Comptes rendus

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Hypertension artérielle pulmonaire : l’amélioration du pronostic à long terme passe par un diagnostic précoce

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 21e Congrès annuel de la European Respiratory Society

Amsterdam, Pays-Bas / 24-28 septembre 2011

Amsterdam - Les bénéfices associés au traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) à un stade précoce ont été clairement démontrés et sont d’ailleurs pris en compte dans les recommandations thérapeutiques actuelles. L’HTAP de classe fonctionnelle (CF) II selon la New York Heart Association (NYHA) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est associée à un pronostic nettement meilleur que l’HTAP de CF III ou IV. Cependant, le diagnostic de l’HTAP est généralement tardif, les registres montrant que la majorité des cas d’HTAP sont de CF III ou IV au moment du diagnostic. De nouvelles données issues de la prolongation ouverte de l’essai EARLY ont révélé que le traitement de l’HTAP de CF II pouvait retarder la progression de la maladie à long terme. Il a aussi été démontré qu’un programme de dépistage permettait de diagnostiquer la maladie plus tôt et de prolonger la survie. Cela dit, de nouvelles données issues de registres de patients atteints d’HTAP, y compris de patients atteints d’une cardiopathie congénitale, montrent que l’on doit encore améliorer les taux de détection précoce, de prise en charge et de survie à long terme.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Depuis une vingtaine d’années, les progrès du traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) sont «fantastiques» pour une maladie rare comme celle-là, affirme le Pr Gérald Simonneau, Université Paris-Sud 11, Kremlin-Bicêtre, et Centre national de référence de l’hypertension artérielle pulmonaire, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France. «Aujourd’hui, avec sept médicaments sur le marché, les résultats sont meilleurs, et l’avènement des agents oraux a simplifié la démarche thérapeutique», poursuit-il.

Bien que les traitements médicamenteux actuels améliorent la qualité de vie, la capacité d’exercice, l’hémodynamique et la survie, l’HTAP demeure une maladie incurable, et la réponse aux traitements n’est pas constante. «Nous devons faire mieux, insiste le Pr Simonneau, précisant que selon les plus récentes données du Registre français de l’HTAP, le taux de survie à 3 ans se chiffre à 58,2 % (Humbert et al. Circulation 2010;122:156-63), ce qui montre que le diagnostic est généralement tardif. Toujours selon le Registre français de l’HTAP, la maladie a été diagnostiquée alors qu’elle était de classe fonctionnelle (CF) II chez 24 % des patients, mais elle était de CF III ou IV dans la majorité des cas (75 %) (Humbert et al. Am J Respir Crit Care Med 2006;173:1023-30).

Traitement et résultats à long terme dans l’essai EARLY

Le Dr Olivier Sitbon, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France, a présenté les plus récents résultats de la prolongation ouverte de l’essai EARLY (Efficacy and Safety of Oral Bosentan in Pulmonary Arterial Hypertension Class II), notamment le bénéfice à long terme associé au traitement précoce de l’HTAP. EARLY est le seul essai clinique avec randomisation à avoir évalué un traitement médicamenteux ciblé au sein d’une population dont tous les sujets étaient en CF II au départ. Dans le cadre de l’étude initiale, 185 patients souffrant pour la plupart d’HTAP idiopathique ont été randomisés de façon à recevoir du bosentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline, ou un placebo pendant 6 mois (Galiè et al. Lancet 2008;371:2093-100). Chez tous les sujets de l’essai EARLY, la maladie était vraiment en CF II; leur capacité d’exercice et leur profil hémodynamique étaient semblables à ceux des patients en CF II du Registre français, précise le Dr Sitbon.

Au départ, la distance moyenne parcourue au test de marche de 6 minutes (TM6M) était de 430 m, et les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) moyennes étaient très élevées (800 dynes·sec·cm-5). Les résultats de l’étude initiale ont fait ressortir une amélioration significative des deux paramètres principaux sous bosentan, par rapport au placebo, à savoir : une diminution de 22,6 % des RVP (p<0,0001) et une augmentation de 19,1 m de la distance moyenne parcourue au TM6M (p=0,0758). Les patients sous traitement actif ont été moins nombreux à voir leur maladie passer d’une CF II à une CF III ou IV (3 % vs 13 % [RR de 0,26; p=0,0285]). «Le résultat le plus impressionnant a probablement été l’effet du bosentan sur l’intervalle précédant l’aggravation clinique», note le Dr Sitbon : diminution de 77 % du risque relatif de progression de l’HTAP par rapport au placebo (p=0,0114).

Au total, 157 sujets de l’essai EARLY ayant participé à la phase à double insu ont été recrutés pour la phase de prolongation ouverte. Les patients auparavant sous bosentan ont poursuivi leur traitement actif alors que les patients auparavant sous placebo sont passés à l’antagoniste des récepteurs de l’endothéline. Durant l’une et l’autre phase de l’étude, 173 patients au total (96,0 % en CF II au départ) ont reçu le traitement actif (durée médiane de l’exposition : 41,7 mois). Certains patients sont maintenant suivis depuis près de 5 ans. Le taux de survie à 3 ans a été estimé à 89,9 %. À 30 mois, la CF s’était maintenue chez 68,2 % des patients, améliorée chez 20,2 % et détériorée chez 11,6 % des patients. Aucune variation significative de la distance parcourue au TM6M n’a été notée par rapport à la distance initiale (variation moyenne à 30 mois : +7,6 m).

Dans les recommandations européennes actuelles, d’ailleurs solidement étayées, sont préconisés l’ambrisentan, le bosentan, le sildénafil ou le tadalafil dans le traitement de l’HTAP de CF II (Galiè et al. Eur Respir J 2009;34:1219-63), souligne le Dr Sitbon. «Avec les agents oraux, il est plus logique de commencer par la monothérapie, mais comme chez tous les patients, il est très important de surveiller l’efficacité du traitement et, après 3 à 6 mois, de réévaluer l’état clinique du patient, la distance parcourue au TM6M, la capacité d’exercice et l’hémodynamique», explique-t-il.

HTAP et cardiopathie congénitale

L’HTAP, complication majeure de la cardiopathie congénitale (CC), résulte généralement de l’augmentation des RVP secondaires à un shunt gauche-droit à travers un orifice de taille moyenne ou de grande taille. Les données épidémiologiques sur l’HTAP associée à la CC sont plutôt rares, mais à en juger par de nouvelles données issues du Registre français de l’HTAP, une HTAP serait diagnostiquée dans environ 60 % des cas de CC connue. Cela dit, bien que la majorité de ces patients aient été atteints d’une HTAP en CF III, la plupart ne recevaient aucun traitement spécifique de l’HTAP.

Le Dr Xavier Jais, Université Paris-Sud 11, a présenté des données de patients inscrits dans le deuxième registre prospectif tenu en France par le Réseau français HTAP dans 26 établissements entre novembre 2006 et décembre 2009. L’HTAP était diagnostiquée par cathétérisme cardiaque droit et était définie par la présence d’une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) =25 mmHg et d’une pression capillaire pulmonaire (PCP) =15 mmHg. La prescription des traitements ciblés était laissée à la discrétion des cliniciens traitants.

On a diagnostiqué une HTAP-CC chez 255 (9,8 %) des 2585 patients. Les sujets étaient âgés en moyenne de 36,8 ans, et 60 % d’entre eux étaient de sexe féminin. La CC diagnostiquée était le shunt pré-triscuspide isolé (n=95), le shunt post-tricuspide isolé (n=134), les shunts pré- et post-tricuspide combinés (n=11) et les CC complexes (n=15). La communication interauriculaire était la principale CC diagnostiquée en même temps que l’HTAP ou après cette dernière. Chez ces patients, la PCP moyenne était de 8,3 mmHg, la PAPm, de 59 mmHg, et la distance parcourue au TM6M, de 370 m.

Environ 66 % des patients recevaient un traitement spécifique de l’HTAP; de ces patients, environ 60 % recevaient une monothérapie et 64 %, du bosentan. La CF s’est améliorée chez les patients sous traitement : 59 % de patients en CF I-II au dernier suivi, vs 39 % à l’admission, souligne le Dr Jais. Les patients atteints d’HTAP-CC avec shunt pré-tricuspide semblaient répondre plus rapidement au traitement spécifique de l’HTAP que les patients porteurs d’un shunt post-tricuspide, et ils sont restés stables longtemps, ajoute-t-il. Au cours du suivi, seulement 20 patients sont décédés : 4 de mort subite, 8 de la progression de l’HTAP et 8 d’autres causes; et 7 patients ont eu besoin d’une transplantation cœur-poumons.

Parmi les 34 % de patients qui ne recevaient aucun traitement spécifique de l’HTAP, on comptait 43 % des 140 patients dont la maladie était de CF III. «Nous en ignorons la raison, mais nous avons certaines hypothèses, affirme le Dr Jais. La majorité de ces patients avaient des antécédents anciens de dyspnée et étaient stables depuis longtemps, de sorte que les médecins ont peut-être décidé de ne pas les traiter parce qu’ils étaient stables», dit-il en terminant.

Dépistage de la maladie à un stade précoce

Le Dr Sitbon a présenté des données montrant de quelle façon le dépistage des populations à risque élevé d’HTAP, comme les patients atteints de sclérodermie, permet de repérer les patients plus tôt que dans la pratique clinique (Figure 1). Son groupe s’est penché au cours de la même période (2002-2003) sur deux cohortes de patients dont le diagnostic d’HTAP secondaire à la sclérodermie était récent. La cohorte dite «pratique clinique» regroupait 16 patients consécutifs atteints de sclérodermie et symptomatiques chez qui l’HTAP avait été diagnostiquée par cathétérisme droit au moment du recrutement dans le Registre français de l’HTAP. La cohorte «détection précoce» regroupait 16 patients consécutifs atteints de sclérodermie qui avaient été admis à un programme de détection systématique de l’HTAP et chez qui un cathétérisme droit subséquent avait objectivé une HTAP.

Figure 1. Détection plus précoce de l’HTAP chez les patients sclérodermiques grâce à un programme de dépistage


Au moment du diagnostic de l’HTAP, la maladie vasculaire pulmonaire était moins avancée chez les sujets de la cohorte détection précoce que chez ceux de l’autre cohorte, comme en témoignaient une CF, une PAPm et des RVP plus faibles et un débit cardiaque plus élevé (Humbert et al. Arthritis Rheum. Publié en ligne le 18 juillet 2011). En effet, 50 % des sujets de la cohorte détection précoce étaient en CF I ou II, vs seulement 12,5 % des sujets de la cohorte pratique clinique. Bien que les sujets de la cohorte détection précoce aient été moins nombreux à prendre des diurétiques et de la warfarine, il n’y avait aucune différence entre les deux cohortes quant aux traitements spécifiques de l’HTAP. Les taux de survie à 1, 3, 5 et 8 ans étaient de 75 %, 31 %, 25 % et 17 %, respectivement, chez les patients de la cohorte pratique clinique vs 100 %, 81 %, 73 % et 64 % chez les patients de l’autre cohorte (p=0,0037). «Ces résultats fort intéressants pourraient s’appliquer à d’autres sous-populations et ainsi permettre de déceler l’HTAP plus tôt et d’améliorer les résultats cliniques», conclut le Dr Sitbon.

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