Comptes rendus

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Les allergies alimentaires de la petite enfance : un tour d’horizon

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

L’Odyssée de la santé internationale

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Prévention des allergies : Recommandations des experts

Edmond S. Chan, MD, FRCPC

British Columbia Children’s Hospital, Professeur adjoint de clinique, Division des allergies, Département de pédiatrie, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

On estime qu’environ 6 % des enfants nordaméricains de moins de trois ans souffrent d’un type quelconque d’allergie alimentaire. Les aliments le plus souvent incriminés chez les nourrissons et les enfants canadiens sont les suivants : lait de vache, oeufs, arachides, noix, graines de sésame, poissons et fruits de mer, soya et blé. Selon les auteurs d’une étude citée dans Food Allergy: A Practice Parameter, l’un des ouvrages faisant autorité sur le diagnostic et la prise en charge des allergies alimentaires, environ 80 % des symptômes apparaissent pendant la première année de vie. Parfois, le problème se règle durant l’enfance. Ainsi, de nombreux nourrissons allergiques aux protéines du lait de vache seront libérés de cette allergie avant leur entrée à l’école; toutefois, selon des données récentes, l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) IgE-dépendante pourrait persister plus longtemps chez les enfants souffrant d’une atopie marquée.

Les parents qui présentent des antécédents d’atopie se demanderont fort probablement s’il est possible de prévenir les allergies chez leur nouveau-né. Pour prêter main-forte aux parents de nourrissons à risque élevé d’allergies, les médecins peuvent s’en remettre aux recommandations de l’American Academy of Pediatrics (AAP) et de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique (EAACI), qui se rejoignent en bonne partie. Cette convergence de vues a de quoi rassurer les médecins, qui auront le sentiment de transmettre les meilleurs conseils qui soient pour la prévention des allergies chez les nourrissons à risque élevé, c’est-à-dire dont l’un des parents ou des frères et soeurs souffrent d’une allergie attestée. Voici un résumé comparatif de ces recommandations pour les nourrissons à risque.


Préparations à base de soya

a) Prévention des allergies

L’AAP et le comité sur la nutrition de la Société européenne de gastro-entérologie, d’hépatologie et de nutrition chez l’enfant (ESPGHAN) concluent tous les deux que les préparations à base de soya ne préviennent nullement les allergies chez les enfants à risque élevé. L’EAACI avance pour sa part que ces préparations ne devraient pas être recommandées en prophylaxie des allergies alimentaires.

b) Traitement de l’APLV

Pour le traitement de l’APLV chez le nourrisson, l’ESPGHAN recommande l’utilisation de préparations thérapeutiques fortement hydrolysées (ou, si celles-ci ne sont pas tolérées, de préparations à base d’acides aminés). Cet organisme déconseille les préparations à base de protéines de soya chez le nourrisson de moins de six mois qui présente une allergie alimentaire. Passé cet âge, on peut envisager le recours au soya en cas d’APLV, ces préparations étant moins coûteuses et mieux acceptées, pour autant que la tolérabilité aux protéines de soya ait été constatée lors d’une provocation allergénique.

L’AAP indique pour sa part que la plupart des nourrissons qui présentent une APLV IgEdépendante confirmée tolèrent les préparations à base de soya, le taux de réactions croisées n’étant que de 10 à 14 %. Cependant, l’AAP y va d’une mise en garde contre l’utilisation du soya chez les nourrissons atteints d’une entéropathie ou d’une entérocolite causée par les protéines du lait de vache (allergie IgE-indépendante); en effet, ces bébés réagissent souvent (30 à 64 %) aux protéines du soya et à celles du lait de vache. On devrait plutôt leur offrir une préparation à base de protéines hydrolysées ou d’acides aminés synthétiques.

Au Canada, les recommandations visant le traitement de l’APLV s’inspirent à la fois des lignes directrices de l’ESPGHAN et de l’AAP. Tout comme l’ESPGHAN, nous prenons acte du coût moindre et de la meilleure acceptation des préparations de soya. Leur utilisation en cas d’APLV est fonction de la médiation par les IgE. Si l’allergie est dépendante des IgE, la préparation à base de soya est souvent acceptable (en raison du taux de réactions croisées de 10 à 14 %). Toutefois, si l’allergie est indépendante des IgE, cette préparation n’est pas acceptable en raison d’un fort taux de réactions croisées entre les protéines du soya et celles du lait de vache. En pareil cas, le traitement de prédilection sera une préparation fortement hydrolysée ou, si celle-ci n’est pas tolérée, une préparation à base d’acides aminés.

c) Emploi du soya en l’absence d’allergie

Les deux organismes précisent également les autres circonstances où le recours aux préparations à base de soya peut être envisagé. Au terme d’une analyse documentaire, l’ESPGHAN affirme, dans ses recommandations de 2006, que ces préparations ne conviennent que dans certains contextes, notamment en cas d’intolérance sévère et persistante au lactose et de galactosémie. Par ailleurs, on pourra envisager d’y recourir lorsque le lait de vache est proscrit pour des motifs religieux, éthiques ou autres.

Dans ses recommandations de 2008, l’AAP affirme que si l’emploi des préparations à base de soya est possible afin d’assurer une croissance et un développement normaux, leur utilisation en lieu et place des préparations à base de lait de vache est rarement indiquée. L’AAP note que le soya est indiqué en cas de galactosémie, de déficit héréditaire en lactase (rare) et de préférence pour un régime végétarien. On pourra également offrir une préparation à base de soya au nourrisson atteint d’une intolérance au lactose secondaire à une gastro-entérite. Cela dit, la plupart des nourrissons sans intolérance préalable pourront, une fois dûment réhydratés après la gastro-entérite aiguë, revenir au lait maternel ou à la dilution normale d’une préparation à base de lait de vache.

L’AAP ajoute que sauf dans les cas précités, le soya ne procure aucun avantage par rapport au lait de vache à titre de complément au lait maternel. Qui plus est, les préparations à base de soya ne sont pas recommandées chez les prématurés. Enfin, ces deux organismes sont défavorables à l’utilisation de préparations à base de soya pour la prévention ou le traitement des coliques.

Résumé

Les médecins de premier recours étant fréquemment appelés à conseiller les parents sur la prévention des allergies chez le nourrisson, ils doivent être en mesure de les outiller afin de protéger les bébés à risque élevé contre les allergies. Les spécialistes d’Amérique du Nord et d’Europe s’entendent sur une grande recommandation : la stratégie la plus efficace pour la prévention des allergies chez le nourrisson à risque élevé est l’allaitement exclusif pendant les quatre à six premiers mois de vie (et le bannissement des aliments solides durant cette même période). Si l’allaitement est impossible, ces mêmes experts préconisent l’utilisation de préparations fortement plutôt que partiellement hydrolysées pour réduire le risque d’apparition d’une APLV et d’eczéma. Les préparations à base de soya ne tiennent aucun rôle dans la prévention des allergies. Dans le traitement de l’APLV, leur utilité est fonction de l’intervention ou, au contraire, de la nonintervention des IgE.

Allergies alimentaires : diagnostic et antécédents d’atopie

Rémi Gagnon, MD, FRCPC

Allergologue-Immunologue, Service d’immunologie-allergie, Centre hospitalier de l’Université Laval, Centre Mère-Enfant de Québec, Sainte-Foy (Québec)

L’incidence de l’atopie, y compris des allergies alimentaires, augmente en flèche depuis quelques décennies, surtout en milieu urbain. Les raisons de cette progression demeurent nébuleuses, mais on a émis plusieurs hypothèses pour expliquer, du moins en partie, l’incidence accrue des troubles allergiques tels la dermatite atopique, l’asthme et l’allergie aux arachides.

Parmi les théories exposées brièvement dans un rapport publié en 2006 par les National Institutes of Health (NIH) et signé par un groupe d’experts sur l’étude des allergies alimentaires, on trouve «l’hypothèse de l’hygiène», d’ailleurs largement diffusée. À la naissance, le système immunitaire est vulnérable aux allergies. Avec le temps et l’exposition à des bactéries ainsi qu’à des virus, le système immunitaire perd cette tendance atopique et réagit comme il se doit aux allergènes pathogènes. Or, l’assainissement relativement récent des lieux d’habitation, les familles moins nombreuses et l’emploi fréquent d’antibiotiques dès l’apparition d’une infection chez le bébé ou l’enfant ont pour effet de réduire l’exposition aux agents pathogènes du milieu, si bien que le système immunitaire demeure un terrain propice aux réactions allergiques chez un plus grand nombre de sujets.

Plusieurs études citées par le groupe d’experts des NIH semblent étayer cette hypothèse. Dans l’une d’elles, par exemple, une immunothérapie à l’aide d’allergènes aéroportés a prévenu ou retardé l’apparition de l’asthme chez des enfants européens à risque. Un autre groupe a constaté que les jeunes enfants fortement exposés à des allergènes canins et félins avaient moins tendance à développer des allergies plus tard. Comme l’a fait remarquer le groupe d’experts, l’effet protecteur observé dans cette étude pourrait provenir des allergènes eux-mêmes, mais aussi des produits microbiens, telles les endotoxines, dont sont porteurs les animaux de compagnie et d’élevage. De fait, les endotoxines sont de puissants activateurs de l’immunité naturelle, capables de détourner le système immunitaire de l’atopie. Une forte exposition à des animaux de compagnie et d’élevage pourrait donc «inoculer», en quelque sorte, une protection antiallergique au système immunitaire immature.

Le groupe d’experts fait état d’une autre hypothèse pour le moins étonnante : l’exposition aux arachides assez tôt pendant la petite enfance serait associée à un taux remarquablement faible d’allergie aux arachides. Ainsi, en Israël, 90 % des enfants commencent à se délecter, pendant leur première année de vie, d’une collation à base d’arachides fort appréciée là-bas. Or, la prévalence de l’allergie aux arachides en Israël, qui s’élève à 0,04 %, est de 10 à 20 fois moindre qu’aux États-Unis, en Europe et en Australie, où les parents se gardent bien d’offrir des arachides à leur bébé. Toutefois, font observer les experts, la réaction immunologique aux arachides pourrait également découler du mode de préparation. En effet, la torréfaction à haute température, souvent pratiquée aux États-Unis, pourrait intensifier la puissance des allergènes en altérant leur structure. Bref, il est fort possible qu’une exposition assez intense à des allergènes en début de vie puisse prévenir l’apparition de réactions mettant en jeu les anticorps IgE. Voilà donc, peut-être, une démarche novatrice pour la prévention de l’atopie chez le nourrisson et l’enfant.

•La meilleure façon d’éviter de diagnostiquer indûment une allergie alimentaire est de vérifier l’absence d’antécédents d’atopie chez au moins un parent du premier degré.

•L’APLV IgE-dépendante provoque des symptômes immédiats et peut intéresser la peau, le tube digestif et l’appareil respiratoire.

•Les réactions aux protéines du lait de vache IgE-indépendantes surviennent d'ordinaire plus de deux heures après l'ingestion et se limitent généralement au tube digestif.

•Si le nourrisson souffre de vomissements ou d’un reflux gastro-oesophagien à répétition, reflux qui résiste aux démarches thérapeutiques habituelles, il pourrait s’agir d’une autre forme d’APLV : l’oesophagite ou la gastrite à éosinophiles.

Diagnostic hâtif : un piège à éviter

L’atopie – notamment les allergies alimentaires – étant de plus en plus fréquente, le médecin de premier recours est susceptible de voir défiler dans son bureau un nombre considérable de patients aux prises avec des symptômes évoquant une allergie alimentaire, en particulier aux protéines du lait de vache chez le nourrisson. Il doit se garder de conclure hâtivement à l’allergie alimentaire. En effet, après une étude documentaire dans Medline, des chercheurs brésiliens ont constaté que les diagnostics hâtifs d’allergie alimentaire étaient monnaie courante. Or, un diagnostic erroné amène les patients à éviter inutilement des aliments importants sur le plan nutritionnel, les exposant en outre à d’éventuelles séquelles psychologiques à long terme, par exemple des troubles de l’alimentation.

Pour éviter de diagnostiquer indûment une allergie alimentaire, le médecin devrait toujours dresser minutieusement l’anamnèse à l’aide des parents. Si l’un d’entre eux ou des membres de la fratrie présentent une allergie quelconque pas nécessairement alimentaire), la probabilité d’atopie (y compris d’allergie alimentaire) sera nettement plus grande. Sinon, le risque que les symptômes soient effectivement causés par une allergie aux protéines du lait de vache (APLV) sera moins grand. Toutefois, en cas d’antécédents familiaux prédisposant le nourrisson à l’atopie, le médecin devra s’enquérir soigneusement auprès des parents de la nature exacte des symptômes.

L’APLV IgE-dépendante provoque des symptômes immédiats. La réaction ne menace généralement pas le pronostic vital, mais peut, dans certains cas graves, intéresser de multiples organes, y compris la peau, le tube digestif et l’appareil respiratoire. Une réaction systémique de type anaphylactique est également possible. À noter que l’enfant allergique au lait de vache sera allergique aussi au lait d’autres mammifères, par exemple la chèvre ou la brebis.

Quoiqu’elles demeurent de nature allergique, les réactions aux protéines du lait de vache IgEindépendantes surviennent d’ordinaire plus de deux heures après l’ingestion et se limitent généralement au tube digestif : diarrhée et vomissements sévères et prolongés, et émission de selles sanguinolentes. Ici, les protéines du lait de vache altèrent la paroi intestinale, qui perd de son étanchéité. Par conséquent, le nourrisson absorbe moins bien les nutriments, et de précieuses protéines traversent la paroi intestinale.

S’il existe effectivement des antécédents familiaux et que les symptômes évoquent une allergie IgE-dépendante, on recommande aux médecins d’effectuer le test de la piqûre (prick test), à la fois plus sensible et plus spécifique en cas d’allergie alimentaire que le test UniCAP (méthode ELISA pour le dosage des IgE sanguins). Le test de la piqûre permet au médecin de confirmer de visu l’existence d’une APLV IgE-dépendante. Pour le nourrisson souffrant de cette allergie, le lait maternisé à base de soya représente une solution de rechange tout à fait convenable, puisque le risque de réaction croisée entre le lait de vache et les protéines de soya est d’environ 15 %. De plus, si l’on compare le coût des hydrolysats, la préparation de soya se révèle plus économique.

En ce qui a trait au test UniCAP, il permet de déceler les IgE dans le sang. Seulement, leur présence dans le sang ne signifie pas nécessairement que le nourrisson souffre d’une allergie clinique. Cela dit, si l’enfant est atteint d’eczéma ou présente un autre type de sensibilité cutanée, on peut recourir au test UniCAP pour confirmer une APLV.

En cas d’allergie IgE-indépendante ou d’affection éosinophilique, le test de la piqûre risque d’être négatif. Le cas échéant, on peut effectuer un test épicutané (patch test) pour vérifier si l’exposition de la peau au lait provoque une dermatite localisée. Par ailleurs, des épreuves sanguines permettront de vérifier si les éosinophiles sont présents en très grand nombre. Si l’on soupçonne un problème éosinophilique, on doit faire analyser les selles pour y déceler d’éventuels pyocytes, ou globules de pus; s’il y a inflammation intestinale, la présence de pyocytes étaye un diagnostic d’allergie IgE-indépendante.

Quel que soit le test utilisé, on doit en interpréter les résultats à la lumière des antécédents familiaux d’atopie et de la probabilité d’atopie chez l’enfant. On ne saurait trop insister sur ce point. En effet, des chercheurs de Montréal ont montré que la proportion de tests de la piqûre faussement positifs pouvait atteindre 50 % en l’absence d’antécédents familiaux d’atopie. Quant aux tests épicutanés, ils ne servent jamais au diagnostic des allergies alimentaires IgEdépendantes, mais on étudie la possibilité d’y recourir pour le diagnostic des allergies IgEindépendantes et de l’entérocolite éosinophilique.

•Si l’on soupçonne une allergie IgEdépendante, on recommande aux médecins d'effectuer le test de la piqûre (prick test).

•En cas de suspicion d’allergie IgE-indépendante, un test épicutané (patch test) positif, c’est-àdire ayant provoqué une dermatite localisée, aide à confirmer le diagnostic.

•On doit toujours interpréter les résultats des tests à la lumière des antécédents familiaux d’atopie.

La provocation allergénique orale, à réaliser sous la surveillance d’un médecin, est l’épreuve par excellence pour déterminer si le nourrisson réagit aux protéines suspectes. Cette provocation permet soit de confirmer la guérison, soit de diagnostiquer l’allergie.

Lorsqu’on soupçonne une APLV IgEindépendante, on doit examiner le nourrisson afin de déceler d’éventuelles complications, surtout s’il émet des selles sanguinolentes. Les complications possibles d’une entérocolite d’origine alimentaire, réaction IgEindépendante, comprennent la déshydratation, l’hypotension, l’anémie et le retard de croissance.

Enfin, la colite d’origine alimentaire, réaction indépendante elle aussi des IgE, ne se manifeste généralement que par la présence de sang, occulte ou non, dans les selles.

Solutions de rechange au lait de vache

En cas d’APLV IgE-dépendante, il convient de recommander aux parents des solutions de rechange au lait de vache. Avant la réintroduction de ce lait, le médecin devra refaire le test de la piqûre : s’il est négatif, les parents pourront redonner à leur bébé, en toute sécurité, du lait de vache ou un lait maternisé à base de lait de vache. Les réactions allergiques IgEindépendantes ne persistent généralement pas au-delà de l’âge de 12 à 18 mois. Les parents devraient donc éviter le lait de vache jusqu’à l’âge de 12 mois, puis le réintroduire graduellement, selon la tolérance de l’enfant.

L’intolérance au lactose, fréquente dans les régions où vivent de nombreuses personnes d’origine asiatique, est plutôt rare dans des provinces comme le Québec, où la majorité des gens sont de descendance européenne et tolèrent mieux le lait. Cependant, si l’un des parents présente une intolérance au lactose, on devrait offrir au bébé des produits laitiers sans lactose pour voir si ses symptômes se résorbent.

Résumé

Les allergies alimentaires, et en particulier l’APLV, ne sont pas rares chez les nourrissons. Pour bien conseiller les parents, le médecin doit déterminer à quel type d’allergie il a affaire. Le recours aux épreuves allergologiques pour la confirmation d’une éventuelle APLV doit toujours être fonction de la prédisposition génétique de l’enfant; en effet, celui-ci risque peu de présenter une telle allergie si ses antécédents familiaux sont exempts d’atopie. Une fois le diagnostic posé, le médecin pourra orienter les parents vers les solutions de rechange décrites dans la présente publication.

Intolérances et allergies alimentaires du nourrisson : Guide de prévention pour les parents

Elaine Medoff, MD, FRCPC

Allergie et immunologie, Hôpital de Montréal pour enfants, Professeure adjointe de pédiatrie, Division d’allergie-immunologie, Université McGill Montréal (Québec)

L’apparition de symptômes d’intolérance au lactose ou d’allergie alimentaire chez le nourrisson inquiète à juste titre les parents, et il incombe au médecin de rassurer ces derniers en les informant des mesures qu’ils peuvent prendre pour assurer à leur enfant une nutrition optimale sans conséquences néfastes. Les parents doivent tout d’abord savoir que plusieurs raisons distinctes expliquent les réactions des nourrissons au lait maternel ou, beaucoup plus souvent, au lait de vache lors de la première exposition; le fait de départager les diverses formes de réaction au lait peut sans conteste être très utile.

Lorsqu’un nourrisson est allergique au lait de vache, il réagit aux protéines du lait, ce qui est tout à fait différent des sucres du lait. Cela dit, les réactions aux protéines lactées sont de deux ordres. L’allergie alimentaire classique met en jeu les anticorps de type immunoglobuline E (IgE), communément appelés «anticorps de l’allergie», qui sont responsables de cette réaction allergique au lait. Dans les réactions déclenchées par les IgE, les symptômes apparaissent très vite après l’ingestion du lait – souvent dans les minutes, ou sinon assurément, les heures qui suivent – et peuvent comprendre classiquement une éruption de papules prurigineuses avec érythème (urticaire), un oedème des lèvres ou des paupières (angiooedème), une difficulté à respirer (asthme), et des douleurs abdominales et des vomissements. Une léthargie peut également compléter ce tableau dans les cas sévères. Notons encore que cette forme particulière de réaction IgEdépendante peut être provoquée par la simple ingestion de petites quantités de protéines lactées.

L’autre forme d’APLV ne sollicite pas les «anticorps de l’allergie» mais plutôt d’autres cellules du système immunitaire. Pour que ces allergies – dites non IgE ou IgE-indépendantes – déclenchent des symptômes, le nourrisson doit généralement ingérer une quantité significativement plus importante de lait que dans le cas d’allergies IgE-dépendantes. De plus, les symptômes se manifestent de manière plus insidieuse et sur une plus longue période et sont essentiellement d’ordre digestif. Ils comprennent le reflux, les vomissements, les douleurs abdominales et la diarrhée, avec présence de sang, évidente ou occulte, dans les selles. Les formes sévères ou persistantes peuvent en outre retentir sur la croissance staturopondérale du nourrisson.

Fait important, l’eczéma ne permet pas de distinguer ces deux formes de réaction, puisqu’il peut survenir qu’il y ait ou non médiation par les IgE. Le tableau clinique de l’intolérance au lactose est généralement beaucoup plus bénin. Cette dernière peut donner lieu à une irritabilité du bébé et à des flatulences, de même que, dans certains cas, à une diarrhée aqueuse et acide, parfois responsable d’une dermatite du siège importante.

Tous ces risques sont bien évidemment loin d’être négligeables et convergent vers une question éminemment pragmatique : est-ce que la mère peut faire quelque chose pour réduire la probabilité que le nourrisson à risque élevé présente plus tard des allergies, au cours des premières années de vie?

Revue des données probantes

•L’allaitement maternel exclusif poursuivi au moins jusqu’à l’âge de quatre à six mois, associé au report de l’introduction des aliments solides pendant la même période, est la seule mesure fiable que les mères peuvent tenter de prendre pour prévenir les allergies chez le nourrisson à risque élevé.

•Si la mère ne peut allaiter et que l’enfant présente un risque allergique élevé, le recours à une préparation pour nourrissons à base de protéines fortement hydrolysées pourrait réduire le risque d’apparition d’une allergie au lait ou d’un eczéma.

•Les préparations à base de soya représentent un substitut raisonnable étant donné qu’elles sont tolérées par la plupart des nourrissons ayant une APLV IgE-dépendante.

Cette question a été étudiée attentivement par des groupes d’experts internationaux dont l’American Academy of Pediatrics (AAP), organismes auxquels se réfèrent les Canadiens. En 2008, l’AAP a examiné des données afin d’évaluer le bien-fondé de certaines restrictions alimentaires recommandées durant la grossesse — notamment l’éviction du lait de vache et des oeufs — pour protéger les nourrissons à risque élevé contre la tendance à développer une atopie. Après examen d’une série d’études, l’AAP a conclu que, de façon générale, l’utilité de telles mesures n’est pas établie.

Selon l’un de ces groupes d’experts ayant effectué une analyse récente et que cite l’AAP, il n’existe pas non plus de données démontrant sérieusement que les nourrissons à risque élevé sont mieux protégés si les mères excluent les allergènes déclenchants de leur alimentation pendant qu’elles allaitent. À l’heure actuelle, la seule mesure dont l’effet préventif contre les allergies est bien démontré est l’allaitement maternel exclusif poursuivi au moins jusqu’à l’âge de quatre à six mois, associé au report de l’introduction des aliments solides pendant la même période, comme le recommande maintenant l’AAP.

Si la mère ne peut allaiter et que l’enfant présente un risque allergique élevé, le recours à une préparation pour nourrissons à base de protéines fortement hydrolysées, telle que Alimentum ou Nutramigen, pourrait réduire le risque d’apparition d’une allergie au lait ou d’un eczéma.

Cela dit, les parents doivent savoir que, même si l’enfant est nourri exclusivement au sein pendant la période recommandée, il ne sera pas nécessairement protégé contre l’apparition d’un grand nombre d’allergies à plus long terme, y compris, semble-t-il, les allergies alimentaires. En effet, certaines études récentes comportant un suivi de plus longue durée laissent supposer que l’allaitement maternel ne protégerait pas contre la survenue de l’asthme et pourrait au contraire en accroître le risque à long terme; cette observation demeure toutefois controversée.

Recommandations de traitement

Les allergies se transmettent tout simplement au fil des générations. Si un parent ou un membre de la fratrie souffre d’une maladie atopique – qu’il s’agisse de rhinite allergique, d’asthme, d’eczéma ou d’allergie alimentaire – le risque que les descendants présentent euxmêmes une forme d’allergie est de 20 à 40 %. Si les deux parents sont allergiques, le risque oscille entre 40 et 70 %.

Différencier les types d’APLV chez le nourrisson n’est pas un exercice purement théorique, puisque les recommandations de traitement diffèrent significativement selon que l’on a affaire à une allergie induite ou non par les IgE. Par exemple, dans le cas d’un bébé qui a une allergie IgE-indépendante et souffre de douleurs abdominales et de diarrhée après l’ingestion de lait maternel, on doit conseiller à la mère d’éliminer les produits laitiers de sa propre alimentation et d’observer ensuite les effets de cette suppression chez le bébé, qui n’est alors plus exposé aux protéines du lait de vache susceptibles de passer dans le lait maternel.

Environ 30 % des nourrissons ayant une APLV IgE-indépendante sont aussi sensibles aux protéines de soya. Par conséquent chez ces bébés, il est recommandé d’utiliser de préférence une préparation à base de protéines ayant subi une hydrolyse poussée — et non seulement partielle — car les hydrolisats partiels peuvent eux aussi déclencher la réaction allergique. Chez un faible pourcentage d’enfants intolérants aux préparations fortement hydrolysées, une préparation élémentaire (à base d’acides aminés) peut être utilisée comme substitut.

Dans le cas d’une APLV IgE-dépendante, la conduite à tenir est fonction des symptômes que présente le nourrisson en réaction au lait maternel. Si la mère consomme des produits laitiers et que le bébé n’a aucun symptôme lorsqu’il est au sein mais réagit lors de la première ingestion de lait de vache, il n’est pas nécessaire que la mère supprime le lait de son régime alimentaire, puisque l’enfant a bien toléré le lait maternel jusqu’alors.

En revanche, si la réaction allergique au lait de vache provoque un eczéma, la mère doit éliminer le lait de son régime afin de voir si l’eczéma du nourrisson diminue. Si oui, elle doit cesser de consommer tout produit laitier aussi longtemps que se poursuit l’allaitement. Dans la négative, l’éviction du lait est inutile.

En cas d’urticaire, l’attitude diffère. Si un bébé nourri au sein fait une crise d’urticaire chaque fois que la mère a consommé des produits laitiers, celle-ci doit absolument exclure tous les produits laitiers de son régime pendant toute la période d’allaitement.

Par ailleurs, seulement quelque 15 % des nourrissons ayant une APLV IgE-dépendante ne tolèrent pas les préparations à base de soya, de sorte que ces produits peuvent aussi représenter un substitut raisonnable pour la majorité d’entre eux. Toutefois, en cas d’allergie concomitante au soya, on pourra, ici encore, recommander une préparation à base de protéines fortement hydrolysées, ou passer à une préparation élémentaire si ce produit est mal toléré.

Intolérance au lactose

•L’intolérance au lactose est causée par l’absence, chez le nourrisson, de l’enzyme qui permet la digestion des sucres du lait; c’est la fermentation de ce sucre dans l’intestin qui génère les symptômes de ballonnements, d’éructations, de flatulences et de diarrhée.

•La majorité des bébés dont l’allergie ne fait pas intervenir les IgE finissent par tolérer le lait avant l’âge de un an, et presque tous avant l’âge de trois ans.

•Une allergie au lait IgE-dépendante met plus de temps à régresser, mais la plupart des enfants souffrant de cette forme d’allergie seront capables de tolérer le lait avant l’âge de quatre à six ans.

Certains groupes ethniques présentent un déficit en lactase. Cette enzyme qui est sécrétée par certaines cellules de l’intestin – les entérocytes – permet la digestion des sucres du lait. Lorsque le lait parvient à l’intestin, le bébé souffrant de ce déficit est incapable de digérer complètement le sucre (ou lactose) contenu dans le lait, et ce sucre qui n’est pas absorbé fermente dans l’intestin. C’est cette fermentation qui génère les symptômes cardinaux de l’intolérance au lactose, à savoir les douleurs abdominales, les ballonnements, les éructations, les flatulences et la diarrhée.

L’intolérance au lactose primitive, qui correspond à un déficit en lactase congénital, est exceptionnelle. Dans la grande majorité des cas d’intolérance au lactose chez le nourrisson, l’affection est causée par une inflammation ou une infection de la muqueuse gastro-intestinale. En l’absence de lactase, les entérocytes qui dégradent normalement le lactose sont privés de leur capacité à digérer le lait, du moins transitoirement. Dans cette situation, le médecin conseillera les parents selon la cause de l’intolérance. Si, par exemple, l’intolérance au lactose est secondaire à une gastro-entérite, on pourra proposer une préparation sans lactose ou une préparation à base de soya. S’il existe une APLV IgE-indépendante, une préparation à base de protéines fortement hydrolysées est indiquée, et il est probable qu’on doive poursuivre l’utilisation de ce substitut pendant une période relativement longue en cas de souffrance importante de la muqueuse intestinale.

En ce qui concerne le moment où l’on pourra réintroduire les aliments à base de lait de vache dans le régime de l’enfant, cette décision dépend encore une fois du mécanisme de l’allergie au lait, régie ou non par les IgE.

La majorité des bébés dont l’allergie ne fait pas intervenir les IgE finissent par tolérer le lait avant l’âge de un an, et presque tous avant l’âge de trois ans. En revanche, la guérison d’une allergie IgE-dépendante survient généralement plus tard, entre quatre et six ans, âge auquel environ 80 % des enfants auparavant atteints de cette forme d’allergie sont capables de tolérer le lait de vache. Une étude récente a fait état de taux de guérison plus faibles; toutefois, selon cette même étude, l’âge auquel l’allergie au lait peut régresser serait plus tardif qu’on ne le pensait antérieurement. Les nourrissons qui ont une forme d’allergie IgE-dépendante doivent faire l’objet d’un suivi comportant un test de la piqûre (prick test) annuel, mais si ce test demeure positif, le médecin peut également demander un dosage des anticorps IgE spécifiques des protéines du lait de vache au moyen du test UniCAP (par radio-immuno-adsorption). Le taux d’IgE aide à prédire si l’allergie au lait régressera ou non.

Enfin, on pourra proposer au parent un test de provocation orale au lait de vache à la clinique pour vérifier si l’allergie est guérie.

Résumé

Nombre de parents qui ont eux-mêmes des allergies alimentaires espèrent ne pas transmettre cette tendance atopique à leurs enfants et se tournent vers le médecin pour savoir comment se prémunir au mieux contre cette éventualité. La réponse est vraiment toute simple : dites aux mères d’allaiter leur bébé exclusivement au sein de la naissance jusqu’à l’âge de quatre à six mois dans la mesure du possible – et de retarder l’introduction des aliments solides pendant la même période – et elles auront ainsi fait tout ce qui est possible pour prévenir les allergies chez leur enfant. Le report de l’introduction des aliments solides à un âge ultérieur ne semble pas conférer de protection. Il sera aussi rassurant pour les parents de savoir que la forme IgE-dépendante de l’APLV chez un nourrisson n’implique pas nécessairement que les autres enfants du couple auront des allergies alimentaires, bien que leur risque soit légèrement supérieur à celui de la population générale. Dans le cas de l’allergie IgE-indépendante, par contre, il arrive plus souvent qu’un second frère ou soeur présente les mêmes symptômes. En définitive, l’allaitement maternel exclusif poursuivi jusqu’à l’âge de quatre à six mois demeure la meilleure protection que puisse offrir toute maman à son bébé, indépendamment de l’existence d’un risque atopique.

Conseils pratiques pour le diagnostic et la prise en charge des allergies aux protéines du lait de vache

Jason Ohayon, MD, FRCPC

Professeur adjoint de clinique en pédiatrie, McMaster University Hamilton (Ontario)

Pour en arriver à un diagnostic décisif, les médecins qui traitent les allergies chez l’enfant se fient souvent à leur expérience, savoir que viennent enrichir les découvertes effectuées en allergologie. Devant un nourrisson symptomatique et à risque élevé, le praticien devra d’abord et avant tout se demander dans quel délai la réaction s’est produite afin de discerner les différents types d’allergie aux protéines du lait de vache (APLV). Les nourrissons qui ont une réaction immédiate au lait de vache – et ici, il faut retenir que l’enfant allaité peut aussi être allergique au lait maternel si la mère consomme des produits laitiers – présentent habituellement urticaire, diarrhée, vomissements ou détresse respiratoire avec respiration sifflante à peu près dans les 20 minutes suivant l’ingestion du lait. (L’eczéma est également l’une des manifestations cliniques les plus précoces des allergies alimentaires chez le nourrisson, et dans le cas des allergies au lait, il se localise habituellement au visage. Cette manifestation est le plus souvent associée à une allergie alimentaire retardée).

Les réactions immédiates aux protéines du lait de vache sont caractéristiques des phénomènes allergiques sous la dépendance des IgE, et leur présence est l’indice d’une allergie induite par les IgE.

En revanche, une diarrhée ou la présence de traces de sang dans les selles ou des vomissements chez le nourrisson n’évoquent vraisemblablement pas une réaction IgEdépendante. Les réactions IgE-indépendantes sont secondaires à une inflammation locale de la muqueuse au contact d’une protéine alimentaire majeure, souvent de lait de vache, donnent lieu à des symptômes d’apparition plus progressive et rendent la paroi intestinale «poreuse». Par conséquent, le bébé absorbe moins bien les aliments, ce qui entraîne une perte des protéines utiles et une modification des selles. Lorsque l’inflammation touche la partie distale de l’intestin et le rectum, le nourrisson a habituellement des selles liquides, muqueuses ou sanglantes. Souvent, les nourrissons qui ont une APLV touchant le bas intestin ne paraissent pas très malades, même s’ils souffrent de symptômes préoccupants.

Toutefois, si une plus grande partie de l’intestin est touchée, les selles sont beaucoup plus liquides, le bébé perd du poids, a mauvaise mine et peut courir un risque de déshydratation sévère – autant de signes qui évoquent une inflammation plus étendue résultant d’une allergie à des protéines alimentaires majeures, appelée syndrome d’entérocolite causée par les protéines alimentaires (connu en anglais sous le sigle FPIES).

On connaît une troisième forme d’APLV chez le nourrisson : l’oesophagite ou la gastrite à éosinophiles. Ce type particulier d’allergie provoque des vomissements ou un reflux gastrooesophagien (RGO) à répétition, reflux qui – et c’est ici un indice clé – ne répond pas aux stratégies classiques de traitement anti-reflux. L’inflammation intéresse dans ce cas le tube digestif supérieur et s’accompagne d’une importante accumulation d’éosinophiles. À l’instar des deux autres types de réaction allergique précédemment décrits, cette réaction peut aussi être déclenchée par les protéines du lait de vache. Devant un tel tableau, le pédiatre ou le médecin traitant doit vérifier auprès des parents s’ils ont des antécédents de RGO ou de dysphagie difficile à traiter, auquel cas les symptômes pourraient bien résulter d’une affection mettant en jeu les éosinophiles et non d’un reflux classique.

Le test de la piqûre (prick test) aide à orienter le diagnostic de l’allergie au lait induite par les IgE. Quant à la recherche d’IgE spécifiques des protéines du lait (test UniCAP par radioimmuno- adsorption), elle étaye non seulement le diagnostic d’allergie immédiate, mais précise également la probabilité de réactivité immédiate lors de prochaines expositions. Chez le nourrisson ayant une allergie IgE-indépendante ou atteint d’une affection à éosinophiles, le test de la piqûre est généralement négatif. Si l’on soupçonne une affection indépendante des IgE, mais dépendante des lymphocytes T, on doit faire une analyse des selles à la recherche de pyocytes; si l’intestin est enflammé, la présence de pyocytes, bien que non spécifique, plaide en faveur de cette forme d’allergie alimentaire. Enfin, on pourra effectuer un test de provocation orale sous supervision médicale pour voir si le nourrisson réagit à la protéine incriminée.

•La prise de suppléments de vitamine D et d’acides gras oméga-3 par les femmes enceintes durant et après leur grossesse pourrait réduire le risque d’allergie chez l’enfant à risque élevé.

•Les allergies alimentaires peuvent se déclarer à n’importe quel moment au cours de la première enfance, même au cours de l’allaitement puisque les protéines provenant des produits laitiers consommés par la mère passent dans le lait maternel.

En cas de suspicion d’allergie éosinophilique, on a recours à la fois à un bilan sanguin et à des tests épicutanés (patch tests) pour en objectiver la présence. Il est fréquent que la formule sanguine révèle un nombre élevé d’éosinophiles. Pour le test épicutané, un disque de papier filtre imbibé d’une petite quantité de lait placé dans un compartiment d’isolement (Finn chamber) est appliqué sur la peau du dos du bébé pendant 48 heures et comparé à un produit témoin négatif. L’apparition d’une rougeur sur la peau en contact avec la substance testée évoque une allergie retardée.

Contrairement aux allergies alimentaires de type immunologique, l’intolérance au lactose ne relève pas d’un mécanisme immunologique, mais plutôt d’une incapacité du nourrisson à absorber le lactose du lait et de ses dérivés. Ce lactose non absorbé exerce une action osmotique dans le côlon; par conséquent, les selles deviennent liquides et le sucre fermente, ce qui provoque un épaississement de la paroi colique. Les symptômes de l’intolérance au lactose diffèrent passablement de ceux de l’APLV. Ainsi, le tableau clinique ne comprend pas d’éruptions cutanées de type allergique classiques ou d’autres manifestations des allergies IgE-dépendantes, ni de retard de croissance ou de perte hydrique d’importance, mais se caractérise par des selles liquides, des ballonnements et une irritabilité. L’intolérance au lactose dépend en grande partie du terrain génétique, le risque étant relativement faible chez les sujets de race blanche, qui acquièrent habituellement cette intolérance à la suite d’une infection. Les sujets d’origine asiatique, les Noirs et les Autochtones y sont par contre très sujets.

Éviction des allergènes alimentaires

•Le traitement initial de toute allergie alimentaire repose sur l’éviction de l’aliment allergène déclenchant.

•En présence d’une réaction allergique retardée, on ne doit pas donner une préparation de soya en raison du risque trop élevé de réactivité croisée.

•Si le nourrisson est allergique à la fois au lait de vache et au soya, on peut recommander une préparation fortement hydrolysée ou, si ce produit n’est pas toléré, une préparation à base d’acides aminés.

Le traitement initial de toute allergie alimentaire repose sur l’éviction de l’aliment allergène déclenchant. Chez les nourrissons allergiques aux protéines du lait de vache, le traitement prend deux directions distinctes. Comme très peu de nourrissons sont allergiques à la fois au lait de vache et au soya, une préparation à base de protéines de soya peut généralement être utilisée en toute sécurité chez la majorité des enfants ayant une allergie au lait IgEdépendante. Pour ceux qui sont aussi sensibles au soya, on peut recommander une préparation à base de protéines fortement hydrolysées ou, si ce produit n’est pas toléré, une préparation à base d’acides aminés.

En présence d’une réaction allergique retardée, on ne doit pas donner une préparation de soya en raison du risque trop élevé de réactivité croisée. Dans le cas d’une allergie au lait IgE-indépendante, les parents doivent d’emblée recourir à une préparation pour nourrissons fortement hydrolysée, qui, si elle s’avérait mal tolérée, pourra ici encore être remplacée par une préparation à base d’acides aminés. Si l’on a affaire à une inflammation éosinophilique, l’un ou l’autre type de lait hypoallergène peut être employé.

Les parents craignent souvent que ces préparations au goût plus amer rebutent le nourrisson, mais ils peuvent en fait s’attendre à ce que leur enfant se sente mieux dès lors qu’il ne sera plus exposé au lait de vache; en règle générale, les nourrissons, sachant d’instinct ce qui est bon pour eux, acceptent d’ailleurs très bien ces préparations.

Nutrition optimale pour le nourrisson

Les sociétés d’experts de partout dans le monde recommandent universellement l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de quatre à six mois afin de garantir une nutrition optimale au nourrisson. Cela dit, lorsque la mère ne peut allaiter ou choisit de ne pas allaiter — et s’il existe des antécédents familiaux d’atopie (à savoir la présence démontrée d’une allergie chez l’un des parents, une soeur ou un frère) – cette dernière pourra utiliser d’emblée une préparation à base de protéines fortement hydrolysées afin de réduire le risque que son enfant développe plus tard une allergie.

On a réexaminé les recommandations en matière d’âge approprié pour l’introduction des aliments solides, soit les céréales, au cours de la première enfance. Chez le nourrisson à haut risque atopique – c’est-à-dire chez qui une dermatite atopique a déjà été diagnostiquée ou dont l’un des parents est atopique – il était antérieurement recommandé de reporter l’introduction des céréales. Or, il ne semble pas que cette pratique soit utile selon un examen récent effectué par l’American Academy of Pediatrics, section de l’allergie-immunologie, et les observations considérées plaident en fait en faveur d’une introduction plus précoce des céréales pour nourrissons.

Par ailleurs, de nouvelles données fort intéressantes ont objectivé une association entre une carence en vitamine D durant la grossesse et l’apparition ultérieure d’allergies – ainsi, plus le taux de vitamine D chez la mère est bas, plus la probabilité que le bébé à risque élevé manifeste une allergie est élevée. Si un lien de causalité vient à être démontré, on pourrait recommander aux femmes enceintes la prise de vitamine D durant et après leur grossesse, une mesure simple et peu coûteuse.

Autre découverte étonnante, il semble que de faibles taux d’acides gras oméga-3 jouent un rôle dans l’apparition d’une atopie chez l’enfant; comme précédemment, plus le taux d’acides gras oméga-3 est faible chez la mère, plus la probabilité d’atopie chez l’enfant à risque est grande. Bien que ce lien reste à confirmer, les données initiales semblent indiquer que la prise de suppléments de vitamine D et d’acides gras oméga-3 par les futures mères serait bénéfique pour réduire le risque d’atopie chez le nouveau-né.

Résumé

Les allergies alimentaires sont fréquentes chez les nourrissons et les enfants, et notamment l’APLV qui peut se déclarer à n’importe quel moment au cours de la première enfance, tant pendant la période d’allaitement que lors de l’introduction de préparations à base de lait de vache vers l’âge de quatre à six mois. Il est compréhensible que les parents s’alarment de ces réactions et il importe donc que le médecin établisse un diagnostic sûr, non seulement pour orienter la prise en charge de ces allergies, mais également pour rassurer les parents quant au développement normal et au bien-être de leur enfant dès lors que le lait de vache sera éliminé de son alimentation. Une préparation à base de soya, dans les cas d’allergie IgE-dépendante classique, ou une préparation fortement hydrolysée constituent toutes deux une option initiale appropriée pour la plupart des nourrissons, bien qu’un certain nombre puissent réagir également au soya. Chez ces derniers comme chez les nourrissons ayant une APLV IgE-indépendante, on doit d’emblée proposer une préparation fortement hydrolysée ou, dans les cas rarissimes d’intolérance à ce produit, une préparation à base d’acides aminés. Entre-temps, la recherche se poursuit afin d’aider les parents à risque élevé à prévenir l’apparition de l’atopie chez leur enfant.

Références

Greer FR, Sicherer SH, Burkes AW. Committee on Nutrition and Section on Allergy and Immunology. Pediatrics 2008;121(1):183-91.

Bhatia J, Greer F. American Academy of Pediatrics Committee on Nutrition. Pediatrics 2008;121(5):1062-8.

Host et al. EAACI Section on Paediatrics. Pediatr Allergy Immunol 2008;19(1):1-4.

ESPGHAN Committee on Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2006;42(4):352-61.

Chapman et al. Ann Allergy Asthma Immunol Mars 2006;96(3 suppl 2):S1-S68.

Muraro et al. EAACI Section on Paediatrics. Pediatr Allergy Immunol 2004;15(4):291-307.

Réactions de votre bébé aux aliments : Guide à l'intention des parents*

Facteurs de risque d'allergie alimentaire

•Si un parent, un frère ou une soeur a des antécédents d'allergie – il peut s'agir de n'importe quel type d'allergie, y compris le rhume des foins, l'asthme ou une allergie alimentaire – le nourrisson risque davantage d'être lui-même allergique, souvent, en tout premier lieu, aux protéines du lait de vache contenues dans sa préparation lactée ou, moins souvent, aux protéines du lait de vache présentes dans l'alimentation de la mère et excrétées dans le lait maternel.

Manifestations possibles de la réaction allergique

•Il existe deux types de réaction allergique : la première provoque des symptômes immédiatement après le boire, tandis que la deuxième se manifeste plus lentement, sur une période plus longue.

•Les symptômes de la réaction du premier type comprennent l'eczéma (souvent sur le visage), l'urticaire, la respiration sifflante et les signes de détresse respiratoire, l'enflure des lèvres et des yeux, les douleurs abdominales et les vomissements. Une petite quantité de lait suffit pour provoquer leur apparition immédiate.

•Les symptômes du deuxième type de réaction touchent habituellement le tube digestif et comprennent le reflux (régurgitation), les vomissements, les douleurs abdominales et la diarrhée. La présence de sang dans les selles est un signe certain de réaction allergique retardée aux protéines du lait de vache. Dans ses formes graves, cette réaction freine la croissance du nourrisson.

Prévention des allergies chez le nourrisson

•Seuls les nourrissons ayant des antécédents familiaux d'allergie sont très vulnérables aux allergies, y compris aux aliments. Les enfants n'ayant pas d'antécédents familiaux peuvent aussi développer des allergies, mais ils sont moins à risque.

•Très peu de données appuient la théorie voulant que la mère puisse prévenir les allergies chez un enfant vulnérable en éliminant le lait de vache et les oeufs de sa propre alimentation pendant la grossesse ou l'allaitement.

•La meilleure protection contre les allergies pour un enfant vulnérable est l'allaitement exclusif pendant quatre à six mois.

•Si la mère ne peut allaiter et que le bébé est à risque élevé d'allergie, une préparation fortement hydrolysée telle qu'Alimentum ou Nutramigen peut réduire le risque d'allergie, alimentaire ou autre.

•Les données sur l'efficacité des préparations partiellement hydrolysées pour la prévention des allergies chez les nourrissons vulnérables ne sont pas concluantes.

•Les aliments solides ne devraient pas être offerts avant l'âge de quatre à six mois. Après cette période, le moment où seront introduits des aliments tels que les produits laitiers, les oeufs et les noix ne semble pas influer sur l'apparition d'allergies.

•On devrait introduire un à la fois les fruits et les légumes, même ceux qui sont peu susceptibles de provoquer des allergies, pour s'assurer que le bébé tolère chacun d'eux.

•Lorsqu'ils sont introduits un à un, les fruits et les légumes devraient être cuits, car ils risquent moins de déclencher une allergie que s'ils sont consommés crus.

Traitement de l'allergie au lait de vache provoquant des symptômes immédiats

•En cas d'apparition immédiate de symptômes après l'ingestion d'une préparation à base de lait de vache, on peut passer à une préparation à base de soya telle qu'Isomil, puisque seulement 15 % environ des nourrissons allergiques au lait de vache sont également allergiques au soya.

•Si les protéines du lait de vache et du soya déclenchent des symptômes immédiats, le passage à une préparation fortement hydrolysée telle qu'Alimentum ou Nutramigen est recommandé.

•Si le nourrisson ne tolère pas une préparation fortement hydrolysée, on peut lui offrir une préparation à base d'acides aminés.

•Lorsque la réaction au lait de vache est immédiate, l'allergie ne disparaît habituellement pas avant l'âge de quatre à six ans. Cependant, si la réaction est retardée, l'allergie disparaît avant l'âge de un an chez la plupart des bébés et de trois ans chez la quasi-totalité d'entre eux.

•Avant d'offrir du lait de vache à un bébé auparavant allergique, les parents doivent consulter le pédiatre ou l'allergologue : celui-ci devra soumettre l'enfant à un test pour vérifier s'il est encore allergique au lait de vache.

Traitement de l'allergie au lait de vache provoquant des symptômes retardés

•En cas d'apparition tardive de symptômes essentiellement limités au tube digestif après l'ingestion de protéines du lait de vache, on ne doit pas passer à une préparation à base de soya, car il est fort probable qu'elle provoquera elle aussi une réaction allergique.

•Si le nourrisson présente ce type de réaction allergique, les parents devraient faire l'essai d'une préparation fortement hydrolysée telle qu'Alimentum ou Nutramigen ou, si celles-ci ne sont pas tolérées, d'une préparation à base d'acides aminés.

•Ce type d'allergie disparaît avant l'âge de un an chez la plupart des bébés et de trois ans chez la quasi-totalité d'entre eux. Ces enfants devraient alors tolérer le lait de vache.

Symptômes de l'intolérance au lactose

•Les symptômes de l'intolérance au lactose comprennent la diarrhée, les gaz et les ballonnements.

•L'intolérance au lactose n'est pas une allergie, mais bien une incapacité de digérer le sucre du lait : celui-ci fermente dans le tube digestif, d'où les symptômes que nous venons de décrire.

•Les personnes les plus exposées à l'intolérance au lactose sont les Asiatiques, les autochtones d'Amérique du Nord et les Noirs, et les moins exposées sont les personnes de descendance européenne.

Traitement de l'intolérance au lactose

•Les nourrissons intolérants au lactose devraient recevoir une préparation sans lactose.

* Ce guide à l'intention des parents est accessible en ligne : www.mednet.ca/2008/ho08-002.pgf

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