Comptes rendus

Le rôle des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II dans la prévention des AVC
Héparines de bas poids moléculaire et mécanismes de coagulation chez les patients à risque élevé

Le point sur les stratégies de traitement antifongique dans les greffes de cellules souches

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 33e Assemblée annuelle du European Group for Blood and Marrow Transplantation

Lyon, France / 25-28 mars 2007

L’aspergillose invasive est un problème de taille chez les greffés de cellules souches (CS). Selon des statistiques présentées par le Pr Noël Milpied, Hôpital universitaire, Bordeaux, France, l’incidence de ces infections est en hausse depuis quelques années. «Cela dit – et c’est là une bonne nouvelle – la mortalité par aspergillose ou candidose, quoique toujours élevée, est maintenant beaucoup plus faible.» Il souligne aussi l’importance d’amorcer le traitement sans délai. Toute discussion sur le traitement antifongique doit être fondée sur une bonne différenciation des divers contextes où un tel traitement peut être administré. Les patients qui subissent une greffe de CS reçoivent généralement un traitement prophylactique, alors qu’un traitement empirique est généralement instauré lorsqu’une fièvre neutropénique ne cède pas à une antibiothérapie systémique. Une fois avérée la mycose invasive, le traitement de première intention peut commencer. Si le diagnostic est établi tôt, avant l’apparition de signes et de symptômes cliniques, on dit du traitement qu’il est préemptif. Enfin, le traitement de sauvetage désigne un traitement administré aux patients qui n’ont pas répondu à un traitement antifongique de première intention.

Traitement empirique vs préemptif

Le Dr Ben E. de Pauw, Centre médical universitaire St-Radboud, Nimègue, Pays-Bas, a exprimé ses vues sur l’utilisation systématique des traitements empiriques. «Dans les faits, 6 % ou 7 % des patients sont exposés au risque de mycose invasive; or, le traitement empirique est perçu comme étant nécessaire dans plus de 70 % des cas; en moyenne, cela signifie que plus de 90 % des patients sont traités en l’absence d’infection fongique.» Il attribue cette disparité au «facteur peur» et au fait que les médecins ne savent pas quelle espèce pourrait être en cause. Chez les patients ambulatoires, Candida albicans fait place peu à peu à d’autres espèces du genre Candida qui sont moins sensibles au fluconazole, si bien que, chez ces patients, le traitement empirique par l’un des autres antifongiques pourrait être préférable.

Le Dr de Pauw a passé en revue quelques-uns des essais publiés sur le traitement de première intention de l’aspergillose. Selon ces essais, l’amphotéricine B serait associée à un taux de réponse plus faible (32 %) que le voriconazole et l’amphotéricine B liposomique (50 %). Un essai relativement petit qui regroupait 32 patients traités par la caspofongine a également mis en évidence un taux de réponse de 56 %, ce qui est assez bon. Bien que cette étude n’ait pas été d’envergure suffisante pour que l’on puisse en tirer des conclusions définitives, fait remarquer le Dr de Pauw, «nous avons au moins un traitement qui marche et qui pourrait constituer une solution de rechange dans certains cas».

Diagnostic précoce : éviter une exposition inutile aux antifongiques

Le traitement empirique est populaire parce que de nombreuses études ont révélé que l’instauration précoce d’un traitement antifongique améliore la réponse de façon marquée et, en définitive, la survie. Si le diagnostic précoce d’une mycose invasive était possible, le traitement antifongique pourrait alors être prescrit uniquement à ceux qui en ont besoin, et les autres patients ne seraient pas exposés aux effets indésirables de ces médicaments. Comme l’explique le Dr Johan Maertens, Hôpital universitaire de Louvain, Belgique, «grâce à de nouveaux outils comme la tomodensitométrie [TDM] et les dosages en laboratoire qui permettent de déceler des antigènes spécifiques ou le bêta-D-glucane, le diagnostic est maintenant possible à un stade plus précoce». Chez un patient aux prises avec une aspergillose invasive, la TDM montre généralement un halo ou le signe du «croissant gazeux». On a intégré une combinaison de ces nouveaux outils aux protocoles diagnostiques pour obtenir une sensibilité et une spécificité élevées. Malheureusement, ces protocoles reposent aussi sur l’intervention de radiologistes chevronnés et sur l’accès à un laboratoire de biologie moléculaire, privilèges que de nombreux centres n’ont pas. Pour autant que les outils diagnostiques appropriés soient accessibles, le traitement préemptif est généralement privilégié par les experts; cela dit, il ressort de certaines analyses pharmacoéconomiques que le traitement préemptif n’est pas efficient, même si l’on exclut le coût de ces examens diagnostiques coûteux.

Options de traitement antifongique

Dans l’étude où l’on comparait le voriconazole avec l’amphotéricine B, tous les paramètres plaidaient en faveur du voriconazole, «mais dans certains sous-groupes comme les receveurs d’une allogreffe de CS hématopoïétiques, le taux de réponse associé au voriconazole était très faible», indique le Pr Claudio Viscoli, Université de Gênes, Italie. Dans l’une des principales études sur l’amphotéricine B liposomique où l’on comparait différentes doses du même agent, il a été possible d’obtenir un taux de réponse de 50 %, mais aucun bénéfice n’a été associé aux doses plus fortes.

«Dans le cas des échinocandines, les données dont on dispose sont beaucoup plus dispersées», poursuit le Pr Viscoli. Lors de l’étude pivot qui a servi à l’homologation de la caspofongine dans le traitement de sauvetage de l’aspergillose, le taux de réponse globale était de 45 % (Maertens et al. Clin Infect Dis 2004;39[11]:1563-71). Dans le sous-groupe de patients qui a reçu au moins sept jours de traitement, le taux de réponse se chiffrait à 56 %. Dans une autre étude ouverte où le produit était administré pour des raisons humanitaires, 88 patients – dont 48 souffraient d’aspergillose invasive s’étant révélée réfractaire à une préparation d’amphotéricine injectable par voie intraveineuse – ont reçu de la caspofongine. Là encore, le taux de réponse variait entre 40 % et 50 % (Kartsonis et al. J Infect 2005;50[3]:196-205). Une autre étude encore portait sur la caspofongine administrée en première intention à des patients souffrant d’aspergillose invasive (Candoni et al. Eur J Haematol 2005;75[3]:227-33). Au dire du Pr Viscoli, «c’était une petite étude, mais là encore, le taux de réponse – qui était d’environ 56 % – était appréciable».

L’avènement des échinocandines a suscité un intérêt pour le traitement d’association, parce que ces antifongiques sont dotés d’un mode d’action différent et que leur association avec un autre antifongique pourrait exercer un effet additif, voire synergique. Les données cliniques sont toutefois limitées. Une étude rétrospective a porté sur des patients ayant reçu soit le voriconazole, soit l’association voriconazole/caspofongine. Certes, les études rétrospectives sont lacunaires à bien des égards, mais on a observé une différence de survie en faveur du traitement d’association après trois mois, différence qui n’était plus présente à un an. Une autre étude publiée était axée sur l’innocuité plutôt que sur l’efficacité (Maertens et al. Cancer 2006;107[12]:2888-97). Le profil d’innocuité était similaire dans les deux groupes. Fait intéressant à souligner, bien que l’effectif ait été extrêmement restreint, les taux de réponse obtenus chez les patients ayant bénéficié d’une allogreffe ou d’une autogreffe de CS hématopoïétiques étaient meilleurs, soit 54 % et 80 %, respectivement.

Pédiatrie

De l’avis du Pr Thomas Lehrnbecher, Université Johann Wolfgang Goethe, Francfort, Allemagne, «les enfants sont souvent laissés pour compte, peut-être parce qu’ils sont largement perçus comme de petits adultes». Or, il y a des différences, surtout dans le cas des nouveau-nés; en outre, les enfants souffrant d’un cancer diffèrent notablement des adultes aux prises avec un cancer parce qu’ils peuvent recevoir des traitements plus intensifs. Enfin, certains antifongiques étant éliminés par la voie hépatique ou rénale, leur posologie doit être adaptée à l’immaturité de ces organes chez l’enfant.

La caspofongine n’est pas indiquée en pédiatrie, mais elle a tout de même été bien tolérée selon une étude multicentrique rétrospective qui portait sur des enfants immunodéprimés. Elle a été administrée à la fois comme traitement empirique et comme traitement d’infections invasives possibles, probables et avérées, en monothérapie ou en association (Walsh et al. Antimicrob Agents Chemother 2005;49[11]:4536-45). Des effets indésirables cliniques ont été signalés chez un peu plus de la moitié des patients, mais aucun abandon pour cause d’effet indésirable n’a été enregistré. Certains paramètres de laboratoire ont fait ressortir des effets indésirables du traitement, mais ceux-ci pouvaient être traités et il n’y avait aucune différence entre les patients qui avaient reçu de la cyclosporine A et ceux qui n’en avaient pas reçu. Une telle étude a des limites, mais la réponse au traitement était tout de même favorable. «La caspofongine semble sûre et bien tolérée, même lorsqu’elle est administrée sur une longue période», fait valoir le Pr Lehrnbecher.

Résumé

Chez les patients souffrant d’une hémopathie maligne qui subissent une greffe de CS, la mortalité par mycose invasive est en baisse depuis quelques années grâce à la commercialisation de traitements novateurs. Il est maintenant possible de déceler les infections invasives à un stade précoce, mais les centres n’ont pas tous accès aux progrès technologiques qui le permettent, de sorte que le traitement empirique continuera sans doute de jouer un rôle de premier plan au cours des années à venir. La caspofongine, antifongique de la classe des échinocandines, est l’un des agents prometteurs que l’on peut utiliser à divers stades de la prise en charge de l’aspergillose invasive.

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