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Inhibition de kinases multiples dans le traitement de l’hypernéphrome : le rôle de l’urologue

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 21e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Paris, France / 5-8 avril 2006

De l’avis du Dr Jean-Jacques Patard, Hôpital universitaire de Rennes, France, l’urologue joue déjà un rôle central dans de nombreux aspects de la prise en charge clinique du patient souffrant d’un hypernéphrome, notamment sur les plans des innovations chirurgicales pour les petites tumeurs, des interventions chirurgicales complexes pour les cancers parvenus à un stade avancé, du suivi régulier et de l’identification des facteurs pronostiques. Cela dit, il est rare que les urologues traitent un hypernéphrome métastatique ou qu’ils participent à des études cliniques sur le traitement adjuvant ou néoadjuvant. La situation changera sans doute avec l’avènement de nouveaux agents oraux en développement qui font obstacle à l’angiogenèse et à la prolifération des cellules tumorales dans l’hypernéphrome avancé, explique-t-il. Une fois que leur utilisation sera validée dans un contexte de traitement adjuvant, le Dr Patard estime qu’il pourrait devenir courant que les urologues se servent de ces nouveaux agents.

Traitement à double action

«L’idée de cibler simultanément la prolifération et l’angiogenèse des cellules tumorales est fort intéressante», affirme le Dr Joaquim Bellmunt, Universidad Autonóma de Barcelona, Espagne. C’est donc dire qu’il faut cibler les taux élevés de récepteurs à activité tyrosine kinase (RTK) que l’on trouve chez les patients porteurs d’un hypernéphrome. Le facteur de croissance endothéliale (VEGF), entre autres, mène à l’angiogenèse, qui est nécessaire à la croissance de la tumeur, tandis que des taux élevés du facteur de croissance d’origine plaquettaire (PDGF) convergent vers la maturation et la survie des vaisseaux sanguins néoformés et leurs tissus de soutien. Le PDGF est aussi associé à la progression tumorale. La stimulation excessive des RTK est souvent causée par des mutations du gène de la maladie de von Hippel Lindau, qui est présent chez 75 % des patients souffrant d’une forme sporadique de carcinome à cellules claires, précise le Dr Bellmunt. On croit donc que le blocage des récepteurs du VEGF et du PDGF aurait un impact significatif sur le développement de la tumeur.

«Le sorafenib est un inhibiteur de kinases multiples qui se prend par voie orale. Il inhibe la voie de transduction des signaux intracellulaires de la RAF kinase qui favorise la prolifération et la survie des cellules tumorales. De plus, il bloque les récepteurs du VEGF et du PDGF pour faire obstacle à la fois à la prolifération et à l’angiogenèse des cellules tumorales, explique le Dr Bellmunt. Dans le cadre d’une étude de phase II, randomisée et au long cours sur le sorafenib [400 mg b.i.d.] vs un placebo chez 202 patients souffrant d’un hypernéphrome métastatique, l’agent actif a permis une prolongation statistiquement significative [p=0,0001] de la survie sans progression : six semaines dans le groupe placebo vs 24 semaines dans le groupe sorafenib. De plus, on a observé une certaine réduction du volume de la tumeur et un bienfait clinique chez 71 % des sujets. Ce médicament se prête bien à une administration prolongée.»

L’activité antitumorale qui a été mise en évidence par les résultats de cette étude a amené les chercheurs de l’Institut Gustave-Roussy, Paris, France, à évaluer le sorafenib dans le cadre de la plus vaste étude de phase III randomisée et comparative avec placebo jamais réalisée chez des patients souffrant d’un hypernéphrome avancé. Présentant les résultats préliminaires de cette étude en cours, le Dr Bernard Escudier, chef de l’immunothérapie, a expliqué que 903 patients souffrant d’un hypernéphrome métastatique classique (métastases au poumon dans 77 % des cas et au foie dans 26 % des cas) avaient reçu, après randomisation, 400 mg b.i.d. de sorafenib oral ou un placebo, auquel s’ajoutaient les meilleurs soins de soutien possibles. Chez la majorité des patients, un traitement antérieur à base d’une cytokine avait échoué au cours des huit mois précédents; le quart des patients avaient reçu une radiothérapie, et la plupart avaient subi une néphrectomie avant le traitement. Le paramètre principal de l’étude était la survie globale.

«Au moment de la première analyse, la réponse selon les critères RECIST [Response Evaluation Criteria in Solid Tumours] se chiffrait à 10 %. Cependant, lorsque l’on tenait compte du bienfait clinique, la tumeur était maîtrisée chez 84 % des patients, par comparaison à environ 50 % dans le groupe placebo, explique le Dr Escudier. Chez 76 % des patients du groupe sorafenib – ce qui est impressionnant – on a observé une certaine réduction du volume de la tumeur, par comparaison à 25 % des sujets du groupe placebo. À notre établissement, sur 42 patients qui sont ensuite passés du groupe placebo au groupe sorafenib, 18 ont bénéficié d’une réduction du volume de la tumeur, même dans les cas où le changement de groupe se faisait à un stade avancé de la maladie. Pour ce qui est du paramètre principal de l’étude, nous n’avions pas encore atteint la médiane de survie au moment de la première analyse, mais on estimait l’augmentation de la médiane de survie globale à 39 % par rapport au placebo. Dans le groupe placebo, la médiane de survie était à ce moment-là de 14,7 mois, indique-t-il. La survie sans progression était deux fois plus longue dans le groupe sorafenib que dans le groupe placebo [24 vs 12 semaines, respectivement]; la différence était statistiquement significative et évidente dans tous les sous-groupes de patients évalués.»

Le Dr Escudier souligne que les effets indésirables liés au traitement étaient la diarrhée (43 %), le syndrome d’érythème palmo-plantaire (30 %) et l’hypertension (17 %). Ni la fatigue ni un faible taux d’hémoglobine n’étaient un problème. Il estime que le profil d’innocuité de cet agent actif est particulièrement intéressant du fait qu’on n’observe pas de myélosuppression et que cet agent est donc facile à combiner avec la chimiothérapie. L’index FKSI (Functional Assessment of Cancer Therapy - Kidney Cancer Symptom Index) n’a pas diminué sous l’effet du sorafenib, ce qui donne à penser que ce dernier n’a pas compromis la qualité de vie des patients. De plus, poursuit-il, on a observé une amélioration du côté des symptômes respiratoires et de la capacité de profiter de la vie chez les patients du groupe de traitement actif, par rapport aux patients du groupe placebo.

«Cet agent fonctionne comme nous pensions qu’il allait agir, c’est-à-dire en diminuant la vascularisation de la tumeur, ce que nous avons pu confirmer par différentes méthodes d’imagerie, de conclure le Dr Escudier. Chez les patients dont la tumeur était moins irriguée, par comparaison à ceux chez qui le débit sanguin de la tumeur n’avait pas varié, on a observé des taux de survie sans progression et une survie globale significativement meilleurs.» Vu ses caractéristiques, le sorafenib pourrait être utile comme traitement adjuvant ou néoadjuvant, estime-t-il.

Traitement adjuvant

L’objectif du traitement adjuvant est de réduire la vaste proportion de patients qui, malgré une intervention à visée curative, finissent par avoir un cancer métastatique dont ils meurent généralement, explique le Dr Tim Eisen, Royal Marsden Hospital, Londres, Royaume-Uni. Comme il a été démontré que les inhibiteurs des tyrosines kinases sont actifs chez la majorité des patients souffrant d’un hypernéphrome et qu’ils sont assez bien tolérés pour autoriser un traitement adjuvant à long terme, l’élaboration de protocoles d’études cliniques visant à évaluer le potentiel des inhibiteurs de kinases multiples comme traitement adjuvant de l’hypernéphrome est déjà bien avancée.

Une étude de phase III, randomisée et à double insu comparera le sorafenib et un placebo chez des patients dont l’hypernéphrome primitif a été réséqué et qui sont exposés à un risque élevé ou intermédiaire de récidive. L’objectif sera de déterminer si un traitement adjuvant par le sorafenib prolonge la survie et si la durée du traitement est corrélée avec la survie; cette étude visera par ailleurs à déterminer quels marqueurs biologiques sont prédictifs d’un effet bénéfique du sorafenib. «Nous allons nous pencher sur l’épidémiologie génétique, tant sur le plan du risque d’hypernéphrome que de la tolérabilité du médicament, explique le Dr Eisen. Le paramètre principal d’évaluation est la survie sans métastases. Les paramètres secondaires sont la durée de survie spécifique de l’hypernéphrome, la toxicité, les caractéristiques biologiques, la surexpression d’un certain nombre de récepteurs des facteurs de croissance et l’activité des molécules de signalisation.»

Après randomisation, sur huit patients, deux recevront un placebo, tandis que trois recevront le traitement actif pendant un an, puis un placebo pendant deux ans, et trois recevront le traitement actif pendant trois ans. Ce protocole a pour objectif de réduire au minimum le nombre de patients qui reçoivent uniquement un placebo, insiste-t-il. Le recrutement commencera à l’automne.

Résumé

Comme les patients porteurs de tumeurs localisées ont souvent des micro-métastases, fait remarquer le Dr Patard, il est important que les urologues tiennent compte des facteurs pronostiques afin d’identifier les patients les plus à risque de progression du cancer après l’intervention chirurgicale initiale. Chez ces patients, nous avons de très bonnes raisons d’utiliser à la fois un traitement antiangiogénique pour prévenir la croissance des micro-métastases et un traitement contre la tumeur primitive. Dans un contexte de traitement néoadjuvant, enchaîne-t-il, les urologues pourraient participer à l’élaboration de programmes de recherche traductionnelle. Il sera essentiel qu’ils interviennent dans la prise en charge des patients souffrant d’un cancer avancé de même que dans l’élaboration des protocoles et le recrutement des patients pour des études cliniques sur des traitements adjuvants et néoadjuvants novateurs si l’on aspire à une intégration optimale de ces nouveaux agents antiangiogéniques oraux dans les stratégies chirurgicales, conclut-il.

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