Comptes rendus

Possibilités de prolongation de la survie dans le cancer colorectal avancé : de plus en plus de données à l’appui du traitement chronique
D’après Arthritis Rheum 2012;64(12):3850-5; Arthritis Rheum 2013:65(1):28-38; The Lancet publié en ligne le 18 mars 2013.

Les probiotiques dans le traitement du syndrome de l’intestin irritable

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Semaine canadienne des maladies digestives et congrès d’hiver annuel de l’ACEF

Victoria, Colombie-Britannique / 1er-4 mars 2013

Victoria - Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un problème chronique d’étiologie incertaine pour lequel il n’existe pas de traitements à visée curative. Selon de récentes données cliniques, certains traitements traditionnels, telle l’augmentation de l’apport alimentaire en fibres, ne seraient pas efficaces. Des études récentes sur le microbiote font soupçonner l’existence d’un lien causal entre le SII et des troubles du biofilm intestinal semblables à ceux que causent les infections de l’intestin. Il a été question au congrès de données cliniques sur les probiotiques, des éventuels effets anti-inflammatoires qu’exerceraient certaines souches bactériennes par immunomodulation, et des effets bénéfiques de ces souches sur les symptômes du SII.

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble intestinal fonctionnel d’étiologie incertaine dont la prévalence en Amérique du Nord est estimée à 10-15 %. Dans une étude qui regroupait 877 patients atteints d’un SII, les réponses au questionnaire SF-36 ont révélé que le SII nuisait davantage à la qualité de vie que le reflux gastro-œsophagien, le diabète et l’insuffisance rénale terminale nécessitant la dialyse (Gralnek et al. Gastroenterology 2000;119[3]:654-60).

Un syndrome complexe

La prise en charge du SII est difficile, et les preuves à l’appui d’un traitement efficace sont rares. Dans ses recommandations sur la prise en charge du SII, la WGO (World Gastroenterology Organization) reconnaît un lien entre l’alimentation et le SII, mais souligne que les preuves sont insuffisantes pour confirmer qu’un changement d’alimentation, par exemple la prise de repas à heures fixes et un apport accru de fibres, atténue les symptômes du SII (WGO practice guideline—irritable bowel syndrome: a global perspective, 2009 : http://www.worldgastroenterology.org/irritable-bowel-syndrome.html. Consulté le 4 mars 2013).

À en juger par une revue récente de la Collaboration Cochrane, les fibres sont inefficaces dans le SII, alors que les antispasmodiques et les antidépresseurs sont utiles (Ruepert et al. Cochrane Database Syst Rev 2011;10;[8]:CD003460). La WGO souligne par ailleurs qu’il importe d’atténuer le stress et de corriger les facteurs psychologiques.

Les effets de certaines souches de probiotiques

La WGO reconnaît le rôle des probiotiques dans le traitement des symptômes du SII et insiste sur les effets particuliers de certaines souches. On a souvent recours aux probiotiques pour rétablir la biodiversité de la flore intestinale après que celle-ci a été affaiblie, par exemple après la prise d’un antibiotique à large spectre ou la consommation d’aliments ou d’eau fortement contaminés.

Comme l’explique le Pr Fergus Shanahan, University College Cork, Irlande, une faible diversité du microbiote est une situation instable qui permet aux agents pathogènes de s’établir. En pareilles circonstances, l’objectif est de rétablir la diversité, et la spécificité des souches bactériennes utilisées dans un probiotique ou un transplant fécal est peut-être moins importante que la nécessité de rétablir rapidement un microbiote sain. Cela dit, si l’objectif du traitement est de produire un effet spécifique, une réponse anti-inflammatoire par exemple, peut-être le choix de la souche bactérienne devrait-il aussi être hautement spécifique afin d’agir exclusivement sur les voies nécessaires.

Un certain nombre d’études ont montré qu’il était possible de choisir une souche particulière de probiotique pour produire un effet bénéfique particulier; l’une d’elles, qui portait sur des souris, a révélé que la souche Lactobactillus salivarius UCC118 protégeait contre l’infection à Listeria monocytogenes en produisant une toxine protéique, la bactériocine ABP-118 (Corr et al. Proc Natl Acad Sci USA 2007;104[18]:7617-21).

De tels résultats montrent que les probiotiques ne sont pas tous identiques et que l’on ne doit pas les considérer en bloc. «Si vous devez prendre [un médicament] contre l’hypertension, une dyslipidémie ou une infection, vous ne vous contentez pas de demander un comprimé, fait valoir le Pr Shanahan. Vous souhaitez savoir ce que contient chaque comprimé et vous assurer qu’il exerce l’effet recherché. Il en va de même pour les probiotiques.»

Le SII et l’expression des cytokines

Faisant référence à une étude récente (Jeffery et al. Gut 2012;61[7]:997-1006), le Pr Shanahan faisait remarquer que le SII était associé à des changements dans la composition du microbiote intestinal et à des changements parallèles dans l’expression du récepteur TLR4 (toll-like receptor 4), médiateur de la réponse immuno-inflammatoire. Le SII s’accompagne d’une inflammation de bas grade et de changements touchant le nombre de mastocytes, les cytokines et l’activation des cellules T, mais pas les polynucléaires neutrophiles, lesquels augmentent en nombre en présence d’une maladie inflammatoire de l’intestin.

Le Pr Shanahan a décrit le programme de recherche que son groupe avait entrepris pour isoler et sélectionner des souches bactériennes potentiellement bénéfiques pour l’humain. Quelque 1500 souches de bactéries de l’intestin humain qui adhèrent à la muqueuse ont d’abord été mises en culture et purifiées. Les chercheurs ont ensuite testé les cultures pour déterminer leur résistance à l’acide et à la bile, puis ils les ont soumises à des tests in vitro et in vivo pour savoir si elles agissaient efficacement contre des agents pathogènes tels que les salmonelles (sans pour autant être pathogènes elles-mêmes), et pour déterminer si elles étaient associées à des changements dans la fonction immunitaire de la muqueuse. Pour déterminer si les souches restent viables au cours du transit, les chercheurs ont examiné des échantillons de fèces provenant de sujets qui avaient consommé les souches à l’étude. Bifidobacterium infantis 35624 est l’une des souches ayant émané de ce processus de sélection. Le Pr Shanahan a passé en revue les résultats d’une étude récente menée chez des volontaires humains selon lesquels la souche B. infantis 35624 entraîne une faible induction de cellules T Foxp3 et une augmentation de l’IL-10, ce qui vient étayer le mécanisme anti-inflammatoire et immunitaire à l’origine des effets de ce probiotique (Konieczna et al. Gut 2012;61[3]:354-66).

Des études menées chez des patients atteints de psoriasis, d’un syndrome de fatigue chronique et de colite ulcéreuse ont confirmé l’hypothèse voulant que le probiotique B. infantis réduise les cytokines pro-inflammatoires, affirme le Pr Shanahan. Comme le montrent les données de l’article de Groeger et al. (en préparation), les taux de facteur de nécrose tumorale et de protéine C-réactive diminuent significativement chez ces patients.

Études sur l’efficacité

Le SII est une affection hétérogène, et les mécanismes qui sous-tendent ses symptômes sont incertains. Il est donc difficile de déterminer quel effet parmi divers effets possibles – effet anti-inflammatoire, diminution de l’hypersensibilité viscérale, effet analgésique ou modulation du microbiote résident – pourrait soulager les symptômes. À la lumière de cette observation et des propriétés des probiotiques dont il a été question plus tôt, le Pr Shanahan note que dans le traitement du SII, on peut s’attendre à une efficacité modérée des probiotiques et on doit savoir que les probiotiques ne sont pas tous bénéfiques. Cela dit, l’innocuité des probiotiques est connue depuis longtemps déjà, confirme-t-il. «Je m’inquiète davantage des effets indésirables potentiels ou des risques associés à un contaminant que de l’ingrédient actif». Sur le plan du contrôle de la qualité, le Pr Shanahan recommande de se procurer des probiotiques auprès d’une source fiable.

Dans le cadre de l’une des rares études comparatives menées à double insu avec randomisation et placebo, on a étudié la réponse des symptômes et les ratios de cytokines chez 75 patients atteints de SII ayant ingéré quotidiennement pendant 8 semaines une dose de 1010 de L. salivarius UCC4331 ou de B. infantis 35624. Les sujets ont été suivis pendant 12 semaines (O’Mahony et al. Gastroenterology 2005;128[3]:541-51). La réduction des scores de symptômes de SII spécifiques et mixtes pour la gêne/les douleurs abdominales, les ballonnements/la distension abdominale et les difficultés à aller à la selle était significativement plus marquée chez les patients randomisés de façon à recevoir B. infantis que chez les patients sous placebo (p<0,05) durant la plupart des semaines de la phase de traitement. Chez les patients prenant L. salivarius, on n’a observé aucune amélioration du score par rapport au placebo. L’effet disparaissait lorsque le traitement prenait fin. «Chez les adultes à qui on donne un probiotique, on observe rarement une colonisation, affirme le Pr Shanahan, et il faut poursuivre l’administration du probiotique. Chez les patients plus jeunes, par contre, on obtient une colonisation.»

Au départ, le ratio des marqueurs de l’inflammation IL-10:IL-12 était significativement anormal chez les patients atteints de SII, comparativement aux témoins. Ce ratio s’est normalisé uniquement chez les patients du groupe B. infantis, ce qui donne à penser que ce micro-organisme joue un rôle immunomodulateur dans le SII.

Whorwell et ses collaborateurs ont effectué une étude plus vaste de détermination de la dose de B. infantis 35624 chez 362 femmes atteintes de SII dans des centres de soins de premier recours (Am J Gastroenterol 2006;101[7]:1581-90). Les scores mixtes de symptômes du SII et les scores spécifiques de gêne/douleurs abdominales étaient significativement plus faibles (p=0,013 et p=0,023, respectivement) après 4 semaines chez les patients qui avaient reçu une dose quotidienne de 108 que chez ceux qui avaient reçu une dose de 106 ou un placebo; c’était aussi le cas pour l’évaluation globale du soulagement (p=0,0118). La dose de 1010 s’est révélée inefficace en raison d’un problème lié à la formulation.

Un certain nombre de revues systématiques ont mis en lumière les effets bénéfiques généraux des probiotiques dans le SII. Bien que ces revues n’aient pas porté sur des souches particulières de probiotiques, elles ont montré que le traitement était associé à de légers bénéfices (McFarland LV, Dublin S. World J Gastroenterol 2008;14[17]:2650-61; Nikfar et al. Dis Colon Rectum 2008;51[12]:1775-80.) Dans l’une des analyses, le nombre de patients à traiter n’était que de 4. «C’est remarquable, compte tenu du fait que nous n’avons même pas de médicaments pour le SII qui donnent d’aussi bons résultats», dit-il, insistant toutefois sur le fait que les probiotiques ne remplacent pas le traitement classique.

Dans le cadre d’une revue systématique de diverses souches de probiotiques dans le traitement du SII qu’ils ont réalisée à partir de 16 essais comparatifs avec randomisation, Brenner et ses collaborateurs ont constaté que B. Infantis 35624 était la seule souche à avoir été associée à une diminution significative des symptômes de SII dans une étude de conception rigoureuse (Am J Gastroenterol 2009;104:1033-49).

Résumé

De nouvelles données permettent de clarifier la nature des effets des probiotiques et leurs modes d’action. Certaines souches sont capables de produire des effets modestes, mais bien définis, non seulement localement dans l’intestin, mais, dans certains cas, par un effet immunomodulateur qui permet de réguler et de normaliser les voies de l’inflammation et d’améliorer la qualité de vie.   

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