Comptes rendus

Redéfinir les soins optimaux fondés sur les preuves à la lumière de nouvelles données sur les tuteurs médicamentés
Hyperphosphatémie chez le sujet en dialyse : priorité à la réduction des calcifications

Soulagement et prévention du prurit dans la dermatite atopique : données cumulées à ce jour

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 21e Congrès mondial de dermatologie

Buenos Aires, Argentine / 30 septembre - 5 octobre 2007

Pour un patient atteint de dermatite atopique, le soulagement rapide du prurit est le besoin le plus pressant. Lorsque le patient se gratte, sa peau devient plus sujette aux infections récurrentes. Pendant le sommeil, le grattage est un problème d’autant plus aigu que la répression consciente du grattage diminue et que l’absence de stimuli externes rend la sensation prurigineuse plus évidente. Comme le souligne le Dr Alan Fleischer, fils, professeur titulaire et directeur, département de dermatologie, Wake Forest University School of Medicine, Winston-Salem, Caroline du Nord, une étude récente menée en Asie a révélé que le prurit s’atténuait avant que le traitement réduise le pourcentage de surface corporelle touchée ou l’indice EASI (Eczema Area and Severity Index). «Le prurit est le symptôme cardinal de la dermatite atopique, fait remarquer le Dr Fleischer, et la chronicité de la maladie résulte du grattage.»

Traitement de la dermatite atopique : tour d’horizon

Répondant aux questions de l’auditoire, le Dr John Harper, Great Ormond Street Hospital for Children, Londres, Royaume-Uni, était d’accord avec la majorité pour dire qu’un inhibiteur de la calcineurine serait approprié dans 11 % à 25 % des cas de dermatite atopique traités au moyen de corticostéroïdes. «C’est probablement assez juste, si j’en juge par ma propre pratique», fait-il remarquer. Dans sa discussion du vaste programme de recherche qui a mené à l’homologation du tacrolimus en onguent pour le traitement de deuxième intention de la dermatite atopique modérée à sévère, le Dr Harper a passé en revue quatre essais randomisés d’envergure, dont deux portant sur des enfants et les deux autres, sur des adultes.

Dans un premier temps, il a résumé les résultats de deux essais randomisés et à double insu d’une durée de trois semaines dont la méthodologie était similaire. L’effectif total regroupait 1184 enfants de 2 à 15 ans atteints d’une dermatite atopique modérée à sévère. Selon les résultats du premier essai (n=560), le tacrolimus en onguent à 0,03 % et à 0,1 % appliqué deux fois par jour s’est révélé nettement plus efficace que l’acétate d’hydrocortisone en onguent à 1 % appliqué deux fois par jour, à en juger par l’indice EASI modifié (mEASI). Le seul effet indésirable notablement plus fréquent dans le groupe tacrolimus a été une sensation de brûlure de la peau, qui se manifestait en début de traitement et qui s’estompait rapidement (J Allergy Clin Immunol 2002;109[3]:539-46). Le deuxième essai (n=624) a objectivé une amélioration significativement plus marquée sous l’effet du tacrolimus en onguent à 0,03 % appliqué une fois par jour (p<0,001) ou deux fois par jour (p<0,015) que sous l’effet de l’acétate d’hydrocortisone en onguent à 1 % appliqué deux fois par jour. Dans le cadre de cet essai, les meilleurs résultats ont été obtenus avec le tacrolimus appliqué deux fois par jour, souligne le Dr Harper. Là encore, l’effet indésirable le plus important était la sensation de brûlure transitoire, qui s’estompait rapidement (Br J Dermatol 2004;150[3]:554-62).

Le Dr Harper s’est ensuite penché sur les deux essais chez l’adulte. Le premier, qui regroupait 570 adultes atteints d’une dermatite atopique modérée à sévère, visait à comparer le traitement par le tacrolimus à 0,03 % et à 0,1 % avec le 17-butyrate d’hydrocortisone (corticostéroïde moyennement à très puissant) en onguent à 0,1 %, sur une période de trois semaines. Les résultats ont révélé que le tacrolimus à 0,1 % appliqué deux fois par jour était aussi efficace que le butyrate d’hydrocortisone à 0,1 % appliqué deux fois par jour, l’amélioration sur l’échelle du prurit ayant été similaire dans les deux groupes. L’inhibiteur de la calcineurine à 0,1 % et le butyrate d’hydrocortisone à 0,1 % se sont tous deux révélés supérieurs à l’inhibiteur de la calcineurine à 0,03 %. Les effets indésirables étaient notamment la sensation de brûlure transitoire et le prurit au point d’application (J Allergy Clin Immunol 2002;109[3]:547-55).

Le deuxième essai chez l’adulte – essai comparatif multicentrique avec randomisation et à double insu d’une durée de six mois – regroupait 972 adultes souffrant d’une dermatite atopique modérée à sévère. Le traitement se résumait à deux applications par jour de tacrolimus à 0,1 % ou d’un schéma regroupant le butyrate d’hydrocortisone à 0,1 % pour le tronc et les membres et l’acétate d’hydrocortisone à 1 % pour le visage et le cou (Br J Dermatol 2005;152[6]:1282-9). Lors de toutes les évaluations, et ce, même dès le jour 8, le tacrolimus à 0,1 % s’est révélé nettement plus efficace que le schéma de corticostéroïdes si l’on en juge par le paramètre d’évaluation principal (amélioration de 60 % de l’indice mEASI [p<0,001]) et l’évaluation subjective par les médecins et les patients. De nouveau, l’effet indésirable le plus courant était la sensation de brûlure de la peau, qui s’est rapidement estompée après une semaine de traitement.

Essais sur les inhibiteurs de la calcineurine

Le Dr Richard J. Antaya, directeur de Yale Dermatology Associates, directeur de la dermatologie pédiatrique et professeur agrégé, Yale University School of Medicine, New Haven, Connecticut, a passé en revue les résultats de trois essais multicentriques et randomisés d’une durée de six semaines lors desquels l’investigateur ignorait le traitement attribué. Ces trois essais, qui visaient à comparer l’efficacité et l’innocuité du tacrolimus en onguent et du pimécrolimus en crème, regroupaient 1065 patients – enfants de plus de deux ans et adultes – souffrant d’une dermatite atopique légère à très sévère. L’amélioration étant définie par une baisse de l’indice EASI, on a noté une amélioration de 53 % par rapport à l’indice initial dans le groupe tacrolimus vs une amélioration de 39 % dans le groupe pimécrolimus (p<0,0001). Au chapitre du succès du traitement, celui-ci étant défini par la résolution complète ou quasi complète des lésions sur l’échelle Investigator Global Atopic Dermatitis Assessment, le taux de succès a été de 43 % chez les patients sous tacrolimus vs 31 % chez les patients sous pimécrolimus (p<0,0001). La variation du pourcentage de surface corporelle touchée était de 54 % dans le groupe tacrolimus vs 41 % dans le groupe pimécrolimus (p<0,0001). Le taux d’abandons par manque d’efficacité se chiffrait à 2,5 % et à 6,6 % dans les cohortes tacrolimus et pimécrolimus, respectivement (p<0,001). Le nombre de patients ayant signalé des effets indésirables était à peu près égal dans les deux groupes : 21 % pour le tacrolimus vs 20 % pour le pimécrolimus, les plus fréquents étant la sensation de brûlure de la peau (11 % pour le tacrolimus vs 10 % pour le pimécrolimus) et le prurit (7 % dans les deux cas) (J Am Acad Dermatol 2005;52[5]:810-22). Pour ce qui est de la sensation de brûlure de la peau, la différence entre les deux groupes n’a pas atteint le seuil de signification statistique, précise le Dr Antaya. «Plus la maladie est sévère, plus la sensation de brûlure est intense, et elle est plus fréquente sous tacrolimus. Chez les adultes, elle est identique pour les deux traitements après huit jours.»

Données sur l’innocuité et l’efficacité à long terme

L’innocuité et l’efficacité du tacrolimus ont maintenant été analysées à partir de nombreuses études post-commercialisation qui regroupaient en tout quelque 10 000 enfants et adultes souffrant de dermatite atopique, fait remarquer le Dr Fleischer. L’amélioration observée chez les sujets de ces études a été «rapide et durable»; sur le plan de l’innocuité, les résultats n’ont pas changé en quatre ans, et on n’a pas noté non plus d’augmentation des effets indésirables au fil du temps. En effet, le pourcentage d’infections de la peau atteint un maximum durant la première année d’utilisation. «La théorie veut que la protection naturelle de la peau soit stimulée à mesure que la maladie régresse», la peau devenant alors moins vulnérable aux infections, explique le Dr Fleischer. Par ailleurs, note-t-il, les patients dont la dermatite atopique était plus sévère ont signalé une sensation de brûlure iatrogène plus intense lors de chaque évaluation, mais ce problème a tendance à s’atténuer au fil du traitement. Réfutant les allégations de risque accru de cancer, le Dr Fleischer a déclaré : «aucune donnée ne prouve que cette classe de médicaments est associée à un risque accru de lymphome».

Compte tenu de la nécessité d’études de longue haleine, on a entrepris une étude prospective et longitudinale d’envergure multinationale qui regroupe quelque 2000 enfants ayant des antécédents de dermatite atopique et dont le suivi s’échelonnera sur 10 ans, d’enchaîner le Dr Fleischer. Les résultats préliminaires ont confirmé l’innocuité du tacrolimus en onguent. Son efficacité et son innocuité à long terme pour la prévention des poussées de dermatite atopique ont aussi été étudiées, précise-t-il. Lors d’une étude récente sur le traitement d’entretien qui regroupait 195 patients dont la dermatite atopique était stabilisée, l’efficacité du tacrolimus appliqué trois fois par semaine pendant 40 semaines a été évaluée quant à la prévention des rechutes. Toute corticothérapie était interdite, même en cas de rechute.

Il ressort des résultats que le traitement d’entretien par le tacrolimus (n=124) a donné lieu à un nombre plus élevé de jours sans poussée que le tacrolimus utilisé uniquement pour le traitement des poussées (n=71) (177,47 jours vs 134,1 jours, respectivement; p=0,003). Le délai médian d’apparition de la première rechute a été significativement plus long : 169 jours vs 43 jours (p<0,037). Aucune différence n’a toutefois été notée quant à la survenue d’une sensation de brûlure ou d’un prurit au point d’application (8,0 % pour le traitement d’entretien vs 8,5 % pour le traitement des poussées). L’étude a aussi révélé que la quantité totale de tacrolimus utilisée par les patients qui appliquaient l’onguent deux ou trois fois par semaine à des fins de prévention était inférieure à la quantité utilisée par les patients qui reprenaient l’application du traitement uniquement en cas de poussée.

Résumé

Les experts réunis au congrès ont passé en revue le volume substantiel de données à l’appui de l’innocuité et de l’efficacité du tacrolimus en traitement de deuxième intention pour la dermatite atopique modérée à sévère, y compris les données à l’appui de son efficacité pour le traitement du prurit, symptôme cardinal de cette dermatose. Ils ont aussi discuté du nombre croissant de données étayant l’utilisation de cet agent comme traitement d’entretien ou préventif de la dermatite atopique, l’objectif étant d’augmenter le nombre de jours sans poussée et de limiter l’emploi des corticostéroïdes à long terme.

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