Comptes rendus

Différences régionales et perspective mondiale : un avenir prometteur
Le traitement anticoagulant maintenant formellement recommandé chez les patients atteints de cancer

Inhibition de l’IL-6 dans la polyarthrite rhumatoïde : effets et considérations diverses

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS IN PERSPECTIVE D’après des communications présentées à la 73e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Philadelphie, Pennsylvanie / 17-21 octobre 2009

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

Majed Khraishi, MB, BCh, FRCPC

Directeur médical (rhumatologie), Nexus Clinical Research, Professeur de clinique en médecine (rhumatologie), Memorial University of Newfoundland, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

Les agents de rémission (communément appelés «DMARD»), en particulier le méthotrexate (MTX), sont aujourd’hui la pierre angulaire du traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR), et pour cause : les études démontrent clairement que le recours précoce à ces agents peut prévenir les lésions articulaires et l’invalidité à long terme. Malheureusement, chez certains patients, la réponse est insuffisante ou s’atténue avec le temps. Le cas échéant, on doit parfois se tourner vers les agents biologiques tels les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (anti-TNF) pour atténuer l’activité de la maladie et réduire le risque de progression radiologique. Récemment, on a montré que le tocilizumab (TCZ), antagoniste des récepteurs de l’interleukine-6 (IL-6), se liait de manière spécifique aux récepteurs solubles et membranaires de l’IL-6, diminuant du coup les effets proinflammatoires de cette interleukine. Nous disposons dès lors d’une nouvelle cible pour agir sur la cascade inflammatoire de la PR.

Sondage RAISE

Un sondage réalisé dans neuf pays, dont le Canada, par McInnes et ses collègues a permis d’évaluer la réponse de la PR au traitement usuel. Au total, 586 patients atteints de PR ont répondu au sondage RAISE (Rheumatoid Arthritis: Insights, Strategies and Expectations). Dans chaque pays, environ 30 répondants n’avaient jamais reçu de biothérapie et 35 étaient sous anti-TNF. Les répondants jamais traités par un agent biologique étaient, vu l’activité de leur PR, des candidats à ce type de traitement.

On a demandé aux patients d’évaluer la proportion mensuelle de «bonnes» et de «mauvaises» journées. Deux journées sur trois ont été qualifiées de «bonnes» par l’ensemble des répondants; cependant, la proportion de «bonnes» journées était significativement plus élevée chez les patients sous biothérapie que chez les candidats à la biothérapie (71 % vs 61 %). Qui plus est, ces derniers ont été plus nombreux à se plaindre de douleurs intenses que les patients traités par un agent biologique, et l’écart était significatif (25 % vs 19 %).

Au total, la PR empêchait 19 % des répondants de travailler, et parmi ceux qui étaient sur le marché du travail, 32 % s’étaient absentés au moins une journée au cours des trois mois précédents (6,5 jours d’absence en moyenne) en raison de la PR. Par ailleurs, les patients sous biothérapie ont affirmé qu’après l’amorce de ce traitement, ils ont été plus efficaces, se sont absentés moins souvent et, partant, ont consacré plus de journées au travail. Enfin, la proportion de répondants satisfaits de leur médicament était significativement plus élevée chez les patients sous biothérapie que chez les candidats à la biothérapie.

Le sondage RAISE démontre que les besoins thérapeutiques sont loin d’être comblés dans la PR et que les agents biologiques donnent de meilleurs résultats cliniques. De plus, il vient étayer la prémisse selon laquelle les cliniciens devraient s’employer à amener et à maintenir le patient en rémission clinique le plus tôt possible dans le cours de la maladie.

Traitement en fonction du score DAS28 : une stratégie envisageable?

Bien que le traitement balisé en fonction du score DAS28 (Disease Activity Score) ait fonctionné lors d’essais cliniques, son application réelle dans la population peut se révéler plus laborieuse. Schipper et ses collaborateurs ont tenté de déterminer, au cours d’une étude de un an menée dans un contexte réel, si une stratégie de puissance progressive rigoureusement régie par le score DAS28 était plus efficace que la prise en charge usuelle pour l’obtention d’une rémission.

La cohorte sous traitement de puissance progressive a d’abord reçu du MTX, auquel on a ajouté de la sulfasalazine (SSZ). À 24 semaines, on a substitué un anti-TNF à la SSZ chez les patients qui n’étaient toujours pas en rémission DAS28 (<2,6). Dans la cohorte sous traitement usuel, la plupart des sujets ont reçu du MTX ou de la SSZ en monothérapie, au gré du rhumatologue traitant.

Après un an, 55 % des patients soumis au traitement rigoureusement balisé étaient en rémission selon le score DAS28 contre 30 % des patients soumis au traitement usuel. En outre, selon les données actualisées, l’intervalle médian entre le début de l’étude et la première rémission a été significativement plus long dans le groupe sous traitement usuel, soit au-delà de 52 semaines, que dans le groupe sous traitement rigoureusement balisé, soit 25 semaines; au surplus, le score DAS28 a diminué davantage par rapport à la valeur de départ dans ce dernier groupe que dans le groupe traité de la manière habituelle, et l’écart était significatif (-2,5 vs -1,5).

Conclusion des chercheurs : un traitement axé sur l’obtention d’une rémission selon le score DAS28 est réalisable en clinique et conduit plus rapidement à la rémission chez un plus grand nombre de patients que la prise en charge usuelle.

Maintien à long terme de la réponse

Selon un vaste programme d’essais cliniques, l’inhibition de l’IL-6 en cas de réponse inadéquate aux agents de rémission ou aux anti-TNF demeure pertinente. Selon une analyse de cinq essais comparatifs avec randomisation et de trois prolongations d’études à long terme réalisée par Smolen et ses collègues, l’efficacité du TCZ se stabilise, voire augmente au fil du temps.

À 180 semaines, la réponse ACR70 se maintenait depuis 48 semaines chez 17 % des patients dont la réponse aux agents de rémission s’était révélée inadéquate (AR-RI). À 156 semaines, le maintien de la réponse ACR70 pendant 48 semaines consécutives avait été constaté chez 18 % des patients jamais exposés au MTX ou chez lesquels cet agent n’avait jamais échoué, 10,5 % des patients dont la réponse aux anti-TNF s’était révélée inadéquate (anti-TNF-RI) et 16 % du groupe AR-RI.

Par ailleurs, la baisse de la valeur moyenne du nombre d’articulations douloureuses (NAD), d’une part, et du nombre d’articulations gonflées (NAG), d’autre part, s’est également maintenue dans tous les groupes. Les valeurs 0 NAD et 0 NAG ont été atteintes chez 40,9 % et 25,1 % des sujets du groupe jamais exposé au MTX ni à l’échec de cet agent, 22,9 % et 14,8 % du groupe anti-TNF-RI ainsi que 35,7 % et 26,7 % du groupe AR-RI. Le nombre de sujets AR-RI ayant obtenu un faible score d’activité morbide (=3,2) ou une rémission DAS28 (=2,6) s’est accru pendant la première année de traitement, puis jusqu’à la 84e semaine dans le premier cas et jusqu’à la 72e semaine dans le deuxième. Sur le plan de l’innocuité à long terme du TCZ, il n’y avait rien de nouveau à signaler après 2,4 années de suivi.

L’efficacité à long terme du TCZ a également été montrée dans l’essai LITHE, lors duquel on a comparé l’association TCZ+MTX au MTX seul en fonction de paramètres essentiellement radiographiques. À 2 ans, la progression radiographique était significativement moindre (inhibition de 81 %) chez les patients du groupe TCZ à 8 mg/kg par rapport aux témoins. Le score Sharp-Genant total était significativement plus élevé dans le groupe MTX que dans les groupes TCZ à 8 et 4 mg/kg (1,96 comparativement à 0,37 et à 0,58, respectivement).

Toujours à 2 ans, le nombre de sujets exempts de progression radiographique était significativement plus élevé dans le groupe TCZ à 8 mg/kg (82 %) que dans le groupe MTX (60 %). Un bénéfice additionnel a été observé, entre la première et la deuxième année, chez les sujets ayant reçu du TCZ à 8 mg/kg en traitement de secours.

On a également noté une amélioration constante, au cours des deux années de l’étude, de la proportion de patients affichant une réponse clinique (ACR20, 50 et 70, et rémission DAS28), un faible score d’activité de la maladie et une meilleure capacité physique. En effet, chez les patients affectés dès le départ au groupe TCZ à 8 mg/kg, le taux de rémissions DAS s’est chiffré à 48 % à 52 semaines et a continué de s’élever pour atteindre 65 % à 104 semaines. Enfin, le profil d’innocuité dans la population LITHE rappelle celui qui ressort d’une plus longue observation, le taux d’effets indésirables graves ayant été faible et comparable dans les trois groupes.

Activité morbide en présence d’un score DAS élevé

L’essai ouvert TAMARA (Tocilizumab and DMARDs: Achievements in Rheumatoid Arthritis), mené dans un contexte proche de la réalité, réunissait des patients atteints de PR et présentant au départ un score DAS moyen élevé, soit 7,7. Ce score moyen a subi un recul cliniquement significatif, puisqu’il se situait à 4,9 après 4 semaines et à 3,9 après 24 semaines. Du premier au 28e jour, on a noté une amélioration constante des paramètres évalués par les patients eux-mêmes, l’amélioration ayant été significative au chapitre de la douleur, de la fatigue et de la raideur matinale. Précisons que ces améliorations se sont maintenues sur une période de 24 semaines.

Données récentes sur l’innocuité

Le taux de survenue d’effets indésirables graves et d’infections graves s’est situé, respectivement, à 14,4 et 4,7 pour 100 années-patients, rapportent van Vollenhoven et son équipe. Chez les témoins, ces mêmes taux ont atteint 14,4 et 3,4. Le taux de perforations digestives a également été faible et proche des taux signalés dans d’autres bases de données. L’analyse à long terme de l’innocuité a révélé que ces perforations s’étaient toutes produites chez des patients qui présentaient au moins un facteur de risque pertinent, par exemple des antécédents de diverticulite ou la prise concomitante d’un AINS ou d’un corticostéroïde. Enfin, on n’a enregistré qu’un faible taux de cancers (1,1 pour 100 années-patients), d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux.

Bien que des études donnent à penser que les taux lipidiques sont abaissés dans la PR, on a fait état d’une hausse du cholestérol total, largement imputable à l’augmentation du C-LDL, chez des patients sous anti-TNF. Cependant, signalent Curtis et ses collaborateurs, les valeurs lipidiques ne s’élèvent que de 5 mg/dL environ lors de l’amorce d’un traitement anti- TNF. Le C-LDL a effectivement augmenté au début du traitement par le TCZ, mais le C-HDL en ayant fait tout autant, il est difficile d’évaluer l’effet net des variations lipidiques sur le risque cardiovasculaire. Cela dit, comme les patients atteints de PR semblent plus exposés aux maladies cardiovasculaires que la population générale, peut-être serait-il prudent de prescrire une statine au début du traitement par un anti-TNF ou un inhibiteur de l’IL-6, a fortiori en présence d’un taux de C-LDL supérieur à la valeur cible. La plupart des patients sous TCZ qui ont amorcé un traitement hypolipidémiant y ont bien répondu, sans subir de complications.

Enfin, les taux des enzymes hépatiques se sont parfois élevés à plus de trois fois la limite supérieure de la normale, mais ces hausses ont été peu fréquentes. Aucun signe d’hépatite clinique ni de lésion hépatique iatrogène n’a été associé à l’augmentation des taux d’ALT et d’AST chez les patients traités par le TCZ.

Réponse de phase aiguë

L’inhibition de l’IL-6 atténue significativement la réponse de phase aiguë (RPA) dans le foie. Des chercheurs se sont demandé si l’effet du TCZ sur la RPA contribuait aux taux de réponse et de rémission. Smolen et son équipe ont démontré qu’environ 10 % seulement des répondeurs satisfaisaient à trois autres critères de RPA sur cinq, ce qui porte à croire qu’environ 90 % des répondeurs obtiennent une réponse ACR20 indépendamment de l’effet du TCZ sur la RPA. On avait obtenu des résultats similaires avec l’infliximab, un anti-TNF, lors de l’essai ATTRACT.

PR et fatigue

Dans les essais sur la PR lors desquels on a évalué la fatigue, Campbell et ses collègues ont constaté que les agents de rémission biologiques semblaient causer moins de fatigue que les agents de rémission classiques. Bien que l’on s’explique encore mal cette différence, le réseau OMERACT recommande l’ajout de la fatigue aux paramètres d’évaluation des études.

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