Comptes rendus

Frappe Préventive : Cibler le SRA à l’étape de son Activation
Le point sur les stratégies de traitement antifongique dans les greffes de cellules souches

Le rôle des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II dans la prévention des AVC

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 16e Congrès de la Société européenne d’hypertension

Madrid, Espagne / 12-15 juin 2006

Selon le Dr Sverre E. Kjeldsen, professeur adjoint de médecine, division de l’hypertension, University of Michigan, Ann Arbor, et médecin en chef, service de cardiologie, Hôpital universitaire Ullevaal, Oslo, Norvège, les résultats d’une méta-analyse ont démontré que les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (AAII) représentés par le losartan, le valsartan, l’irbesartan et le candésartan ont une efficacité antihypertensive comparable (Conlin et al. Am J Hypertens 2000;13[4 Pt 1]:418-26). L’augmentation de la dose et l’ajout de l’hydrochlorothiazide (HCTZ) faiblement dosé ont sensiblement amélioré l’efficacité du traitement.

Le Dr Kjeldsen a également comparé les AAII avec les inhibiteurs calciques (IC) – classe d’antihypertenseurs la plus utilisée – citant à cet effet les résultats d’une étude au cours de laquelle des patients âgés atteints d’hypertension systolique isolée étaient traités par le losartan ou par l’amlodipine, un IC. L’augmentation de la dose – de 50 à 100 mg dans le cas du losartan et de 5 à 10 mg dans celui de l’amlodipine – et l’ajout de l’HCTZ étaient autorisés dans les deux groupes de traitement. Après 18 semaines de traitement, on n’observait aucune différence significative entre les deux groupes quant à la variation moyenne de la tension artérielle (TA) systolique en position assise par rapport aux valeurs de départ (-27,4 mmHg dans le groupe AAII vs -28,1 mmHg dans le groupe IC). Cela dit, l’incidence des effets indésirables était significativement plus élevée dans le groupe IC (79,8 % vs 42,8 %, p£0,001), et les abandons du traitement en raison d’effets indésirables étaient aussi plus nombreux dans ce groupe.

L’étude LIFE

L’étude LIFE (Losartan Intervention for Endpoint Reduction in Hypertension) avait pour objectif de comparer l’efficacité antihypertensive du losartan à celle de l’aténolol ainsi que les résultats cliniques associés aux deux agents (Dahlöf et al. Lancet 2002; 359[9311]:995-1003). Dans le cadre de cette étude majeure, 9193 patients hypertendus et présentant des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) à l’électrocardiographie ont été randomisés en vue de recevoir le losartan ou l’aténolol, tous deux administrés à une dose initiale de 50 mg; pour atteindre la TA cible, on pouvait au besoin porter la dose à 100 mg et ajouter au schéma l’HCTZ à faible dose ainsi que d’autres antihypertenseurs. Le paramètre principal d’évaluation était défini comme la survenue de tout événement cardiovasculaire (CV).

La durée moyenne du suivi était de 4,8 ans. L’objectif tensionnel de 140/90 mmHg a été atteint chez 2051 patients (45 %). La TA moyenne de même que les réductions moyennes des chiffres systoliques et des chiffres diastoliques étaient similaires dans les deux groupes lors de toutes les évaluations. Au chapitre du paramètre principal combiné, la réduction du risque ajustée pour tenir compte du risque initial était 13,0 % plus marquée dans le groupe losartan (p=0,021). À l’analyse des composantes individuelles du paramètre combiné et après ajustement des données, on a constaté une réduction relative du risque en faveur de l’AAII de 13,3 % pour la mortalité CV (p=0,136). Sur le plan des AVC, la protection obtenue était de beaucoup supérieure et statistiquement significative (25,8 %, p=0,006). On n’a en revanche relevé aucune différence significative entre les deux traitements quant au risque d’infarctus du myocarde. «Le profil d’innocuité favorable du losartan – signalé par la proportion significativement plus faible de patients ayant abandonné l’étude en raison d’effets indésirables – est un point important à considérer, estime le Dr Kjeldsen. Ainsi, après ventilation des effets indésirables, la fréquence de la bradycardie était de 1 % dans le groupe losartan, comparativement à 9 % pour l’aténolol.»

Cardioprotection

Selon le Dr Richard B. Devereux, directeur, laboratoire d’échocardiographie pour les adultes, Weill Cornell Center, New York Presbyterian Hospital, «l’importance que revêt la baisse de la TA pour réduire le risque d’événement CV est évidente. Cependant, si l’on en croit les résultats de l’étude LIFE et d’autres études, les AAII pourraient fournir une protection additionnelle, indépendante de celle qui dérive des effets antihypertensifs». Le développement de l’échocardiographie a par ailleurs joué un rôle prépondérant, explique-t-il, en ce sens que des cardiopathies comme l’HVG peuvent maintenant être détectées, alors qu’elles ne pouvaient auparavant être confirmées qu’à l’autopsie. L’HVG est corrélée avec la survenue ultérieure d’événements CV cliniques, de sorte qu’il est important de savoir si le traitement peut réduire le risque de tels événements et s’il est possible de faire régresser l’HVG.

Le Dr Devereux a présenté les données d’une étude de cohorte prospective menée dans le sillage de l’étude LIFE. On a réalisé des échocardiogrammes chez les participants à cette étude satellite afin de déterminer la masse ventriculaire gauche (VG) initiale (Devereux et al. JAMA 2004;292[19]:2350-6). L’analyse a montré que la variation de la masse VG constituait un facteur prédictif significatif de la survenue d’événements CV. La survie globale, qui «revêt une importance capitale pour les médecins», était notablement plus faible chez les patients présentant des signes d’HVG à l’échocardiographie (taux de risque [HR, pour hazard ratio] : 0,36).

Dans une autre analyse satellite de l’étude LIFE, on a évalué les patients ayant des antécédents de fibrillation auriculaire (FA). Les patients hypertendus sont plus à risque de présenter une FA, laquelle est elle-même associée à un risque accru d’événement CV tel que l’AVC. Dans ce contexte, le losartan a réduit le risque de survenue du paramètre principal (HR : 0,58, p=0,009), le risque de mortalité CV (HR : 0,58, p=0,048) et le risque d’AVC (HR : 0,55, p<0,039).

Prévenir la formation de thrombus

Le fait que le losartan confère une protection contre les AVC qui dépasse celle que l’on peut escompter de la seule réduction de la TA est un résultat clé de l’étude LIFE. La majorité des AVC associés à l’hypertension sont de nature ischémique. Dans sa présentation, le Dr Carlos M. Ferrario, directeur, Hypertension and Vascular Disease Center, Wake Forest University School of Medicine, Winston-Salem, Caroline du Nord, a discuté des mécanismes possibles par lesquels les AAII pourraient réduire l’incidence des AVC ischémiques chez les patients hypertendus.

Il a été démontré dans des modèles animaux que l’angiotensine II augmente la production de l’anion superoxyde vasculaire, espèce qui a été associée à la dysfonction endothéliale et, à terme, à l’hypertension. L’augmentation de la production de superoxydes associée à l’angiotensine II a été corroborée par l’examen d’artères mammaires internes et de veines saphènes humaines prélevées lors d’interventions de chirurgie cardiaque (Berry et al. Circulation 2000;101[18]:2206-12). Le Dr Ferrario croit que l’angiotensine II pourrait intervenir dans des mécanismes moléculaires qui facilitent l’adhésion des LDL oxydées aux cellules endothéliales par l’expression du récepteur LOX-1. L’angiotensine II pourrait ainsi contribuer aux processus athérogènes.

Selon le Dr Ferrario, «de nombreux événements cliniques ont une composante thrombotique, et le losartan peut inhiber la formation de thrombus, étant donné qu’il est un antagoniste sélectif du récepteur du thromboxane A2». Une étude a confirmé l’effet antiplaquettaire de l’agent chez des patients hypertendus (Levy et al. Am J Cardiol 2000;86[11]:1188-92). De plus, son métabolisme par le système hépatique du cytochrome P450 génère deux métabolites cardioactifs, dénommés EXP3174 et EXP3179. Le Dr Ferrario pense que ces métabolites contribuent aussi aux propriétés cardioprotectives du composé. Le métabolite EXP3179 en particulier semble doté de propriétés anti-inflammatoires (inhibition de la régulation à la hausse des ARNm codant pour la COX-2 et de la synthèse de PGF2a). Ce métabolite pourrait également stimuler la phosphorylation de la NO (nitric oxide) synthase endothéliale et supprimer l’apoptose en activant la voie VEGFR2/PI3K/Akt.

Le Dr Ferrario a également cité les résultats d’une revue dans laquelle les auteurs reconnaissent le bénéfice clinique associé à la baisse de la TA mais soutiennent que les traitements qui bloquent le système rénine-angiotensine offrent des avantages additionnels (Sleight P, Yusuf S. J Hypertens 2003;21[9]:1599-608). Bien que le choix du traitement dépende des besoins individuels du patient, conclut-il, «il peut exister d’importantes différences chimiques au sein d’une même classe thérapeutique, et le losartan est doté de certaines propriétés uniques».

Résumé

Les études présentées dans le cadre des séances scientifiques du congrès confirment toutes que les AAII peuvent abaisser la TA chez les patients hypertendus. Nombre d’entre elles démontrent également que le schéma associant l’HCTZ à faible dose à un AAII peut se révéler particulièrement efficace. Il est ressorti de l’étude LIFE que le losartan offrait une plus grande protection contre les AVC que l’aténolol. Cette protection ne pouvait être expliquée par la seule réduction de la TA et relève peut-être d’un effet de classe des AAII. Cet effet de classe pourrait tenir à des mécanismes comme la réduction du stress oxydatif et la diminution de l’athérosclérose médiée par l’angiotensine II. Au sein de la classe des AAII, le losartan pourrait fournir une protection additionnelle contre les AVC par le fait de l’antagonisme sélectif qu’il exerce à l’égard de récepteurs mis en jeu dans la formation de thrombus et de son métabolisme par le système hépatique du cytochrome P450 qui génère des métabolites cardioactifs.

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