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Le point sur le psoriasis : regard sur les agents biologiques dans les formes modérées à sévères

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Dermatology Update 2006

Whistler, Colombie-Britannique / 25-29 octobre 2006

Par le passé, lorsqu’un traitement systémique s’imposait, on jugeait approprié d’alterner les traitements, explique le Dr Norman Wasel, professeur adjoint de clinique, University of Alberta, Edmonton. Cela dit, ajoute-t-il, de graves problèmes sont inhérents à cette stratégie, puisqu’il est insensé de couper court à un traitement efficace et encore plus insensé de reprendre un traitement qui s’est déjà avéré inefficace ou toxique.

Il est aussi difficile d’obtenir une maîtrise continue des symptômes cutanés avec une stratégie par rotation, et les patients s’inquiètent des effets indésirables des traitements systémiques, notamment l’hépatotoxicité associée au méthotrexate (MTX), le cancer de la peau associé à la photothérapie UV; les céphalées, l’alopécie et la sécheresse associées à l’acitrétine; et les effets sur la tension artérielle et la fonction rénale associés à la cyclosporine.

Conséquences du psoriasis et objectifs du traitement

Depuis 2004, le marché canadien compte plusieurs agents biologiques pour le traitement du psoriasis et du rhumatisme psoriasique. Pourtant, note le Dr Wasel, «les cliniciens sont encore réticents à les utiliser dans leur pratique». Souvent, comme un sondage réalisé auprès des congressistes l’a montré, ils craignent que les patients ne puissent pas se les permettre ou que leurs assureurs ne paient pas pour ces médicaments. Les congressistes se disent aussi préoccupés par les effets indésirables, que l’on doit soupeser en regard des coûts réels du psoriasis modéré à sévère, tant pour les patients que pour le système de santé. Certes, il est toujours stressant de commencer à se servir de nouveaux agents, poursuit le Dr Wasel, mais les agents biologiques représentent maintenant un volet important de sa pratique, car – comme il l’a vu à la lumière de son expérience avec l’infliximab – ils permettent un blanchiment complet des lésions. Lorsqu’un patient consulte pour le psoriasis, on vise maintenant le blanchiment complet et non une simple diminution des symptômes.

Des enquêtes réalisées auprès de patients atteints de psoriasis en Europe et aux États-Unis ont révélé que le psoriasis modéré à sévère se compare à d’autres maladies comme le diabète, les maladies cardiaques et le cancer pour ce qui est des souffrances mentales et physiques qu’il entraîne, commente le Dr Kristian Reich, professeur titulaire de dermatologie, Université Georg-August, Göttingen, Allemagne,

Les patients qui souffrent d’une forme avancée de psoriasis signalent aussi une importante baisse de productivité. «Nous sous-estimons l’effet de la maladie sur la vie au quotidien», fait remarquer le Dr Reich. La maladie est aussi associée à de multiples facteurs de comorbidité, dont le rhumatisme psoriasique, la consommation abusive d’alcool, la dépression, le syndrome métabolique et le diabète. «Souvent, la satisfaction du patient à l’égard de son traitement est faible», ajoute-t-il.

Ce phénomène pourrait tenir en partie au fait que le psoriasis est souvent sous-traité. Lors d’un sondage récent réalisé auprès de 1500 patients en Allemagne, environ 20 % avaient un score PASI (Psoriasis Area and Severity Index) témoignant d’un psoriasis sévère (>20), et moins de 50 % des sujets de ce groupe de patients recevaient un traitement systémique, rapporte le Dr Reich.

Ces résultats plaident en faveur de l’établissement d’objectifs de traitement appropriés chez les patients en proie à un psoriasis sévère. Le Dr Reich précise qu’un objectif approprié serait le critère PASI 50 (c’est-à-dire une amélioration de 50 % du score PASI) et un score <5 selon l’index DLQI (Dermatology Life Quality Index). Cependant, il estime que l’on peut viser un score DLQI de 0 ou 1 et le critère PASI 75, indiquant que c’est un objectif réaliste du traitement par l’infliximab, comme l’a montré l’étude EXPRESS I (European Infliximab for Psoriasis Efficacy and Safety Study) (Figure 1). Selon ce qu’il a observé dans cette étude, un score DLQI <5 correspond au critère de réponse PASI 75 chez la majorité des patients. «J’aspire aussi à une maîtrise à long terme, à un traitement qui agit également sur les symptômes unguéaux et articulaires de même qu’à un schéma commode», enchaîne-t-il. Ces objectifs sont maintenant en grande partie réalistes, à tout le moins avec certains inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa).

Figure 1. EXPRESS : Taux de réponse à 10 semaines


Réseau de cliniques de perfusion : pour faciliter le traitement anti-TNFa

Certains médecins sont hésitants à prescrire l’infliximab parce qu’ils ne connaissent pas bien les modalités d’administration de cet inhibiteur du TNFa, mais le Dr Reich estime que le réseau de cliniques de perfusion est une ressource unique à la fois pour le patient et le médecin traitant.

La Dre Kam Shojania, directrice de la recherche clinique, Arthritis Research Centre of Canada, Vancouver, Colombie-Britannique, note que le réseau de cliniques de perfusion Remicade (RCPR) dissipe toutes les inquiétudes liées à la perfusion. Un médecin et un/e infirmier/ère sont sur place, et le patient fait l’objet d’un examen préalable et d’un suivi étroit à chaque séance de perfusion. La clinique envoie au médecin un rapport sommaire post-perfusion dans les 48 heures afin de le tenir au courant du traitement de son patient.

Comme l’expliquait la Dre Shojania à l’auditoire, il y a de nombreux endroits au Canada où les patients peuvent avoir accès au RCPR, et la perfusion en tant que telle ne coûte rien. Le médecin n’a qu’à remplir un bref formulaire, après quoi le coordonnateur du RCPR s’occupe de tout, entre autres de déterminer si le patient a accès au remboursement public ou privé ou s’il peut bénéficier d’une aide pour payer sa quote-part. «Le RCPR est particulier du fait qu’il est gratuit pour tous les patients qui reçoivent l’infliximab, et l’innocuité du traitement est la priorité, explique-t-elle. Ce réseau est très accessible, il n’y a pas d’attente et l’observance du traitement anti-TNFa s’en trouve facilitée.»

Agents biologiques dans le psoriasis : synthèse des données

À l’heure actuelle, le marché canadien compte cinq agents biologiques : infliximab, étanercept, alefacept, efalizumab et adalimumab. Ces agents ne sont pas tous homologués pour le traitement du psoriasis, mais le Dr Reich a néanmoins résumé les résultats de diverses études visant à évaluer les agents biologiques dans le traitement de cette maladie.

Le Dr Reich a passé en revue les données des études EXPRESS I et EXPRESS II (Evaluation of Infliximab for Psoriasis Efficacy and Safety Study). Au terme de la phase d’induction, 80 % des patients recevant l’infliximab avaient atteint le critère de réponse PASI 75 (Figure 2), 25 % avaient atteint le critère PASI 100 et 50 % avaient un score DLQI de 0. À un an, ce score était inchangé chez 60 % à 70 % des patients. Le Dr Reich indique par ailleurs que les résultats d’EXPRESS I et II objectivent une efficacité plus marquée lorsque l’infliximab est administré à intervalles de huit semaines plutôt qu’au besoin.
: Études de phase III

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Lors d’une étude comparative et randomisée sur l’étanercept dans le psoriasis, rapporte le Dr Reich, le critère de réponse PASI 75 a été atteint après 10 à 16 semaines chez 34 % des patients du groupe 25 mg deux fois par semaine et chez 49 % de ceux du groupe 50 mg deux fois par semaine (Papp et al. Br J Derm 2005;152[6]:1304-12). À un an, le taux de réponse était d’environ 60 % dans le groupe de traitement à forte dose et probablement d’environ 40 % dans le groupe de traitement à faible dose.

Selon les résultats d’un autre essai sur l’efalizumab, environ 30 % des patients avaient atteint le critère de réponse PASI 75 au terme de la phase d’induction (Gordon et al. JAMA 2003; 290[23]:3073-80). Il est ressorti d’une étude sur un traitement de plus longue durée qu’environ 50 % des patients avaient atteint le critère de réponse PASI 75 après un an, deux ans et trois ans de traitement, «mais cette étude est plutôt problématique parce que l’administration concomitante d’autres traitements était permise», ajoute le Dr Reich.

Lors d’un essai de phase III qui visait à évaluer l’alefacept dans le psoriasis, 54 patients sur 507 ont atteint le critère PASI 75 (Lebwohl et al. Arch Dermatol 2003;139[6]:719-27). «Si certains de nos patients ne réussissent pas à atteindre l’objectif visé, nous ne devrions pas hésiter à passer à un agent biologique», affirme le Dr Reich. Si les effets de tous les inhibiteurs du TNFa «sont assez similaires» dans le traitement des symptômes articulaires, «il y a une différence réelle au niveau de la peau», précise-t-il (Figure 3).

Comme le souligne le Dr Richard Langley, professeur agrégé de médecine, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, les premiers résultats d’études sur l’adalimumab ont mis en évidence de bons taux de réponse et cet agent semble prometteur dans le traitement du psoriasis.

Comme plus de un million de patients ont reçu un agent biologique, l’infliximab chez 700 000 d’entre eux, nous connaissons et pouvons corriger la plupart des problèmes d’innocuité. Les données accumulées à ce jour étayent l’utilisation à long terme des agents biologiques, de con
Figure 3. Efficacité des traitements systémiques dans le psoriasis

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Innocuité et stratégies de traitement

Les agents biologiques, par comparaison à d’autres agents comme le méthotrexate, sont associés à un risque relativement faible de toxicité pour les organes cibles. Néanmoins, l’innocuité des inhibiteurs du TNFa soulève certaines craintes, en particulier la réactivation de la tuberculose (TB), le risque accru d’infection et le risque accru de cancer, notamment le lymphome. Comme le souligne le Dr Brian Feagan, interniste (épidémiologie clinique et gastro-entérologie) et professeur titulaire de médecine, d’épidémiologie et de biostatistique, University of Western Ontario, London, des cas isolés de TB ont commencé à apparaître lorsque l’utilisation des inhibiteurs du TNFa s’est généralisée, et ces cas survenaient pour la plupart chez des patients d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-Est où la TB est endémique.

Le Dr Feagan recommande, avant d’amorcer un traitement par un inhibiteur du TNFa, de faire un dépistage de la TB latente au moyen d’une radiographie pulmonaire, d’une intradermo-réaction par tuberculine DPP (dérivé protéinique purifié) et d’un interrogatoire sur les antécédents
sur le lieu de naissance (Figure 4).

Figure 4. Algorithme du dépistage de la TB : Recommandations européennes

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«Le risque de TB est présent au cours des six premiers mois de traitement, de sorte qu’il faut être très vigilant afin de repérer sans délai les signes d’infection pendant le traitement», prévient le Dr Feagan.

Des infections opportunistes ont aussi été signalées en association avec tous les inhibiteurs du TNFa. On doit donc surveiller de près les patients qui vivent dans les régions à risque élevé. Le traitement par l’inhibiteur du TNFa doit être poursuivi en cas d’infection bénigne, mais arrêté s’il s’agit d’une infection grave, comme un ulcère de pied diabétique. Chez les patients qui présentent une infection active, par contre, le traitement ne doit pas être amorcé.

Dès le départ, on soupçonnait l’utilisation d’un inhibiteur du TNFa d’augmenter le risque de cancer. Cependant, selon des données récentes tirées d’une base de données suédoise sur les utilisateurs d’un inhibiteur du TNFa, aucun des agents biologiques n’augmenterait le risque de tumeur solide.

En revanche, l’incidence des lymphomes pourrait être deux ou trois plus élevée chez les patients qui prennent un inhibiteur du TNFa, si l’on en juge par les données provenant d’essais sur la polyarthrite rhumatoïde. Au congrès, certains conférenciers ont déconseillé l’administration d’un inhibiteur du TNFa aux patients ayant des antécédents de lymphome, bien que le traitement semble moins risqué chez les patients qui ont déjà eu une tumeur solide.

Rhumatisme psoriasique

Le Dr Wayne Gulliver, directeur, division de dermatologie, Memorial University of Newfoundland, St. John’s, Terre-Neuve, a discuté du rhumatisme psoriasique, qui affecte probablement 200 000 à 300 000 patients au Canada seulement. «La plupart des gens ont des lésions cutanées avant de souffrir de rhumatisme, note-t-il. Au nombre des conséquences de l’inflammation, citons l’ossification, l’ankylose et une altération des os touchés qui s’apparente à l’altération qui résulterait d’une tumeur.»

La synthèse accrue du TNFa est un point tournant non seulement de la physiopathologie des lésions cutanées, mais aussi de celle des lésions articulaires, la migration des cellules inflammatoires dans les articulations contribuant à leur destruction. Tous les agents qui ciblent le TNFa «sont assez efficaces et se ressemblent pas mal» au niveau des articulations, mais pas de la peau, réitère-t-il.

«Voici ce que nous devons maintenant nous demander : si nous traitons le psoriasis tôt et sans délai, pouvons-nous prévenir l’apparition du rhumatisme psoriasique et d’autres facteurs de comorbidité associés au psoriasis?», lance le Dr Gulliver. Ses co-investigateurs et lui-même font actuellement une étude à partir d’une vaste base de données de patients de Terre-Neuve souffrant du psoriasis afin de trouver réponse à cette question.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien, pendant les séances scientifiques, avec le Dr Wayne Gulliver, directeur, division de dermatologie, Memorial University of Newfoundland, St. John’s; et le Dr Richard Langley, professeur agrégé de médecine, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse.

Q : Pourquoi, à votre avis, les facteurs de comorbidité cardiovasculaire sont-ils si fréquents chez les patients qui souffrent de psoriasis?

Dr Gulliver : Comme les profils immunologiques du psoriasis, de l’obésité et de l’infarctus aigu du myocarde sont presque identiques, il n’est pas étonnant que toutes ces maladies surviennent ensemble. Je suis assez convaincu du fait que la présence du psoriasis est un facteur de risque indépendant d’événements cardiovasculaires, dont l’hypertension, l’hyperlipidémie et le diabète. Maintenant, lorsque j’ai un patient qui souffre de psoriasis, je vérifie sa tension artérielle, sa glycémie et son bilan lipidique et je traite le patient dans son ensemble plutôt que de me limiter à ses lésions cutanées.

Q : Peut-on vacciner un patient qui reçoit un inhibiteur du TNFa?

Dr Langley : Il demeure possible d’obtenir une réponse humorale appropriée à un vaccin à virus tué, mais pas à un vaccin à virus vivant. Les vaccins à virus vivants sont contre-indiqués dans ce contexte. Cela dit, avant d’instaurer un traitement par un inhibiteur du TNFa, je conseille à mes patients de voir leur omnipraticien pour s’assurer que leur carnet de vaccination est à jour.

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