Comptes rendus

Événements cardiovasculaires et dorsalgies en médecine de premier recours
Diminution du risque cardiovasculaire dans l’insuffisance rénale chronique

Le rôle de l’inhibition de la pompe à protons dans divers contextes cliniques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 18e Congrès de la Fédération européenne de gastro-entérologie

Barcelone, Espagne / 23-27 octobre 2010

Éradication de H. pylori et traitement par un IPP

H. pylori est la principale cause des ulcères gastriques et duodénaux, et il semble que la cicatrisation de la muqueuse réduise le risque de cancer gastrique lié à H. pylori. Dans le cadre d’une étude présentée au congrès, Mabe et ses collaborateurs (résumé OP216) ont recensé les nouveaux cas de cancer gastrique au sein d’une cohorte de 3241 patients traités pour une infection à H. pylori. Pendant un suivi d’une durée moyenne de 5,6 ans, 31 cas de cancer gastrique ont été diagnostiqués. L’incidence a atteint 0,7 % dans le sous-groupe des patients chez qui v avait été éradiqué, contre 1,4 % dans le sous-groupe de ceux chez qui la bactérie n’avait pas été éradiquée.

L’éradication de H. pylori nécessite une trithérapie à base d’un IPP, généralement administrée en 1 ou 2 semaines, et il en résulte des taux élevés de cicatrisation de l’ulcère. Bien que la plupart des schémas dirigés contre H. pylori soient efficaces, on continue d’explorer des schémas qui offrent un taux de réussite encore plus élevé sans pour autant compromettre l’innocuité.

Lors d’une étude avec randomisation, Aminian et ses collaborateurs ont comparé les taux d’éradication associés à quatre schémas distincts (résumé P0307). Les chercheurs ont constaté que la trithérapie de référence – 20 mg d’oméprazole, 1000 mg d’amoxicilline et 500 mg de clarithromycine, 2 fois/jour dans tous les cas, pendant 10 jours – demeurait la plus efficace, le taux d’éradication atteignant 90,7 %. Venait au deuxième rang, avec un taux d’éradication de 84,1 %, la même trithérapie dans laquelle la clarithromycine avait été remplacée par 500 mg de métronidazole et 240 mg de bismuth. Le traitement séquentiel n’était pas acceptable au sein de cette population de patients.

L’écabet sodique est connu pour exercer un certain effet bactéricide sur H. pylori. À cette fin, Kim et ses collaborateurs ont comparé, sur le plan de l’efficacité, une trithérapie à base de lansoprazole et cette même trithérapie à laquelle on avait ajouté de l’écabet sodique, tous administrés 2 fois/jour pendant 1 ou 2 semaines (résumé P1410). Les résultats ont montré que l’ajout d’écabet sodique n’avait pas amélioré le taux d’éradication déjà élevé associé au traitement de référence à base de lansoprazole (86,2 % vs 80,7 %, p=0,166).

Amélioration du traitement médicamenteux

Les IPP se caractérisent par une innocuité à long terme impressionnante. Au congrès, le Dr Christoph Athmann, Université de Hanovre, Allemagne, a présenté les données à 15 ans sur le pantoprazole, un IPP de deuxième génération. Aucune altération histologique importante n’a été observée au sein d’une cohorte de patients recevant ce traitement depuis plus d’une dizaine d’années. Parmi les 146 patients ayant amorcé le traitement à une dose de 40 à 160 mg et que l’on a soumis à une endoscopie annuelle, 36 patients atteints de troubles sévères causés par l’acidité sont suivis depuis maintenant 15 ans. L’IPP est efficace et bien toléré, et un protocole de suivi rigoureux n’a permis de déceler aucun problème d’innocuité, souligne le Dr Athmann.

De l’avis d’un anatomopathologiste spécialisé, le Dr Antonio Orozco-Gámiz, Gastrolab SA, Guadalajara, Mexique, l’optimisation de la constante de dissociation acide (pKa) augmente la concentration et les effets bactéricides des antibiotiques. Il est établi que la clarithromycine a un pKa de 8,9 et l’amoxicilline, un pKa de 2,4 et de 7,4. Une nouvelle préparation magnésienne de pantoprazole (pantoMg), du fait qu’elle optimise le pKa, semble améliorer l’effet de ces deux antibiotiques sur le mucus gastrique et la surface de la muqueuse.

Lors de la première étude dans laquelle on a fait état de l’efficacité thérapeutique du pantoMg, 240 patients chez qui on avait détecté H. pylori, tant à l’examen histologique que durant le test respiratoire à l’urée marquée au carbone 14 (C-14), ont été randomisés dans l’un ou l’autre des deux groupes suivants : 1 g d’amoxicilline, 500 mg de clarithromycine et 40 mg de pantoMg (schéma PAC); ou la même antibiothérapie avec 20 mg d’oméprazole (schéma OAC). Les deux schémas ont été administrés 2 fois/jour pendant 14 jours. Un mois après la trithérapie, on répétait le test respiratoire à l’urée marquée au C-14 afin de s’assurer de l’éradication.

Les deux schémas se sont révélés efficaces, l’analyse per protocol ayant objectivé des taux d’éradication de 86,7 % dans le groupe PAC et de 85,7 % dans le groupe OAC. Selon l’analyse en intention de traiter, le schéma PAC a été associé à un taux de 88,3 %. «L’écart statistique pourrait tenir au fait qu’une suppression plus durable de la sécrétion acide est nécessaire à l’optimisation du pKa et de l’activité des antibiotiques dans un milieu dont le pH est idéal», note le Dr Orozco-Gámiz. Globalement, le pantoMg a été plus efficace pour éradiquer H. pylori et a été associé à des taux de cicatrisation supérieurs à 4 semaines, probablement en raison de sa plus longue demi-vie.

Le pantoMg devrait être envisagé dans le cadre d’une trithérapie de première intention visant l’éradication de H. pylori, conclut le Dr Orozco-Gámiz.

IPP et antiplaquettaires

L’AAS est largement utilisé pour la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires (CV), mais il peut causer des ulcères gastroduodénaux (UGD) et d’autres symptômes digestifs hauts, si bien que l’usage concomitant d’un IPP pourrait aussi avoir sa place en pareil cas. Le Dr James Scheiman, University of Michigan Hospital, Ann Arbor, a présenté une analyse post-hoc de l’étude OBERON qui visait à déterminer si l’esoméprazole administré à raison de 20 mg/jour ou de 40 mg/jour était efficace pour diminuer l’incidence des UGD chez des patients négatifs pour H. pylori qui étaient exposés à un risque accru d’UGD du fait qu’ils prenaient de 75 à 325 mg/jour d’AAS. Après 26 semaines, l’endoscopie a révélé la présence d’un UGD chez 1,4 % des patients du groupe 20 mg d’esoméprazole et 0,5 % des patients du groupe 40 mg d’esoméprazole, par comparaison à 7,5 % des témoins sous placebo; l’IPP a aussi atténué les symptômes digestifs hauts.

La résistance au clopidogrel a été associée à une augmentation significative des événements CV et de la mortalité d’origine CV, précise le Dr Ricardo Fontes-Carvalho, Centre hospitalier de Gaia, Porto, Portugal. D’aucuns craignent que l’utilisation d’un IPP en présence d’un traitement antiplaquettaire puisse exacerber la résistance au clopidogrel. Souvent prescrit en association avec l’AAS, surtout après un syndrome coronarien aigu (SCA) ou un infarctus du myocarde (IM) aigu, le clopidogrel est un promédicament dont la biotransformation en son métabolite actif dépend fortement de l’isoenzyme 2C19 du cytochrome P450 (CYP2C19).

Comme le clopidogrel et l’AAS peuvent tous les deux altérer la muqueuse du haut appareil digestif, il est maintenant recommandé dans les guides de pratique d’administrer un IPP en concomitance chez les patients exposés à un risque accru d’hémorragie digestive. «Tous les IPP sont métabolisés par l’isoenzyme CYP2C19, mais à divers degrés», fait remarquer le Dr Fontes-Carvalho. Ces «divers degrés» revêtent une grande importance, car ils peuvent donner lieu à des différences cliniquement significatives sur le plan de l’activité antiplaquettaire.

Lors d’une étude réalisée dans l’établissement où travaille le Dr Fontes-Carvalho, l’interaction entre le clopidogrel et l’IPP a été quantifiée chez 34 patients sous bithérapie antiplaquettaire (150 mg d’AAS mg/75 mg de clopidogrel mg) 1 mois après un IM aigu. La quantification a été réalisée selon trois scénarios cliniques chez chaque sujet : après 1 mois sans traitement par un IPP; après 4 semaines de traitement par l’oméprazole à 40 mg; et après 1 autre mois sans IPP suivi d’un traitement de 4 semaines par le pantoprazole à 40 mg. À chaque étape, on évaluait la fonction plaquettaire en mesurant le nombre moyen d’unités de réactivité du P2Y<sub>12</sub> (PRU). Ce test reflète la fixation au récepteur P2Y<sub>12</sub>, la cible de l’effet antiplaquettaire du clopidogrel : plus le nombre de PRU est élevé, moins l’effet antiplaquettaire est marqué. La résistance était définie comme un nombre de PRU =240.

Les résultats ont objectivé une diminution importante de l’activité antiplaquettaire du clopidogrel chez les patients sous oméprazole, qui dépend davantage de l’isoenzyme CYP2C19 que le pantoprazole, ce dernier utilisant des voies métaboliques différentes, souligne le Dr Fontes-Carvalho. Plus précisément, le nombre de PRU est passé d’une moyenne de 202 unités (±52 unités) en l’absence d’un IPP à une moyenne de 235 unités (±58 unités) sous oméprazole (p<0,001), tout juste sous le seuil prédéfini de résistance, et à une moyenne de 215 unités (±54 unités) sous pantoprazole, mais l’écart n’était pas statistiquement significatif (p=0,16) (Tableau 1). Quelque 26 % des sujets de l’étude étaient résistants au clopidogrel en l’absence d’un IPP; le pourcentage est passé à 48 % sous oméprazole alors qu’il est resté pratiquement inchangé sous pantoprazole.


«Nous avons démontré que l’oméprazole perturbait significativement l’effet antiplaquettaire du clopidogrel et que, en conséquence, la proportion de patients résistants à ce médicament s’en trouvait augmentée. À notre connaissance, notre étude de la variabilité intra-individuelle chez des victimes d’un IM est la première à montrer que cette interaction n’est pas un effet de classe», conclut le Dr Fontes-Carvalho.

Résumé

Les IPP sont très efficaces pour réduire l’acidité gastrique et, lorsqu’ils sont prescrits dans le cadre d’une trithérapie, pour éradiquer H. pylori et réduire le risque de cancer gastrique, mais il semble qu’ils ne soient pas interchangeables. De nouvelles études confirment que les différences pharmacodynamiques entre les divers IPP peuvent influer sur les résultats, surtout lorsque les patients reçoivent en concomitance un traitement dont le métabolisme dépend de l’isoenzyme CYP2C19.

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