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Maladie cardiovasculaire stable : l’augmentation des HDL devrait compléter la baisse des LDL à en juger par une étude avec critère de substitution

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Les 82es Séances scientifiques de l’American Heart Association

Orlando, Floride / 14-18 novembre 2009

ARBITER 6-HALTS en perspective

Axé sur un critère de substitution, l’essai ARBITER 6-HALTS (Arterial Biology for the Investigation of the Treatment Effects of Reducing Cholesterol) (HDL and LDL Treatment Strategies in Atherosclerosis) a montré que l’élévation des HDL pouvait empêcher l’athérosclérose de progresser en présence d’une maladie cardiovasculaire (CV) stable et d’un taux de LDL déjà bien maîtrisé. Cet essai visait à comparer l’élévation des HDL par la niacine avec la baisse supplémentaire des LDL par l’ézétimibe. La stratégie d’élévation des HDL a été efficace à en juger par l’effet sur l’épaisseur intima-média carotidienne (EIMC), mais le taux médian de LDL était déjà de 2,2 mmol/L au départ. Tout porte à croire qu’il serait important, une fois le taux de LDL abaissé, de majorer le taux de HDL pour maîtriser l’athérosclérose, mais cela ne change en rien l’importance d’atteindre le taux cible de LDL, avec l’ézétimibe ou un autre agent. De nombreux participants craignaient que ces résultats aient été mal interprétés.

«Cet essai montre une fois de plus que l’ajout de la niacine à une statine est bénéfique, mais il ne nous apprend rien sur l’ézétimibe», enchaîne le Dr Lawrence Leiter, Division de l’endocrinologie et du métabolisme, St. Michael’s Hospital, University of Toronto, Ontario. «Il ne devrait pas modifier les stratégies actuelles qui consistent à abaisser les LDL pour prévenir les maladies CV. Les patients qui n’atteignent pas leur taux cible de LDL à l’aide d’une statine à la dose maximale tolérée devraient recevoir un deuxième agent comme l’ézétimibe.»

Contexte de l’essai

Lors de l’essai ARBITER 6-HALTS, simultanément publié en ligne et présenté au congrès, 363 patients coronariens stables ayant un taux médian de LDL de 2,2 mmol/L ont reçu aléatoirement de la niacine à libération prolongée (dose cible de 2000 mg/jour) ou de l’ézétimibe à 10 mg/jour (Taylor et al. N Engl J Med 2009;361[21]:1-10). Le paramètre principal était la variation de l’EIMC moyenne par rapport à la valeur initiale après 14 mois. L’essai visait à déterminer, en présence d’un taux de LDL déjà bien maîtrisé, laquelle de deux stratégies – élévation des HDL ou baisse supplémentaire des LDL – était la plus efficace pour prévenir la progression de l’athérosclérose à en juger par l’effet sur l’EIMC.

À l’analyse partielle (14 mois de suivi chez 208 des 363 patients), le comité indépendant de surveillance des essais a recommandé de mettre fin à l’étude en raison d’un écart significatif entre les deux groupes. Le protocole ne prévoyait aucune borne pour mettre fin à l’étude et il n’y avait aucun problème d’innocuité, mais l’hypothèse – à savoir qu’il est plus bénéfique d’augmenter les HDL que d’abaisser davantage les LDL – était déjà confirmée, explique l’auteur principal, le Dr Allen J. Taylor, Medstar Research Institute, Washington Hospital Center, Washington, DC. La comparaison des deux groupes à ce stade a objectivé une baisse statistiquement très significative de l’EIMC moyenne (p=0,003) et maximale (p=0,001) par rapport à l’EIMC initiale dans le groupe niacine. Aucune augmentation ou diminution significative n’a été signalée dans le groupe ézétimibe.

Plusieurs chercheurs, dont le Dr John J.P. Kastelein, Département de médecine vasculaire, Centre médical universitaire, Amsterdam, Pays-Bas, ont vertement critiqué l’arrêt prématuré de l’essai, surtout en l’absence de problèmes d’innocuité. Même s’il estime que l’essai a été bien conduit, il affirme que, pour de multiples raisons d’ordre statistique, on doit se méfier des études arrêtées prématurément. Par ailleurs, si cet essai a prouvé l’effet bénéfique d’une élévation des HDL sur l’EIMC, on ne peut pas en dire autant de la baisse des LDL. La niacine a augmenté le taux de HDL de 18,4 % tandis que l’ézétimibe a abaissé le taux de LDL de 19,2 %, mais le taux de LDL a aussi baissé de 17,6 % dans le groupe niacine alors que l’ézétimibe n’a eu aucun effet significatif sur les HDL. Après 14 mois, les taux de LDL ne différaient pas significativement entre les deux groupes. Et il n’y avait pas de groupe placebo.

Atteindre le taux de LDL, un impératif

On a lu dans les médias que les résultats d’ARBITER 6-HALTS remettaient en question l’utilité de l’ézétimibe pour abaisser les LDL. Or, plusieurs experts y ont tout de suite vu une interprétation fondamentalement erronée. Quelques spécialistes du Canada se sont penchés sur l’intérêt clinique éventuel de l’effet bénéfique de la niacine sur l’EIMC, mais la plupart insistent pour dire que l’essai ne change en rien l’importance de la baisse des LDL, dont le taux ne différait pas d’un groupe à l’autre. Comme l’explique le Dr Jean Grégoire, Département de médecine, Institut de cardiologie de Montréal, Québec, cet essai ne reposait pas sur des critères cliniques, et ses résultats ne modifient en rien l’hypothèse du bénéfice associé à la baisse des LDL ni la nécessité d’atteindre les cibles actuelles.

«Dans les lignes directrices [canadiennes] publiées il y a quelques semaines, on recommande un faible taux de LDL, note le Dr Grégoire. Un grand nombre de nos patients sous statine ne parviennent pas à la valeur-seuil thérapeutique. N’oublions pas que le taux de LDL est la cible principale. Vu la nécessité [d’un faible taux], je vois l’ézétimibe comme un outil clé de notre arsenal thérapeutique pour atteindre les taux cibles.»

Le porte-parole officiel de l’AHA, le Dr Robert Eckel, professeur titulaire de médecine, University of Colorado, Denver, est du même avis. L’essai ARBITER 6-HALTS évalue rigoureusement l’effet de la niacine sur l’EIMC, reconnaît-il, mais les taux de LDL actuellement recommandés n’en sont pas modifiés pour autant, pas plus que ne le sont les stratégies pour aider les patients à atteindre les taux cibles. «Je ne vois aucune raison de craindre l’utilisation de l’ézétimibe pour abaisser davantage le taux de LDL», poursuit le Dr Eckel.

Retombées cliniques

L’étude montre clairement que l’augmentation du taux de HDL sous niacine confère une protection supérieure contre la progression de l’athérosclérose, protection qui a été objectivée par le recul de l’EIMC. Cette conclusion fait l’unanimité. Par contre, si plusieurs experts, dont le Dr Grégoire, décrivent l’EIMC comme un critère de substitution fascinant qui facilite notre compréhension de la physiopathologie de l’athérosclérose, ils ne croient pas qu’elle puisse redéfinir la pratique clinique. Les études qui ont associé le traitement à un bénéfice clinique n’ont pas toutes fait la preuve d’une protection contre l’athérosclérose objectivée par un recul de l’EIMC. La réduction du risque d’événement repose probablement sur de multiples mécanismes, dont la stabilisation des plaques pour prévenir les ruptures qui génèrent les thrombi. «Il est intéressant d’utiliser l’EIM [pour explorer les mécanismes], mais ce paramètre est loin d’être aussi utile que l’étude des événements. Je doute que l’on puisse prédire les résultats cliniques d’un essai axé sur les événements à partir des variations de l’EIM», ajoute-t-il.

Abondant dans ce sens, le Dr Leiter a cité des études où la rosiglitazone et les œstrogènes avaient été associés à un recul de l’EIMC alors qu’ils ont ensuite été associés à un risque CV accru. Au contraire, le bénéfice associé à la baisse des LDL est très constant, tant pour les statines que pour d’autres hypolipidémiants. Le Dr Leiter a cité une méta-analyse sur des hypolipidémiants autres que des statines selon laquelle la baisse des LDL était systématiquement corrélée avec un recul des événements CV, peu importe l’agent utilisé. «L’essai ARBITER est intéressant, mais il ne dit rien sur l’ézétimibe», fait valoir le Dr Leiter, précisant que la présence d’un groupe placebo aurait pu associer l’ézétimibe à une protection contre la progression de l’athérosclérose. L’évaluation d’une stratégie requiert toujours une étude avec paramètres cliniques, mais l’hypothèse des LDL demeure solide, comme le prouvent les résultats systématiques d’un grand nombre d’études multinationales depuis 15 ans.

En pratique, l’un des obstacles à l’utilisation de la niacine pour majorer le taux de HDL est la tolérabilité, comme l’a confirmé l’essai ARBITER 6-HALTS. Dans le groupe niacine, au moins 25 % des patients n’ont pu recevoir la dose cible, et 15 % ont abandonné l’étude vs 9 % des sujets sous ézétimibe. Dans cette étude et d’autres également, le problème principal était les bouffées de chaleur, même s’il s’agissait de niacine à libération prolongée. Parmi les patients ayant poursuivi l’étude, l’écart entre les groupes quant au taux d’adhésion – en faveur de l’ézétimibe – était très significatif (95 % vs 88 %; p<0,001).

Résumé

Lors d’un essai regroupant 208 patients coronariens sous statine dont le taux de LDL était déjà assez faible, l’élévation des HDL associée à l’ajout de la niacine a permis de faire régresser l’athérosclérose à en juger par l’effet sur l’EIMC, contrairement à la baisse supplémentaire des LDL associée à l’ajout de l’ézétimibe (bien qu’aucune progression n’ait été objectivée). Ce résultat étaye l’utilité de s’intéresser aux HDL une fois les LDL maîtrisées, mais ne remet pas en question l’importance d’atteindre les taux cibles de LDL à l’aide d’un traitement approprié, notamment l’ézétimibe. Pour confirmer l’hypothèse voulant que l’élévation des HDL protège le patient contre des événements cliniques, ce que cette étude donne à penser, des essais cliniques s’imposent.

Nota : La présente publication découle de la communication Late-breaking Clinical Trials II présentée lors des 82es Séances scientifiques de l’American Heart Association le lundi 16 novembre 2009, à l’Orange County Convention Center, à Orlando, en Floride, dans le salon West Hall D2, à 11 h 07.

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