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Infléchir le cours de la maladie de Parkinson : une possibilité?

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 14e Congrès de la European Federation of Neurological Societies

Genève, Suisse / 25-28 septembre 2010

Le diagnostic précoce de la maladie de Parkinson (MP) demeure la clé d’un traitement plus efficace, affirme le Dr Anthony Schapira, University College London, Royaume-Uni. Les essais contre placebo menés sur des traitements expérimentaux ont fait ressortir l’importance d’un diagnostic précoce. En effet, le suivi des témoins sous placebo de diverses études a mis en évidence des taux de progression de 6,2 à 12,0 unités/année sur l’échelle UPDRS (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale).

«La prise en charge de la MP pose trois grands problèmes, fait observer le Dr Schapira. D’abord, la maladie doit être diagnostiquée tôt; ensuite, nous devons ralentir sa progression clinique; et enfin, nous devons parvenir à une maîtrise durable des symptômes.»

De nombreux traitements soulagent efficacement les symptômes de la MP. À cet égard, la lévodopa, les agonistes dopaminergiques et des inhibiteurs de la monoamine oxydase-B (MAO-B), tels que la rasagiline, ont fait leurs preuves, déclare le Dr Schapira. La lévodopa peut entraîner des complications motrices et, de tous les agents efficaces, c’est celui dont le profil d’effets indésirables est le moins favorable. Avec les agonistes dopaminergiques et les inhibiteurs de la MAO-B, le risque de complications motrices est faible. Du côté des anticholinergiques, des bêtabloquants et de l’amantadine, les données sur l’innocuité et l’efficacité sont insuffisantes, souligne le Dr Schapira.

Avantages d’un traitement efficace

Les avantages d’une prise en charge efficace de la MP vont au-delà de la maîtrise des symptômes. Récemment, des chercheurs ont étudié, pendant 18 mois, l’évolution clinique de 200 patients jamais traités auparavant (J Neurol Neurosurg Psychiatry 2007;78:465-96). Ils ont noté une détérioration significative (p<0,01) du score de chacun des huit volets du questionnaire PDQ-39 (Parkinson’s Disease Questionnaire) et du score total. En revanche, les patients d’une cohorte contemporaine qui avaient amorcé un traitement dès leur diagnostic ou peu après ont rapporté que leur état semblait s’améliorer.

Un traitement efficace peut amener des améliorations appréciables assez rapidement. À titre d’exemple, dans l’essai TEMPO (TVP-1012 in Early Monotherapy for Parkinson’s Disease Outpatients), le score UPDRS s’est amélioré de 3 ou 4 unités dans un délai de 6 mois chez des patients atteints d’une MP débutante ayant reçu l’une des deux doses de rasagiline administrées, par rapport aux témoins sous placebo (Arch Neurol 2002;59:1937-43). De plus, le traitement a été associé à une amélioration notable des composantes individuelles de l’échelle UPDRS.

Ralentir la progression de la maladie : le grand défi

Ralentir la progression de la maladie : voilà le plus grand défi dans la prise en charge de la MP. C’est du moins l’avis du Pr Olivier Rascol, Université de Toulouse III – Paul Sabatier, France. Divers traitements ont fait l’objet d’essais cliniques, et, malheureusement, aucun n’a infléchi le cours de la maladie. À ce jour, on s’explique encore mal ces échecs.

Les résultats ambivalents de l’essai ADAGIO (Attenuation of Disease Progression with Azilect Given Once-daily) (N Engl J Med 2009;361:1268-78) ont toutefois fait renaître l’espoir. On avait conçu l’étude de manière à faire une évaluation prospective de la rasagiline comme traitement de fond de la MP. Le protocole prévoyait un début de traitement différé : après randomisation, une partie des sujets ont amorcé immédiatement un traitement de 72 semaines par la rasagiline (deux doses étaient testées), et les autres ont reçu un placebo pendant 36 semaines, puis de la rasagiline pendant 36 autres semaines.

Le traitement immédiat par la rasagiline à 1 mg/jour a atténué les symptômes de manière significative. Cependant, à la dose de 2 mg, il ne s’est pas révélé significativement supérieur au placebo. Les chercheurs ne s’expliquent pas cette discordance, mais l’analyse des résultats se poursuit, précise le Pr Rascol.

On a prévu un traitement différé dans ADAGIO afin de vérifier l’hypothèse voulant que le traitement précoce atténue les symptômes et qu’à plus long terme, le traitement ralentisse la progression de la maladie. Les trois paramètres de l’essai étaient les suivants : efficacité de la rasagiline par rapport au placebo d’après la variation du score UPDRS entre les 12e et 36e semaines; supériorité du traitement immédiat par rapport au traitement différé d’après la variation du score UPDRS entre le début de l’étude et la 72e semaine; et non-infériorité du traitement immédiat par rapport au traitement différé d’après la variation du score UPDRS entre les 48e et 72e semaines. La rasagiline à 1 mg/jour a répondu aux trois critères, tandis que la rasagiline à 2 mg n’a répondu à aucun d’entre eux.

Les données à 1 an de l’essai TEMPO sont aussi déroutantes, fait remarquer le Pr Rascol, puisque la rasagiline à 2 mg/jour a, semble-t-il, ralenti l’aggravation des symptômes. Voilà qui ajoute à l’incertitude entourant les résultats obtenus au moyen de la forte dose dans l’essai ADAGIO. Notons que l’essai TEMPO prévoyait, lui aussi, un début de traitement différé, mais n’était pas conçu expressément pour évaluer l’aptitude du médicament à infléchir le cours de la maladie.

L’obtention de résultats non concluants au terme d’un essai avec traitement différé pourrait avoir une incidence sur d’autres études menées suivant ce même plan, poursuit le Pr Rascol. À ce propos, dans le cadre de l’essai PROUD (Pramipexole on Underlying Disease), les patients ont été randomisés de façon à recevoir un traitement immédiat ou différé par le pramipexole, un agoniste dopaminergique. On ne dispose pour l’instant que d’un résumé des résultats de l’étude, mais on sait qu’aucune différence n’est ressortie entre les deux groupes après 15 mois.

PROUD se distingue d’ADAGIO sur plusieurs plans. Le paramètre principal de l’essai PROUD relève de l’observation clinique (variation du score UPDRS) et de l’imagerie (changements touchant le transporteur de la dopamine). Par ailleurs, la dose de pramipexole administrée dans l’essai PROUD était plus faible que la dose s’étant montrée efficace lors d’études antérieures.

«On suit actuellement les patients pour juger de la portée clinique à long terme de nos observations et plus précisément, pour évaluer l’effet des traitements sur l’invalidité cumulative», précise le Pr Rascol.

Exploration des modes d’action

Les différences entre les agents contre la MP quant au mode d’action pourraient expliquer en partie les résultats discordants des essais cliniques réalisés suivant un plan similaire, mais portant sur divers agents qui se sont révélés efficaces pour atténuer les symptômes, explique le Dr Peter Jenner, King’s College, Londres, Royaume-Uni.

La pathogenèse de la MP est loin d’être simple. Le dysfonctionnement des mitochondries neuronales – qui est au cœur du problème – déclenche d’abord une cascade d’événements qui se solde par la mort cellulaire (apoptose), d’où la perte de cellules dopaminergiques dans la substance noire, constat pathologique qui signe la maladie. Ainsi, toute intervention qui fait obstacle à l’apoptose associée au dysfonctionnement mitochondrial aurait assurément son intérêt dans le traitement de cette maladie.

«Lors d’études où les chercheurs se sont penchés sur des mitochondries isolées, la rasagiline a inhibé de façon marquée l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale, la diminution du potentiel de membrane mitochondriale et le gonflement massif des mitochondries, ce qui témoigne d’un ciblage direct des mitochondries», poursuit le Dr Jenner.

La rasagiline inhibe également la libération du cytochrome C et la translocation de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase, une enzyme proapoptotique, dans le noyau cellulaire. En outre, la rasagiline favorise l’induction des gènes de survie, comme Bcl-2 et Bcl-xl, et des facteurs neurotrophiques.

L’amino-indane, métabolite principal de la rasagiline, possède de multiples caractéristiques qui expliquent son action sur les symptômes, enchaîne le Dr Jenner. L’amino-indane prévient l’apoptose; atténue le clivage de la caspase 9 et de la caspase 3; régule positivement les gènes associés aux protéines anti-apoptose; régule négativement l’expression des gènes inducteurs d’apoptose; et augmente les taux de la forme inductrice de survie de la protéine kinase C.

«De nouvelles données provenant de diverses sources semblent indiquer que le mode d’action pourrait être interactif, note le Dr Jenner. Les effets sur les symptômes sont stimulés par la conservation de la dopamine endogène, le ralentissement de la dégradation de la dopamine et une augmentation des changements compensatoires.»?

Résumé

Le vieillissement constant de la population donne tout lieu de croire que le fardeau physique, émotionnel et économique de la MP s’alourdira de plus belle dans les années à venir. Cette perspective rend impérative la mise au point de traitements qui peuvent infléchir la progression des symptômes. En général, les études cliniques – qui ont porté sur divers médicaments – ont eu des résultats décevants à cet égard. Lors de l’essai ADAGIO, la rasagiline administrée à raison de 1 mg/jour a semblé exercer des effets évocateurs d’un ralentissement de la progression clinique, à l’instar des essais antérieurs conçus pour évaluer un traitement précoce. Cependant, à la dose de 2 mg/jour, la rasagiline était comparable à un placebo, résultat qu’on ne s’explique toujours pas. Les études sur le mode d’action de cet inhibiteur de la MAO montrent qu’il exerce une activité très ciblée sur les mitochondries neuronales et qu’il inhibe le dysfonctionnement mitochondrial caractéristique de la maladie. D’autres études s’imposent si l’on aspire à valider un traitement capable d’infléchir le cours de la maladie.

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