Comptes rendus

L’inhibition de la 5-alpha réductase diminue le risque de cancer de la prostate
Modification du risque de progression du glaucome

Inhibition de l’entrée par le corécepteur R5 d’après un test de tropisme plus sensible

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 5e Conférence de l’International AIDS Society (IAS)

Le Cap, Afrique du Sud / 19-22 juillet 2009

Le maraviroc (MVC), inhibiteur de l’entrée par le corécepteur CCR5 (R5), fait obstacle à l’entrée du VIH-1 à tropisme R5 dans la cellule en se fixant au corécepteur R5 de surface et bloque son interaction avec la boucle V<sub>3</sub> de la glycoprotéine gp120 de l’enveloppe du virus. Si la plupart des souches du VIH utilisent exclusivement le corécepteur R5 pour pénétrer dans la cellule, certaines utilisent plutôt le corécepteur CXCR4 (X4) alors que d’autres encore ont un tropisme double ou mixte (R5/X4) bien que le test révèle un tropisme R5 exclusif. Comme le test de tropisme utilisé lors des essais cliniques était moins sensible que le nouveau test, jusqu’à 10 % des souches dites à tropisme R5 exclusif étaient en fait des souches à tropisme double/mixte.

L’essai MERIT (Maraviroc versus Efavirenz Regimens as Initial Therapy) – qui s’est déroulé à la fois dans l’hémisphère nord et l’hémisphère sud – avait pour objectif de comparer l’efficacité et l’innocuité du schéma MVC + zidovudine/lamivudine (CBV) avec celles du schéma éfavirenz (EFV) + CBV chez des patients infectés par un VIH-1 à tropisme R5 encore jamais traités. Lors de l’essai MERIT, on a utilisé le test de tropisme Trofile moins sensible, et bien que le MVC se soit révélé efficace, il a été 4,2 % moins efficace que l’EFV à en juger par le nombre de patients ayant atteint un taux d’ARN du VIH <50 copies/mL; la non-infériorité du MVC par rapport à l’EFV n’a donc pas pu être démontrée.

Nouvelle analyse des données (MERIT-ES) à 48 semaines

Il est ressorti de l’analyse rétrospective de l’essai MERIT réalisée à l’aide d’un nouveau test de tropisme Trofile plus sensible (MERIT-ES) que 15 % des patients (106 patients) d’abord classés comme des porteurs d’un virus à tropisme R5 exclusif étaient en fait porteurs de souches virales à tropisme double ou mixte. L’ analyse MERIT-ES, qui excluait les porteurs d’un virus autre qu’à tropisme R5 exclusif, a été effectuée sous la direction du Dr Mark Nelson, Chelsea and Westminster Hospital, Londres, Royaume-Uni. Les chercheurs ont observé une amélioration de la réponse au MVC à 48 semaines dans toutes les strates de randomisation, et l’amélioration était d’autant plus marquée que la charge virale initiale était élevée. Les abandons du traitement imputables aux effets indésirables étaient trois fois plus nombreux dans le groupe EFV que dans le groupe MVC (13,6 % [49/361] vs 4,2 % [15/360]), sans compter que les abandons survenaient plus tôt (78 % avant la semaine 16, vs 60 %) et que les patients dont la virémie était >50 copies/mL étaient plus nombreux avant l’abandon (69 % vs 60 %). Chez les patients sous EFV qui ont mis fin à leur traitement à cause d’effets indésirables, 14,3 % ont développé de nouvelles mutations associées à l’EFV alors qu’aucun virus à tropisme X4 n’a été décelé chez les patients qui avaient cessé de prendre du MVC à cause d’effets indésirables.

Résultats à 96 semaines

Le Dr Michael Saag, University of Alabama at Birmingham Medical Center, a rapporté les résultats à 96 semaines obtenus avec le nouveau test Trofile ES. Les patients, tous porteurs d’un VIH-1 à tropisme R5, avaient été randomisés de façon à recevoir 300 mg de MVC 2 fois par jour (f.p.j.) ou 600 mg d’EFV 1 f.p.j. Les taux de réponse (<50 copies/mL) étaient similaires dans les groupes MVC et EFV selon l’analyse en intention de traiter (58,8 % et 62,7 %) de même que selon l’analyse de l’intervalle précédant la perte de la réponse virologique (IPPRV) (60,5 % et 60,7 %). Selon l’analyse de l’IPPRV, les critères de non-infériorité du MVC par rapport à l’EFV ont été atteints (Figure 1).

Figure 1. MERIT-ES : Répondeurs virologiques (<50 copies/mL) jusqu’à la semaine 96


Fait digne de mention, l’augmentation du nombre de cellules T CD4+ par rapport au nombre initial était significativement plus marquée sous MVC que sous EFV, la variation médiane ayant atteint +212 cellules/mm³ et +171 cellules/mm³, respectivement.

Les données à 96 semaines n’ont mis en évidence aucun nouveau problème d’innocuité, et le taux d’abandons motivés par des effets indésirables s’établissait à 18,5 % (n=56) dans le groupe EFV vs 6 % (n=22) dans le groupe MVC.

De l’avis du Dr Saag, l’augmentation durable du nombre de cellules CD4+ et un bilan lipidique favorable sont au nombre des avantages supplémentaires du MVC utilisé en première intention chez les patients porteurs d’un virus à tropisme R5. Les patients sous EFV ont été plus nombreux que les patients sous MVC à dépasser les valeurs-seuils du NCEP (National Cholesterol Education Program, aux États-Unis) pour le cholestérol total (38,7 % vs 10,8 %; p<0,0001) et le C-LDL (>3,4 mmol/L : 27,4 % vs 6,3 %; >4,1 mmol/L : 9,9 % vs 1,5 %; p<0,0001 dans les deux cas).

En raison de la réponse durable qu’il autorise et de son profil d’innocuité, le MVC «offre la possibilité d’améliorer l’éventail d’options de traitement pour les patients infectés par le VIH qui n’ont encore jamais été traités», conclut le Dr Saag.

Essais MOTIVATE

Les récepteurs R5 étant localisés sur des radeaux riches en cholestérol à l’intérieur de la membrane cellulaire, on a réalisé des études pour déterminer si les statines influaient ou non sur l’efficacité du MVC. Des chercheurs se sont livrés à une analyse rétrospective des essais MOTIVATE pour évaluer l’efficacité continue du MVC administré en concomitance avec une statine.

Les essais MOTIVATE (Maraviroc Versus Optimized Therapy in Viremic Antiretroviral Treatment Experienced Patients) 1 et 2 ont prouvé l’efficacité du MVC par rapport à celle d’un placebo chez des patients porteurs d’un virus à tropisme R5 résistant et/ou exposé à trois classes d’antirétroviraux. Les chercheurs ont pris les données à 48 semaines des groupes MVC et placebo combinés quant à la variation des taux de copies de l’ARN du VIH-1 et de cellules CD4+ par rapport aux valeurs initiales, et les ont stratifiées en fonction de l’utilisation d’une statine. Pour faire partie du groupe «statine», les patients devaient avoir commencé à prendre une statine avant le début de l’étude et avoir poursuivi leur traitement durant la totalité de l’étude ou l’avoir poursuivi pendant au moins 300 jours après le début de l’étude. Plus de 100 (n=103) patients sur 1049 avaient reçu une statine, et les proportions étaient similaires dans les deux groupes. Au départ, les sous-groupes «absence de statine» (AS) et «statine» (S) avaient des taux d’ARN du VIH-1 similaires, peu importe le traitement qu’ils recevaient : 4,9 vs 4,9 log10 copies/mL (MVC vs PBO) dans le sous-groupe AS et 4,6 vs 4,5 log10 copies/mL dans le sous-groupe S.

Les résultats de cette étude ont révélé que la baisse moyenne du taux de copies d’ARN du VIH-1 à 48 semaines était comparable dans les deux sous-groupes : -1,7 vs -0,8 log<sub>10</sub> copies/mL (MVC vs PBO) dans le sous-groupe AS et -1,9 vs -0,6 log<sub>10</sub> copies/mL dans le sous-groupe S. La proportion de sujets dont le taux d’ARN du VIH-1 était <50 copies/mL à 48 semaines se chiffrait à 47 % vs 20 % (MVC vs PBO) dans le sous-groupe AS et à 57 % vs 11 % dans le sous-groupe S. L’augmentation médiane du taux de cellules CD4+ à 48 semaines se chiffrait quant à elle à 103 vs 29 cellules/mm³ (MVC vs PBO) dans le sous-groupe AS et à 75 vs 11 cellules/mm³ dans le sous-groupe S.

Les chercheurs ont rapporté que l’utilisation concomitante du MVC et d’une statine n’influait aucunement sur la probabilité d’atteinte d’une charge virale <50 copies/mL et que les variations médianes du taux de cellules CD4+ étaient largement comparables dans les deux sous-groupes. Sur la foi de ces résultats, les chercheurs ont conclu que les statines ne semblaient pas influer sur l’efficacité du MVC ni sur sa non-infériorité en tant qu’antagoniste du corécepteur R5.

Stratégie de prévention : potentiel microbicide

Le blocage topique du R5 pourrait être une stratégie de prévention dans la lutte contre l’infection à VIH. La Dre Annalene Nel, Paarl, province du Cap-Occidental, Afrique du Sud, a présenté une évaluation préclinique du MVC réalisée ex vivo sur du tissu colorectal et génital afin de déterminer le potentiel microbicide du MVC contre le VIH. On a évalué sa biocompatibilité et son efficacité (HIV-1<sub>BaL</sub>) dans des cellules TZM-bl ainsi que dans des explants de tissu colorectal, pénien et cervical humain. Les données ont montré que le MVC pouvait inhiber l’infection des tissus colorectal et génital cultivés ex vivo par le VIH-1, et que l’on pouvait accroître son activité en assurant une libération soutenue. Le MVC pourrait donc se prêter au développement d’un microbicide à la fois pour les pays industrialisés et les pays en développement, de conclure la Dre Nel.

Résumé

Lorsqu’on administre un traitement, la sélection de la population appropriée ne peut qu’améliorer la réponse. Certes, la plupart des patients infectés par le VIH sont porteurs d’un virus à tropisme R5 exclusif, mais certains patients sont porteurs d’un virus à double tropisme, et le nouveau test de tropisme plus sensible Trofile ES permet de les repérer plus facilement. L’exclusion des patients porteurs d’un virus à tropisme X4 ou à tropisme mixte dans le cadre de l’analyse MERIT-ES a permis de valider la non-infériorité du MVC par rapport à l’EFV, les réponses durables ayant été comparables. Comparativement à l’EFV, le MVC semble associé à un bilan lipidique significativement plus favorable, et une analyse a révélé qu’il demeurait efficace, qu’il ait été administré ou non en concomitance avec une statine. Au chapitre des stratégies de prévention, la recherche en cours sur le blocage topique du corécepteur R5 pourrait contribuer à ralentir l’épidémie de l’infection à VIH.

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