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Importance du monitoring thérapeutique dans le contexte des infections à risque mortel

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 51e Conférence intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Chicago, Illinois / 17-20 septembre 2011

Chicago - Le traitement prophylactique et empirique par les antifongiques de première intention repose de plus en plus sur le monitoring thérapeutique (MT). Le lien entre l’exposition au médicament et l’efficacité du traitement, surtout dans le contexte d’une infection à risque mortel qui progresse rapidement, a été au cœur de nombreuses études présentées au congrès. L’une d’elles a objectivé une corrélation assez étroite entre l’exposition au médicament et la maîtrise de l’aspergillose pulmonaire invasive réfractaire au traitement. Lorsqu’une réponse complète s’impose d’urgence, le MT revêt une importance particulière s’il s’agit d’un traitement empirique, l’agent pathogène en cause étant alors inconnu, ou d’un traitement prophylactique, l’objectif étant alors de prévenir l’infection clinique.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

La baisse de la morbi-mortalité chez les patients hospitalisés passe par la prévention et la détection précoce des infections fongiques. Même si les antifongiques actuellement à notre disposition sont efficaces lorsqu’ils sont administrés sans délai à une dose suffisante, force nous est de reconnaître que l’on doit ajuster la dose pour éviter des concentrations subthérapeutiques. Une étude visant à évaluer l’ajustement posologique du voriconazole dans l’aspergillose pulmonaire invasive l’a d’ailleurs bien illustré. Reconnu comme un agent de première intention depuis qu’il a augmenté la survie de manière très significative par rapport à l’amphotéricine B dans le cadre d’un essai pivot il y a près de 10 ans (Herbrecht et al. N Engl J Med 2002;347:408-15), le voriconazole conservera probablement ses lettres de noblesse pour autant que l’on ajuste sa posologie afin qu’il atteigne des concentrations thérapeutiques chez chaque patient.

CMI croissantes : un obstacle à surmonter

«Les isolats d’Aspergillus fumigatus qui ne cèdent qu’à une concentration minimale inhibitrice (CMI) plus élevée de voriconazole sont de plus en plus répandus à l’échelle mondiale, mais notre étude semble indiquer que ces concentrations-seuils déterminées par monitoring thérapeutique (MT) systématique ne font pas obstacle à l’efficacité durable et prévisible de cet agent», souligne la Dre Susan J. Howard, Division d’infectiologie, University of Manchester, Royaume-Uni. Utilisant un nouveau modèle dynamique de l’alvéole humaine in vitro, la Dre Howard a fait état d’une relation étroite entre une exposition accrue au médicament et l’inhibition de la prolifération fongique lorsque les CMI passaient de 0,5 à 16,0 mg/L.

Dans ce modèle qui regroupait plusieurs souches, on a évalué la prolifération fongique et l’effet antifongique du voriconazole à l’aide du taux de galactomannane (GM) circulant. Un modèle mathématique de pharmacocinétique et de pharmacodynamie a permis de relier l’aire sous la courbe (ASC) avec la CMI et la concentration minimale avec le taux de GM. Même si la méthode de Monte Carlo semble indiquer que les doses standard étaient efficaces chez la plupart des patients porteurs d’une souche répondant à une CMI =1,0 mg/L, il serait possible de «venir à bout d’une CMI plus forte si l’exposition au médicament était plus marquée», poursuit la Dre Howard.

Monitoring thérapeutique et stratégies thérapeutiques novatrices

Le MT est particulièrement important lors d’un traitement prophylactique ou empirique parce qu’il peut servir à la fois à assurer une exposition suffisante au médicament lorsque la CMI des agents pathogènes probablement en cause est connue et à maintenir les concentrations à l’intérieur des limites thérapeutiques afin de protéger le patient contre les effets indésirables. Il devient ainsi possible d’utiliser les agents les plus puissants tout en réduisant au minium le risque d’effets indésirables, avantage qui vaut non seulement pour les antifongiques déjà sur le marché mais aussi pour les antifongiques expérimentaux comme l’E1210.

Les données sur ce premier représentant d’une nouvelle classe thérapeutique ont suscité beaucoup d’intérêt au congrès. «À ce jour, l’E1210 s’est révélé très actif dans les études in vitro puisqu’il a inhibé les isolats qui présentaient une résistance croisée à tous les triazolés», affirme la Dre Mariana Castanheira, JMI Laboratories, North Liberty, Iowa. Les résultats des analyses cliniques de l’E1210 par MT ne sont pas encore connus, indique la Dre Castanheira, mais quoi qu’il en soit, il est essentiel de définir des méthodes standardisées de surveillance de l’efficacité – que le MT soit l’outil approprié ou non – pour prévenir ou traiter les infections causées par des agents pathogènes émergents et combattre les souches résistantes.

Au congrès, plusieurs études ont été présentées sur ce nouvel agent antifongique à large spectre qui inhibe l’étape d’acylation de l’inositol dans la biosynthèse du glycosyl-phosphatidyl inositol fongique. Ce mécanisme altère la croissance de la paroi cellulaire et inhibe la prolifération des cellules fongiques sur des substrats biologiques. Dans l’étude présentée par la Dre Castanheira, les chercheurs ont testé 78 isolats d’Aspergillus présentant des degrés variables de résistance afin de déterminer leur sensibilité relative à trois azolés commercialisés (voriconazole, itraconazole et posaconazole), aux trois échinocandines (anidulafungine, caspofongine et micafungine) et à l’E1210.

L’étude, qui portait sur quatre espèces aspergillaires, a généré beaucoup de données. Les chercheurs ont notamment observé que l’E1210 administré à la dose que l’on a retenue pour la recherche clinique était l’agent le plus efficace ou l’un des plus efficaces contre toutes les souches résistantes, souligne la Dre Castanheira. De l’avis de cette dernière, un nouvel antifongique doté d’un mode d’action novateur serait important si, comme on le prévoit, les taux d’infections fongiques résistantes poursuivent leur ascension.

Association d’antifongiques pour contrer les souches résistantes toujours plus nombreuses

L’association d’antifongiques est une autre stratégie qui s’avère très prometteuse. Là encore, le MT pourrait contribuer étroitement à la détermination des doses des deux agents qui permettraient d’obtenir des concentrations thérapeutiques. Lors d’une étude qui visait à évaluer l’association de l’anidulafungine et du voriconazole dans un modèle expérimental d’aspergillose invasive (AI), l’obtention de la CMI de chaque agent était essentielle à la survie, même si les deux agents étaient administrés en association. Comparativement à l’un ou l’autre agent administrés seuls, pour lesquels la survie n’a pas été systématique, l’ajout d’une faible dose d’anidulafungine à une forte dose de voriconazole, ou vice versa, a donné lieu à un taux de survie de 100 %.

«Dans ce modèle, l’association de l’anidulafungine et du voriconazole a été efficace sur le plan thérapeutique. Elle a été particulièrement plus efficace que le voriconazole ou l’anidulafungine en monothérapie lorsque l’infection était causée par des isolats d’Aspergillosis fumigatus résistants aux azolés», précise l’auteur principal de l’étude, le Dr Adam R. Jeans, Département d’infectiologie, University of Manchester.

Comme on l’a déjà dit, le MT permet au clinicien de s’assurer que les concentrations des deux antifongiques sont suffisantes pour atteindre le foyer infectieux sans pour autant augmenter le risque d’effets indésirables. Dans un hôpital où le MT est utilisé depuis 2002 pour la surveillance des traitements antifongiques, on a effectué une étude rétrospective regroupant tous les patients qui avaient été traités pour une AI afin d’évaluer le risque de neurotoxicité. Sur une période de 3 ans, les 80 patients avaient tous reçu du voriconazole, l’antifongique de première intention que ce centre utilise dans l’AI. Les chercheurs ont conclu que, sur le plan de l’innocuité, il fallait s’en tenir à une concentration sanguine maximale de 5,5 mg/L pour éviter des symptômes de neurotoxicité tels que la confusion ou les hallucinations.

«Lorsque nous nous sommes penchés uniquement sur les patients traités en 2010, aucun des 16 patients dont les concentrations de voriconazole étaient <5,5 mg/L n’a manifesté de signe de neurotoxicité vs 3 des 9 patients dont les concentrations étaient supérieures à ce seuil», explique le Dr Christophe Padoin, Laboratoire de contrôle et de suivi thérapeutique, CHU Avicenne, Bobigny, France. «Tous les symptômes ont disparu lorsqu’on a diminué la dose ou mis fin au traitement par le voriconazole.»

Microcalorimétrie isotherme

Le MT est actuellement la méthode que l’on utilise le plus pour surveiller les concentrations et ainsi assurer l’efficacité et l’innocuité du traitement, mais d’autres stratégies sont à l’étude, dont la microcalorimétrie isotherme. Cette méthode permet de mesurer la chaleur produite par la prolifération des agents pathogènes exposés au traitement antifongique. Fait intéressant à souligner, les différentes classes d’antifongiques influent différemment sur la chaleur émise par la prolifération des agents pathogènes, mais les résultats semblent reproductibles dans chaque cas. Le concept a été évalué chez des espèces aspergillaires.

«L’amphotéricine B et les azolés ont retardé la production de chaleur de manière concentration-dépendante alors que la caspofongine a modifié le profil de chaleur; dans les deux cas, la corrélation avec les CMI était bonne», souligne la Dre Ulrika Furustrand Tafin, Hôpital universitaire, Lausanne, Suisse. Le délai médian de détection était de 4,1 heures, mais pouvait atteindre 15,4 heures, ajoute la Dre Tafin. L’utilisation clinique de cet outil n’est pas pour demain, certes, mais la Dre Tafin prévoit qu’il sera utilisé à court terme dans l’évaluation des nouveaux antifongiques et des associations d’antifongiques.

Résumé

L’infection fongique est une complication dévastatrice chez les patients hospitalisés, en particulier chez les patients immunodéprimés. Il est donc fréquent que l’on opte pour des stratégies prophylactiques ou que l’on instaure un traitement empirique sans délai afin de réduire la morbi-mortalité. Comme il faut agir vite dans les infections à risque mortel, l’administration de doses ciblées d’antifongiques efficaces est de plus en plus importante si l’on aspire à assurer la réussite du traitement et à préserver l’efficacité des agents de première intention. Le MT permet non seulement de s’assurer que la dose administrée est appropriée, mais aussi d’éviter une dose excessive qui entraînerait des effets indésirables. Cela est particulièrement important lorsqu’on tente d’administrer les agents les plus actifs, que l’agent pathogène n’a pas été identifié ou qu’il s’agit d’un traitement prophylactique. De récentes études ont fait état de progrès dans le développement d’antifongiques dotés d’un mode d’action novateur et le développement de stratégies pour la détermination de la sensibilité de l’agent pathogène en cause. Cela dit, nous avons déjà à notre disposition une méthode toute simple pour combattre les infections fongiques : l’association de deux antifongiques faiblement dosés dont les modes d’action sont complémentaires.

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