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Les antiarythmiques de nouvelle génération viendront combler un manque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Les 80es Séances scientifiques de l’American Heart Association

Orlando, Floride / 4-7 novembre 2007

La fibrillation auriculaire (FA) est l’arythmie cardiaque soutenue que l’on rencontre le plus souvent dans la pratique clinique, et son incidence augmente parallèlement au vieillissement de la population. La complication éventuelle la plus importante de la FA est l’ACV, la FA étant à l’origine de 15 % à 20 % de tous les ACV. La FA survient chez jusqu’à 40 % des patients après une intervention cardiaque et se solde souvent par une hospitalisation prolongée et l’apparition ou l’exacerbation d’une insuffisance cardiaque, affirme le Dr Peter Kowey, directeur du Service de médecine cardiovasculaire, Lankenau Hospital, Wynnewood, Pennsylvanie.

Les antiarythmiques actuellement utilisés dans le traitement de la FA bloquent divers canaux ioniques sans distinction. Fait important à souligner, ils manquent de sélectivité pour le tissu auriculaire et peuvent donc entraîner des arythmies potentiellement mortelles dans le tissu ventriculaire. Comme l’explique le Dr Kowey, l’ibutilide est indiqué pour la cardioversion chez les patients qui développent une FA après une intervention cardiaque, mais comme d’autres antiarythmiques, «l’ibutilide ne cible pas spécifiquement le tissu auriculaire et est associé à des torsades de pointes, ce qui est son principal désavantage». Le tedisamil est un autre antiarythmique actuellement à l’étude dans le traitement de la FA. À ce jour, cet agent s’est révélé efficace pour supprimer la FA et se caractérise par une relation dose-réponse positive, mais il entraîne lui aussi des torsades de pointes chez 0,5 % à 0,6 % des patients, précise le Dr Kowey.

Le vernakalant, inhibiteur mixte des canaux sodiques/potassiques, bloque sélectivement les canaux ioniques du cœur qui sont actifs pendant les accès de FA. Son effet sur la FA ou le flutter auriculaire (FLA) paroxystiques a été évalué chez des patients non opérés dont la FA ou le FLA était d’apparition récente ou de longue date dans une trilogie d’essais appelés ACT (Atrial Fibrillation Conversion Trial). Les résultats colligés des essais ACT I et III (575 patients en tout; les deux se sont terminés avant l’essai ACT II) indiquent que le rythme sinusal a été rétabli chez 51,5 % des patients qui recevaient le nouvel antiarythmique vs 3,8 % des témoins sous placebo, après un intervalle moyen de 11 minutes. Aucun cas de torsades de pointes n’a été signalé lors de ces deux essais.

ACT II

Le Dr Kowey a présenté les résultats de l’essai ACT II, essai international comparatif avec placebo qui a été mené à double insu chez 190 patients qui étaient en rythme sinusal avant de subir des pontages aorto-coronariens, une valvuloplastie ou les deux, et qui ont ensuite développé une FA ou un FLA soutenus (trois à 72 heures) de 24 heures à sept jours après l’intervention chirurgicale. À leur admission à l’étude, 93 % des patients présentaient une FA et 6 %, un FLA (1 % ne présentaient ni l’un ni l’autre). Après randomisation selon un ratio 2:1, les patients recevaient sur une période de 10 minutes une perfusion de vernakalant à raison de 3 mg/kg (n=107) ou un placebo (n=54). Si la FA ou le FLA persistaient pendant 15 minutes malgré la perfusion, on procédait à une deuxième perfusion, également sur 10 minutes, de l’agent actif à 2 mg/kg ou du placebo.

Le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité – le rétablissement du rythme sinusal pendant au moins une minute dans un délai de 90 minutes suivant la première exposition – a été atteint chez 45 % des patients du groupe de traitement actif vs 15 % des patients du groupe placebo (p=0,0002). Parmi les patients chez qui l’antiarythmique a permis la cardioversion, la médiane du délai de cardioversion a été de 12 minutes, et une dose unique a suffi à rétablir le rythme sinusal dans 75 % des cas. Parmi les patients présentant seulement une FA, la cardioversion a été obtenue chez 47 % des patients sous vernakalant vs 14 % des patients sous placebo (p=0,0001), et la médiane du délai de cardioversion a là aussi été de 12 minutes. Cependant, le vernakalant ne s’est pas révélé efficace pour rétablir le rythme sinusal chez les patients qui présentaient un FLA. Après 24 heures, 60 % des répondeurs du groupe vernakalant étaient toujours en rythme sinusal; après sept jours, 57 % l’étaient toujours.

Effets indésirables

Au cours des premières 24 heures suivant l’administration du médicament, des effets indésirables ont été signalés chez 32 % des témoins sous placebo vs 38 % des sujets sous vernakalant. Des effets indésirables du traitement actif, 2 % (2/102) étaient graves : un bloc auriculo-ventriculaire complet et un cas d’hypotension. Toujours au cours des premières 24 heures, la bradycardie a été plus fréquente dans le groupe vernakalant (14 %) que dans le groupe placebo (4 %), phénomène que le Dr Kowey attribue en partie au taux de cardioversion plus élevé sous l’effet de l’antiarythmique.

Contrairement à d’autres antiarythmiques utilisés dans le traitement de la FA, le vernakalant n’a pas augmenté l’incidence des arythmies ventriculaires dans le cadre de l’essai ACT II et n’a pas non plus provoqué de torsades de pointes, quoiqu’il ait été associé à un allongement transitoire de l’intervalle QT, fait remarquer le Dr Kowey. Aucun décès n’a été signalé dans un groupe ou l’autre.

«À mon avis, l’effet antiarythmique de ce médicament réside dans son blocage des canaux sodiques plutôt que des canaux potassiques. Je pense que l’effet sur le potassium est davantage lié au maintien du rythme sinusal», explique le Dr Kowey. Une préparation orale du vernakalant est maintenant à l’étude pour le maintien du rythme sinusal à long terme.

AFFIRM : cardioversion ou contrôle de la fréquence?

L’essai AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management) a établi que, dans un contexte de FA chronique, une stratégie thérapeutique principalement axée sur le contrôle de la fréquence est comparable à une stratégie axée sur la cardioversion. Cela dit, les sujets de l’essai AFFIRM avaient été triés sur le volet et présentaient tous une FA paucisymptomatique ou asymptomatique, précise le Dr Jeremy Ruskin, service des arythmies cardiaques, Massachusetts General Hospital, Boston. De plus, «l’essai AFFIRM n’a pas prouvé que la cardioversion et le contrôle de la fréquence sont équivalents», poursuit-il. Le maintien du rythme sinusal a été associé à une réduction significative de 46 % de la mortalité par comparaison à la persistance de la FA (p<0,001). L’absence de gain de survie associé aux antiarythmiques dans l’essai AFFIRM pourrait tenir à leurs effets indésirables qui ont en quelque sorte neutralisé tout bénéfice résultant du retour au rythme sinusal. De nombreux patients présentant une FA ont besoin d’un traitement axé sur la cardioversion, explique le Dr Ruskin. «Les antiarythmiques ne sont pas efficaces chez 100 % des patients, mais les patients se portent toujours mieux quand ils sont en rythme sinusal», explique-t-il.

Lignes directrices sur la FA

D’ici à ce que les antiarythmiques de nouvelle génération se soient révélés efficaces pour rétablir le rythme sinusal chez les patients présentant une FA, les médecins peuvent consulter les lignes directrices rédigées par des experts de plusieurs pays pour orienter leurs objectifs et leurs décisions thérapeutiques (J Am Coll Cardiol 2006;48[4]:854-906). Comme le souligne le Dr Eric Prystowsky, directeur du laboratoire d’électrophysiologie clinique, St. Vincent Hospital, Indianapolis, Indiana, le médecin doit d’abord décider s’il vise un objectif à court ou à long terme. Un patient chez qui une FA apparaît pour la première fois après une intervention cardiaque, par exemple, n’a généralement besoin d’un traitement que pendant quatre à six semaines, alors qu’un patient ayant des antécédents d’accès de FA récurrents pourrait avoir besoin d’un traitement à long terme. «En outre, on doit tenir compte des facteurs de comorbidité qui pourraient entraîner l’apparition de la FA, des médicaments que prend le patient ou des deux», ajoute le Dr Prystowsky. Il est aussi essentiel que le médecin détermine s’il adoptera une stratégie axée sur le contrôle de la fréquence ou sur la cardioversion, et quel sera le traitement antithrombotique le plus approprié.

Dans certains cas, l’ablation peut être une option de premier choix, pour autant que le laboratoire d’électrophysiologie ait l’expertise voulue. Par ailleurs, un patient qui refuse catégoriquement de prendre un antiarythmique n’aurait d’autre option que l’ablation.

Pour ce qui est de déterminer s’il est préférable d’axer la stratégie sur la cardioversion ou le contrôle de la fréquence, le Dr Prystowsky a présenté son point de vue sur la stratégie axée sur la fréquence dans les termes suivants : «Je préfère évaluer les tendances du rythme cardiaque pendant 24 heures consécutives lorsque le patient vaque à ses occupations quotidiennes habituelles, et mon objectif est d’obtenir une fréquence cardiaque moyenne d’environ 70 à 80 bpm et le moins possible ou l’absence de fréquences moyennes par heure de plus de 100 bpm.» Essentiellement, ajoute-t-il, le tracé de la fréquence cardiaque devrait simuler le rythme sinusal que l’on observe chez un patient d’âge comparable.

Si la stratégie est axée sur la cardioversion, le Dr Prystowsky cherche à réduire ou à éliminer les accès symptomatiques de FA dans la mesure du possible. «La réussite ne tient pas nécessairement à l’élimination de tous les accès, enchaîne-t-il, mais la réduction doit être marquée pour que le patient ait une qualité de vie globalement meilleure.»

Au moment où le présent article a été mis sous presse, le vernakalant n’était pas commercialisé au Canada

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