Comptes rendus

Carcinome hépatocellulaire et cancer du rein avancés : le point sur les résultats obtenus dans certaines populations de patients
Préservation de la fonction rénale : regard sur les schémas d’épargne en inhibiteurs de la calcineurine après une allogreffe rénale

Le lymphome folliculaire, une maladie hétérogène dont le pronostic s’améliore - Commentaire éditorial : Dr. Joseph Connors / Nouvelles perspectives dans le traitement des lymphomes B agressifs - Commentaire éditorial : Dr. Michael Crump

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS in PERSPECTIVE fondée sur des communications présentées au 10e Congrès international sur les lymphomes malins (ICML)

Lugano, Suisse / 4-7 juin 2008

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

Joseph Connors, MD, ABIM, FRCPC

Président, Lymphoma Tumour Group, BC Cancer Agency, Professeur de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

Le lymphome folliculaire (LF) est le plus courant des lymphomes à faible malignité en Amérique du Nord. Certaines de ses caractéristiques en font une maladie plutôt difficile à traiter. Par exemple, comme il se présente vers l’âge de 65 ans (médiane), la plupart des patients sont âgés et un traitement énergique serait trop dangereux. Aux premiers stades de la maladie, les patients sont presque toujours asymptomatiques, de sorte que – à moins d’un diagnostic fortuit – la maladie est en général déjà avancée (stade III ou IV) au moment où elle est découverte. À l’heure actuelle, la médiane de survie des patients atteints d’un LF dépasse sept ou huit ans, quoique l’évolution de la maladie puisse varier énormément d’un patient à l’autre. En effet, si certains patients vivent plusieurs décennies sans manifester de symptômes ou sans avoir besoin d’un traitement, d’autres voient leur maladie progresser rapidement et meurent environ deux ans après le diagnostic malgré le traitement. Le pronostic est particulièrement sombre lorsque le lymphome se transforme en un sous-type histologique agressif qui ressemble à un lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB). La transformation maligne survient chaque année chez environ 3 % des patients porteurs d’un lymphome indolent. Il importe ici de souligner que la plupart des patients chez qui un LF est diagnostiqué finissent par mourir de leur lymphome et non d’une autre maladie. La survie globale (SG) des patients atteints d’un LF augmente avec le temps; certes, l’avènement du rituximab a été un progrès de taille, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le perfectionnement continu des protocoles de chimiothérapie d’induction et d’entretien à base de rituximab devrait continuer de prolonger la survie. À plus long terme, l’arrivée sur le marché d’autres agents biologiques actuellement en développement devrait se traduire par une augmentation du nombre de traitements ciblés plus efficaces et moins toxiques.

Détermination du risque à lÊaide du FLIPI

L’indice pronostic international pour les lymphomes folliculaires (FLIPI) repose sur cinq facteurs (âge, stade Ann Arbor, nombre de localisations ganglionnaires, taux sérique de lactate déshydrogénase et taux d’hémoglobine) pour la classification du risque en trois groupes : faible risque (survie à cinq et à 10 ans de 91 % et 71 %, respectivement); risque intermédiaire (survie à cinq et à 10 ans de 78 % et 51 %, respectivement) et risque élevé (survie à cinq et à 10 ans de 53 % et 36 %, respectivement) (Curr Treat Options Oncol 2006;7:270-5).

Bien qu’il soit établi que les schémas à base de rituximab donnent lieu à de meilleurs taux de réponse et à une prolongation de la survie, Hoster et ses collaborateurs ont tenté de déterminer si l’issue pouvait changer en fonction du risque mesuré par le FLIPI.

À l’aide des données d’une étude randomisée du GLSG (German Low Grade Lymphoma Study Group), les chercheurs ont analysé la relation entre l’issue et le risque mesuré par le FLIPI. L’essai initial avait pour objectif de comparer les protocoles CHOP (cyclophosphamide/doxorubicine/ vincristine/prednisone) et rituximab-CHOP (R-CHOP) administrés en traitement d’induction quant au taux de réponse globale, à l’intervalle précédant l’échec du traitement et à la durée de la réponse chez des patients souffrant d’un LF de stade avancé. Des 566 sujets évaluables, 70 (12 %) étaient exposés à un faible risque, 241 (43 %), à un risque intermédiaire et 255 (45 %), à un risque élevé. Le taux de réponse globale dépassait 90 % chez les sujets sous CHOP et sous R-CHOP, peu importe leur risque. À cinq ans, le traitement avait échoué chez 83 % vs 43 % des patients exposés à un faible risque, chez 74 % vs 38 % des patients exposés à un risque intermédiaire et chez 50 % vs 20 % des sujets exposés à un risque élevé, respectivement (p<0,005 dans tous les cas). L’étude montre clairement que le rituximab est bénéfique chez tous les patients, peu importe leur score FLIPI.

Traitement d’entretien après l’induction

Les résultats d’un essai clinique ont révélé qu’un traitement d’entretien par le rituximab prolonge la survie sans récidive des patients atteints d’un LF de même que la durée de leur réponse au traitement après un protocole CHOP d’induction, avec ou sans rituximab (Blood 2006;108:3295-301). Le schéma d’entretien a été généralement bien toléré dans le cadre de cet essai; la neutropénie a été le seul effet indésirable d’importance (10,8 % dans le groupe traitement d’entretien par le rituximab vs 5,4 % dans le groupe en observation) et a probablement contribué à l’augmentation du taux d’infections de classe 3 ou 4. Cela dit, moins de 5 % des patients ont abandonné le traitement d’entretien par le rituximab pour cause de toxicité (quatre des six abandons étaient imputables à une infection). On ignore toutefois si le traitement d’entretien par le rituximab est également bien toléré après d’autres schémas d’induction. Cela semble être le cas, à en juger par l’essai de phase IIIb MAXIMA (Maintenance Rituximab in Follicular Lymphoma) dont les résultats ont été rapportés par Wenger et al. Cet essai était conçu expressément pour déceler les événements rares chez les patients qui manifestaient une réponse complète (RC) ou une réponse partielle (RP) après un traitement d’induction à base de rituximab. L’étude a aussi permis de recueillir des données sur la perfusion rapide, stratégie qui pourrait être efficace pour réduire les coûts de la perfusion. Les chercheurs ont présenté des données recueillies chez 349 patients, dont l’âge médian était de 56 ans (809 perfusions). Aucun effet indésirable grave n’a été signalé dans les 24 heures suivant la perfusion d’entretien (y compris lorsque la perfusion était accélérée). Un patient ayant des antécédents d’arythmie cardiaque est décédé d’une cause inconnue 13 jours après la quatrième perfusion. On a noté des signes d’hématotoxicité chez neuf patients, dont trois neutropénies de classe 3 ou 4 (l’une d’elles s’est soldée par une neutropénie fébrile). Ces résultats étayent l’innocuité du traitement d’entretien par le rituximab chez les patients souffrant d’un LF, même quand il est perfusé rapidement.

Regard sur la pratique clinique

Les essais cliniques contribuent étroitement aux tendances qui se dessinent dans la pratique clinique, et les décisions thérapeutiques devraient reposer sur les meilleures données probantes à notre disposition. Néanmoins, il est aussi important d’évaluer comment les résultats de la recherche clinique se transposent dans la pratique. Après tout, les patients que l’on rencontre en clinique ne sont pas nécessairement identiques aux sujets des essais cliniques en raison de critères d’inclusion restrictifs. Les données de la British Columbia Cancer Agency (BCCA) reflètent effectivement l’augmentation de la SG des patients atteints d’un LDGCB lorsqu’elles sont subdivisées dans le temps. L’avènement du rituximab, par exemple, a assurément prolongé la survie des patients atteints d’un LF, mais il nous lance aussi un défi, celui de déterminer la meilleure façon d’intégrer cet agent dans les algorithmes de traitement actuels, non seulement pour optimiser les soins prodigués au patient, mais aussi pour maximiser les ressources limitées du système de santé. La BCCA préconise une radiothérapie à champ localisée pour traiter le LF de stade précoce (IA ou IIA à faible masse, localisé). Si l’abstention thérapeutique avec surveillance est de mise dans le lymphome avancé asymptomatique, le traitement du lymphome avancé symptomatique consiste plutôt en huit cycles du protocole R-CVP (cyclophosphamide/vincristine/prednisolone) et en un traitement d’entretien qui consiste en l’administration de huit doses de rituximab à raison d’une dose tous les trois mois. Une fois administrée la première dose du traitement d’entretien, toutes les doses de rituximab sont perfusées rapidement (90 minutes : 20 % de la dose les 30 premières minutes, puis les 80 % restants durant l’heure qui suit). Les patients chez qui on observe une évolution péjorative vers un LDGCB agressif reçoivent le protocole R-CHOP, de sorte que la doxorubicine est réservée jusqu’au moment où elle s’impose vraiment. De cette façon, on maximise les ressources tout en préservant les retombées positives de l’immunothérapie et en assurant une bonne qualité de vie au patient dans la mesure du possible.

Stratégie de traitement prometteuse dans la leucémie lymphoïde chronique

Comme le LF, la leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une hémopathie à faible malignité qui touche les lymphocytes B. Bien que les algorithmes de traitement aient beaucoup évolué au cours des dernières décennies et qu’on ait obtenu des taux de réponse élevés sous l’effet du protocole FCM (fludarabine/cyclophosphamide/mitoxantrone), la prolongation de la survie demeure un objectif difficile d’atteinte.

Au congrès, Bosch et ses collaborateurs ont rapporté les résultats d’un essai lors duquel le rituximab a été ajouté au protocole FCM (six cycles) dans le traitement de la LLC, puis administré comme traitement d’entretien aux répondeurs. Des 85 patients admis à l’étude, 94 % ont eu une RC (RC sans maladie résiduelle minime chez 37 %). La toxicité était raisonnable (12 % des patients ont eu une neutropénie de classe 3 ou 4). Le suivi n’étant pas encore très long, il faudra voir si ces résultats très prometteurs à la phase d’induction se traduiront par une prolongation de la survie sous l’effet du traitement d’entretien.

À l’horizon

Bien que nous soyons encore loin d’avoir épuisé toutes les possibilités avec les médicaments existants pour optimiser les traitements d’induction et d’entretien, nous devons aussi poursuivre notre quête de nouveaux agents pour prolonger davantage la survie des patients porteurs d’un lymphome B. Heureusement, quelques nouveaux agents sont en développement. Le GA101 est un anticorps monoclonal (AcM) complètement humanisé qui, comme le rituximab, cible l’antigène CD20. Contrairement au rituximab qui se lie à l‘épitope de type I de ce récepteur, le GA101 se lie à l’épitope de type II. C’est donc dire que ces anticorps pourraient être dotés d’un plus grand potentiel cytotoxique. Dans quelques modèles de xénogreffe réalisée ex vivo chez l’animal, le GA101 s’est révélé plus efficace que le rituximab et entre actuellement en développement clinique. Au nombre des autres agents prometteurs figure le SGN-40, anticorps qui cible l’antigène CD40, membre de la famille des récepteurs du facteur de nécrose tumorale qui est exprimé sur les cellules B malignes.

Advani et al.ont rapporté les résultats d’un essai de phase I sur le SGN-40 réalisé chez 50 patients porteurs d’un lymphome non hodgkinien à cellules B en rechute/réfractaire. Le traitement a été bien toléré, et six patients y ont répondu. Une RC a été rapportée chez 18 % des patients atteints d’un lymphome à grandes cellules B. Comme ces patients avaient un lourd passé thérapeutique, un tel taux de réponse peut être considéré comme encourageant, d’autant plus que la dose maximale n’a pas été administrée. Dans le cadre d’autres études déjà en cours ou sur le point de commencer, le SGN-40 est administré en monothérapie ou en association avec d’autres agents thérapeutiques.

Résumé

La survie des patients atteints d’un lymphome B à faible malignité est à la hausse depuis quelques décennies. Les résultats prometteurs obtenus avec le rituximab dans le cadre d’essais cliniques, tant en traitement d’induction qu’en traitement d’entretien, se traduisent par l’obtention de meilleurs résultats dans la pratique clinique. En outre, les progrès comme la perfusion rapide pour le traitement d’entretien allègent le fardeau pour le système de santé et améliorent la qualité de vie des patients. À long terme, les nouvelles molécules que l’on soumettra à la recherche clinique devraient se traduire par une survie encore meilleure.

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

Michael Crump, MD, FRCPC

Hémato-oncologie médicale, Princess Margaret Hospital, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Le lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB) est le plus courant des lymphomes d’histologie agressive. Comme il survient généralement après l’âge de 60 ans, les stratégies d‘intensification thérapeutique comme la greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ne conviennent pas, de sorte qu’il y a un réel besoin d‘autres traitements efficaces. L’antigène CD20 présent à la surface du lymphocyte B étant exprimé dans la majorité des LDGCB, l’association du rituximab, anticorps anti-CD20, et du protocole cyclophosphamide/ doxorubicine/ vincristine/prednisone (R-CHOP) comme traitement d’induction s’est traduite par une augmentation de la survie globale (SG) lors des essais pivots. Bien que le rituximab fasse maintenant partie de la plupart des traitements du LDGCB, nous sommes loin d’avoir optimisé ces schémas de traitement.

La radiothérapie localisée nÊa pas sa place dans le LDGCB à faible risque

Dans le traitement des LDGCB d’extension limitée, c’est-à-dire un lymphome de stade I/II caractérisé par l’absence de fièvre, de perte pondérale et de sueurs nocturnes et la présence d’une masse tumorale <10 cm, l’une des démarches standard se résume à l’administration de trois cycles de CHOP et à la radiothérapie localisée (Miller et al. N Engl J Med 1998;339[1]:21-6). La survie s’est améliorée légèrement grâce à l’ajout du rituximab au protocole CHOP comme traitement d’induction, mais le problème des rechutes tardives du LDGCB survenant à l’extérieur du champ d’irradiation demeure lorsque les cycles de chimiothérapie sont de courte durée (Persky et al. J Clin Oncol 2008;26[14]:2258-63). Lors d’essais comparatifs réalisés en France, on a comparé le protocole CHOP seul avec le protocole CHOP plus radiothérapie dans le traitement du lymphome agressif localisé chez des patients âgés. En particulier, il est ressorti d’une étude du Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte (Bonnet et al. J Clin Oncol 2007;25[7]:787-92) que l’ajout de la radiothérapie localisée, à cause du risque de toxicité à long terme qu’elle comporte, pourrait ne pas prolonger la survie par comparaison à la chimiothérapie seule. De plus, on n’a pas encore exploré l’utilité de la radiothérapie localisée à l’époque de l’immunochimiothérapie reposant sur le rituximab.

Cette question a été abordée dans une étude réalisée par la British Colombia Cancer Agency, dont les résultats ont été présentés par Sehn et ses collaborateurs. Les chercheurs ont émis l’hypothèse voulant que la tomographie par émission de positons au 2-fluoro-5-désoxy-D-glucose (TEP au FDG) permette de repérer les patients qui avaient répondu à l’immunochimiothérapie et qui ne bénéficieraient donc pas de la radiothérapie localisée. Après trois cycles de R-CHOP, les patients dont la TEP était positive ont reçu une radiothérapie localisée alors que ceux dont la TEP était négative ont reçu un autre cycle de R-CHOP. À ce jour, 65 patients (âge médian de 67 ans) ont été recrutés dans cette étude prospective. Des 49 patients (75 %) dont la TEP était négative, 47 ont reçu le cycle supplémentaire prévu de R-CHOP. Il est encourageant de constater qu’après un suivi d’une durée médiane de 17 mois, un seul de ces patients a rechuté, et la survie sans progression (SSP) et la SG estimées à deux ans sont toutes deux de 97 %. Les 16 patients (25 %) dont la TEP était positive ont tous reçu une radiothérapie localisée. Trois patients ont rechuté (à l’extérieur du champ d’irradiation dans tous les cas) et deux d’entre eux sont décédés. Chez les patients dont la TEP était positive après trois cycles de R-CHOP, la SSP et la SG estimées à deux ans étaient respectivement de 83 % et de 76 %. Les auteurs recommandent, avec raison d’ailleurs, de faire preuve de prudence dans l’interprétation de ces résultats, car peu de patients ont été traités et le suivi de la cohorte remonte à peu de temps.

Influence des taux sériques sur l’efficacité

Les paramètres pharmacocinétiques du rituximab ont à ce jour suscité assez peu d’intérêt. Tout d’abord, il n’est pas clair que le lien entre la dose et la réponse observé avec de nombreux agents cytotoxiques traditionnels s’applique aux anticorps monoclonaux. De plus, la situation pourrait être compliquée par des facteurs comme l’impact éventuel de la charge tumorale sur la pénétration et les paramètres cinétiques de l’anticorps. Néanmoins, les données en notre possession semblent indiquer que les taux sériques de rituximab s’accumulent lentement sous l’effet du schéma standard administré aux trois semaines. Chez les patients âgés souffrant d’un LDGCB, on obtient de meilleurs résultats en raccourcissant la durée des cycles de chimiothérapie, de trois semaines (CHOP-21) à deux semaines (CHOP-14). Récemment, les sujets de l’essai RICOVER-60 (Rituximab with CHOP Over 60) ayant reçu six ou huit cycles de R-CHOP-14 ont obtenu des résultats significativement meilleurs que les patients ayant reçu le schéma CHOP-14 (Pfreundschuh et al. Lancet Oncol 2008;9[2]105-16). Il se pourrait que ce bénéfice soit attribuable en partie à l’obtention plus rapide de taux sériques élevés de rituximab; le cas échéant, les schémas en dosedensité reposant sur cet agent pourraient être plus utiles.

Cette hypothèse a motivé la tenue de l’essai Dense-R-CHOP- 14 du groupe allemand DSHNHL sur les lymphomes non hodgkiniens (LNH) de grade élevé, dont les résultats à 24 mois ont été présentés par Pfreundschuh et al. Des patients âgés ont reçu le protocole CHOP-14 et 12 doses de rituximab (jours 0, 1, 4, 8, 15, 22 et 29, puis aux 2 semaines jusqu’au jour 99). Les sujets de l’essai RICOVER-60 ont servi de témoins historiques. Ce schéma a permis d’obtenir rapidement des taux sériques élevés de rituximab. L’évaluation des 20 premiers patients a révélé que les infections de classe 3 ou 4, dont les infections par le cytomégalovirus, étaient plus fréquentes que prévu. Les patients subséquents ont reçu de la lévofloxacine, de l’acyclovir et du cotrimoxazole en prophylaxie, et il semble que la fréquence des épisodes infectieux ait alors diminué. Certes, les taux de réponse étaient semblables à ceux de l’essai RICOVER-60, mais l’essai Dense-R-CHOP-14 portait sur des patients exposés à un risque plus élevé. La stratification des résultats en fonction de l’indice pronostique international (IPI) a révélé que, chez les patients ayant un IPI de 3 à 5, le taux de survie sans rechute à 24 mois était plus élevé dans le groupe R-CHOP-14 en dose-densité que dans le groupe R-CHOP-14 (68 % vs 58 %). Il va de soi que toute étude reposant sur la comparaison avec des témoins historiques a des lacunes, mais les résultats de cette étude justifient la tenue d’un essai randomisé pour explorer plus à fond les bénéfices d’un schéma à base de rituximab en dose-densité, surtout chez les patients à risque élevé.

Nouveaux traitements pour d’autres lymphomes B agressifs

Le lymphome du manteau a toujours été sensible au traitement initial, notamment par une anthracycline et le rituximab, mais la durée de la rémission et la survie ne se sont pas améliorées sous l’effet de l‘immunochimiothérapie utilisée avec succès dans le LDGCB. Dreyling et al.ont fait état au congrès d’essais en cours sur le traitement initial du lymphome du manteau. Deux essais ont été présentés : un premier essai chez des patients de >60 ans dans lequel on compare le protocole standard R-CHOP avec le protocole R-FC (rituximab, fludarabine et cyclophosphamide) comme schéma d’induction, suivi d’un traitement d’entretien par l’interféron ou le rituximab; et un deuxième essai chez des patients de <65 ans dans lequel on compare le protocole standard RCHOP suivi du cyclophosphamide et de l’irradiation corporelle totale (ICT) (schéma de consolidation myéloablatif) avec le protocole d’induction R-CHOP auquel s’ajoutent trois cycles de R-DHAP (rituximab plus dexaméthasone/cisplatine/cytarabine à forte dose), suivi d’un schéma de consolidation à forte dose (cytarabine à forte dose, melphalan et ICT), avec autogreffe de CSH dans les deux groupes.

Dans le cas de l’essai sur le lymphome du manteau chez les patients âgés, les résultats de la phase d’induction par groupe n’ont pas encore été dévoilés, mais le taux de réponse globale de 84 % a été confirmé. Bien que les courbes de survie combinées durant la phase d’entretien dénotent une survie moins longue que prévu, la survie des patients ayant obtenu une réponse complète (RC) est extrêmement encourageante, seuls deux patients ayant rechuté après 12 mois de suivi. Les données préliminaires de toxicité de cet essai indiquent que le protocole R-FC pourrait entraîner moins de myélosuppression et une incidence plus faible de neutropénie fébrile que le protocole R-CHOP dans cette population de patients. La présentation des taux de réponse et de la SSP par groupe de traitement est attendue. Dans le cas de l’essai sur le lymphome du manteau chez les patients plus jeunes (également à l’insu), les taux de RC et de SSP à 12 mois sont aussi très encourageants. Le protocole R-DHAP semble associé à un taux plus élevé d’anémie et de thrombopénie de classe 3 ou 4, mais le taux de neutropénie fébrile n’est que légèrement plus élevé (18 % vs11 %). Le suivi de cet essai n’est pas encore très long, et les résultats par groupe de traitement n’ont pas encore été analysés.

Cette année marque le 50e anniversaire de la publication de la toute première description du lymphome de Burkitt, par le Dr Denis Burkitt, chirurgien irlandais qui a consacré plusieurs années de sa vie à étudier les maladies dans les hôpitaux d’Afrique. Le lymphome de Burkitt est endémique en Afrique, et l’on croit que l’infection par le virus d’Epstein-Barr et le paludisme contribuent étroitement à sa pathogenèse. Dans les pays occidentaux, le lymphome de Burkitt survient souvent chez des patients immunodéprimés, comme les patients infectés par le VIH. Il se caractérise par une présentation clinique d’évolution assez rapide et une extension importante de même que par des caractéristiques bien particulières sur les plans morphologique, immunophénotypique et cytogénétique (anomalies impliquant l’oncogène c-myc et le locus des chaînes lourdes des immunoglobulines). Les stratégies de traitement utilisées chez l’adulte découlent du succès obtenu avec les schémas utilisés chez l’enfant, c’est-à-dire des protocoles de chimiothérapie intensifs de courte durée reposant sur le méthotrexate fortement dosé et la prophylaxie du SNC. S’éloignant de la démarche traditionnelle qui consiste à administrer des agents chimiothérapeutiques à forte dose suivant une séquence rapide, Dunleavy et ses collaborateurs des NIH ont testé le concept de chimiothérapie par perfusion continue à l’aide du protocole DA-EPOCH-R (dose-adjusted etoposide, vincristine, and doxorubicin, with bolus cyclophosphamide, prednisone and rituximab) (protocole décrit dans Blood 2002;99:2685-93). Cette démarche est fondée sur le bénéfice éventuel d’une exposition continue à la chimiothérapie d’un cancer dont la fraction proliférante est >99 % selon des analyses immunohistochimiques. Les chercheurs ont étudié 24 patients jamais traités auparavant (16 VIH-négatifs, 8 VIHpositifs) qui ont reçu six cycles de DA-EPOCH-R. Une rémission complète a été obtenue chez tous les patients, et la SG de même que la survie sans rechute à 28 mois se chiffrent respectivement à 100 % et à 96 %. Un suivi plus long et une confirmation indépendante de cette nouvelle démarche, de préférence par une comparaison directe dans le cadre d’un essai prospectif avec randomisation, s’imposent de toute évidence.

Nouveaux agents cytotoxiques dans les lymphomes B

La bendamustine, agent alkylant et analogue des bases puriques, est associée à un taux de réponse d’environ 40 % chez les patients atteints d’un LNH indolent en rechute lorsqu’elle est utilisée en monothérapie. Tentant d’améliorer les résultats, Mohren et al. ont étudié l’association de la bendamustine et du rituximab chez des porteurs d’un LNH CD20-positif «agressif» qui avait progressé après une polychimiothérapie comportant une anthracycline. Le taux de réponse globale obtenu chez les 12 sujets de l’essai a été de 80 % (quatre RC, dont trois se maintiennent après six à 33 mois de suivi). La toxicité du traitement a été acceptable : la leucopénie de classe 3 ayant été le seul signe d’hématotoxicité signalé pendant les 35 cycles, et le traitement n’a pas eu besoin d’être différé ou interrompu pour cause de toxicité. Il va de soi qu’il s’agit d’une étude préliminaire, mais les résultats sont assez encourageants pour justifier une évaluation plus approfondie de la bendamustine dans une population bien définie de patients porteurs d’un LDGCB ou d’un lymphome agressif de sous-type apparenté.

Résumé

Dans le traitement des lymphomes B agressifs, de nouvelles options prometteuses pointent à l’horizon, l’intégration réussie du rituximab dans le traitement d’induction ayant jeté les bases de nouvelles démarches. Dans le cas du LDGCB, les données préliminaires indiquent que la TEP au FTG pourrait permettre de repérer les patients dont la maladie est peu étendue et pour qui la radiothérapie localisée n’est peut-être pas nécessaire, celle-ci étant plus appropriée chez les patients exposés à un risque élevé. En outre, les schémas novateurs comme le R-CHOP-14 en dose-densité représentent une façon d’explorer l’importance et la toxicité de taux sériques élevés de rituximab dès le début du traitement, surtout chez les patients exposés à un risque élevé. Dans les lymphomes B agressifs moins courants, les nouveaux schémas comme le R-FC pour le lymphome du manteau et le DA-EPOCH-R pour le lymphome de Burkitt sont prometteurs. Enfin, de nouveaux agents chimiothérapeutiques comme la bendamustine administrée en association avec le rituximab ont donné de bons résultats préliminaires dans le lymphome B CD20-positif en rechute. Toutes ces nouvelles démarches devraient faire l’objet d’essais de phase III randomisés et comparatifs avec les schémas de référence actuels.

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