Comptes rendus

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Traitement des infections à SARM compliquées chez les patients hospitalisés : guide de pratique de l’IDSA vs nouvelles données

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 51e Conférence intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Chicago, Illinois / 17-20 septembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Au début de 2011, l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) a publié un nouveau guide de pratique sur la prise en charge des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) (Lieu et al. Clin Infect Dis 2011;52:285-92). À l’aide d’un système de cotation, les auteurs ont évalué la qualité des preuves qu’ils avaient utilisées pour formuler des recommandations précises dans un vaste éventail de scénarios cliniques. Les cotes utilisées varient entre A-I et C-III. Dans la plupart des indications, la vancomycine figure parmi les options cotées A-I, mais à en juger par de nouvelles données, cet agent n’est peut-être pas idéal, du moins dans certaines indications, lorsqu’il y a d’autres antibiotiques cotés A-I. On reproche surtout à la vancomycine sa fenêtre thérapeutique plutôt étroite et l’incertitude quant à ses concentrations sériques optimales.

Concentrations sériques optimales?

«L’un des plus gros problèmes que nous avons avec la vancomycine, c’est que nous ne sommes toujours pas certains de ses concentrations sériques optimales. L’IDSA recommande un creux sérique de 15 à 20 µg/L dans le traitement de la bactériémie à SARM, mais peu de données étayent cette valeur cible», souligne le Dr Marcus J. Zervos, chef de l’infectiologie, Henry Ford Hospital, Detroit, Michigan. Auteur principal d’une étude dirigée par la Dre Samia Arshad Kaskar dans son établissement, le Dr Zervos a présenté des données rétrospectives sur 200 patients atteints de bactériémie à SARM qui avaient reçu de la vancomycine. L’objectif était d’examiner les échecs cliniques en regard des concentrations sériques. L’échec clinique était défini par la mort, la récidive de la bactériémie à SARM dans un délai de 30 jours ou une hémoculture positive =7 jours après le début du traitement.

Les concentrations sériques minimales de vancomycine étaient consignées pour 86 des 200 patients atteints de bactériémie et les concentrations à l’état d’équilibre (>72 heures après le début du traitement), pour 78 patients (étaient exclus les patients qui présentaient une insuffisance rénale aiguë à l’admission, qui étaient en dialyse ou dont les concentrations de vancomycine n’avaient pas atteint l’état d’équilibre dans les 72 heures suivant le début du traitement). Lorsqu’ils ont stratifié les patients selon que leur creux sérique de vancomycine était inférieur ou supérieur à 15 µg/mL, les chercheurs ont constaté que le taux d’échec clinique était d’autant plus faible que le creux sérique initial était élevé (13 % vs 21 %; p=0,413). Par contre, ils ont aussi observé le phénomène inverse avec les concentrations à l’état d’équilibre mesurées 72 heures après le début du traitement. Dans ce cas, le taux d’échec clinique était d’autant plus élevé que le creux sérique était élevé (18 % vs 9 %; p=0,276). La néphrotoxicité était aussi plus fréquente lorsque le creux sérique définitif était >15 µg/mL (27 % vs 15 %; p=0,224). Bien qu’aucune de ces différences n’ait atteint le seuil de signification statistique, elles ont incité les chercheurs à insister sur l’importance d’essais comparatifs pour déterminer les concentrations cibles de vancomycine.

«Il ne fait aucun doute que la vancomycine est efficace contre les infections à SARM, mais il semble y avoir une variabilité interindividuelle substantielle des concentrations sériques et un manque de données sur les concentrations sériques optimales», souligne le Dr Zervos, qui n’a pas expliqué le pourquoi du taux d’échec plus élevé en présence d’un creux sérique à l’état d’équilibre plus élevé; cela dit, le risque accru d’effets indésirables menant à l’abandon du traitement pourrait avoir joué un rôle.

Plus grande constance

En fait, l’IDSA estime que les preuves à l’appui du choix de la vancomycine dans le traitement de la bactériémie à SARM sont de niveau A-II. Bien que la daptomycine soit le seul agent coté A-I, la vancomycine demeure le choix de nombreux établissements. La possibilité d’une efficacité supérieure de la daptomycine a été démontrée dans une étude rétrospective où l’on comparait la daptomycine à la vancomycine ou à l’utilisation séquentielle des deux agents. Parmi les 101 patients traités dans cinq centres participants, 70 ont reçu uniquement de la vancomycine. Parmi les autres, 17 ont reçu uniquement de la daptomycine et 14, de la vancomycine, puis de la daptomycine. Fait digne de mention, les deux agents ont été utilisés à la dose standard recommandée par l’IDSA.

Concernant le traitement de la bactériémie à SARM, «tous les paramètres que nous avons mesurés dénotaient une tendance vers une meilleure réponse sous daptomycine», affirme le Dr Brent W. Footer, State University of New York, Buffalo. Bien que les concentrations sériques n’aient pas été mesurées ou comparées dans le cadre de cette étude, l’efficacité de la daptomycine était globalement plus prévisible.

Plus précisément, le délai moyen d’éradication de l’agent pathogène était de 4,2 jours pour la daptomycine et de 5,8 jours (p=0,16) pour la vancomycine. Les échecs de l’éradication (16 % vs 0 %; p=0,11) et les décès (34 % vs 12 %; p=0,08) étaient plus nombreux sous vancomycine. À 30 jours, le taux de ré-hospitalisation se chiffrait à 13 % pour les sujets traités par la vancomycine et à 0 % pour les sujets traités par la daptomycine. L’utilisation séquentielle de la vancomycine et de la daptomycine a donné des résultats comparables aux résultats obtenus avec la vancomycine seule. Bien que le délai moyen d’éradication ait été plus bref sous traitement séquentiel que sous vancomycine seule, il était tout de même plus long que sous daptomycine seule.

Infections de la peau et des tissus mous à SARM

Dans le traitement des infections de la peau et des tissus mous (IPTM) à SARM chez les patients hospitalisés, l’IDSA accorde la cote A-I à quatre agents : vancomycine par voie intraveineuse (i.v.); linézolide à 600 mg par voie orale ou i.v., 2 fois/jour; daptomycine à 4 mg/kg par voie i.v., 1 fois/jour; et telavancine à 10 mg/kg par voie i.v., 1 fois/jour. Il s’agit là d’une autre indication où il n’est pas clair, à la lumière des nouvelles données, si la vancomycine, traitement de référence de longue date, demeure le meilleur choix parmi les options cotées A-I. La constance de l’efficacité et de l’innocuité d’un agent à la dose standard est un aspect important. La question a d’ailleurs été soulevée dans plusieurs études où l’on évaluait d’autres agents dans le traitement des infections du pied diabétique à SARM.

«Lors d’une étude multicentrique mais non comparative, le linézolide a été associé à d’excellents taux de guérison ou d’amélioration même à la première évaluation, et ces taux étaient étayés par des taux d’éradication microbiologique élevés», souligne le Dr Rafael Zaragoza, unité des soins intensifs, Hospital Universitario Dr Peset, Valence, Espagne. Lors de cette évaluation prospective, 87 patients diabétiques atteints d’une infection du pied à SARM prouvée ont été recrutés dans 10 centres participants. Après 60 jours, le taux de guérison ou d’amélioration atteignait 85,1 % et le taux d’éradication microbiologique, 80,5 %. Le traitement a duré 28,5 jours en moyenne.

«Le linézolide s’est révélé sûr bien malgré la durée du traitement», soutient le Dr Zaragoza. Comparativement à la vancomycine dont la néphrotoxicité représente un risque particulier chez le patient diabétique, le linézolide est un choix intéressant du fait de son innocuité et de son efficacité.

La daptomycine a fait l’objet d’une étude semblable, mais de plus grande envergure. Ainsi, 277 patients diabétiques atteints d’une infection du pied, tous agents pathogènes confondus, ont fait l’objet d’une étude rétrospective. Tous les sujets participaient au programme en cours EU-CORE (EUropean Cubicin Outcomes Registry and Experience), dont l’objectif est la collecte de données sur l’innocuité et l’efficacité de la daptomycine dans la pratique clinique. L’inclusion de tous les sujets qui se présentent, y compris ceux qui souffrent d’une infection compliquée, est l’une des forces de cette étude. Par exemple, une faible proportion de patients de cette série présentait une bactériémie ou une ostéomyélite concomitante, et plus de la moitié des patients avaient plus de 65 ans.

Parmi les agents pathogènes identifiés dans cette étude, S. aureus était le plus courant (54 % des cultures); venait ensuite S. epidermidis, que l’on a identifié dans seulement 7 % des cultures. Parmi les infections à S. aureus, 69 % étaient causées par un SARM. Aucun agent pathogène n’a été identifié dans 12 % des cas. Conformément à la recommandation de l’IDSA, la dose initiale la plus utilisée était de 4 mg/kg, 1 fois/jour. Le traitement a duré en moyenne 6 jours chez les patients ambulatoires et 12 jours chez les patients hospitalisés. L’usage d’autres antibiotiques en plus de la daptomycine était autorisé. Ainsi, 23,5 % des patients ont reçu une fluoroquinolone, 17,7 %, un carbapénème, 9,7 %, une pénicilline et 4,7 %, une céphalosporine.

Le taux de réussite clinique global était de 85,6 %, soit un taux de guérison de 30,7 % et un taux d’amélioration clinique de 54,9 %. Non seulement ces taux de réussite sont-ils encourageants compte tenu du fait que les affections concomitantes étaient fréquentes et qu’il s’agissait de cas difficiles à traiter, mais la tolérabilité de la daptomycine représente aussi un atout important, surtout au sein de cette population. Le taux d’effets indésirables attribués à la daptomycine était de 1,4 %.

«Comparativement aux autres antimicrobiens que l’IDSA recommande dans le traitement des infections à SARM, notamment la vancomycine, le linézolide et la telavancine, la daptomycine est celui qui offre la plus forte activité bactéricide contre les staphylocoques, agents pathogènes le plus souvent en cause dans les infections du pied diabétique», précise l’auteur principal de cette étude, le Dr Alberto Cogo, Casa Di Cura V Berica, Vicence, Italie. Au vu de ces résultats, il a qualifié la daptomycine de «choix intéressant», les mêmes mots que le Dr Zaragoza a utilisés pour décrire le linézolide. Bien que ces agents n’aient pas fait l’objet d’une comparaison directe, les deux chercheurs estiment qu’un taux élevé d’efficacité et un faible risque d’effets indésirables justifient la remise en question du choix systématique de la vancomycine dans les infections à SARM.

Résumé

Reposant sur des preuves, le guide de pratique de l’IDSA est un outil utile qui permet de déterminer les agents les plus efficaces dans le traitement des infections à SARM. Cela dit, lorsque plusieurs agents reçoivent la plus haute cote de solidité de la preuve, il est logique d’examiner les différences relatives entre ces agents, à plus forte raison quand l’infection risque d’être mortelle. La vancomycine est le traitement de référence des infections à SARM depuis l’émergence des SARM, mais il existe maintenant de multiples options de rechange pour divers types d’infections à SARM; plusieurs de ces nouveaux agents semblent au moins aussi efficaces et plus sûrs que la vancomycine, et pourraient être associés à des résultats plus constants. Les études présentées au congrès sur la bactériémie à SARM et les infections du pied diabétique à SARM, deux infections à SARM courantes et difficiles à traiter, montrent que les choix de traitement évoluent et qu’il est justifié d’envisager de nouveaux agents. ?

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