Comptes rendus

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Lutte contre les infections : stratégies d’optimisation actuelles et futures permettant de garder la mainmise sur l’émergence de souches résistantes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 53e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

Denver, Colorado / 10-13 septembre 2013

Denver - Il n’a jamais été si difficile d’éviter l’émergence de souches résistantes dans la prise en charge d’infections aiguës et chroniques. Depuis quelques décennies, on observe une augmentation remarquable de la résistance aux antibiotiques actuels. Dès que de nouveaux antibiotiques voient le jour, nombre de microorganismes développent des mécanismes pour échapper à leurs effets bactéricides, rendant parfois inefficaces des classes entières d’antibiotiques pour un nombre croissant d’infections par des microorganismes multirésistants. Le maintien d’un microbiote intestinal sain ou son rétablissement au décours d’une antibiothérapie qui l’aura profondément perturbé pourraient figurer parmi les stratégies innovantes nous permettant de maintenir l’efficacité des antimicrobiens actuels et futurs. Les associations intelligentes d’antibiotiques exerçant un effet synergique contre des microorganismes autrement résistants constituent une autre stratégie. Le recours plus fréquent aux épreuves de sensibilité pourrait aussi nous aider à cerner les agents potentiellement inefficaces contre des microorganismes résistants dans un contexte de forte charge bactérienne. 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Des experts présents au congrès s’entendaient pour dire que la maîtrise durable des infections devait passer par des stratégies innovantes ayant pour objectif de préserver l’efficacité des antimicrobiens actuels et futurs. L’«entretien» du microbiome est probablement la plus radicale de ces stratégies. «Chaque fois qu’un patient prend un antibiotique, le microbiote du côlon s’en trouve profondément perturbé», affirme le Dr Cliff McDonald, chef de la division Prévention et réponse, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Géorgie. Le corps médical s’est trop longtemps contenté de combattre la pression sélective qu’exercent les antibiotiques au sein de chaque espèce microbienne, ajoute-t-il.

Maintenant que l’on comprend mieux comment les microorganismes – en particulier, les microorganismes multirésistants comme C. difficile – colonisent le microbiome humain et se multiplient au point d’arriver à le dominer, on doit s’éloigner de la stratégie de la «terre microbienne brûlée» actuellement pratiquée en médecine pour se concentrer sur la récupération d’un microbiome à son état naturel sain et non perturbé. On pense ainsi faire obstacle à la pression des antibiotiques sur le microbiome, peut-être la plus grande cause d’acquisition d’une résistance aux antibiotiques de nos jours, estime le Dr McDonald. Dans le cadre de l’une des premières tentatives thérapeutiques de rétablissement du microbiome, Alan Walker, chercheur, Wellcome Trust Sanger Institute, Cambridge, Royaume-Uni, et ses collaborateurs ont sélectionné six souches distinctes à partir de cultures de nombreux isolats provenant des fèces de souris donneuses. L’administration de cet «élixir magique» dans un modèle murin d’infection à C. difficile a permis d’arrêter la propagation et de guérir l’infection.

«Nous pensons que ces six souches font pencher la balance contre C. difficile, explique M. Walker. L’utilisation d’un petit nombre d’anaérobies de culture a le même effet qu’une transplantation fécale en bonne et due forme et permet au microbiome de se rétablir et de revenir en force. C’est une découverte très prometteuse qui ouvre plein de portes.»

Multirésistance

Le recours aux associations d’antibiotiques exerçant un effet bactéricide synergique est une autre stratégie qui pourrait aider à combattre le phénomène de multirésistance. Dans le cadre d’une étude où ils utilisaient des inoculums de grande taille, Catherine Bulik, PharmD, Institute for Clinical Pharmacodynamics, Latham, New York, et ses collaborateurs ont évalué le potentiel synergique de la daptomycine, premier lipopeptide à être approuvé pour le traitement d’infections par des microorganismes à Gram positif, y compris des espèces hautement résistantes comme le S. aureus résistant à la méthicilline (SARM), et de la nafcilline, bêta-lactamine antistaphylococcique. Comme elle l’a souligné, la monothérapie par l’un ou l’autre agent ne s’est révélée efficace contre aucun des isolats de S. aureus sensible à la daptomycine (SASD) ou de S. aureus non sensible à la daptomycine (SANSD) dans une étude de 48 heures où ils évaluaient leur effet bactéricide sur un inoculum de grande taille.

«Il ne faut pas en déduire que la daptomycine ne tue pas les isolats de SASD», affirmait dans une interview le chercheur principal, Anthony Nicasio, PharmD, professeur adjoint d’infectiologie, Albany College of Pharmacy and Health Sciences, Albany, New York. «C’est juste qu’il faut obtenir 4 à 6 fois la CMI  pour que la daptocmyne soit bactéricide lorsqu’elle administrée seule [dans une étude à fort inoculum].» Dans une étude à petit inoculum, cet agent exerce une activité bactéricide à environ 2 fois sa CMI vis-à-vis de l’isolat, poursuit-il.

Ce phénomène semble demeurer vrai dans les études à fort inoculum pour autant qu’une bêta-lactamine soit ajoutée au lipopeptide. Comme l’ont fait valoir les chercheurs, il a été démontré que l’association de la nafcilline à très faible concentration – de 0,25 à 0,5 fois sa CMI – et du lipopeptide à 2 fois sa CMI exerçait un effet synergique contre les isolats de SASD. Contre les isolats de SANSD, l’association nafcilline-lipopeptide a donné lieu à une diminution synergique de la charge bactérienne pour autant que la daptomycine ait été présente à une concentration de 2 fois sa CMI contre les isolats de SANSD.

«L’association est plus efficace contre les souches de SANSD que contre celles de SASD, ce qui veut dire que la nafcilline contribue à l’activité de la daptomycine en présence de souches de SANSD», insiste M. Nicasio. La même équipe de chercheurs a également démontré que l’association d’une bêta-lactamine et du lipopeptide pouvait être très active contre les infections à SANSD. Dans une étude de bactéricidie de 24 heures, encore là sur un inoculum initial de grande taille, les chercheurs ont observé que l’association du lipopeptide et de la ceftriaxone exerçait un effet synergique contre six isolats de SANSD et deux isolats de SASD lorsque la ceftriaxone était administrée de manière à obtenir 1 ou 4 fois sa CMI et la daptomycine, 4 fois sa CMI vis-à-vis de ces isolats.

«Nous devons faire plus de tests, fait remarquer M. Nicasio. Par contre, si d’autres modèles génèrent des résultats semblables aux nôtres, peut-être devrons-nous conclure que ces associations sont efficaces contre les infections à fort inoculum comme les endocardites infectieuses.» Dans une étude distincte menée au Royaume-Uni, Betts et ses collaborateurs ont évalué l’activité de la tigécycline, un antibiotique relativement récent, en association avec la colistine, un antibiotique bien établi, contre diverses entérobactériacées productrices de carbapénémases. Des analyses reposant sur des protocoles de laboratoire standard ont révélé que l’association de ces antibiotiques exerçait une activité bactéricide au moins équivalente, sinon supérieure, comparativement à l’un ou l’autre agent administré seul, contre plus de 80 % des souches bactériennes testées.

Comme le soulignent les chercheurs, les associations synergiques des deux antibiotiques pourraient accroître la durée de vie de chaque antibiotique et permettre de diminuer à la fois la dose requise et le risque de toxicité des deux agents.

Forte charge bactérienne

La vancomycine demeure le principal agent utilisé pour le traitement des infections graves, y compris les infections à SARM. Lors d’une étude qui visait à déterminer dans quelle mesure elle bloquait efficacement la croissance des cellules les moins sensibles au sein d’une population bactérienne de forte densité (≥109 UFC), le Dr Joseph Blondeau, chef par intérim du Laboratoire de pathologie et de médecine de laboratoire, et chef de la microbiologie clinique, University of Saskatchewan, Saskatoon, et ses collaborateurs ont constaté avec «inquiétude» que même de très fortes concentrations de vancomycine pouvaient demeurer inefficaces en pareil cas. Dans cette étude, 25 isolats sanguins contemporains de SARM ont été testés. Comme le soulignent les chercheurs, la CMI ne permet pas de déceler les sous-populations résistantes au sein d’une population de forte densité.

Ils ont donc mesuré également les concentrations prévenant les mutations (CPM) afin de capter la présence de sous-populations résistantes de sensibilité moindre à la vancomycine dans un inoculum bactérien de grande taille. Les résultats ont montré que les 25 souches de SARM étaient associées à une forte CMI de vancomycine de 0,5 µg/mL et que cette valeur était reproductible lorsque les analyses étaient répétées, mais qu’elles étaient associées à une CPM ≥16 µg/mL. C’est donc dire qu’en présence d’une charge élevée de SARM, l’infection résisterait probablement à de fortes concentrations de vancomycine.

«Nous savons par exemple que dès que l’on franchit le cap de 107 cellules bactériennes, il devient plus probable que des cellules résistantes apparaissent spontanément; ainsi, chez des patients atteints de pneumonie, par exemple, l’apparition de souches résistantes est probable, explique le Dr Blondeau. Nous pensons que nos observations pourraient avoir un impact clinique important, car si nous avons recours à la vancomycine pour traiter une infection à forte charge bactérienne, elle ne semble pas en mesure d’éliminer la population entière.»

Résumé

Les antibiotiques sauvent d’innombrables vies depuis qu’ils ont vu le jour il y a plusieurs décennies et constituent à ce titre une précieuse ressource. Le bon usage des antimicrobiens a trop longtemps été axé sur la prévention de l’émergence des souches résistantes; or, à partir du moment où des souches résistantes apparaissent, il est extrêmement difficile d’en prévenir la transmission. De nouvelles stratégies, y compris le maintien d’un microbiome humain sain ainsi que le recours aux traitements d’association et aux épreuves de sensibilité, offrent autant de réelles possibilités d’amélioration dans la lutte contre les infections, et tous les efforts en ce sens à l’échelle nationale ou internationale sont dignes de mention.  

 



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