Comptes rendus

Élargissement de l’éventail thérapeutique dans les maladies inflammatoires de l’intestin
Évolution du rôle des agents biologiques dans le traitement de la colite ulcéreuse

Traitements de première intention pour la pneumonie à SARM à l’unité des soins intensifs : norme en devenir

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 31e Symposium international sur les soins intensifs et la médecine d’urgence (ISICEM)

Bruxelles, Belgique / 22-25 mars 2011

À en juger par les résultats d’une étude comparative multicentrique menée à double insu avec randomisation, les deux antibiotiques les plus recommandés contre les infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) à l’unité des soins intensifs ne semblent pas d’égale efficacité. L’étude ZEPHyR – qui s’est déroulée dans 156 centres du monde entier – visait à comparer le linézolide, une oxazolidinone, et la vancomycine, un glycopeptide; selon plusieurs guides de pratique et énoncés de consensus, ces deux antibiotiques sont des choix acceptables dans le traitement des infections à SARM. Lors de l’étude ZEPHyR, le linézolide a semblé plus efficace au chapitre de la réponse clinique, le paramètre principal (57,6 % vs 46,6 %; p=0,042), et de la réponse microbiologique, paramètre secondaire (81,9 % vs 60,6 %; p<0,001).

«Il est ressorti de cette étude que, statistiquement parlant, le linézolide était associé à un taux de réussite significativement plus élevé. L’avantage relatif était similaire pour les résultats cliniques et les résultats microbiologiques. Qui plus est, le profil d’innocuité et de tolérabilité du linézolide était acceptable», souligne le Dr Jordi Rello, Hospital Vall d’Hebron Institut de recerca, Universitat Autónoma de Barcelona, Espagne. Le nombre plus élevé de cas d’insuffisance rénale sous vancomycine (écart non significatif) confirme les données d’innocuité antérieures sur ces deux agents. Fait plus important encore, l’étude a fourni des données objectives qui permettront d’orienter les décisions thérapeutiques.

Nouvelles données

«Les lacunes de la vancomycine sont bien connues, mais aucune donnée ne permettait à ce jour de justifier le choix d’un agent en particulier. L’étude ZEPHyR pourrait donc influer grandement sur les recommandations thérapeutiques», affirme le Dr Tobias Welte, Département de pneumologie, École de médecine de Hanovre, Allemagne. Il a cité à cet égard une discussion au sujet d’une étude publiée qui comparait l’association quinupristine+dalfopristine à la vancomycine pour le traitement des pneumonies nosocomiales, y compris les pneumonies à SARM (Fagon et al. Am J Respir Crit Care Med 2000;163:1759-60). Bien que la vancomycine soit souvent utilisée dans le traitement des infections hautement résistantes, plusieurs études montrent qu’elle n’est peut-être pas dotée du profil pharmacodynamique idéal pour les infections pulmonaires, ajoute-t-il.

Nous avons déjà d’autres données à l’appui de la supériorité du linézolide dans la pneumonie à SARM, entre autres une méta-analyse récente ayant objectivé une tendance vers de meilleurs résultats (Walkey AJ, O’Donnell MR, Wieners RS. Chest 2010 23 sept; publication en ligne avant impression), mais aucune de ces données ne provenait d’une étude prospective rigoureuse.

L’étude ZEPHyR a généré des données complètes pour 342 des 348 patients évaluables, tous atteints de pneumonie à SARM confirmée par culture. Pendant 7 à 14 jours, 172 patients ont été randomisés de façon à recevoir 600 mg de linézolide toutes les 12 heures et 170, 15 mg/kg de vancomycine toutes les 12 heures. Parmi les patients, 67 % étaient de sexe masculin, 70 % étaient sous ventilation, près de 10 % avaient une bactériémie et le score APACHE médian se chiffrait à environ 17 dans les deux groupes, qui étaient par ailleurs similaires pour la plupart des autres caractéristiques importantes. Les chercheurs surveillaient les concentrations plasmatiques des antibiotiques afin de s’assurer que les concentrations minimales inhibitrices (CMI) soient atteintes.

Durant le symposium, où le Dr Rello a qualifié les résultats de l’étude ZEPHyR de «préliminaires» (un résumé de l’étude, qui n’a pas encore été publiée, a également été présenté au congrès 2010 de l’Infectious Diseases Society of America), le Dr Welte a précisé que, selon plusieurs guides de pratique, le linézolide était déjà considéré comme possiblement préférable dans le traitement de la pneumonie à SARM en raison de sa meilleure pénétration dans le tissu pulmonaire. Il reste toutefois que ces recommandations sont des avis d’experts et qu’elles ne découlent pas de données objectives.

Le fardeau des pneumonies

Le taux élevé de morbi-mortalité associé à la pneumonie à SARM explique en partie que des recommandations et des énoncés de consensus aient été publiés avant la tenue d’études comparatives. Citant une étude de surveillance (Wiersma et al. Epidemiol Infect 2009;137:1674-8), le Dr Welte a fait remarquer que, parmi les patients infectés par un SARM, le taux de mortalité était au-delà de 10 fois plus élevé chez ceux qui étaient aux prises avec une pneumonie que chez ceux qui étaient aux prises avec une infection de la peau ou des tissus mous et ce, même en présence d’un SARM communautaire. À l’heure actuelle, l’un des plus importants facteurs de risque de pneumonie à SARM est une infection virale, surtout la grippe A (H1N1), qui est souvent compliquée d’une surinfection à SARM. Cette surinfection à SARM pourrait devenir un problème majeur de santé publique dans les années à venir, prévient le Dr Welte.

En Europe, seul le Royaume-Uni a publié des recommandations pour la prise en charge des infections à SARM (Nathwani et al. J Antimicrob Chemother 2008;61:976-94). Dans la pneumonie à SARM communautaire sévère, sont recommandés soit le linézolide, soit la vancomycine, et on ne fait que mentionner «au passage» la teicoplanine et la daptomycine comme solutions de rechange éventuelles, précise le Dr Welte. Pour l’infection à SARM nosocomiale, le Royaume-Uni recommande l’association linézolide+clindamycine en première intention, la clindamycine étant ajoutée pour ses effets anti-inflammatoires pouvant atténuer la libération de cytokines qui perturbent parfois le cours clinique de la pneumonie à SARM grave.

Dans les pneumonies acquises sous ventilation, les conséquences d’une infection à SARM sont encore pires, le taux de mortalité étant multiplié par un facteur de plus de 2, poursuit le Dr Welte, qui a cité à l’appui de ses dires plusieurs études, dont une de son propre centre (Gastmeier et al. Infect Control Hosp Epidemiol 2007;28:446-52).

La raison d’être de recommandations factuelles

«Le problème ne vient pas de l’agent pathogène, il vient de nous!», lance le Dr Andrew F. Shorr, Pneumologie et soins critiques, Washington Hospital Center, Washington, D.C. En effet, le principal obstacle à la lutte contre les pneumonies à SARM n’est pas le manque d’agents efficaces, mais bien notre lenteur à réagir ou le choix d’un traitement inapproprié, indique-t-il. À l’instar du Dr Welte, il estime que les résultats d’un essai comparatif pourraient guider les cliniciens objectivement lorsqu’ils doivent traiter une pneumonie à SARM, défi de taille.

Le Dr Welte a fait référence à plusieurs études, dont une du Canada, montrant que les infections à S. aureus en général et les infections à SARM en particulier sont souvent mal traitées. De meilleures recommandations s’imposent de toute évidence, car exception faite des recommandations publiées au Royaume-Uni, nous ne disposons que de déclarations de consensus.

«En général, il ressort des avis d’experts que l’on peut choisir le linézolide ou la vancomycine, souvent de manière interchangeable», affirme le Dr Welte. La Société allemande contre le sepsis – qui fait cavalier seul du fait qu’elle «penche un peu plus en faveur du linézolide» – précise que «la pénétration tissulaire de la vancomycine pose problème dans plusieurs groupes de patients». Le linézolide, en revanche, atteint typiquement les poumons en concentrations suffisantes.

«C’est justement parce que le linézolide pénètre bien dans les poumons qu’on s’est intéressé au départ à cette molécule pour le traitement de la pneumonie, souligne le Dr Shorr. Quelques données solides montrent que le linézolide, comparativement aux glycopeptides, est plus efficace contre les agents pathogènes respiratoires.» Deux analyses de sous-groupe rétrospectives – dont les résultats favorisent cet agent par rapport à la vancomycine dans la pneumonie à SARM acquise sous ventilation – ont confirmé la «plausibilité biologique» de la démarche évaluée dans l’étude ZEPHyR.

«Nous avions besoin de ces données, car les études antérieures incluaient souvent des patients traités avant que l’agent pathogène en cause ne soit confirmé; or, il se trouve que de nombreux patients n’étaient pas infectés par le SARM. En outre, les études ne ciblaient pas spécifiquement les patients atteints de pneumonie à SARM nosocomiale», explique le Dr Shorr.

L’importance de solides données éclairantes

Il y a d’autres problèmes, notamment l’augmentation graduelle de la CMI – le «MIC creep» des anglophones –, qui fait que les doses antérieurement recommandées de vancomycine pourraient être devenues insuffisantes. La CMI croissante de vancomycine est d’ailleurs associée à des taux d’échec croissants, ajoute le Dr Shorr, mais l’objectif premier est de générer des données comparatives qui peuvent faciliter la prise de décisions fondées sur des données solides.

Résumé

Une étude prospective menée à bien récemment a généré des données qui peuvent aider le clinicien à prendre de bonnes décisions de traitement pour leurs patients atteints de pneumonie à SARM confirmée par culture. Tant le linézolide que la vancomycine – largement considérés comme les deux antibiotiques les plus appropriés contre cette infection – sont associés à des taux élevés d’efficacité, mais le premier est associé à un taux significativement plus élevé de guérison clinique et microbiologique. Il est utile de connaître les différences d’efficacité entre ces agents pour prendre des décisions éclairées, mais ces différences font aussi ressortir les caractéristiques, telle la pénétration dans le tissu pulmonaire, qui déterminent la probabilité de maîtrise de l’infection.

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