Comptes rendus

L’évaluation systématique de l’état nutritionnel, pour lutter contre la morbi-mortalité évitable liée à la malnutrition
Traitements de première intention pour la pneumonie à SARM à l’unité des soins intensifs : norme en devenir

Élargissement de l’éventail thérapeutique dans les maladies inflammatoires de l’intestin

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Maladies inflammatoires de l’intestin 2011 : 6e Congrès de la European Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO)

Dublin, Irlande / 24-26 février 2011

Progression posologique dans la MC

En cas de réponse partielle au traitement opposé à la maladie de Crohn (MC), on peut faire passer la posologie de l’infliximab de 5 mg/kg à 10 mg/kg toutes les 8 semaines et celle de l’adalimumab, de 40 mg toutes les 2 semaines à 40 mg/semaine. Auparavant, on ignorait dans quelle mesure ces posologies plus fortes étaient effectivement prescrites, mais une étude rétrospective nous apprend que l’ajustement posologique est significativement plus fréquent sous infliximab que sous adalimumab.

Alexandra Goyette, MSc, Montréal, Québec, et ses collègues chercheurs de l’Université de Montréal ont scruté un échantillon aléatoire de 290 patients atteints de la MC, constitué à partir de la base de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec. Ces patients ont commencé à prendre de l’adalimumab ou de l’infliximab entre février et décembre 2008. Les chercheurs considéraient que la posologie de l’adalimumab avait été revue à la hausse lorsque la dose reçue excédait 40 mg toutes les 2 semaines pendant une période d’au moins 8 semaines. Dans le cas de l’infliximab, ils considéraient que la posologie avait été ajustée à la hausse lorsque la dose reçue avait été augmentée ou que l’intervalle entre les doses avait été inférieur à 8 semaines à deux reprises après la troisième injection.

Après 12 mois, on avait procédé à un ajustement posologique chez 14,2 % des patients sous adalimumab et 22,2 % des patients sous infliximab (p<0,05). Dans le sous-groupe traité par l’adalimumab et n’ayant jamais pris d’infliximab, on a augmenté la dose chez 13,0 % des patients; cette proportion était de 17,0 % chez les patients qui avaient déjà reçu de l’infliximab.

Alexandra Goyette affirme que l’adalimumab s’est révélé significativement moins coûteux que l’infliximab, qu’il y ait eu ou non progression posologique. En effet, sur 12 mois, le coût moyen du médicament, en dollars canadiens, a totalisé 12 892 $ pour l’adalimumab et 18 580 $ pour l’infliximab (p<0,01) sans augmentation de dose, contre 22 836 $ pour l’adalimumab et 29 088 $ pour l’infliximab (p<0,01) avec augmentation de dose. «On a obtenu un résultat comparable, à savoir une différence de 30 % entre l’infliximab et l’adalimumab, en faisant le calcul au moyen des posologies recommandées», dit-elle, précisant du même souffle qu’une dose d’infliximab coûte plus cher qu’une dose d’adalimumab. «Du point de vue commercial, le coût moindre de l’adalimumab par rapport à l’infliximab est très intéressant pour les payeurs; aussi, nous nous attendons à ce qu’on émette des recommandations à la lumière de ces résultats», prédit-elle.

Traitement d’induction et d’entretien de la MC chez l’enfant

La MC chez l’enfant de moins de 16 ans, généralement plus sévère et étendue que chez l’adulte, est un problème qui gagne en importance. L’infliximab est indiqué dans le traitement de la MC évolutive modérée ou sévère chez l’enfant et l’adolescent en cas de réponse inadéquate au traitement classique. Quant à l’adalimumab, son emploi dans la MC chez l’enfant et l’adolescent est à l’étude. Lors d’un essai pivot, l’adalimumab s’est montré efficace pour amener les jeunes patients vers une rémission durable, affirme la Dre Anne Griffiths, Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario, et son profil d’innocuité a été comparable à celui que l’on connaît chez l’adulte.

Cet essai comparatif de 52 semaines, mené à double insu avec randomisation (M06-806), a porté sur 192 patients de 6 à 17 ans atteints de MC avec PCDAI >30 pendant =12 semaines (PCDAI, pour Pediatrics Crohn’s Disease Activity Index [indice de la MC chez l’enfant]), malgré la prise de corticostéroïdes et/ou d’immunosuppresseurs par voie orale, ou chez lesquels ces traitements ont échoué ou se sont révélés intolérables. Les sujets ont reçu un traitement d’induction par l’adalimumab à forte dose (160/80 mg [poids corporel =40 kg] ou 80/40 mg [poids corporel <40 kg]) ou à faible dose (80/40 mg ou 40/20 mg, respectivement). À 4 semaines, les patients ont été affectés de manière aléatoire à un traitement d’entretien de 48 semaines par l’adalimumab à forte dose (40 mg toutes les 2 semaines [poids corporel =40 kg ou 20 mg toutes les 2 semaines [poids corporel <40 kg]) ou à faible dose (20 mg toutes les 2 semaines ou 10 mg toutes les 2 semaines, respectivement). La proportion de patients parvenus à la rémission clinique (PCDAI =10) à 26 semaines – paramètre principal de l’essai– a été plus élevée dans le groupe sous forte dose (38,7 %) que dans le groupe sous faible dose (28,4 %). À 52 semaines, les résultats étaient similaires (33,3 % vs 23,2 %). Enfin, fait observer la Dre Griffiths c’est chez les patients jamais exposés à l’infliximab, et en particulier chez ceux qui ont répondu au traitement d’induction, que l’adalimumab a été le plus efficace.

Nouvelles options thérapeutiques dans la CU

À l’heure actuelle, seul l’infliximab est homologué dans le traitement de la colite ulcéreuse (CU) modérée ou sévère n’ayant pas répondu adéquatement au traitement classique. Le Dr Remo Panaccione, University of Calgary, Alberta, a présenté les résultats de la première étude comparative sur le traitement de la CU par des stratégies à base d’infliximab ou de l’azathioprine (AZA) en monothérapie, UC SUCCESS. L’association infliximab-AZA s’est montrée supérieure à chacun de ces agents employé seul pour l’installation d’une rémission sans corticostéroïdes chez des patients atteints de CU modérée ou sévère qui n’avaient jamais reçu d’agent biologique, chez lesquels la corticothérapie avait échoué et qui soit n’avaient jamais pris d’AZA, soit avaient cessé d’en prendre depuis au moins 3 mois. Le taux de rémission sans corticostéroïdes à 16 semaines s’est établi à 22 % sous infliximab seul, contre 40 % chez les sujets qui recevaient l’association infliximab-AZA. Les résultats de l’essai UC SUCCESS viennent étayer ceux de l’étude SONIC dans la MC, fait observer le Dr Panaccione.

Un programme multinational d’essais cliniques sur l’emploi de l’adalimumab dans la CU est en cours. Les données issues de 2 essais comparatifs de phase III, menés à double insu et avec randomisation chez des patients souffrant de CU modérée ou sévère, témoignent de l’efficacité de l’adalimumab pour l’obtention et le maintien de la rémission clinique dans la CU ne répondant pas adéquatement au traitement classique. Le Dr Gert Van Assche, centre hospitalier universitaire de Louvain, campus Gasthuisberg, Belgique, a présenté les résultats de l’étude M06-827, dont la population de l’analyse en intention de traiter comptait 494 adultes atteints de CU (score Mayo de 6-12 et sous-score endoscopique de 2-3), malgré la prise de corticostéroïdes et/ou d’immunosuppresseurs. Les patients qui avaient cessé de prendre un anti-TNF pour cause d’intolérabilité ou de perte de réponse étaient admissibles à l’étude. Après randomisation, les patients ont reçu un placebo ou 160 mg d’adalimumab lors de la semaine 0, 80 mg à la 2e semaine et 40 mg à la 4e semaine. En cas de réponse inadéquate, on pouvait passer, à la 12e semaine, à un traitement ouvert à raison de 40 mg toutes les 2 semaines. En l’absence de réponse adéquate au traitement ouvert, on pouvait porter la posologie à 40 mg par semaine. Les sujets sous traitement actif ont été plus nombreux que les témoins sous placebo à parvenir au paramètre coprincipal, à savoir la rémission clinique à 8 et 52 semaines. On a également noté un écart significatif en faveur des patients sous traitement actif pour les critères que voici : réponse clinique et cicatrisation de la muqueuse, rémission clinique durable ainsi que réponse et cicatrisation de la muqueuse à 8 et 52 semaines. L’adalimumab a eu un effet plus marqué chez les patients qui en étaient à leur premier anti-TNF. «Maintenant, nous savons que l’adalimumab est un autre traitement possible contre la CU, surtout chez les patients qui n’ont jamais reçu d’anti-TNF», déclare le Dr Van Assche. Chez les anciens utilisateurs d’anti-TNF, des agents d’une autre nature, dotés d’un mode d’action différent, pourraient représenter une solution, avance-t-il. Enfin, la qualité de vie liée à la santé s’est améliorée (hausse =16 points du score au questionnaire sur les maladies inflammatoires de l’intestin) chez un nombre significativement plus élevé de patients traités par l’adalimumab.

Le Dr Walter Reinisch, Universitätsklinik, Vienne, Autriche, a présenté les résultats à 52 semaines d’une prolongation ouverte de l’étude M06-826, essai comparatif avec randomisation de 8 semaines mené chez 390 sujets atteints de CU et n’ayant jamais pris d’anti-TNF. Les chercheurs ont comparé 2 schémas d’induction à base d’adalimumab : 160 mg la semaine 0, 80 mg la 2e semaine et 40 mg la 4e ou la 6e semaine (160/80 mg), d’une part, et 80 mg la semaine 0 et 40 mg les 2e, 4e et 6e semaines (80/40 mg). À 8 semaines, une plus forte proportion de patients étaient en rémission clinique dans les groupes 160/80 mg (18,5 %) et 80/40 mg (10,0 %) que dans le groupe placebo (9,2 %) (Reinisch et al. Gut 2010. doi:10.1136/gut.2010.221127). En outre, après le traitement ouvert à raison de 40 mg toutes les 2 semaines ou toutes les semaines, la rémission clinique et d’autres paramètres d’efficacité se maintenaient chez 29,5 % des patients. Les sujets des essais M06-826 et M06-827 participent à une prolongation ouverte de longue durée (M10-223), qui nous éclairera sur les résultats à long terme du traitement.

Résumé

Deux anti-TNF, l’infliximab et l’adalimumab, sont homologués dans le traitement de la MC modérée ou sévère chez les adultes n’ayant pas répondu adéquatement aux corticostéroïdes et/ou aux immunosuppresseurs. L’adalimumab est indiqué aussi chez les patients souffrant de MC qui ne répondent plus à l’infliximab ou ne tolèrent pas cet agent. Quels doivent être les objectifs du traitement pour 2011 et les années à venir? Selon le Dr Subrata Ghosh, University of Calgary, «tant dans la MC que dans la CU, nous devons viser la rémission à long terme, éviter le recours répété aux corticostéroïdes, les interventions chirurgicales et les hospitalisations, et faire en sorte que le patient ait une bonne qualité de vie, compatible avec la poursuite de ses ambitions personnelles. Chez l’enfant, une croissance et une maturation normales font également partie des objectifs.»

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