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Préservation de la fonction rénale : regard sur les schémas d’épargne en inhibiteurs de la calcineurine après une allogreffe rénale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS in PERSPECTIVE fondée sur des communications présentées au Congrès américain de transplantation 2008

30 mai-4 juin 2008 / Toronto (Ontario)

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

R. Jean Shapiro, MD, ABIM, FRCPC

Directeur médical, Transplantation rénale, Directeur médical, Transplantation d’organes solides, Vancouver General Hospital, Professeur agrégé de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

En matière d’allogreffe rénale, la disparité actuelle entre les taux élevés de survie du greffon à court terme et les taux de survie moins reluisants à plus long terme est paradoxale. Si la mort du patient porteur d’un greffon fonctionnel explique maintenant la plupart des pertes de greffon, les altérations histologiques qui signent la néphropathie chronique du greffon (NCG) ont aussi un impact non négligeable sur la durée de vie de ce dernier.

Si l’on en juge par l’évolution naturelle d’une greffe rénale, l’apparition d’une NCG – qu’il est maintenant convenu d’appeler fibrose interstitielle et atrophie tubulaire sans autre précision – pourrait être inévitable. La part de responsabilité relative des facteurs immunologiques et non immunologiques n’est pas claire. Jusqu’à tout récemment, le traitement par un inhibiteur de la calcineurine (IC) était considéré comme l’un des principaux facteurs en cause, mais on pense maintenant que cet argument serait une explication trop simpliste du processus de fibrose et que les altérations histologiques du greffon résultent probablement davantage d’un mécanisme de réparation de diverses lésions. Le rôle exact des IC dans l’apparition d’une NCG n’a donc pas été totalement élucidé.

La quête de schémas immunosuppresseurs permettant de réduire au minimum, voire d’éliminer les IC a donné lieu à un certain nombre d’associations novatrices, y compris des schémas comportant du sirolimus (SRL), inhibiteur de mTOR reconnu pour sa puissance immunosuppressive et ses propriétés antinéoplasiques fort intéressantes.

Les résultats de l’essai STN (Spare-the-Nephron) présentés par le Dr Thomas Pearson, Emory University Hospital, Atlanta, Géorgie, ont mis en évidence une variation moyenne en pourcentage du débit de filtration glomérulaire (DFG) mesuré après 12 mois de traitement de 27,9 % chez les sujets du groupe passage au SRL vs 11 % dans le groupe IC. L’écart n’a pas tout à fait atteint le seuil de signification statistique, mais lorsque les patients ayant reçu du tacrolimus (TAC) – qui représentaient plus de 80 % des patients sous IC – ont fait l’objet d’une analyse distincte, l’écart entre le début de l’étude et le 12e mois (6 %) était significatif par rapport à l’écart observé dans le groupe passage au SRL. En revanche, le taux de rejets aigus confirmés par biopsie (RACB) était faible et semblable dans les deux groupes, tout comme l’incidence des pertes de greffon et le taux de mortalité. La proportion d’abandons du traitement était plus élevée dans le groupe mofétilmycophénolate (MMF)/SRL que dans le groupe MMF/IC (18,7 % vs 7,1 %).

Les données sur la fonction rénale du même essai, présentées par le Dr Shamkant Mulgaonkar, St. Barnabas Medical Center, Livingston, New Jersey, ont également montré que la variation moyenne en pourcentage du DFG estimé entre le début de l’étude et le 12e mois – qui était de 7,4 % dans le groupe MMF/SRL, de 1,3 % dans le groupe MMF/IC et de -0,1 % dans le sous-groupe MMF/TAC – était de nouveau significative, en faveur du groupe passage au SRL. De plus, chez les patients qui étaient passés au SRL, les variations de la créatininémie étaient significativement plus marquées que dans le groupe IC; par ailleurs, au chapitre de la variation moyenne de la clairance de la créatinine calculée par rapport aux valeurs initiales, les chercheurs ont observé un écart de +6 % dans le groupe MMF/SRL, de -0,7 % dans le groupe MMF/IC et de -1,9 % dans le sous-groupe MMF/TAC. Ces résultats donnent à penser qu’un schéma à base de MMF/SRL préserve mieux la fonction rénale qu’un schéma à base d’IC et qu’il serait peut-être souhaitable d’envisager pareil schéma chez les transplantés rénaux exposés à un risque plus élevé de déclin de la fonction rénale. Certaines données clés étaient toutefois absentes du compte rendu de l’étude : les concentrations cibles et réelles de l’IC, et les valeurs de départ de la fonction rénale. Il serait nécessaire d’avoir ces données en main pour nous assurer que les groupes de patients étaient comparables avant le passage de l’IC au SRL.

Immunosuppression maximale et néphrotoxicité minimale

Dans le cadre de l’essai ORION, quelque 443 transplantés rénaux de novo ont subi un traitement d’induction par le daclizumab et des corticostéroïdes, après quoi ils ont été randomisés de façon à recevoir un traitement d’entretien par le SRL/TAC duquel le TAC était retranché après 13 semaines, par le schéma MMF/SRL (sans IC) ou par le schéma MMF/TAC. Trois mois après la greffe, explique l’investigateur principal de l’essai ORION, le Dr Stuart Flechner, Cleveland Clinic Foundation, Ohio, la fonction rénale était significativement meilleure chez les patients ne recevant pas d’IC, mais cet avantage a ensuite disparu. Après deux ans, le taux de RACB était plus élevé chez les sujets ne recevant pas d’IC (28,3 %) que chez les sujets du groupe SRL/TAC duquel le TAC avait été retranché (13,5 %) et chez ceux du groupe MMF/TAC (9,4 %). Une fois tous les patients recrutés, le premier groupe n’ayant pas reçu d’IC a d’ailleurs été éliminé en raison du taux élevé de RACB. Du fait que des concentrations infrathérapeutiques de SRL ont été observées chez 40 à 50 % des sujets n’ayant pas reçu d’IC, certains estiment que si les concentrations de SRL étaient demeurées dans les limites recommandées (entre 10 et 15 ng/mL) durant les six premiers mois, le taux de RACB aurait sans doute été bien différent.

Un juste équilibre entre une puissante immunosuppression au décours immédiat de la transplantation, lorsque le risque de rejet aigu est maximal, et la réduction maximale de la néphrotoxicité est maintenant davantage à notre portée si l’on opte pour le SRL peu de temps après la transplantation. Lors d’une étude, 50 transplantés rénaux non choisis ont reçu du SRL, du TAC et de la prednisone pendant trois mois, les concentrations minimales cibles étant de 10 ng/mL pour le SRL et de 8 à 12 ng/mL pour le TAC. Trois mois plus tard, les chercheurs ont diminué la dose de TAC de 50 %, et les concentrations minimales d’entretien de TAC étaient de 3 ng/mL. Comme le précise le Dr David J. Conti, directeur du programme de transplantation du rein et du pancréas, Albany Medical Center, New York, un rejet aigu est survenu chez 10 % des sujets du groupe, très peu de temps après la transplantation dans tous les cas. Il importe surtout de souligner qu’aucun épisode de rejet aigu n’a été signalé après la réduction de la dose de TAC à trois mois et que le taux de survie du greffon après six ans d’épargne en IC se chiffrait à 72 %. La fonction rénale est aussi demeurée stable au cours des six années de suivi.

Possibilité de réduire l’incidence des cancers de la peau

L’activité antinéoplasique du SRL est peut-être l’un des meilleurs arguments à l’appui de son utilisation en tant qu’immunosuppresseur. Comme on le sait fort bien, l’immunosuppression au long cours augmente beaucoup les risques de carcinome basocellulaire et de carcinome spinocellulaire chez les transplantés. Aussi mon équipe et moi avons-nous tenté d’explorer l’utilisation du SRL en réduisant les IC au minimum, voire en les éliminant, chez des transplantés rénaux ayant eu de multiples cancers de la peau. Nous avons recruté uniquement des patients stables; avant de les faire passer au SRL, nous nous assurions qu’ils ne présentaient aucun signe de protéinurie et qu’ils avaient une bonne fonction rénale, et nous réduisions au minimum l’utilisation de tous les autres immunosuppresseurs. La durée du suivi après le passage au SRL variait entre 35 et 2763 jours. Les résultats, encore préliminaires, ne portent que sur 30 patients, mais nous avons observé une réduction du nombre de nouveaux cancers de la peau, la moyenne étant passée de 5,36 par patient à 1,57 après le passage au SRL.

Il importe ici de souligner que nous n’avons pas observé de modification notable de la fonction rénale ni d’augmentation du taux de rejets aigus après le passage au SRL. Le suivi de cette cohorte est encore trop récent pour que nous puissions affirmer avec certitude qu’un schéma immunosuppresseur à base de SRL réduira le nombre de cancers de la peau chez les receveurs d’une allogreffe rénale. La littérature semble néanmoins indiquer que cela pourrait être le cas, ce qui nous permettrait peut-être de freiner l’apparition et la persistance des cancers de la peau qui touchent un si grand nombre de transplantés rénaux.

Schémas d’épargne en IC prometteurs

D’autres conférenciers ont présenté une mise à jour des résultats qu’ils avaient obtenus avec des schémas d’épargne ou d’exclusion des IC. Lors de l’essai SYMPHONY, tous les patients ont reçu du MMF en concomitance avec du TAC à faible dose, de la cyclosporine A (CsA) à la dose usuelle, de la CsA à faible dose ou du SRL à faible dose. Comme l’explique le Dr Henrik Ekberg, Université Lund, Malmö, Suède, les taux de RACB sont demeurés faibles et comparables pendant la deuxième et la troisième année de l’essai (moins de 4 % dans tous les groupes); de même, seules quelques altérations mineures de la fonction rénale ont été observées au cours de la deuxième et de la troisième année. L’incidence des pertes de greffon entre la deuxième et la troisième année de l’essai était faible également (<6 %). Après un an, le schéma MMF/TAC à faible dose était encore celui qui donnait encore les meilleurs résultats dans le cadre de l’essai SYMPHONY, ce qui laisse entrevoir l’utilité appréciable de ce protocole.

Dans le cadre de l’essai OPTICEPT, les chercheurs ont exploré une autre stratégie : 720 transplantés rénaux ont été randomisés de façon à recevoir soit du MMF à concentrations contrôlées (MMFcc) et un IC à faible dose, soit du MMFcc et un IC à la dose usuelle, soit du MMF à dose fixe (MMFdf) et un IC à la dose usuelle. Les concentrations minimales d’acide mycophénolique étaient ajustées selon l’IC administré (CsA ou TAC). Comme le rapporte le Dr Robert Gaston, University of Alabama, Birmingham, l’échec du traitement – c’est-à-dire un RACB, la perte du greffon, la mort et la perte au suivi – a été documenté chez 20,6 % des sujets du groupe MMFcc/IC à faible dose, chez 28,7 % des sujets du groupe MMFcc/IC à la dose usuelle et chez 26,7 % des sujets du groupe MMFdf/IC à la dose usuelle. Les taux de RACB étaient respectivement de 6,2 %, 9,7 % et 9,6 %. Bien que les sujets du groupe MMFcc/IC à faible dose aient le plus souvent reçu des doses de MMF plus fortes, le nombre d’abandons pour cause d’effets indésirables était deux fois moins élevé que dans les deux autres groupes de traitement. De l’avis des investigateurs de cet essai de non-infériorité, l’obtention de concentrations thérapeutiques grâce à une surveillance étroite et une exposition moindre à l’IC pourraient mieux préserver la fonction rénale. Cependant, comme les concentrations minimales cibles et les concentrations obtenues de MMF ou d’IC n’ont pas été rapportées, il est difficile de bien interpréter les données.

Pour réduire au minimum l’exposition aux IC, il est également possible d’induire la déplétion de toutes les cellules T par un anticorps, la globuline anti-thymocytes de lapin (ATGl). Dans le cadre d’un essai prospectif dirigé par le Dr Brian Stevens, University of Nebraska Medical Center, Omaha, des patients ont reçu une dose fixe unique d’ATGl (6 mg/kg) ou quatre doses fractionnées (1,5 mg/kg) en concomitance avec de la méthylprednisolone, après quoi ils ont reçu un traitement d’entretien par le SRL et le TAC pendant six mois. Les concentrations de ces agents n’ont pas été précisées. À cette étape, les groupes ont été subdivisés de nouveau : l’un des groupes a continué de recevoir le schéma SRL/TAC alors que l’autre est passé au schéma SRL/MMF. La mise à jour des données présentées après un suivi moyen de près de 20 mois a révélé que 54 patients avaient cessé de recevoir le schéma SRL/TAC et qu’ils ne prenaient toujours pas d’IC ni de stéroïdes. Pendant un suivi d’une durée moyenne de 22 mois, 70 % des sujets ont reçu ce schéma d’entretien sans IC ni stéroïdes avec succès, alors qu’on a dû réintroduire l’IC chez les autres, du moins temporairement. À ce jour, la survie des patients, la survie des greffons et la survie des greffons sans rejet sont comparables dans tous les groupes de traitement, mais le rétablissement précoce de la fonction rénale a été meilleur dans le groupe où l’IC a été retiré.

Le Dr John Gill, St-Paul’s Hospital, Vancouver, Colombie- Britannique, a présenté les résultats d’une étude exploratoire dans laquelle les IC ont été remplacés par le basiliximab, anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de l’interleukine-2 (IL-2), inhibant ainsi l’activation des lymphocytes T médiée par l’IL-2 et, par conséquent, l’une des voies du rejet de l’allogreffe. Chez cinq des sept patients qui ont terminé cette étude de faisabilité de six mois, les chercheurs ont constaté que l’administration mensuelle de basiliximab permettait d’obtenir des concentrations sériques supérieures au seuil associé à la saturation des récepteurs CD25 et que la population cible de lymphocytes diminuait de façon substantielle chez ces cinq patients. Les chercheurs ont signalé une perte de greffon après une diminution de la dose de MMF, mais aucun épisode de rejet aigu ou chronique n’est survenu. Le basiliximab pourrait donc représenter une autre stratégie novatrice pour réduire ou éliminer l’exposition aux IC et peut-être diminuer le risque de néphrotoxicité chez les transplantés rénaux.

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