Comptes rendus

Inhibition de l’entrée par le corécepteur R5 d’après un test de tropisme plus sensible
Le génotypage de la boucle V3 pour déterminer le tropisme du VIH : les essais MOTIVATE et MERIT revisités

Modification du risque de progression du glaucome

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès mondial sur le glaucome 2009

Boston, Massachusetts / 8-11 juillet 2009

Chez certains patients, le glaucome progresse si lentement qu’il est peu susceptible de conduire un jour à la cécité; chez d’autres, il évolue rapidement et peut laisser présager, dans un avenir prévisible, un handicap visuel. «Le glaucome est multifactoriel, rappelle le Dr Antonio Martínez Garcia, chef de la clinique de glaucome, Institut d’ophtalmologie de la Galice, La Corogne, Espagne. Qui plus est, divers facteurs de risque contribuent à sa pathogenèse et à son évolution.» Ainsi, l’excès de pression intraoculaire (PIO) dominera le tableau étiologique chez un patient, mais ne jouera qu’un rôle de second plan chez l’autre, éclipsé par d’autres facteurs telle l’ischémie oculaire.

Dans une méta-analyse, on a constaté que sur une période de cinq ans, le glaucome progressait chez environ 40 % des patients. Est-il possible, se sont demandé le Dr Martínez et ses collègues, que certains traitements réduisent plus que d’autres le risque de progression, et, dans l’affirmative, à quoi tiendrait cette différence? Pour répondre à cette question, ils ont randomisé 40 patients atteints de glaucome asymétrique jamais traité (80 yeux) : un groupe a reçu du timolol à 0,5 % et l’autre, une association de timolol à 0,5 % et de dorzolamide à 2 %, inhibiteur de l’anhydrase carbonique (IAC). Le Doppler couleur et l’évaluation du champ visuel ont tous les deux été réalisés en mode masqué.

Au terme d’un suivi de 48 mois, le déficit du champ visuel s’était accentué chez 29 % des sujets, et le taux de survie global se situait à 71 %. Cependant, il y avait une différence significative entre les deux groupes au chapitre du taux de survie : 83 % dans le groupe dorzolamide-timolol vs 60 % dans le groupe timolol en monothérapie. Cela signifie que, sur une période de 48 mois, la maladie a progressé dans seulement 17 % des yeux du groupe soumis au traitement d’association, comparativement à 40 % des yeux du groupe soumis à la monothérapie (p=0,0392). «Il y a lieu de croire que l’ajout de dorzolamide au timolol a fait diminuer de 58 % le risque relatif de progression par rapport au timolol seul; du coup, le dorzolamide semble efficace pour réduire le risque de progression», fait observer le Dr Martínez.

Dans une seconde étude, les mêmes chercheurs ont randomisé 146 patients atteints de glaucome primitif à angle ouvert : certains ont reçu du dorzolamide à 2 % adjoint au timolol à 0,5 % et d’autres, du brinzolamide à 1 % (autre IAC), adjoint lui aussi au timolol. On a évalué le rétrécissement du champ visuel à l’aide de deux méthodes et le débit sanguin oculaire, au moyen du Doppler couleur.

À 60 mois, le champ visuel était demeuré intact chez 60 % de la cohorte complète. On a cependant constaté, non sans perplexité, qu’un écart statistiquement significatif s’était encore une fois creusé entre les deux groupes au chapitre des courbes de survie, si bien que 73 % des patients sous dorzolamide-timolol ne présentaient aucun signe de rétrécissement du champ visuel à cinq ans, contre 50 % seulement des patients sous brinzolamide-timolol (p=0,0008); c’est là une différence de 52 % du risque relatif de progression en faveur du groupe dorzolamide-timolol.

Comment expliquer pareil écart, puisque le dorzolamide et le brinzolamide sont tous les deux des IAC? L’organisme, explique le Dr Martínez, renferme environ 15 isoformes d’anhydrase carbonique, chacune régissant des fonctions différentes. Par exemple, on doit à l’isoforme II la régulation de la PIO et à l’isoforme IV la régulation vasculaire. Or, on a démontré que l’affinité du dorzolamide envers l’isoforme IV, responsable de la régulation vasculaire, était six fois plus grande que celle du brinzolamide. «On peut donc penser que le dorzolamide, en plus d’abaisser notablement la PIO lorsqu’on l’adjoint au timolol, augmente le débit sanguin oculaire, [réduisant ainsi] le risque de progression des lésions glaucomateuses», conclut le Dr Martínez.

Maladie de la surface oculaire

La maladie de la surface oculaire (MSO) retient de plus en plus l’attention dans la prise en charge du glaucome. La MSO ne touche pas uniquement la cornée et la conjonctive, mais aussi l’intérieur de la paupière et la marge palpébrale. C’est une affection largement iatrogène dont la prévalence est élevée et qui contribue à l’inobservance – et, partant, à la progression du glaucome. Prurit, sécheresse, irritation, gêne et rougeur oculaires constituent les principaux symptômes de la MSO. Environ 60 % des patients glaucomateux les éprouvent à une intensité légère ou modérée et 30 %, à une forte intensité (Leung et al. J Glaucoma 2008;17[5]:350-5).

Le chlorure de benzalkonium (BAK), agent de conservation le plus utilisé dans les antiglaucomateux topiques, prévient la contamination microbienne. Cette substance possède toutefois des propriétés détergentes ayant pour effet de déstabiliser la couche lipidique de l’œil. Parmi les effets cytotoxiques démontrables du BAK, citons l’atrophie des cellules de la conjonctive après un bref contact seulement et l’inflammation subclinique; plus les médicaments sont nombreux et plus leur utilisation est prolongée, plus les infiltrats inflammatoires sont visibles dans les tissus conjonctivaux biopsiés.

L’inflammation subclinique peut faire échouer une tentative de correction chirurgicale du glaucome, fait remarquer le Dr Christophe Baudouin, professeur titulaire d’ophtalmologie, Centre Hospitalier National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts, Paris, France. Les réactions allergiques survenant après une première exposition au BAK représentent les manifestations les plus évidentes. Cela dit, une réaction liée à la toxicité d’un produit avec conservateur peut fort bien se produire des mois, voire des années, après le début du traitement; bref, les symptômes peuvent apparaître assez longtemps après la première utilisation, prévient le Dr Baudouin. Par ailleurs, on a confirmé en laboratoire que la toxicité dose-dépendante était largement imputable au BAK et non au principe actif.

En comparant des collyres bêtabloquants avec vs sans conservateur, le Dr Baudouin et ses collègues ont constaté que les symptômes palpébraux, conjonctivaux et cornéens étaient tous significativement plus fréquents (p<0,0001) dans le groupe traité par le collyre avec conservateur et qu’un recul significatif (p<0,0001) de tous les signes et symptômes oculaires s’opérait lorsque les patients faisaient un usage moindre du collyre avec conservateur ou passaient à un collyre exempt d’agent de conservation (Jaenen et al. Eur J Ophthalmol 2007;17[3]:341-9). En outre, insiste le Dr Baudouin, les allégations selon lesquelles les agents de conservation faciliteraient la pénétration du médicament dans l’œil ne sont pas étayées par des données sur l’efficacité, et dans les essais cliniques menés jusqu’à maintenant, rien n’indique que les préparations topiques exemptes d’agent de conservation sont moins efficaces que les autres pour l’abaissement de la PIO.

Essai prospectif multicentrique

On trouve maintenant au Canada une association dorzolamide-timolol exempte d’agent de conservation, nouvelle préparation dont on a récemment évalué la tolérabilité et l’efficacité dans un essai prospectif multicentrique. Au total, 170 patients atteints de glaucome à angle ouvert ou d’hypertension oculaire sont parvenus au terme de l’étude; leur PIO moyenne de départ était de 29,6 mmHg et leur score GSS (Glaucoma Symptom Scale)-SYMP-6 moyen, de 73,5. L’objectif principal de cet essai était l’évaluation de la variation du score GSS-SYMP-6 chez des patients ayant reçu leur diagnostic depuis peu et traités pendant huit semaines par l’association dorzolamide-timolol sans agent de conservation.

À la fin de l’essai, le score GSS-SYMP-6 moyen se situait à 75,9. Ce n’est pas là une variation appréciable par rapport à la valeur de départ, ce qui donne à penser que la préparation exempte d’agent de conservation n’a pas été associée à une aggravation des symptômes de la MSO, souligne l’auteure principale, la Dre Cindy Hutnik, professeure agrégée d’ophtalmologie et de pathologie, University of Western Ontario, London. En outre, poursuit-elle, au moins 85 % des médecins et des patients se sont dits soit satisfaits, soit très satisfaits, du traitement.

Le traitement a également autorisé une baisse fortement significative de la PIO, critère d’évaluation secondaire : à 8 semaines, la PIO moyenne était de 18,1 mmHg, ce qui correspond à une diminution de 38 % (p<0,001). Deux effets indésirables graves seulement ont été attribués au médicament à l’étude, ce qui témoigne de l’innocuité et de la tolérabilité de la nouvelle préparation. Commentant l’étude, la Dre Hutnik a avancé que la MSO contribuait à l’évolution défavorable du glaucome. «De plus en plus de données, dont certaines proviennent de mon propre laboratoire de recherche fondamentale, indiquent que les agents de conservation peuvent léser la surface oculaire. Si les patients se font prier pour utiliser leurs gouttes, c’est peut-être, entre autres choses, parce qu’elles provoquent des symptômes désagréables», fait-elle valoir.

Les patients atteints de glaucome ou d’hypertension oculaire n’ont peut-être pas tous besoin d’une préparation topique exempte de conservateur. Toutefois, «s’il existe un médicament qui abaisse très efficacement la tension, réduit de 50 % le risque de glaucome et ne provoque aucun effet indésirable, il me semble que son utilisation vaut la peine d’être envisagée», conclut la Dre Hutnik.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.