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Lutter contre une vulnérabilité accrue aux infections à méningocoque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 28e Assemblée annuelle de l’ESPID (European Society of Pediatric Infectious Diseases)

Nice, France / 4-8 mai 2010

L’infection à méningocoque continue de causer une importante morbi-mortalité dans les pays industrialisés et des pandémies en Afrique subsaharienne. De plus, on observe un changement de garde parmi les sérogroupes traditionnellement responsables des infections à méningocoque, et le sérogroupe C – ciblé par les vaccins antérieurs – perd de sa prédominance dans certaines populations. Ces changements pourraient bien découler du phénomène des voyages internationaux, qui contribue au profil changeant des infections à méningocoque.

«La méningococcie invasive demeure une menace redoutable pour la santé publique dans tous les pays», prévient le Dr Muhamed-Kheir Taha, Institut Pasteur, Paris, France. «Le nombre de pays faisant état d’épidémies est en hausse et, de plus, l’incidence des méningococcies varie avec l’âge, un second pic survenant au début de l’âge adulte.»

Effets protecteurs de la vaccination de masse

Le profil épidémiologique changeant des infections à méningocoque est particulièrement bien documenté au Royaume-Uni, où une campagne de vaccination de masse a fait suite à des éclosions d’infections par le sérogroupe C de 1999 à 2001. La campagne de vaccination antiméningococcique à l’aide du vaccin conjugué monovalent ciblait les enfants de cinq mois à 18 ans. Les autorités ont par la suite mis en place un calendrier de vaccination des nourrissons qui prévoyait trois doses, à l’âge de deux, trois et quatre mois. Bien que l’incidence de la maladie soit demeurée faible depuis, le Dr Jamie Findlow, directeur adjoint, Health Protection Agency, Unité d’évaluation de la vaccination, Manchester Royal Infirmary, Royaume-Uni, insiste pour dire que le niveau de protection contre le méningocoque C endémique semble diminuer considérablement, comme c’est d’ailleurs le cas en Grèce, aux Pays-Bas et en Espagne. «Les campagnes de vaccination qui ciblaient les nourrissons ont été d’une grande efficacité pendant une période pouvant atteindre un an, mais les taux d’efficacité ont ensuite chuté de façon draconienne, affirme le Dr Findlow. Dans certains cas, la vaccination a aussi échoué en raison de la diminution des titres d’anticorps et de la mémoire immunitaire.» Chez les enfants qui ont reçu le vaccin polysaccharidique alors qu’ils étaient nourrissons, on a observé des chutes abruptes des titres d’anticorps entre la deuxième et la cinquième année de vie (au point où seulement 10 % présentaient des titres protecteurs vers l’âge de 3 ou 4 ans).

En revanche, l’efficacité du vaccin a persisté davantage chez les enfants âgés de cinq mois à 18 ans, groupe cible de la première campagne de rattrapage au Royaume-Uni. Chez les adolescents, on a observé des taux durables d’anticorps protecteurs après l’administration d’une dose de rappel à l’âge de 10 ans ou plus. En 2006, les autorités sanitaires du Royaume-Uni ont changé le calendrier de vaccination, pour passer à un schéma de primovaccination à deux doses, à deux et à quatre mois, suivi d’une dose de rappel à 12 mois.

«La vaccination de rappel à 12 mois fait remonter les titres d’anticorps à un niveau suffisant chez plus de 90 % des enfants, mais même 24 mois plus tard, on est généralement de retour à la case départ», poursuit le Dr Findlow. Le maintien de titres protecteurs d’anticorps étant crucial, les autorités ont réduit le nombre de doses en primovaccination chez les nourrissons et ajouté une dose de rappel après l’âge de 12 mois afin de favoriser la persistance des anticorps protecteurs sur une plus longue période.

«De plus, nous nous pencherons peut-être sur la possibilité d’ajouter une dose de rappel ultérieure, poursuit le Dr Findlow, et si nous optons pour un vaccin quadrivalent chez un enfant qui a déjà été vacciné contre le sérogroupe C, ce sera l’équivalent d’une dose de rappel pour ce sérogroupe, mais également une primovaccination contre les sérogroupes A, Y et W-135. Un vaccin conjugué quadrivalent offre une protection plus vaste qu’un simple vaccin monovalent.»

Perspective canadienne

Les dires du Dr Philippe De Wals, Université Laval, Québec, ont corroboré la vulnérabilité accrue des adolescents et des jeunes adultes aux infections à méningocoque. Le problème de l’immunité décroissante chez les jeunes de 15 à 22 ans prend de l’ampleur lorsque ceux-ci se trouvent dans des endroits qui facilitent la transmission de la maladie, un dortoir par exemple. Depuis 2001, 17 échecs du vaccin ont été signalés. Or, l’infection à méningocoque peut tout de même être mortelle chez un sujet vacciné.

On observe par ailleurs une baisse marquée de la protection durable après le schéma de primovaccination concentré chez le nourrisson et un pic de l’incidence de la maladie dans le groupe d’âge des 17 à 21 ans. «Le taux de portage de Neisseria meningitides est particulièrement élevé chez les adolescents et les jeunes adultes, souligne le Dr De Wals, et notre analyse révèle que le calendrier de vaccination le plus efficace se composerait de trois doses, la première à 12 mois, la deuxième à 12 ans et la troisième à 18 ans.»

Le Dr De Wals ajoute que, selon l’analyse économique de son équipe, l’ajout d’une dose à l’adolescence allégerait le fardeau de morbidité sans qu’il en coûte un sou de plus. «Si l’on opte pour un vaccin quadrivalent, le coût initial peut être légèrement plus élevé, mais en définitive, rien ne semble changer dans le coût. Nos résultats nous ont amenés à recommander une dose de rappel à l’adolescence que l’on administrerait en milieu scolaire afin de prolonger la mémoire immunitaire et, fait important, de favoriser l’immunité collective.»

Vaccin quadrivalent

L’efficacité et l’innocuité d’un nouveau vaccin antiméningococcique quadrivalent, le MenACWY-CRM (Menveo), ont été étudiées chez plus de 18 500 nourrissons, enfants, adolescents et adultes. Le Dr Roger Baxter, codirecteur, Kaiser Permanente Vaccine Study Center, Oakland, Californie, explique que, comparativement au vaccin quadrivalent actuellement sur le marché, le nouveau vaccin a été associé à une augmentation statistiquement significative des niveaux d’immunogénicité pour les sérogroupes A, W-135 et Y chez les adolescents et pour les sérogroupes C, W-135 et Y chez les adultes. Chez les adolescents, la réponse immunitaire optimale (pourcentage de sujets ayant des titres =1:8 selon le dosage de l’activité bactéricide du sérum avec le complément humain [hSBA]) contre le sérogroupe A était supérieure à 80 % après la vaccination par le MenACWY-CRM vs 40 % par le vaccin polysaccharidique; pour le sérogroupe C, les pourcentages correspondants étaient =85 % vs 60 %.

Dans le cas des sérogroupes W-135 et Y, l’efficacité était meilleure, mais l’écart était moins marqué. La comparaison du vaccin MenACWY-CRM avec le vaccin MenACWY-D (Menactra) a aussi fait ressortir une réponse sérique systématiquement plus forte contre les sérogroupes vaccinaux. Cinq sérogroupes sont responsables de la quasi-totalité des infections méningococciques dans le monde entier; les taux d’incidence atteignent un premier pic chez les nourrissons et un deuxième chez les adolescents, note le Dr Baxter. «À long terme, la meilleure solution est de protéger les enfants et les [autres] groupes à risque élevé contre le plus grand nombre possible de ces sérogroupes», conclut-il.

Résultats d’études sur le vaccin MenACWY-CRM

Dans le cadre d’une autre présentation, le Dr C.J. Gill, Cambridge, Massachusetts, a présenté les résultats de deux essais avec randomisation qui étayent la persistance de l’activité bactéricide du vaccin MenACWY-CRM contre les sérogroupes A, C, W-135 et Y chez les adolescents. Les résultats de dosages de l’activité bactéricide du sérum avec le complément de lapin (rSBA) ont révélé que le pourcentage de sujets ayant des titres d’anticorps =1:8 contre les principaux sérogroupes, tant 12 mois que 21 mois après la vaccination, était plus élevé dans le groupe MenACWY-CRM que dans les groupes de comparaison ayant reçu le vaccin MenACWY-D ou le vaccin polysaccharidique.

Dans le deuxième essai, qui regroupait 200 patients, les moyennes géométriques des titres d’anticorps déterminés par la méthode rSBA étaient plus élevées à 21 mois dans le groupe MenACWY-CRM que dans le groupe MenACWY-D : 1075 vs 739 (p=0,2) pour le sérogroupe A, 91 vs 44 (p=0,05) pour le sérogroupe C, 792 vs 280 (p=0,002) pour le sérogroupe W-135 et 564 vs 115 (p=0,001) pour le sérogroupe Y, précise le Dr Gill. Le vaccin MenACWY-CRM s’est également révélé immunogène chez les adultes de 56 à 65 ans.

Recommandations

L’American Academy of Pediatrics recommande maintenant la vaccination systématique pour toutes les personnes de 11 à 18 ans de même que la vaccination pour toutes les personnes âgées de deux à 55 ans qui font partie d’un groupe à risque élevé, notamment les étudiants de première année, les voyageurs internationaux et les sujets immunodéprimés.

Au Canada, depuis 2009, le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) recommande l’administration d’une dose du vaccin antiméningococcique conjugué au début de l’adolescence, idéalement vers l’âge de 12 ans, même si l’adolescent a déjà été vacciné dans le cadre des programmes de vaccination pour les nourrissons et les tout-petits.

On ajoute une dose à l’adolescence pour s’assurer que les adolescents aient suffisamment d’anticorps circulants pour être protégés quand ils atteignent la tranche d’âge où l’incidence des infections méningococciques connaît un deuxième pic, c’est-à-dire entre 15 et 24 ans. Il est maintenant largement admis que l’on ne peut pas compter sur la réponse anamnestique pour prévenir l’infection et que la protection repose sur des anticorps circulants vu la courte période d’incubation de la maladie.

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