Comptes rendus

Enjeux cliniques de la prise en charge de l'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST
Colite ulcéreuse légère à modérée : cicatrisation soutenue de la muqueuse à l’endoscopie

Maintenir la rémission sans alourdir le fardeau du traitement : l’arsenal thérapeutique s’élargit

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 15e Congrès de la Fédération européenne de gastroentérologie (UEGW)

Paris, France / 27-31 octobre 2007

Commentaire éditorial :

Brian G. Feagan, MD, FRCPC

Jadis réservés au traitement des maladies inflammatoires de l’intestin réfractaires aux autres options, les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha ou anti-TNFa sont maintenant envisagés plus tôt dans le traitement des formes légères à modérées de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse sur la foi de données montrant qu’ils diminuent la morbidité à long terme, en particulier la nécessité d’interventions chirurgicales. Si le moment idéal pour amorcer le traitement par un anti-TNFa demeure controversé, l’arrivée de nouveaux agents permet de mieux saisir en quoi les différences de structure et leur activité moléculaire relative influent sur leurs effets antiinflammatoires. Certes, les effets cliniques des anti-TNFa n’ont encore jamais été comparés directement dans le cadre d’une étude d’envergure, mais il ressort de certaines données que l’absence de réponse à un agent n’exclut pas la possibilité d’une réponse à un autre agent. Les anti-TNFa en développement jetteront sans doute un éclairage nouveau sur l’importance des caractéristiques uniques de ces agents et viendront élargir le nombre d’options au sein de cette classe d’agents puissants.

Analyse des données de PRECiSE

Anti-TNFa humanisé pégylé, le certolizumab pegol est le dernier-né de cette classe à avoir fait l’objet d’études de phase III dans le traitement de la maladie de Crohn. Lors de l’étude pivot avec placebo sur le traitement d’entretien intitulé PRECiSE 2 (Pegylated Antibody Fragment Evaluation in Crohn’s Disease: Safety and Efficacy), la réponse – qui se définissait comme une réduction de =100 points selon l’indice d’activité de la maladie de Crohn (CDAI) – se maintenait après 26 semaines de traitement chez 63 % des sujets sous traitement actif vs 36 % des sujets sous placebo (p<0,001) (Schreiber et al. N Engl J Med 2007;357:239-50). L’ampleur de cette réponse s’apparente à ce que l’on a observé lors d’études de phase III sur deux autres anti-TNFa, l’infliximab et l’adalimumab.

Les plus récentes données du programme PRECiSE viennent étayer l’activité du certolizumab pegol au-delà de 26 semaines. Les patients qui terminaient l’essai PRECiSE 2 étaient admis à l’essai PRECiSE 3, dans le cadre duquel le certolizumab pegol à 400 mg était administré en mode ouvert toutes les quatre semaines pendant un maximum de cinq ans. Les sujets de PRECiSE 2 qui rechutaient – la rechute se définissant comme une augmentation de =70 points du score CDAI ou un score CDAI absolu de =350 points – étaient admis à l’essai PRECiSE 4 et recevaient alors un traitement de ré-induction par le certolizumab pegol à 400 mg qui consistait en l’administration de trois doses les semaines 0, 2 et 4, puis d’une dose d’entretien aux quatre semaines. Les témoins sous placebo de PRECiSE 2 qui rechutaient pendant le traitement d’entretien recevaient une dose unique de certolizumab dans le cadre de PRECiSE 4. L’objectif de chacun de ces suivis était d’évaluer l’innocuité et l’efficacité à long terme d’après l’indice HBI (Harvey-Bradshaw Index).

Au terme des 26 semaines de l’essai PRECiSE 2, 48, 4 % des patients sous certolizumab étaient en rémission selon l’indice HBI. Au terme des 12 mois de l’essai PRECiSE 3, le pourcentage de patients en rémission selon le même indice était de 41,9 %, et après 18 mois, il était de 37,2 %. Lors de l’essai PRECiSE 4, 29 % de ceux qui avaient bénéficié d’un traitement de ré-induction en trois doses sont parvenus à la rémission même s’ils avaient rechuté sous certolizumab durant l’essai PRECiSE 2. Le taux de rémission après 12 mois, le jalon temporel le plus récent à ce jour, se chiffrait à 35 %. Chez les témoins sous placebo qui ont reçu une dose unique de certolizumab dans l’essai PRECiSE 4, le taux de rémission – qui était initialement de 44 % – se chiffrait toujours à 44 % après six mois de suivi, mais est ensuite passé à 36 % après 12 mois.

Prolongation du traitement sans augmentation de la dose

Ces données semblent différer de l’expérience acquise avec l’infliximab lors de l’essai ACCENT (A Crohn’s Disease Clinical Trial Evaluating Infliximab in a New Long-term Treatment Regimen) (Lancet 2002; 359[9317]:1541-9) et avec l’adalimumab lors de l’essai CHARM (Crohn’s Trial of the Fully Human Antibody Adalimumab for Remission Maintenance) (Gastroenterology 2007;132[1]:52-65). Lors de ces deux essais, on devait doubler la dose pour induire une nouvelle réponse après un échec du traitement initial, alors que la ré-induction par le certolizumab pegol lors de l’essai PRECiSE 4 a donné lieu à des réponses soutenues sans augmentation de la dose.

La prolongation du traitement par le certolizumab pegol n’a soulevé aucune nouvelle inquiétude sur le plan de l’innocuité. Comme on l’a observé avec d’autres anti- TNFa, les ef fets indésirables signalés le plus souvent étaient des troubles digestifs et un risque accru de maladies infectieuses. De l’avis des chercheurs, aucun effet indésirable grave n’a été causé par le médicament à l’étude. Bien qu’un patient soit mort d’une infection à Pneumocystis carinii lors de l’essai PRECiSE 4, le décès est survenu 12 semaines après la dernière dose de certolizumab pegol, et aucun lien causal n’a pu être établi entre la mort et le traitement.

Induction d’une rémission chez les non-répondeurs

Ces résultats étayent l’efficacité à long terme et l’innocuité du certolizumab pegol, mais les caractéristiques uniques des agents de cette classe donnent à penser que ceux-ci ne sont peut-être pas interchangeables. Par exemple, du fait qu’il est pégylé, le certolizumab pegol est éliminé plus lentement et possède une demi-vie plus longue. En outre, il ne comporte pas de région Fc. Contrairement à d’autres anti-TNFa, il n’a pas induit d’activation du complément, de cytotoxicité dépendante de l’anticorps ni d’apoptose lors d’études mécanistes. Il ressort d’études in vitro qu’il est doté d’une grande affinité pour le TNFa par comparaison aux autres anti-TNFa. Comme l’adalimumab, mais contrairement à l’infliximab, le certolizumab est administré par voie sous-cutanée, ce qui élimine le risque de réactions à la perfusion immédiates ou retardées. L’impact clinique éventuel de ces caractéristiques distinctives du certolizumab, par comparaison aux autres anti-TNFa, devrait bien sûr être évalué dans le cadre d’un essai randomisé, mais certaines données, y compris celles qui ont été présentées au Congrès de la Fédération européenne de gastro- entérologie (UEGW), montrent déjà que l’absence de réponse à un agent n’exclut pas la possibilité d’une réponse à un autre agent malgré leur cible moléculaire commune.

Une étude menée conjointement par des établissements en France et en Belgique a fait l’objet de présentations à ce congrès sur l’utilisation d’un anti-TNFa en deuxième et en troisième intention. L’étude n’était ni comparative ni systématique, et portait sur la réponse de seulement 49 patients atteints de la maladie de Crohn, mais elle a montré de façon préliminaire qu’un troisième agent pouvait induire une rémission même chez les patients qui n’avaient pas répondu au préalable à l’infliximab ou à l’adalimumab. La maladie de Crohn remontait à six ans (médiane), et 37 % des sujets étaient de sexe féminin. L’iléon et le côlon étaient atteints chez environ 75 % des patients, et un peu plus de la moitié présentaient des lésions anales. Quarante pour cent des patients avaient déjà subi une résection chirurgicale. Tous les patients avaient déjà reçu de l’azathioprine, et les deux tiers avaient déjà reçu du méthotrexate. Près de 60 % des patients ont d’abord reçu de l’infliximab pour ensuite passer à l’adalimumab et au certolizumab pegol. La plupart des autres patients ont reçu de l’adalimumab d’abord, puis de l’infliximab et enfin, du certolizumab pegol. Seulement 4 % des patients ont reçu du certolizumab pegol en premier lieu.

Sous l’effet du troisième anti-TNFa, l’indice HBI a baissé de >3 points chez 55 % des patients en six semaines. Lorsque les chercheurs ont évalué la réponse en tenant compte de la raison de l’échec de l’agent prescrit en deuxième intention, ils ont noté une réponse chez 66 % de ceux qui avaient connu un échec d’emblée, chez 53 % de ceux chez qui l’agent était devenu inefficace et chez 43 % de ceux qui y étaient devenus intolérants. Ces résultats concordent avec les résultats d’études antérieures comme GAIN (Gauging Adalimumab Efficacy in Infliximab Nonresponders), qui a révélé qu’un deuxième anti-TNFa pouvait être efficace après l’échec d’un premier anti- TNFa (Ann Intern Med 2007;146:829-38).

Augmentation du nombre de jours productifs

De nouvelles données du programme d’essais PRECiSE ont confirmé l’amélioration de la qualité de vie et de la productivité au travail que des études antérieures sur d’autres anti-TNFa avaient objectivée. Par exemple, l’analyse de la productivité au travail et du niveau d’activité quotidienne a révélé que la productivité au travail augmentait à tous les jalons temporels chez les patients qui recevaient un anti-TNFa, par rapport à ceux qui recevaient un placebo. Si les données étaient calculées en jours de travail gagnés, on obtenait une demi-journée pleinement productive de plus par semaine dans le groupe certolizumab pegol, avantage qui a atteint le seuil de signification statistique et qui concordait avec l’amélioration considérable de la qualité de vie.

Résumé

L’ajout d’un nouvel anti-TNFa aux options de traitement dans la maladie de Crohn est une avancée importante. Chez les répondeurs, cette classe thérapeutique a transformé la vie de patients dont la réponse aux autres agents avait été médiocre. L’introduction d’un nouvel agent pourrait augmenter le nombre de patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin qui parviennent à la rémission. Bien qu’ils aient une cible commune, ces agents ne semblent pas interchangeables.

Un troisième anti-TNFa, le certolizumab pegol, affiche un profil d’efficacité et d’innocuité qui semble au moins comparable à celui des deux agents de la même classe déjà sur le marché. Certes, des études comparatives s’imposent pour que l’on puisse comparer les attributs relatifs des anti-TNFa, mais ces médicaments se distinguent effectivement par des caractéristiques uniques. Le simple fait qu’un patient puisse répondre à un nouvel agent après un échec vient étayer cette théorie. Les essais PRECiSE viennent de générer de nouvelles données qui confirment la rémission à long terme de la maladie de Crohn sous l’effet du certolizumab pegol et la possibilité d’une nouvelle réponse chez une proportion substantielle de patients grâce à un schéma de ré-induction.?

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