Comptes rendus

Maladie cardiovasculaire stable : l’augmentation des HDL devrait compléter la baisse des LDL à en juger par une étude avec critère de substitution

Prise en charge holistique de l’infection à VIH et des facteurs de comorbidité : un continuum thérapeutique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 12e Conférence européenne sur le SIDA

Cologne, Allemagne / 11-14 novembre 2009

La prise en charge holistique de l’infection à VIH gagne du terrain depuis plusieurs années, le lien entre l’infection à VIH et l’accélération des processus morbides étant de mieux en mieux étayé. Même si on sait depuis le début de l’épidémie qu’une hépatite B ou C concomitante annonce un risque d’insuffisance hépatique, l’augmentation de l’incidence des maladies cardiovasculaires (CV) – rapidement devenue notoire, surtout chez les patients sous inhibiteur de la protéase (IP) – annonçait déjà la nécessité d’une prise en charge globale du patient infecté par le VIH. De l’avis des experts, la prise en charge holistique doit reposer sur l’évaluation initiale et subséquente des facteurs de risque CV, de la cognition, de la fonction rénale et, depuis peu, de l’ostéoporose.

Augmentation du taux d’ostéopénie

Lors d’une étude récente qui regroupait 892 patients infectés par le VIH dont l’âge moyen était d’environ 45 ans, les taux élevés d’ostéopénie et d’ostéoporose chez les hommes ont attiré l’attention. Selon les critères actuels, 43,5 % étaient ostéopéniques et 7,9 %, ostéoporotiques, précise l’auteure principale, Murielle Mary-Krause, Ph.D., Université de Paris, France. Dans la population générale, pareil taux d’ostéopénie serait enregistré vers l’âge de 70 ans.

Dans cette étude, le faible taux de cellules CD4+ était un facteur de risque de perte de densité minérale osseuse (DMO), mais la virémie était inférieure au seuil de détection chez 77 % des patients. L’avancement en âge a été associé à un risque croissant de perte de DMO, ce qui n’a rien d’étonnant, mais les chercheurs ont aussi vu un lien entre l’ostéopénie rachidienne et l’exposition cumulative aux IP. Le taux élevé d’exposition au ténofovir (TDF), inhibiteur nucléotidique de la transcriptase inverse, les a aussi interpellés. «Les deux premières années d’exposition cumulée au TDF, les risques d’ostéopénie et d’ostéoporose du rachis et d’ostéoporose de la hanche ont augmenté au point de quadrupler», ajoute la Dre Mary-Krause.

Lien avec la fonction rénale

Cette exposition pourrait être importante, car le TDF a été relié à une dysfonction rénale, laquelle pourrait accroître le risque d’anomalie du métabolisme osseux à cause d’un effet négatif sur l’homéostasie phosphocalcique. La maladie rénale et le TDF ont été associés à une hypophosphatémie, à une hypocalcémie et à une perte de DMO lors d’études antérieures. Cela dit, la portée clinique de ces effets chez des patients exempts d’ostéoporose au départ est encore à l’étude.

Dernièrement, l’analyse partielle de l’essai ASSERT (Assessment of Safety and Efficacy of ABC/3TC and TDF/FTC in Treatment-Naive HIV-1 Infected Subjects) – dans lequel on comparait le duo TDF/emtricitabine (FTC) au duo ABC/lamivudine (3TC), tous deux associés à l’éfavirenz – a jeté un éclairage nouveau sur la question. Les résultats ont objectivé des différences sur le plan de la fonction rénale, bien qu’aucun effet cliniquement significatif n’ait été rapporté depuis le début du suivi.

«S’intéressant aux biomarqueurs rénaux d’une dysfonction tubulaire, d’une dysfonction et d’une atteinte tubulaires marquées ainsi que d’une atteinte rénale globale, les chercheurs ont observé une baisse de 47 % de l’excrétion urinaire de ß2-microglobuline dans le groupe ABC/3TC vs une augmentation de 24 % dans le groupe TDF/FTC, ce qui représente un écart significatif», explique le Dr Hans-Jürgen Stellbrink, Centre médical des maladies infectieuses, Hambourg, Allemagne. Ils ont aussi noté «un écart significatif entre les groupes quant à la variation du ratio protéine transporteuse du rétinol:créatinine, celui-ci n’ayant pas varié dans le groupe ABC/3TC alors qu’il a augmenté dans le groupe TDF/FTC».

L’essai avec randomisation ASSERT – regroupant 385 patients non porteurs de l’allèle HLA-B*5701 et jamais exposés aux antirétroviraux – comparait les deux stratégies quant à leur effet sur la fonction rénale (débit de filtration glomérulaire estimé [DFGe]), la perte de DMO et les biomarqueurs du risque CV.

L’analyse partielle à 48 semaines n’a objectivé aucun écart significatif du DFGe par rapport à la valeur initiale, mais l’évaluation des marqueurs de la fonction tubulaire a révélé un léger déclin fonctionnel dans le groupe TDF/FTC vs une amélioration dans le groupe ABC/3TC. La dysfonction rénale n’a motivé aucun abandon.

Cependant, précise le Dr Stellbrink, l’écart entre les groupes était significatif quant à la variation de la DMO par rapport à la valeur initiale, tant au niveau de la hanche (ABC/3TC, -1,9 %; TDF/FTC, -3,6 %) que du rachis (ABC/3TC, -1,6 %; TDF/FTC, -2,4%). En outre, le renouvellement osseux était plus rapide sous TDF/FTC que sous ABC/3TC.

«Pour mettre ces données dans le contexte de la pratique clinique, nous avons regroupé les patients dont la DMO avait diminué de <u>></u>2 %, car c’est à peu près le maximum de la perte de DMO postménopausique. Une proportion significativement plus élevée de patients sous TDF/FTC a perdu <u>></u>2 % de DMO», poursuit-il.

Sur le plan du risque CV, le dosage de la protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) n’a révélé aucun écart cliniquement significatif, le taux étant resté stable dans les deux groupes, alors que celui de l’IL-6 a montré une amélioration dans les deux groupes. Vu la brièveté du suivi, l’absence d’écart significatif quant aux événements CV n’a rien d’étonnant.

Mise en contexte des facteurs de risque à plus long terme

Plusieurs études de cohorte donnent à penser que certains antirétroviraux, surtout ceux qui altèrent le métabolisme lipidique, augmentent le risque d’événement CV, mais l’objectif d’une prise en charge holistique du patient infecté par le VIH, c’est de mettre tous les risques en contexte. À court terme, les antirétroviraux les plus prescrits semblent généralement associés à un risque modeste d’effets indésirables sur divers systèmes organiques, dont le rein, le cœur et le système nerveux central, mais le risque peut devenir significatif à long terme s’il est élevé au départ. C’est pourquoi plusieurs experts recommandent d’évaluer les facteurs de risque CV, la fonction rénale, la DMO et la fonction cognitive, même chez les adultes d’âge moyen. Bien que la maîtrise de l’infection à VIH soit critique chez tous les patients, certains antirétroviraux seront plus intéressants que d’autres à en juger par leur effet sur ces critères.

Par exemple, la base de données hospitalière française sur l’infection à VIH – qui rend compte du suivi de 278 patients, des hommes pour la plupart, et de 873 témoins – révèle que les facteurs de risque traditionnels de l’infarctus du myocarde (IM), surtout l’usage du tabac, sont des prédicteurs très importants d’un événement CV à la fois chez les patients infectés et les témoins, explique la Dre Dominique Costagliola, Université de Paris. Par contre, si l’usage de la cocaïne ou celui de drogues intraveineuses étaient des facteurs de risque d’événement CV dans les deux populations, ils étaient plus fréquents chez les patients infectés par le VIH. En outre, le risque d’IM augmentait avec une virémie décelable et un ratio de cellules CD4+:CD8+ inférieur à 1,0.

Vu la possibilité d’un risque CV plus élevé chez certains patients infectés par le VIH, la Dre Costagliola suggère d’évaluer les facteurs de risque dès le départ, y compris les antécédents familiaux de maladies CV. Chez un patient à risque élevé, le choix d’un antirétroviral qui ne semble pas favoriser les maladies CV pourrait être approprié (comme les IPs), mais cela n’a pas grand intérêt en l’absence de facteurs de risque CV significatifs.

Les conclusions sont similaires quant au risque d’effet indésirable sur les autres systèmes d’organes, comme le rein. Si de nombreux patients sont exposés à un faible risque d’atteinte rénale et d’ostéoporose et sont peu susceptibles de bénéficier d’un antirétroviral choisi en fonction de ses effets relatifs sur le rein, d’autres sujets exposés d’emblée à un risque élevé ou développant une atteinte rénale en cours de traitement pourraient avoir intérêt à changer de traitement. La présence d’un déficit cognitif initial pourrait aussi nécessiter l’individualisation du traitement, les antirétroviraux n’ayant pas tous le même effet sur la fonction cognitive.

La démarche holistique suppose qu’aucun schéma antirétroviral ne pourrait être optimal chez tous les patients en raison de différences interindividuelles initiales quant au fonctionnement des organes ou d'autres facteurs tel l'usage de la cocaïne ou de drogues intraveineuses. Choisir un traitement sans en soupeser les avantages et les désavantages relatifs d’après le profil du patient, c’est négliger la possibilité d’optimiser sa prise en charge à long terme. Pour la même raison, le choix d’un agent d’après son effet sur un seul système organique, sans égard au risque initial du patient, pourrait priver ce patient du traitement qui serait le plus approprié si tous ses risques étaient pris en compte.

Résumé

L’avènement de schémas antirétroviraux hautement efficaces ouvre la porte à la prise en charge holistique du patient infecté par le VIH. La maîtrise de l’infection à VIH demeure essentielle, bien sûr, mais il serait sans doute possible d’individualiser le traitement de façon à réduire les risques pour des systèmes organiques, comme le cœur, le rein et les os. Pareille stratégie repose sur l’évaluation initiale et subséquente d’un éventail de fonctions, l’objectif étant de bien adapter le traitement au profil de risque du patient.

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