Comptes rendus

Traitement du prédiabète : modification des habitudes de vie et nouvelles mesures préventives
Les défis du traitement des infections à Gram positif graves

Élaboration de stratégies efficaces pour la prise en charge des mycoses invasives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 17e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Munich, Allemagne / 31 mars-3 avril 2007

Comme l’a confirmé le Pr Eckard Müller, professeur titulaire et vice-directeur de l’anesthésiologie, des soins intensifs et de la médecine d’urgence, Clinique universitaire de Bochum, Allemagne, les mycoses sont de plus en plus fréquentes. Au cours des 20 dernières années, les mycoses septicémiques nosocomiales ont augmenté de plus de 200 % aux États-Unis (Martin et al. N Engl J Med 2003;348[16]:1546-54). «L’individualisation du traitement est probablement l’un des messages les plus importants», rappelle le Pr Müller, faisant référence à la stratégie de Tarragone. Il est aussi crucial de mettre le traitement en route au cours des premières 48 à 72 heures, car chaque heure de retard majore le taux de mortalité de 8,6 %, selon une étude récente. «C’est pourquoi on doit attaquer d’emblée et de plein fouet», estime-t-il.

Stratégies de traitement

À l’unité des soins intensifs (USI), les candidoses sévères sont présentes à un taux variant entre 1 % et 5 %, souligne le Dr Philippe Eggimann, département de médecine intensive, Hôpital universitaire de Lausanne, Suisse. «Il faut en général compter une à deux semaines pour que l’infection soit confirmée par hémoculture, et c’est durant cet intervalle que l’on a l’occasion d’agir», explique-t-il. L’amphotéricine B, le fluconazole, la caspofongine et le voriconazole peuvent tous servir au traitement, car ils sont associés à des taux de succès comparables. «Les experts s’entendent pour dire que le choix de l’antifongique devrait donc reposer non seulement sur les données épidémiologiques locales, mais aussi sur la tolérabilité de ces médicaments», ajoute le Dr Eggimann.

Cette question a fait l’objet d’un essai à double insu dans lequel on a comparé la caspofongine à 50 mg/jour et l’amphotéricine B à 1 mg/kg/jour chez 224 patients aux prises avec une candidose invasive (Mora-Duarte et al. N Engl J Med 2002;347[25]:2020-9). Bien qu’il n’y ait eu globalement aucune différence significative, fait valoir le Dr Eggimann, la proportion de patients ayant pu recevoir l’échinocandine pendant plus de cinq jours était significativement plus élevée; sur les plans de l’ensemble des effets indésirables, de la toxicité et de la durée du traitement, la différence, toujours en faveur de la caspofongine, était hautement significative. De ces 224 patients, un sous-groupe de 97 patients ayant séjourné à l’USI a aussi été étudié. Au sein de cette cohorte, la caspofongine a été associée à une baisse tendancielle de la mortalité par mycose (p=0,06). «Fait beaucoup plus important, note le Dr Eggimann, la diminution des effets indésirables favorisait la caspofongine de manière hautement significative [p=0,01].» Autre fait digne de mention, aucun des patients recevant l’échinocandine n’a eu à mettre fin à son traitement, par comparaison à 30 % des sujets du groupe amphotéricine B. «En raison de nombreuses contre-indications qui s’imposent chez les patients dont l’état est très critique, il n’est plus possible d’amorcer un traitement par l’amphotéricine B et on doit passer rapidement aux médicaments de nouvelle génération», estime le Dr Eggimann.

En examinant de nombreuses études ayant porté sur la prophylaxie antifongique, le Dr Eggimann a réussi à déceler un seuil d’environ 10 % de candidoses invasives «au-delà duquel la prophylaxie est envisageable». Dans une analyse récente, les chercheurs ont tenté de repérer les facteurs de risque qui justifieraient la prophylaxie. Pour ce faire, ils ont utilisé des données provenant de 2890 patients hospitalisés dans sept USI ayant un taux assez faible de candidose (3 %) afin d’établir une règle de prédiction clinique. En vertu de cette règle, une antibiothérapie systémique ou la présence d’un cathéter veineux central et au moins deux autres facteurs de risque – la nutrition parentérale totale (jours 1-3), la dialyse (jours 1-3), toute intervention chirurgicale majeure (jours -7-0), la pancréatite (jours -7-0), toute corticothérapie (jours -7-3) ou l’utilisation d’autres immunosuppresseurs (jours -7-0) – se sont traduits par un risque relatif de 4,36 (Ostrosky-Zeichner et al. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2007;26[4]:271-6).

Résumant sa propre expérience, le Dr Eggimann a recommandé le traitement empirique chez les patients colonisés par des espèces du genre Candida, présentant n’importe lequel des facteurs de risque connus et dont l’état est instable ou septique. Chez les patients non colonisés mais exposés à un risque élevé confirmé, la prophylaxie est conseillée. Chez tous les autres patients, la recherche active d’une colonisation doit être faite deux fois par semaine et, en présence d’un index de colonisation ³0,5, le traitement empirique devrait aussi être administré. En Suisse, grâce à cette stratégie, le taux de candidémie s’est stabilisé entre 1991 et 2000. Malgré une augmentation importante de l’utilisation des antifongiques, on n’a observé aucun virage épidémiologique.

Aspergillose invasive

Dans sa communication sur les «points chauds» de la prise en charge de l’aspergillose invasive, le Dr Dimitrios Kontoyiannis, professeur titulaire de médecine, directeur du programme de recherche en mycologie, département des maladies infectieuses et de la lutte contre l’infection, University of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston, a déclaré : «Si la plupart des experts privilégient le voriconazole en première intention, il importe de souligner que ce médicament est parfois limité par son profil pharmacocinétique non linéaire et la variabilité marquée de ses concentrations plasmatiques». L’un des agents pouvant combler les lacunes du voriconazole dans l’aspergillose invasive est la caspofongine, qui a été associée à un taux de réponse variant entre 40 % et 56 % dans quelques essais récents. «C’est là une observation intéressante parce que certains experts en la matière étaient d’avis que la caspofongine ne serait probablement pas aussi efficace chez les patients immunodéprimés. Pourtant, les échinocandines sont actives contre l’aspergillose invasive, et des études comparatives devront montrer comment la caspofongine se compare aux autres», indique le Dr Kontoyiannis.

Au dernier congrès de l’American Society of Hematology à Orlando, l’une des études présentées portait sur l’administration de la caspofongine en première intention dans le traitement des mycoses invasives chez 28 patients souffrant d’une hémopathie maligne compliquée d’une neutropénie sévère. Le taux de réponse obtenu était de 85 %, et aucun cas de mycose secondaire ou de modification de la dose n’a été signalé. Le traitement a été bien toléré, et aucun abandon du traitement pour cause d’effet indésirable n’a été signalé.

L’essai AmBiLoad a porté sur une autre question importante, celle de la pertinence d’une dose d’attaque, par opposition à la dose usuelle, dans le traitement de l’aspergillose invasive et d’autres infections à moisissures chez les patients immunodéprimés. Sur le plan de la survie, il n’y avait aucune différence statistiquement significative entre la dose élevée de caspofongine de 10 mg/kg/jour, qui a été administrée pendant les 14 premiers jours, et la dose usuelle de 3 mg/kg/jour.

Autres résultats d’études

Une autre communication du congrès a porté sur de nouvelles données de l’étude COMBISTRAT (AmBisome in Combination with Caspofungin for the Treatment of Invasive Aspergillosis) chez des patients immunodéprimés. Cette étude pilote de 12 semaines regroupait 30 patients. Une réponse partielle ou complète a été enregistrée en fin de traitement chez 67 % des patients recevant le traitement d’association vs 27 % des patients recevant le schéma d’amphotéricine B à forte dose; la survie à 12 semaines se chiffrait à 100 % vs 86,7 %, respectivement.

Dans le cadre d’une étude multicentrique et prospective, on a évalué l’efficacité et l’innocuité de la caspofongine chez des greffés hépatiques exposés à un risque élevé de mycose invasive. L’analyse partielle des résultats obtenus chez les 41 premiers patients a mis en évidence une prophylaxie de durée médiane de 21 jours. Chez 16 patients (39 %), la dose a dû être ramenée à 35 mg quatre fois par jour, au lieu de la dose cible de 50 mg quatre fois par jour, en raison d’une dysfonction hépatique liée à la greffe. Quatre autres patients (9,8 %) ont abandonné le traitement en raison d’anomalies iatrogènes aux tests d’évaluation de la fonction hépatique après huit à 19 jours de traitement; ces cas mis à part, le traitement a été bien toléré. La prophylaxie par la caspofongine a été efficace chez 36 patients (88 %) et parmi les survivants d’un suivi d’une durée pouvant atteindre 100 jours, un seul a été victime d’une mucormycose invasive secondaire à une plaie chirurgicale. «Ces résultats évoquent la perspective prometteuse d’un traitement prophylactique par la caspofongine chez les greffés hépatiques à risque élevé», concluent les auteurs au nom du Groupe d’étude espagnol sur les infections secondaires aux transplantations.

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