Comptes rendus

Inhibition de la pompe à protons et activité antiplaquettaire : une question de voies métaboliques
Regard sur l’interaction entre l’activité antiplaquettaire des thiénopyridines et l’inhibition de la pompe à protons

L’utilisation restreinte d’un antagoniste du CCR5 en fonction du tropisme : une pratique à reconsidérer chez les patients déjà sous traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 7e Atelier européen sur la résistance aux médicaments contre le VIH

Stockholm, Suède / 25-27 mars 2009

Il est logique de s’attendre à ce que les antirétroviraux bloquant l’entrée du VIH dans la cellule cible par le corécepteur CCR5 (R5) soient moins efficaces lorsque le virus peut aussi pénétrer dans la cellule par le corécepteur CXCR4 (X4). Cependant, en présence de souches virales à tropisme double ou mixte, la diminution de l’efficacité s’est avérée relative plutôt qu’absolue. Lors des essais de phase III qui ont mené à la commercialisation du maraviroc, premier anti-CCR5 à avoir été homologué pour la pratique clinique, 45 % des patients chez qui on a ensuite décelé des souches virales à tropisme double ou mixte ont bénéficié d’une suppression virale complète (<50 copies de l’ARN du VIH/mL).

Un groupe de consensus européen citant ces données a conclu que l’exclusion d’un anti-CCR5 sur la foi de nouveaux tests plus sensibles décelant un tropisme X4 n’a peut-être pas sa raison d’être chez un patient dont les options de traitement sont toujours moins nombreuses. «Le groupe de travail estime que les recommandations ne devraient pas comporter de restrictions quant à l’utilisation d’un anti-CCR5 chez les patients ayant urgemment besoin d’une nouvelle classe», rapporte le Dr Linos Vandekerckhove, Centre de consultation pour le SIDA, Hôpital universitaire de Gand, Belgique. Ce dernier, qui dirige le groupe de consensus européen sur la prise en charge de l’analyse du tropisme, concède que le tropisme doit être analysé, principalement en raison de la corrélation entre la présence exclusive de virions à tropisme R5 et la suppression virale complète dans les essais d’homologation des anti-CCR5, mais la théorie voulant qu’un virus à tropisme double justifie l’exclusion des anti-CCR5 semble maintenant bien simpliste.

Corécepteurs R5 et X4

Le VIH infecte les cellules cibles en se fixant soit au corécepteur R5, soit au corécepteur X4. Au début de l’infection, la plupart des virions ont un tropisme R5, ce qui signifie qu’ils utilisent exclusivement le R5. Par contre, il est rare pendant cette période que l’on observe un tropisme X4 exclusif, de sorte que dans tous les autres cas, les deux corécepteurs peuvent être utilisés. Dans certains cas, on observe un tropisme mixte, ce qui veut dire que certains isolats utilisent le récepteur R5 et d’autres, les récepteur X4, mais la plupart ont un tropisme double, ce qui signifie que les isolats sont capables d’utiliser l’un ou l’autre récepteur. Cela dit, un virion à tropisme double n’utilise pas nécessairement le R5 et le X4 aussi efficacement l’un que l’autre.

«Parmi les principaux isolats des échantillons cliniques, les souches à tropisme double ou mixte sont majoritairement constitués d’une kyrielle d’espèces capables d’utiliser les deux types de corécepteurs (tropisme double) plutôt que d’une combinaison de virions R5 et de virions X4», explique la Dre Valentina Svicher, Département de médecine expérimentale, Université de Rome (Tor Vergata), Italie. Deux catégories de souches à tropisme double ont récemment été isolées. Elles utilisent soit le récepteur R5 plus efficacement que le récepteur X4, soit inversement le récepteur X4 plus efficacement que le récepteur R5. Parmi ces souches à tropisme double, celles qui privilégient le R5 semblent plus répandues, ce qui a d’importantes implications pour les anti-CCR5.

Activité des anti-CCR5 dans les infections à tropisme double ou mixte

Dans une étude expérimentale qu’elle dirigeait, la Dre Svicher a mis des isolats de VIH à tropisme double ou mixte en culture avec du maraviroc afin d’étudier son activité in vitro en présence de virions capables de se fixer au X4. Comme on l’avait déjà vu lors d’études de phase III qui avaient associé le maraviroc à une suppression virale complète dans près de la moitié des cas où des virions à tropisme double ou mixte avaient été isolés, «le maraviroc a totalement inhibé la réplication d’isolats à tropisme mixte R5/X4 où les virions à tropisme X4 étaient minoritaires. Aucun virion X4 n’a été observé dans sept co-cultures [que l’on a poursuivies] pendant deux mois», rapporte la Dre Svicher. Abondant dans le même sens que le comité européen responsable de la rédaction des recommandations consensuelles, la Dre Svicher a indiqué que ses résultats étayaient l’hypothèse voulant que «l’utilisation du maraviroc chez les patients infectés par un virus à tropisme double soit une option thérapeutique que l’on devrait explorer».

Il ne faut pas conclure pour autant qu’il est inutile d’évaluer le tropisme pour les récepteurs de chimiokines lorsqu’on amorce un traitement par un anti-CCR5, surtout chez les patients qui n’ont encore jamais été traités. Dans le cadre de l’essai de non-infériorité MERIT (Maraviroc vs. Efavirenz Regimens as Initial Therapy) lors duquel des patients infectés par le VIH ont reçu aléatoirement en première intention 300 mg de maraviroc 2 f.p.j. ou 600 mg d’éfavirenz 1 f.p.j. (en association, dans les deux cas, avec la zidovudine et la lamivudine dans une préparation combinée), l’anti-CCR5 s’est d’abord révélé légèrement moins efficace que l’éfavirenz sur le plan de la suppression totale de la charge virale (65,3 % vs 69,3 %, respectivement). Bien qu’on ait vérifié la présence de souches R5 chez tous les patients, le test utilisé initialement était relativement peu sensible aux virions X4. Selon l’analyse des résultats d’un test plus sensible, les patients qui présentaient de faibles taux de virions X4 non décelés par le premier test ont été exclus de l’analyse, mais les taux de suppression virale complète étaient alors exactement les mêmes (68 %). Malgré la suppression virale comparable, le maraviroc s’est tout de même révélé plus efficace sur le plan de la reconstitution immunitaire (+170 cellules/mm3 vs +144 cellules/mm3).

Les taux de réponse associés au maraviroc semblent optimaux chez les patients infectés par des souches R5 mais, là encore, la présence d’un tropisme double n’exclut pas un bénéfice. Dans le cadre des essais MOTIVATE (Maraviroc vs. Optimized Therapy In Viremic Antiretroviral Treatment-Experienced Patients) lors desquels des patients au lourd passé thérapeutique ont reçu aléatoirement du maraviroc (150 mg 1 f.p.j. ou 150 mg 2 f.p.j.) ou un placebo (tous les patients recevaient un traitement de fond optimisé [TFO]), près de 10 % des participants présentaient des virions à tropisme double ou mixte au départ. Parmi ces patients, la suppression virale complète a été obtenue et maintenue chez 30 % de ceux du groupe maraviroc 1 f.p.j. vs 18 % des témoins. Selon une ré-analyse récente des données, les taux de succès ont peut-être été encore plus élevés chez les patients dont le TFO comportait au moins deux agents vraiment actifs.

Tests génotypiques

«Après 48 semaines, l’association d’au moins deux agents actifs avec le maraviroc 2 f.p.j. s’est traduite par l’obtention d’une charge virale <50 copies/mL chez 78 % [des patients]», souligne le Dr Charles Boucher, Université d’Utrecht, Pays-Bas. Bien que son analyse reposant sur un score pondéré de sensibilité génotypique au TFO n’ait pas pris le tropisme en compte au départ, le tropisme a été évalué en fin d’étude. Les chercheurs ont démontré que l’évolution du tropisme menant à l’échec virologique dépendait largement de la puissance du TFO. C’est donc dire que l’association d’un anti-R5 efficace et d’autres agents actifs réduit le risque d’un changement de tropisme.

À l’heure actuelle, le test Trofile est le plus efficace que nous ayons parmi ceux qui sont approuvés. Bien qu’il soit très sensible, un délai d’exécution plus court serait avantageux. Plusieurs méthodes de génotypage reposant sur la caractérisation de la boucle V3 de la glycoprotéine d’enveloppe (gp120) sont à l’étape des essais cliniques et pourraient être plus pratiques pour certaines applications. Les tests génotypiques de tropisme sont intéressants du fait qu’ils sont plutôt bon marché et qu’ils peuvent être réalisés par les laboratoires qui font déjà les tests génotypiques de pharmacorésistance, ce qui devrait accélérer l’obtention des résultats. Dans une étude où l’on a eu recours à un test génotypique de la boucle V3 de la gp120 chez 45 patients déjà évalués à l’aide du test Trofile à sensibilité accrue (Trofile ES), les résultats ont été considérés comme prometteurs.

Compte tenu du fait qu’il se comparait favorablement au test Trofile ES pour plusieurs paramètres, le test de la boucle V3 de la gp120 «pourrait s’appliquer au génotypage du tropisme dans les cas où la charge virale est faible et non évaluable par le test Trofile, où le test Trofile donne des résultats négatifs et où l’on souhaite suivre les patients infectés par un virus R5 qui reçoivent un anti-CCR5», affirme la Dre Andrea DeLuca, Université catholique, Rome. Elle fait remarquer que des tests plus rapides et moins coûteux pour l’évaluation du tropisme R5 accéléreraient probablement le recours aux anti-CCR5, lesquels présentent un profil d’innocuité favorable et risquent peu de générer une résistance aux autres antirétroviraux.

Résumé

Les inhibiteurs de l’entrée – qui représentent une percée dans l’évolution du traitement antirétroviral –empêchent le virus d’entrer dans les cellules cibles, bloquant ainsi la reproduction des virions responsable des mutations et de la pharmacorésistance. Dans la pratique, ces agents sont très efficaces, que le patient soit déjà sous traitement ou non. Bien que les anti-CCR5 soient les agents les plus efficaces en cas d’infection par une souche R5, les données sur le maraviroc semblent indiquer que cet agent peut encore procurer une suppression virale complète (<50 copies/mL), même en présence d’un virus à tropisme double R5/X4. Il s’agit là d’une observation potentiellement importante pour la prise en charge de patients déjà sous traitement dont les options sont de moins en moins nombreuses.

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