Comptes rendus

Le rôle de l’inhibition de la pompe à protons dans divers contextes cliniques
Maintien de la santé osseuse et musculaire

Diminution du risque cardiovasculaire dans l’insuffisance rénale chronique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 43e Assemblée/Exposition scientifique annuelle de l’American Society of Nephrology (ASN)

Denver, Colorado / 16-21 novembre 2010

L’insuffisance rénale chronique (IRC) mine la qualité de vie, draine les ressources du système de santé et coûte cher à la société. Elle est notamment reconnue comme un facteur de risque de maladies cardiovasculaires (CV). L’amélioration du pronostic à long terme de l’IRC – un réel défi – passe par une détection précoce et la stratification du risque. Comme pour les maladies CV, les habitudes de vie pourraient contribuer à la prévention de l’IRC : un indice de masse corporelle croissant et l’obésité sont des facteurs de risque de l’IRC et de sa progression, alors que l’exercice influe favorablement sur divers paramètres métaboliques en présence d’IRC.

Nouvelles données sur le risque d’IRC

Plusieurs communications ont confirmé que le nouveau calculateur CKD-EPI (CKD-Epidemiology) était plus utile que l’équation MDRD (Modification of Diet in Renal Disease) pour la détermination du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) et qu’il permettait une stratification plus exacte des patients d’après leur risque clinique.

On a aussi parlé au congrès de facteurs qui pourraient influer sur l’apparition et la progression de l’IRC. Une analyse regroupant 660 diabétiques de type 2 a révélé qu’une diminution globale du taux d’hémoglobine glyquée (HbA<sub>1c</sub>) avait réduit le risque de progression de l’IRC, mais qu’un faible taux d’HbA<sub>1c</sub> associé à des épisodes d’hypoglycémie sévères augmentait le risque de mortalité. Les données dans leur ensemble semblent indiquer qu’il est utile d’abaisser le taux d’HbA<sub>1c</sub> en présence d’IRC, sauf quand le traitement cause des hypoglycémies sévères. Selon une étude de cohorte rétrospective (autre communication), le traitement antidiabétique visant un taux d’HbA<sub>1c</sub> <6,5 % est celui qui a offert la meilleure protection contre l’insuffisance rénale terminale (IRT); l’atteinte de cet objectif n’a toutefois pas influé sur la mortalité.

Une étude a révélé qu’en présence de dysfonction rénale, quelle qu’en soit la sévérité, l’incidence de la microalbuminurie était plus élevée chez les diabétiques de type 2 que chez ceux de type 1, mais qu’elle progressait au même rythme dans les deux groupes. Par ailleurs, une étude de 3 ans regroupant 1,5 million de patients sous l’égide de la University of Alberta a montré que la probabilité d’une issue CV défavorable était d’autant plus forte que la protéinurie était élevée, quel que soit le DFGe.

SHARP : l’utilité d’une baisse des taux lipidiques

Les patients atteints d’IRC ont un bilan lipidique atypique : taux de cholestérol total (CT) et de C-LDL normaux ou quasi normaux, taux élevé de triglycérides (TG) et faible taux de C-HDL. En présence d’IRC, le lien entre le risque de maladie vasculaire ou de décès d’origine vasculaire et le bilan lipidique est paradoxal : plus les taux de cholestérol sont faibles, plus le risque est élevé. En raison de ce profil atypique, l’utilité d’un traitement hypocholestérolémiant en présence d’IRC soulève de gros doutes chez les médecins.

L’étude multicentrique SHARP (Study of Heart and Renal Protection) visait à déterminer l’impact du traitement hypolipidémiant sur l’issue CV chez des patients atteints d’IRC; l’effet sur la fonction rénale était un paramètre secondaire. Les patients admissibles présentaient une IRC confirmée (créatininémie =1,7 mg/dL [150 µmol/L] chez l’homme et =1,5 mg/dL [130 µmol/L] chez la femme), mais n’avaient pas d’antécédents d’infarctus du myocarde (IM) ni n’avaient subi d’intervention de revascularisation coronarienne. Afin de générer des données applicables à grande échelle, on a recruté à la fois des patients dialysés et des patients non dialysés.

«Le principal critère d’admissibilité était l’incertitude du médecin quant à l’utilité d’un traitement abaissant le taux de C-LDL», précise le Dr Colin Baigent, University of Oxford, Royaume-Uni.

L’étude SHARP regroupait 9438 sujets, dont les deux tiers n’étaient pas dialysés. Chez les sujets non dialysés, le DFGe médian était de 27 mL/min/1,73 m2, et 80 % des patients présentaient une albuminurie. Au départ, le bilan lipidique était le suivant : CT 4,89 mmol/L, C-LDL 2,79 mmol/L, C-HDL 1,11 mmol/L et TG 2,33 mmol/L (médianes).

Les patients ont été randomisés dans 3 groupes selon un rapport 4:4:1 : placebo, ézétimibe+simvastatine (10 mg/20 mg) ou simvastatine seule, respectivement. La simvastatine en monothérapie a été incluse aux fins d’évaluation de l’innocuité, précise le Dr Baigent. Après 1 an de traitement, les patients sous simvastatine seule ont été de nouveau randomisés de façon à recevoir l’association ézétimibe+simvastatine (10 mg/20 mg) ou un placebo. Après 1 an de traitement, le C-LDL avait baissé en moyenne de 0,78 mmol/L sous simvastatine seule et de 1,11 mmol/L sous ézétimibe+simvastatine. Le taux de C-LDL n’avait pas varié significativement sous placebo.

Le paramètre principal de l’essai était un paramètre mixte d’événements athéroscléreux majeurs : décès d’origine coronarienne, IM, AVC non hémorragique et tout geste de revascularisation. Le paramètre principal d’évaluation de l’issue rénale était la progression vers l’IRT (dialyse ou transplantation). Après un suivi d’une durée médiane de 5 ans, on a observé chez les patients recevant l’association une diminution de 17 % du risque d’événement athéroscléreux majeur (p=0,0022) et une réduction statistiquement significative de 15,3 % du risque d’événement vasculaire majeur (p=0,0012).

«Nous avons observé une diminution similaire des événements athéroscléreux majeurs dans tous les sous-groupes étudiés, y compris les dialysés et les non-dialysés», affirme le Dr Martin Landray, University of Oxford.

L’évaluation de l’innocuité n’a objectivé aucune différence majeure entre les groupes, ajoute le Dr Landray. Il importe ici de souligner que l’incidence des cancers ne différait pas entre les groupes ézétimibe+simvastatine et placebo, ce qui a apaisé les craintes soulevées par le nombre plus élevé de nouveaux cancers chez les sujets de l’essai SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis) qui recevaient l’association ézétimibe+simvastatine (10 mg/20 mg) (N Engl J Med 2008;359:1343-56).

«L’essai SHARP montre hors de tout doute que la baisse des taux de cholestérol sous ézétimibe+simvastatine (10 mg/20 mg) réduit de façon sûre le risque d’événement athéroscléreux majeur», affirme le Dr Landray.

Stratégies d’amélioration de l’issue rénale

L’essai SHARP n’a pas objectivé d’effet bénéfique significatif du traitement hypolipidémiant sur l’issue rénale. Dans les deux groupes, l’IRC a progressé vers le stade terminal chez environ 34 % des sujets.

D’autres études visant à évaluer des stratégies de ralentissement de la progression de l’IRC ont donné des résultats mitigés. Dans un essai clinique multicentrique et international, on a augmenté la fréquence des séances d’hémodialyse dans l’espoir d’améliorer l’issue rénale. Ce programme comportait deux études parallèles où l’on comparait, par semaine, 6 séances d’hémodialyse vs les 3 usuelles chez 332 patients. Environ les trois quarts des participants ont été randomisés de façon à recevoir, par semaine, 6 ou 3 séances de dialyse en milieu intrahospitalier, alors que les autres patients recevaient, par semaine, 3 séances en milieu intrahospitalier ou 6 séances nocturnes à domicile.

Après 12 mois de traitement, les séances plus fréquentes de dialyse en milieu intrahospitalier ont été associées à une diminution de 40 % du risque de décès ou d’hypertrophie ventriculaire gauche (paramètre mixte) (p<0,001) et à une réduction de 36 % du risque de décès ou de variation de la qualité de vie liée à la santé (paramètre mixte) (p=0,007). Les séances de dialyse à domicile ont aussi réduit le risque de survenue des deux paramètres principaux, mais pas de manière significative comparativement à l’hémodialyse en milieu intrahospitalier, rapporte le Dr Alan Kliger, Yale University, New Haven, Connecticut.

Cependant, les séances d’hémodialyse plus fréquentes ont été associées à une augmentation de 71 % du besoin d’interventions en raison de problèmes d’accès vasculaire. «Avant que nous puissions recommander des changements majeurs dans la pratique, les effets nets d’une fréquence accrue des séances d’hémodialyse devront être soupesés en regard de l’alourdissement du fardeau pour le patient et de l’augmentation des coûts pour la société», explique le Dr Kliger.

Deux autres études ont généré des résultats prometteurs. Le traitement par la bardoxolone de méthyle, nouvel anti-inflammatoire, a amélioré significativement le DFGe après 6 mois par rapport à un placebo (10 vs 0,1 mL/min/1,73 m2, p<0,0001) chez des patients atteints d’un diabète de type 2 et d’IRC. Le stade de l’IRC a régressé chez près de 4 fois plus de patients sous bardoxolone de méthyle que sous placebo (59 % vs 16 %, p<0,001). L’étude regroupait 227 patients, et tous présentaient une IRC de stade 3 ou 4 au départ.

«Ces résultats encourageants donnent à penser que la bardoxolone de méthyle pourrait changer la donne dans l’IRC», affirme le Dr Pablo Pergola, University of Texas, San Antonio.

Un changement d’alimentation s’est aussi révélé prometteur chez des patients atteints d’IRC. Cette étude a été réalisée chez 40 patients dont l’hypertension était responsable d’une diminution modérée du DFGe. Ces patients ont suivi un régime alimentaire riche en fruits et en légumes frais pendant 30 jours, l’objectif étant d’améliorer le milieu acide associé à l’alimentation occidentale usuelle. Au terme de l’étude, on a observé une diminution de l’excrétion urinaire de trois indicateurs de l’atteinte rénale : albumine, facteur de croissance transformant et N-acétyl-glucosamine.

«Ces résultats préliminaires soulignent la nécessité d’études plus vastes et de plus longue durée afin que l’on puisse déterminer si cette intervention simple et relativement bon marché réduit le risque d’aggravation de la fonction rénale chez des patients atteints d’une maladie rénale associée à l’hypertension», affirme la Dre Nimrit Goraya, Texas A&M College of Medicine, College Station.

Résumé

Lors d’un vaste essai multinational avec randomisation, l’association hypolipidémiante ézétimibe+simvastatine à doses fixes (10 mg/20 mg) a réduit significativement le risque CV chez des patients atteints d’IRC, mais elle n’a pas eu d’effet sur l’issue rénale (paramètre secondaire). D’autres études portant sur des stratégies d’amélioration de la fonction rénale chez des patients atteints d’IRC ont donné des résultats mitigés. En augmentant la fréquence des séances d’hémodialyse, on a réduit le risque de mortalité chez des patients atteints d’IRT, mais on a du coup créé plus de problèmes d’accès vasculaire. L’administration à court terme de bardoxolone, un anti-inflammatoire expérimental, par comparaison à un placebo, a permis de faire régresser le stade de l’IRC chez près de 4 fois plus de patients. Par ailleurs, une intervention alimentaire dans le cadre d’une petite étude clinique a révélé que l’adhésion à court terme à une alimentation riche en fruits et légumes frais avait été associée à une légère réduction des biomarqueurs de l’atteinte rénale. La présente publication ne fait que résumer très sommairement quelques communications sur le risque CV et la progression de l’IRC présentées dans le cadre d’un congrès de très grande envergure.

Nota : L’association ézétimibe+simvastatine en un comprimé n’est pas commercialisée au Canada.

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