Comptes rendus

Différences régionales et perspective mondiale : un avenir prometteur

L’essor du traitement antiplaquettaire dans les SCA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2009

Edmonton, Alberta / 24-28 octobre 2009

Compte tenu de l’homologation escomptée de deux nouveaux antiplaquettaires qui se sont révélés plus efficaces que l’antiplaquettaire de référence lors de deux études multinationales d’envergure, le traitement antiplaquettaire administré en cas de syndrome coronarien aigu (SCA) pour prévenir les événements thrombotiques évoluera assurément. Lors de la première, le prasugrel, qui inhibe l’activation plaquettaire en bloquant le récepteur P2Y<sub>12</sub> à l’instar du clopidogrel, a été associé à une diminution hautement significative du risque de survenue du paramètre mixte principal (divers événements vasculaires) chez des patients devant subir une intervention coronarienne percutanée (ICP) en raison de leur SCA. Dans la seconde étude, le ticagrelor, inhibiteur réversible du P2Y<sub>12</sub>, a été associé à une réduction similaire des événements chez tous les patients hospitalisés pour un SCA et même à une diminution de la mortalité globale.

Diminution de la mortalité CV

«Il ne nous a jamais été donné de voir une diminution de la mortalité cardiovasculaire (CV) dans ce type d’essai», affirme le Dr Robert C. Welsh, directeur de la salle des cathétérismes cardiaques chez l’adulte, Mazankowski Alberta Heart Institute, University of Alberta, Edmonton. La baisse de 22 % (4,0 % vs 5,1 %; p<0,001) de la mortalité CV – hautement significative sur le plan statistique – montre avec éloquence qu’une activité antiplaquettaire plus efficace que celle du clopidogrel se traduit par d’importants bénéfices cliniques chez ces patients à risque élevé.

Les études multinationales d’envergure ont fait suite à des études expérimentales et cliniques qui laissaient entrevoir des avantages majeurs. Des études mécanistes ont révélé que le ticagrelor mettait moins de temps à exercer un effet antiplaquettaire (inhibition de 41 % de l’agrégation plaquettaire [IAP] après 30 minutes vs 8 % pour le clopidogrel; p<0,0001) et que l’IAP plus marquée persistait durant la phase d’entretien du traitement. En outre, le ticagrelor, contrairement au clopidogrel et au prasugrel, exerce une activité inhibitrice réversible, de sorte que même si elle demeure plus forte que celle du clopidogrel 24 heures après la dernière dose, elle s’estompe plus rapidement au cours des 72 heures subséquentes. Comparativement aux deux autres agents, dont l’effet est irréversible et beaucoup plus prolongé, il permet une plus grande marge de manœuvre. Il a été démontré que les deux nouveaux agents protègent mieux les patients contre les événements que le clopidogrel.

L’essai multinational qui a établi l’efficacité du prasugrel s’intitulait TRITON-TIMI 38 (Trial to assess improvement In Therapeutic Outcomes by optimizing platelet iNhibition with prasugrel - Thrombolysis In Myocardial Infarction 38), et ses résultats ont été publiés il y a deux ans (Wiviott et al. N Engl J Med 2007;357:2001-15). L’essai sur le ticagrelor, intitulé PLATO (PLatelet inhibition And PaTient Outcomes), a quant à lui été publié plus tôt cette année (Wallentin et al. N Engl J Med 2009;361:1045-57). Il y avait d’importantes différences entre ces études, mais elles ont toutes deux démontré qu’une inhibition plaquettaire plus efficace réduisait l’incidence des événements vasculaires chez des victimes d’un SCA.

Résultats des études

Selon les données les plus récentes de l’essai TRITON-TIMI 38, le prasugrel a été associé à une diminution de 19 % (taux de risque [HR] de 0,81; IC à 95 % : 0,73-0,93; p<0,001) de la mortalité d’origine CV, des infarctus du myocarde (IM) et des AVC par rapport au clopidogrel chez des patients souffrant d’angor instable ou ayant été victimes d’un IM avec sus-décalage du segment ST et devant subir une ICP. Le suivi, d’une durée de six à 15 mois, portait sur 13 608 victimes d’un SCA qui étaient toutes sur le point de subir une ICP. Comparativement au clopidogrel (dose d’attaque de 300 mg et dose d’entretien de 75 mg/jour), le prasugrel (dose d’attaque de 60 mg et dose d’entretien de 10 mg/jour) a également été associé à une diminution significative des IM (p<0,001) lorsque ce paramètre faisait l’objet d’une évaluation distincte de même qu’à une diminution significative du risque relatif d’intervention urgente de revascularisation des vaisseaux cibles (p<0,001) et des thromboses sur tuteur (p<0,001). Bien que le prasugrel ait été associé à une augmentation de 32 % du risque relatif d’hémorragie majeure (HR de 1,32; IC à 95 % : 1,03-1,68; p=0,03), notamment à une augmentation significative des hémorragies potentiellement mortelles (p=0,01) et des hémorragies mortelles (p=0,002), le bénéfice net s’est maintenu. Il est ressorti de l’essai TRITON-TIMI 38 que pour chaque millier de victimes d’un SCA traitées par le prasugrel, on observait 23 IM de moins et seulement six hémorragies majeures de plus que chez les patients traités par le clopidogrel.

Lors de l’essai PLATO, auquel participaient tous les patients hospitalisés pour un SCA, qu’une ICP ait été prévue ou non, le ticagrelor – comparativement au clopidogrel – a été associé à une réduction de 16 % (HR de 0,84; IC à 95 % : 0,77-0,92; p<0,001) du risque relatif de survenue du même paramètre mixte que celui de TRITON-TIMI 38. Cependant, les sujets de PLATO étaient tout de même admissibles à l’essai s’ils avaient déjà reçu une dose d’attaque de clopidogrel avant leur arrivée à l’hôpital. En fait, 46 % des 18 624 patients avaient reçu une dose quelconque de clopidogrel avant d’être admis à l’étude. C’est donc dire que, pour une proportion considérable de patients, la dose d’attaque de 180 mg de ticagrelor (suivie d’une dose d’entretien de 90 mg 2 f.p.j.) a été comparée à une dose d’attaque de clopidogrel de 600 mg, deux fois plus forte que la dose d’attaque standard mais de plus en plus utilisée en pratique clinique en raison des limites de cette dernière. De l’avis de l’investigateur principal, le Dr Christopher Cannon, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, l’étude a été menée «dans des conditions réelles, puisque la décision de prescrire du ticagrelor ou du clopidogrel se prenait à l’arrivée du patient».

Comme le prasugrel dans l’essai TRITON-TIMI 38, le ticagrelor a été associé à un avantage hautement significatif pour les paramètres secondaires comme les IM (p=0,005), mais il a également été associé à une protection significative contre la mortalité d’origine CV (p=0,001) et la mortalité toutes causes confondues (p<0,001). Contrairement au prasugrel, par contre, il n’a pas entraîné d’augmentation significative des hémorragies majeures (p=0,43). Le taux d’hémorragies intracrâniennes mortelles a été plus élevé sous ticagrelor que sous clopidogrel (p=0,02), mais l’incidence était très faible (11 cas vs un cas, pour une incidence <0,01 % dans les deux groupes). Les hémorragies majeures non liées aux pontages aortocoronariens étaient aussi plus fréquentes (4,5 % vs 3,8 %; p=0,03), mais elles n’étaient généralement pas mortelles. Dans l’ensemble, les faibles taux d’hémorragies n’ont pas eu d’effet sur la diminution globale de la mortalité dans le groupe ticagrelor.

Dans le cadre de l’essai PLATO, on demandait aux médecins, avant même que les patients soient randomisés, s’ils prévoyaient réaliser une ICP afin de comparer ces agents au sein de cette population particulière. Dans les 13 408 cas où l’on prévoyait une ICP (72 % du nombre total de sujets randomisés), la diminution du risque relatif de survenue du paramètre principal – en faveur de l’inhibiteur réversible du récepteur P2Y<sub>12</sub> – a tout de même atteint 16 % (HR de 0,84; IC à 95 % : 0,74-0,94; p<0,0025). De même, on n’a pas observé d’excédent d’hémorragies majeures dans cette population. Une analyse post-hoc – lors de laquelle on a comparé le ticagrelor au clopidogrel chez les patients qui avaient reçu une dose d’attaque de clopidogrel avant leur arrivée à l’hôpital et leur admission à l’étude (ce qui a permis de constituer un sous-groupe ayant reçu une dose d’attaque de 600 mg) – a aussi mis en évidence une diminution similaire de 16 % du risque de survenue du paramètre principal en faveur de l’agent à l’étude, rapporte le Dr Cannon.

Puissance et début d’action

La plus grande efficacité des nouveaux antiplaquettaires, comparativement à celle du clopidogrel, tient en grande partie à leur inhibition plus forte de l’activité antiplaquettaire, mais la non-réponse au clopidogrel est un problème de taille, principalement parce que les non-répondeurs ne sont pas facilement identifiables dans un contexte d’urgence où les tests de l’activité plaquettaires sont difficilement réalisables. De l’avis du Dr Shaun Goodman, directeur associé, Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario, environ 15 % des patients ne répondent pas au clopidogrel après 30 jours de traitement. Dans le contexte d’un SCA, un long délai d’action a aussi de quoi inquiéter. Trois heures après l’administration d’une dose d’attaque de clopidogrel, l’activité plaquettaire demeure inchangée chez près des deux tiers des patients. Cela pourrait expliquer que la diminution des événements ischémiques chez les patients sous prasugrel, comparativement aux patients sous clopidogrel, ait atteint le seuil de significativité statistique après seulement trois jours lors de l’essai TRITON-TIMI 38.

«Il est très rassurant de voir qu’une action antiplaquettaire plus marquée ciblant le récepteur P2Y<sub>12</sub> se traduise par une meilleure protection contre les événements thrombotiques», fait valoir le Dr Cannon. Le fait que la diminution de la mortalité ne s’accompagne pas d’une augmentation significative des hémorragies majeures «est vraiment un résultat digne de mention» et «pourrait témoigner de l’action réversible du ticagrelor». Les deux agents se sont révélés supérieurs au clopidogrel lors d’essais conduits rigoureusement et, en conséquence, nous disposons maintenant de nouvelles options pour le traitement d’un SCA.

Résumé

Deux essais d’envergure ont montré sans équivoque que même s’il est reconnu pour son efficacité chez les victimes d’un SCA, le clopidogrel est associé à une inhibition sous-optimale de l’activité plaquettaire. Chacun de ces essais a démontré que l’antiplaquettaire expérimental était plus puissant que le traitement de référence et qu’il réduisait significativement le risque d’événement thrombotique tout en étant associé à un taux acceptable d’hémorragies. La diminution de la mortalité observée dans l’un de ces essais (PLATO, sur le ticagrelor) montre de façon particulièrement éloquente qu’un antiplaquettaire plus puissant améliore grandement le ratio risque:bénéfice. Lorsqu’ils seront commercialisés, ces nouveaux antiplaquettaires établiront de nouvelles normes de traitement sans délai.

Nota : Au moment de la mise sous presse, le ticagrelor et le prasugrel n’étaient pas commercialisés au Canada.

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