Comptes rendus

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La relation patient-médecin dans le traitement de l’infection à VIH : le dialogue joue un rôle clé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 19e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/SIDA (CAHR)

Saskatoon, Saskatchewan / 13-16 mai 2010

De l’avis des chercheurs sous la direction de la Dre Anita Rachlis, professeure titulaire de médecine, University of Toronto, Ontario, la prise en charge des effets indésirables des antirétroviraux (ARV) est un défi de taille dans le traitement de l’infection à VIH. Il est essentiel que le patient dise tout à son médecin et que le médecin en tienne compte par la suite. Les résultats d’une étude canadienne récente intitulée BEAHIV (Behaviour and Attitudes in HIV) ont fait ressortir une discordance importante entre la réalité du patient et l’impression du médecin au chapitre des effets indésirables courants du traitement de l’infection à VIH. Par contre, lorsque le patient et le médecin affirmaient avoir discuté d’un symptôme particulier, les impressions concordaient davantage.

L’étude BEAHIV

L’étude BEAHIV – qui s’est déroulée dans 17 centres au Canada – se résumait à une visite unique, sans intervention. Lors d’une consultation usuelle, le patient et son médecin répondaient tous deux à un questionnaire. Celui qui s’adressait au patient comportait plusieurs volets, mais seuls les résultats du module d’évaluation de la gêne causée par les symptômes (Symptom Distress Module [SDM]) ont été présentés au congrès. Comme le souligne la Dre Marianne Harris, conseillère en recherche médicale, Programme de recherche sur le SIDA, St. Paul’s Hospital, Vancouver, Colombie-Britannique, les patients devaient indiquer quels effets indésirables s’étaient produits parmi ceux de la liste du SDM, dans quelle mesure ces effets les avaient incommodés et s’ils en avaient parlé à leur médecin pendant la consultation. «Les médecins devaient pour leur part remplir une version modifiée du SDM», ajoute la Dre Harris, et ils devaient notamment préciser s’ils avaient discuté des effets indésirables lors de la consultation du patient [et dans quelle mesure ces effets incommodaient le patient].»

En tout, 42 médecins ont participé au sondage. Il s’agissait de «médecins d’expérience», souligne la Dre Harris, 83 % d’entre eux ayant indiqué qu’ils suivaient une centaine de patients infectés par le VIH, depuis 15 ans en moyenne. Les patients, de sexe masculin pour la plupart, étaient âgés de 46 en moyenne, et la grande majorité d’entre eux étaient nés en Amérique du Nord; 79 % recevaient un traitement ARV depuis plus de trois ans, et plus de la moitié des patients recevaient le même traitement depuis plus de trois ans. Un millier de questionnaires appariés (patient-médecin) ont été recueillis entre septembre et novembre 2009.

Score total du SDM

Sur un score total possible de 84 au SDM, la médiane a été de 32,5 chez les patients et de 10 chez les médecins. La fatigue était le symptôme individuel le plus courant, 75,8 % des patients l’ayant signalée, alors que 35,5 % des réponses des médecins attestaient la présence de fatigue chez ces mêmes patients. Parmi ces patients, 34,5 % ont indiqué que la fatigue ressentie les incommodait, alors que les médecins avaient cette impression pour seulement 11 % des patients. Par ailleurs, 67 % des patients ont indiqué qu’ils se sentaient «tristes et déprimés» et 25,4 % d’entre eux ont dit s’en trouver incommodés; du côté des médecins, 26,1 % des réponses confirmaient la présence du sentiment de tristesse et de dépression et seulement 7,1 % révélaient que ce sentiment était incommodant. La nervosité et l’anxiété ont été signalées par 66,8 % des patients, et 23,2 % s’en trouvaient incommodés, alors que, de l’avis des médecins, ces pourcentages s’élevaient à 25 % et à 6,6 %.

«La tendance était assez semblable pour tous les effets indésirables énumérés dans le SDM», poursuit la Dre Harris. Les discordances les plus marquées entre les symptômes rapportés par les patients et les symptômes rapportés par les médecins étaient les troubles de la mémoire, les dysfonctions sexuelles, les ballonnements, la douleur et les gaz, alors que la meilleure concordance a été observée au chapitre des problèmes gynécologiques. Par contre, et c’est là une «bonne nouvelle», enchaîne la Dre Harris, si le patient et le médecin s’accordaient à dire qu’ils avaient discuté d’un symptôme donné, la discordance entre la réalité du patient et l’impression du médecin était beaucoup moins marquée pour ce symptôme.

Beaucoup d’autres raisons pourraient expliquer les disparités cernées par l’étude. En voici quelques-unes : le patient pouvait avoir discuté de ses symptômes avec un membre de l’équipe soignante, mais pas avec le médecin; le patient pouvait avoir discuté de ses symptômes lors d’une autre consultation; si un symptôme n’avait pas été évalué, il était considéré comme absent; et l’étude tenait compte de la discussion sur les symptômes durant une seule visite ayant eu lieu à un moment bien précis dans le temps.

«Cette étude est assez solide puisqu’elle porte sur un millier de questionnaires appariés médecin-patient. Nous avons été heureux de constater que dans la plupart des cas où un symptôme incommodait le patient, le médecin le remarquait, poursuit la Dre Harris, mais les données soulèvent d’autres questions, et nous devons chercher des moyens supplémentaires d’optimiser la communication.

Optimiser la communication

Dans une présentation vidéo de jeux de rôle illustrant les interactions entre le patient, le médecin et le pharmacien, la Dre Harris et ses collaborateurs ont démontré que les médecins ferment parfois les yeux sur les effets indésirables du traitement parce que seuls les bons résultats au chapitre de la charge virale et des cellules CD4 retiennent leur attention. Les patients peuvent eux aussi faire obstacle à la communication, notamment en tenant pour acquis, à tort, qu’un traitement ARV entraîne toujours des effets indésirables, qu’on ne peut rien faire pour atténuer les effets indésirables et que, fait encore plus important, ils peuvent épuiser toutes leurs options en changeant d’ARV trop tôt.

«La communication doit se faire dans les deux sens : tant le médecin que le patient doivent prendre l’initiative de poser des questions», insiste la Dre Harris. Par exemple, le patient doit comprendre que si son traitement ne fonctionne pas bien, c’est qu’il est peut-être porteur de souches résistantes au schéma en cours et que le médecin devra peut-être changer d’ARV. Le patient doit également savoir qu’il peut changer d’ARV s’il ne le tolère pas bien parce que, si le traitement est efficace et si le patient n’est pas porteur de souches de résistance, il pourra revenir au traitement initial à une date ultérieure. «Nombreux sont les patients qui veulent s’en tenir au premier schéma aussi longtemps que possible par crainte de ne plus avoir d’options s’ils changent de traitement. Il incombe donc au médecin de dire que ce n’est pas le cas», poursuit la Dre Harris.

Le patient doit avoir des attentes réalistes, fait-elle remarquer. «Les ARV sont de puissants médicaments et les patients en prennent au moins trois. Il semble donc improbable que le traitement n’aura aucun effet indésirable». Cela dit, le patient doit absolument savoir que certaines mesures toutes simples permettent de traiter assez efficacement certains effets indésirables alors que d’autres effets indésirables sont graves et nécessitent l’intervention du médecin sans délai.

Simplification du traitement

En simplifiant le schéma ARV, on peut aussi contribuer à améliorer la qualité de vie des patients. Pierre Giguère, directeur des projets de recherche d’Orbicom, Montréal, Québec, citait à cet égard l’étude ODIN (Once-daily DRV in Treatment-experienced Patients) présentée par Cahn et son équipe à la Conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI). Lors de cette étude de phase IIIb réalisée en mode ouvert avec randomisation, on a comparé le darunavir potentialisé par le ritonavir (DRV/r à 800/100 mg) administré une fois par jour et le DRV/r (600/100 mg) administré deux fois par jour sur les plans de l’efficacité, de l’innocuité et de la tolérabilité. Les résultats ont révélé que, parmi les patients déjà traités dans le passé, 72 % des patients recevant le schéma uniquotidien et 71 % de ceux qui recevaient le schéma biquotidien avaient atteint une charge virale <50 copies/mL à 48 semaines. L’augmentation médiane du nombre de cellules CD4 était similaire dans les deux groupes (environ 100 cellules/mm3) et, toujours à 48 semaines, un seul patient était porteur d’une mutation caractéristique des inhibiteurs de la protéase. Fait important si l’on songe au long terme, l’élévation des taux lipidiques était environ deux fois moins fréquente chez les patients qui recevaient le schéma DRV/r une fois par jour que chez ceux qui le recevaient deux fois par jour.

Les chercheurs en ont conclu que les résultats étayaient l’utilisation du DRV une fois par jour chez des patients infectés par le VIH ayant déjà été traités, pour autant qu’ils ne soient porteurs d’aucune mutation conférant la résistance à cet agent au moment de la mise en route du traitement.

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