrant d’IRC. «Le logiciel ne les amène pas à prendre leur chélateur de phosphate», avoue le Dr Colin White, professeur adjoint de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver, «mais il est très utile pour visualiser où en sont les paramètres. Nous devons obtenir de meilleurs résultats quant au maintien du bilan phosphocalcique chez nos enfants, car ils devront vivre avec l’IRC jusqu’à la fin de leur vie, qui, nous l’espérons, sera longue.»

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