Comptes rendus

Infections bactériennes à Gram positif : la recherche peut guider la pratique clinique
Maladies inflammatoires de l’intestin : optimisation de l’adhésion au traitement et des résultats

Maladies inflammatoires de l’intestin : cicatrisation de la muqueuse et paradigme thérapeutique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

OPTIONS MÉDICALES - Gastroentérologie

L’IMPORTANCE DE LA CICATRISATION DE LA MUQUEUSE DANS LA MALADIE DE CROHN

Commentaire éditorial :

Subrata Ghosh, MD, FRCPC, FRCP(E)

Chef, Division de gastroentérologie, Teaching Research Wellness Building, Professeur titulaire de médecine, University of Calgary, Calgary (Alberta)

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique d’évolution imprévisible et, au fil des poussées intermittentes, elle peut entraîner des lésions irréversibles du tube digestif1. Elle se caractérise typiquement par une distribution segmentaire, souvent au-delà du côlon, et elle entraîne la formation d’ulcérations transmurales et des complications gastro-intestinales, telles les sténoses et les fistules2. Une prise en charge énergique est souvent nécessaire pour maîtriser l’activité inflammatoire diffuse et substantielle et ainsi éviter des complications importantes, dont les résections et le cancer de l’intestin1. Le traitement optimal du patient passe par un objectif plus ambitieux qu’un simple soulagement des symptômes.

La quête de meilleurs résultats que le soulagement des symptômes et d’une cicatrisation complète de la muqueuse a été corrélée avec un pronostic plus favorable à long terme. De plus en plus de données montrent que l’obtention d’une cicatrisation complète de la muqueuse à l’aide des agents à notre disposition peut donner lieu à une rémission durable de même qu’à une diminution du nombre d’hospitalisations et d’interventions chirurgicales.

Au-delà de la suppression des symptômes

En raison du fardeau qu’impose la MC, même relativement légère, l’objectif principal du traitement à court terme se limitait jadis à la suppression des symptômes aigus. Cependant, étant donné ses retombées sur la durabilité de la rémission, la cicatrisation de la muqueuse est devenue un objectif majeur dans le traitement à court terme de la MC, sans compter qu’elle offre la possibilité de modifier l’évolution naturelle de la maladie. Comme dans l’asthme, où la maîtrise de l’activité inflammatoire infraclinique de la maladie a été liée à de meilleurs résultats à long terme3, la cicatrisation de la muqueuse signale l’absence d’activité inflammatoire et la maîtrise du processus physiopathologique sous-jacent, pavant ainsi la voie à une maîtrise durable de la maladie. Ce résultat a été objectivé par plusieurs essais, dont un qui visait à évaluer l’issue à long terme chez des patients dont la muqueuse avait cicatrisé à un an (Figure 1). On a établi un lien significatif entre, d’une part, la cicatrisation de la muqueuse et, d’autre part, une diminution de l’inflammation après cinq ans (p=0,02) et une diminution des corticothérapies subséquentes (p=0,02)4.

Figure 1. Cicatrisation de la muqueuse après le traitement, en tant que prédicteur de l’évolution subséquente de la MC


Comme c’est le cas pour d’autres processus inflammatoires, le degré de maîtrise de l’activité inflammatoire est corrélé avec le degré de risque d’une issue défavorable. Si la cicatrisation complète de la muqueuse est l’issue optimale, une évolution sévère persistante est de mauvais augure en l’absence de cicatrisation. Par exemple, les patients porteurs de lésions pénétrantes étendues sont exposés à un risque cinq fois plus élevé de colectomie à deux ans, comparativement aux patients porteurs de lésions bénignes (Figure 2)5.

Figure 2. Sévérité des lési
progression de la MC

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Cela dit, l’une des raisons les plus importantes d’utiliser la cicatrisation de la muqueuse plutôt que la suppression des symptômes pour évaluer le succès du traitement, c’est que la maladie peut être active en l’absence de symptômes. Lors d’une étude qui regroupait 142 patients atteints de MC, dont 92 % étaient en rémission clinique, aucune corrélation n’a été établie entre, d’une part, la sévérité clinique et, d’autre part, la nature, la superficie ou la sévérité des lésions à l’endoscopie6. Parmi les 131 patients en rémission clinique, seulement 38 étaient aussi en rémission endoscopique. De plus, il n’y avait aucune différence significative quant à l’indice CDAI (Crohn’s Disease Activity Index) entre les patients porteurs de lésions et les patients exempts de lésions (Figure 3)
e de lésions endoscopiques et d’une activité clinique à bas bruit

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On a démontré qu’il était important de prolonger la cicatrisation de la muqueuse après la chirurgie, laquelle est censée ramener l’activité de la maladie à zéro. Cependant, même si la cicatrisation peut être prolongée après l’intervention chirurgicale, la maladie finit par refaire surface à l’endoscopie avant de provoquer des symptômes7. Lors d’une étude à double insu dans laquelle on a évalué un agent actif, l’infliximab (IFX), au chapitre du maintien de la cicatrisation de la muqueuse, cet inhibiteur du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNFa) a été associé à une protection significative contre les récidives endoscopiques, les récidives endoscopiques sévères, les récidives histologiques et les récidives cliniques à un an, par rapport à un placebo (Figure 4)8. Il importe ici de souligner que le taux de rémission clinique (CDAI =150) a été plus élevé dans le groupe anti- TNFa, mais l’écart par rapport au placebo n’était pas significatif. Cette situation tient probablement au fait que l’intensification des signes et des symptômes de la MC n’était pas encore significative après un an, même si les études endoscopiques montraient une per
eau de la muqueuse.

Figure 4. Usage prophylactique postopératoire de l’IFX pour prévenir la récidive de la MC

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Plusieurs définitions de la cicatrisation complète de la muqueuse ont été proposées. Si certaines d’entre elles exigent un score endoscopique de 0 pour chaque paramètre, y compris les symptômes et l’apparence de la muqueuse, d’autres permettent un score de 1 pour l’apparence de la muqueuse, ce qui dénote une légère friabilité9. Cependant, diverses données semblent indiquer que le degré de cicatrisation est important et que, par conséquent, les définitions strictes sont utiles.

Dans le cadre d’une autre étude sur l’anti- TNFa dans la MC, la cicatrisation complète de la muqueuse, définie comme un score endoscopique simple (SES) de 0 à l’endoscopie après deux ans de traitement, était le seul facteur annonciateur d’une rémission sans corticostéroïdes (CS) après trois à quatre ans de suivi. La rémission sans CS a été obtenue chez 70,8 % des patients parvenus à la cicatrisation vs 27,3 % des patients non parvenus à la cicatrisation complète de la muq
gure 5)10.

Figure 5. Cicatrisation complète de la muqueuse en tant que prédicteur d’une rémission clinique durable au début de la MC

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Choix du traitement pour l’obtention d’une cicatrisation complète de la muqueuse

Les CS sont efficaces pour supprimer les symptômes de la MC, mais ils ne se sont pas révélés efficaces pour faire cicatriser la muqueuse, possiblement parce qu’ils n’exercent aucun effet sur les processus inflammatoires sous-muqueux11. Si les immunosuppresseurs comme l’azathioprine (AZA) la 6-mercaptopurine et le méthotrexate ont été d’efficacité plutôt limitée lorsque le paramètre principal était la cicatrisation complète de la muqueuse12, l’arrivée des agents biologiques a joué un rôle de premier plan, la cicatrisation de la muqueuse ayant été corrélée avec de meilleurs résultats à long terme, notamment un risque moindre de récidives et de résections.

Lors de l’essai pivot ACCENT 1 sur le traitement d’entretien, 573 patients ayant eu un score CDAI =220 ont reçu une perfusion intraveineuse d’IFX à 5 mg/kg durant la semaine 0. Après une évaluation de la réponse à deux semaines, les patients étaient randomisés de façon à recevoir soit une perfusion placebo les 2e et 6e semaines, puis toutes les huit semaines jusqu’à la 46e semaine (1er groupe), soit une perfusion d’IFX à 5 mg/kg aux mêmes moments (2e groupe), soit une perfusion d’IFX à 5 mg/kg les 2e et 6e semaines, puis à 10 mg/kg par la suite (3e groupe). Globalement, 58 % des patients ont répondu à une perfusion unique d’IFX dans un délai de deux semaines. Après 30 semaines, 21 % des sujets du 1er groupe, 39 % des sujets du 2e groupe et 45 % des sujets du 3e groupe étaient en rémission. Si les probabilités de rémission clinique durable étaient plus élevées dans les 2e et 3e groupes combinés que dans le 1er groupe, l’intervalle médian précédant la perte de la réponse dans tous les groupes était de 38 semaines vs plus de 54 semaines dans les 2e et 3e groupes13.

Lors de la sous-étude endoscopique d’ACCENT1, le taux de cicatrisation complète de la muqueuse à 54 semaines était significativement plus élevé chez les patients qui recevaient une perfusion d’IFX à intervalles prédéterminés que chez ceux qui recevaient des perfusions épisodiques (44 % vs 18 %, respectivement; p=0,041)14. Par rapport à l’administration d’un placebo ou à l’administration épisodique de l’anti- TNFa, qui ont été rarement associées à la cicatrisation de la muqueuse, le traitement d’entretien par l’agent biologique a également été associé à une diminution non significative du risque d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale. Là encore, la cicatrisation de la muqueuse était un prédicteur important de la rémission, quel qu’ait été le traitement. Plus précisément, une cicatrisation complète ou importante annonçait une prolongation de l’intervalle sans récidive (Figure 6)15. Il a par ailleurs été démontré que l’adalimumab et le certoli
ent une cicatrisation de la muqueuse à des degrés variables. Les résultats intégraux n’ont pas encore été publiés.

Figure 6. ACCENT 1 : Rémission prolongée associée à la cicatrisation de la muqueuse

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Lors d’études subséquentes, on a tenté de déterminer si l’utilisation plus précoce de l’agent biologique permettait d’éviter la corticodépendance, d’augmenter le taux de cicatrisation de la muqueuse et d’améliorer les résultats à long terme. Lors de l’essai SONIC, 508 patients jamais exposés à un immunomodulateur ont reçu aléatoirement l’un des schémas suivants : AZA + placebo, IFX + placebo, ou IFX + AZA. La cicatrisation de la muqueuse variait beaucoup d’une stratégie à l’autre, passant de 16 % dans le groupe AZA seule à 44 % (p<0,001) dans le groupe recevant les deux agents actifs (Figure 7)
gt;. L’anti-TNFa seul a permis d’atteindre la cicatrisation de la muqueuse chez 30 % des patients, taux significativement plus élevé que sous AZA seule (p=0,023).

Figure 7. SONIC : Cicatrisation complète de la muqueuse* en début de traitement

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Il est important de choisir le meilleur agent pour obteni r une cicat r i sat ion complète de la muqueuse. Lors de l’étude SUTD (StepUp/TopDown) ouver te avec randomisation, on a comparé l’association d’immunosuppresseurs comme stratégie init ia le (déma r che dégr e s s ive ) ave c le t raitement t radit ionnel (démarche progressive) chez 133 patients. Dans le groupe démarche dégressive, les patients recevaient soit de l’IFX les semaines 0, 2 et 6 et de l’AZA comme schéma d’entretien. Des perfusions d’IFX étaient administrées à la demande en cas de poussée, et on ajoutait des CS seulement en cas de non-réponse. Dans le groupe démarche progressive, on administrait d’abord un CS, puis de l’AZA et un ant i-TNFa au besoin. Après 26 semaines, 60 % des patients du groupe sous immunosuppresseurs vs 35,9 % des patients du groupe sous traitement traditionnel (p=0,0062) avaient atteint la rémission sans CS ni résection chirurgicale. Après 52 semaines, les taux étaient respectivement de 61,5 % et de 42,2 % (p=0,0278). L’évaluation endoscopique a révélé que la cicatrisation de la muqueuse se maintenait à deux ans chez 73,1 % des sujets du groupe démarche d
ment à 30,4 % des sujets du groupe démarche progressive (Figure 8)17. Les patients dont la muqueuse avait cicatrisé ont eu moins de rechutes au cours des deux années subséquentes.

Figure 8. Essai SUTD : Évaluation endoscopique à 104 semaines – absence d’ulcérations

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Lors d’une étude publiée récemment sur la cohorte de Louvain qui regroupait 214 patients atteints de MC sous IFX, le nombre d’interventions abdominales majeures a été remarquablement moins élevé avec le temps chez les patients qui avaient bénéficié d’une cicatrisation complète ou partielle que chez ceux qui n’avaient bénéficié d’aucune cicatrisation au départ9. Lors de cette étude, qui a été menée au sein d’une population non sélectionnée, l’objecti
des conditions réelles, 45,4 % des patients sont parvenus à une cicatrisation complète et 22,4 %, à une cicatrisation partielle. Durant le suivi, une intervention chirurgicale a été nécessaire chez 14,1 % des patients dont la muqueuse avait cicatrisé vs 38,4 % de ceux dont la muqueuse n’avait pas cicatrisé (p<0,001) (Figure 9).

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Lorsqu’un patient sous agent biologique par vient à la cicatrisation, il semble appropr ié de poursuivre le traitement. Plusieur s études l’ont démont ré, et de nouvel les données de l’essai CHARM (Crohn’s Trial of the Fully Human Antibody Adalimumab for Remission Maintenance) l’ont confirmé. Cet essai regroupait 778 répondeurs au schéma d’induction par l’adalimumab qui, après randomisation, ont reçu un placebo ou poursuivi leur traitement par l’adalimumab à raison de 40 mg par semaine ou toutes les deux semaines18. Même si les patients sous placebo étaient autorisés à recevoir le traitement par l’adalimumab à partir de la 12e semaine en cas de rechute ou de non-réponse, le taux de rémission à 56 semaines était plus élevé chez ceux qui avaient été randomisés de façon à recevoir l’un ou l’autre schéma immédiatement après l’induction (49 %/51 % vs 38 %; p<0,01). La poursuite du traitement par l’adalimumab a également été associée à un nombre moindre d’inter vent ions chirurgicales (p<0,05) et d’hospitalisations motivées par la MC (p<0,05) ou toute autre raison (p<0,05). Fait important à souligner, des données objectives ont montré que ces bénéfices se traduisaient par une amélioration de la qualité de vie (QdV). Lors d’une étude ouver te intitulée EXTEND (Efficacy of adalimumab through Endoscoping Healing), on a évalué l’impact de la cicatrisation de la muqueuse sur la QdV à 12 semaines chez 62 patients qui présentaient des ulcérations au départ. Le seuil prédéfini d’amélioration de la QdV au fil du suivi était une augmentation d’au moins 16 point s du score IBDQ (Inflammatory Bowel Disease Questionnaire). Parmi les 17 patients dont la muqueuse avait cicatrisé, le seuil d’amélioration de la QdV avait été atteint dans 77 % des cas après 28 semaines et dans 65 % des cas après 52 semaines. En revanche, les pourcentages correspondants n’étaient que de 44 % et 33 %, respectivement, pour les 45 patients qui présentaient toujours des ulcérations à 12 semaines19.

Les résultats des études plaidant en faveur de l’induction précoce de la cicatrisation de la muqueuse au moyen d’un agent biologique concordent avec les données montrant que la MC suit normalement un cours évolutif. L’obtention précoce de la cicatrisation semble atténuer la progression, ce qui diminue la consommation éventuelle de CS, les complications et la morbidité. En utilisant les agents les plus efficaces dès le début de la maladie, on a l’occasion d’éviter ou de retarder le stade avancé de la maladie, qui est plus difficile à maîtriser.

Résumé

L’avènement des agents biologiques dans le traitement des maladies inflammatoires de l’intestin (MII) nous a permis de viser un objectif plus ambitieux que le soulagement des symptômes. En visant au-delà d’un simple soulagement des symptômes et en ayant recours à des stratégies qui misent sur l’administration plus précoce d’agents comme les agents biologiques, nous avons maintenant la possibilité de faire cicatriser la muqueuse et de modifier l’évolution de la maladie. Nous augmenterons ainsi nos chances d’améliorer la QdV des patients et d’alléger le fardeau de morbidité.

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OPTIMISATION DES RÉSULTATS DU TRAITEMENT DANS LA COLITE ULCÉREUSE

Commentaire éditorial :

Mark Silverberg, MD, PhD, FRCPC

Samuel Lunenfeld Research Institute, Mount Sinai Hospital, Professeur adjoint de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Pour traiter efficacement la colite ulcéreuse (CU), il faut en bien connaître le spectre de gravité. Par le passé, le traitement était axé sur la suppression des symptômes, mais des données convaincantes incitent maintenant à rechercher la cicatrisation histologique en vue d’une quiescence durable de la maladie. Les traitements de première intention tels que les préparations d’acide 5-aminosalicylique (5-ASA) réussissent souvent à supprimer les symptômes et à cicatriser la muqueuse dans les formes légères ou modérées. Lorsque la sévérité et l’inflammation sont plus importantes, ce double objectif demeure mais nécessite une intensification du traitement, notamment parle recours aux corticostéroïdes (CS), aux immunomodulateurs et aux agents biologiques, pour qu’on puisse induire et maintenir la rémission et prévenir la colectomie. Toute maladie chronique étant par ailleurs indissociable de la notion de qualité de vie à long terme, il importe également d’évaluer les répercussions du choix de traitement sur l’état morbide immédiat et sur le risque de rechute.

Évaluation de la maladie

La CU est une affection chronique au cours imprévisible ponctué d’exacerbations et de rémissions1. Le risque d’évolution défavorable est considérable : près de 25 % des patients développent une corticodépendance2 et quelque 20 % subissent une colectomie. Pour cerner ses caractéristiques, il est utile de diviser la maladie en fonction de l’étendue de l’inflammation. On distingue ainsi la proctite ulcéreuse, limitée au rectum; la CU gauche ou CU distale, qui remonte jusqu’à l’angle gauche du côlon; et la colite étendue ou pancolite, qui s’étend en amont de l’angle gauche. Ces degrés correspondent aux classes E1, E2 et E3 de la classification de Montréal3. En général, l’inflammation s’étend de manière continue à partir du rectum, de sorte que 95 % des patients ont une atteinte rectale4.

Le principal symptôme de la proctite ulcéreuse est généralement une diarrhée sanglante5. Chez des patients ayant reçu un diagnostic initial de proctite, un suivi à long terme a montré que l’inflammation progressait assez souvent en amont, le taux atteignant 20 % à cinq ans et 50 % à 10 ans6. Cela dit, l’atteinte ne franchissait l’angle gauche que chez 10 % des patients même après 10 ans. La CU distale limitée au rectum et au sigmoïde — aussi appelée proctosigmoïdite — est fréquente : elle représente plus de 40 % des cas de CU dans certaines séries7. Si la sévérité des symptômes est corrélée avec le degré d’inflammation, un âge de début plutôt jeune et la présence d’une cholangite sclérosante majorent le risque de progression8. La pancolite, inflammation du côlon entier, est prédictive de la survenue de complications, y compris le cancer du côlon9, bien que la colite puisse régresser chez une minorité appréciable de patients10.

Pertinence de la cicatrisation de la muqueuse

Encore récemment, le traitement était en grande partie focalisé sur la suppression des symptômes aigus, mais voici qu’on prête maintenant autant d’attention aux stratégies qui permettent une rémission prolongée grâce à la cicatrisation de la muqueuse. Cette attitude proactive est associée à une réduction du risque de rechute et de complications plus sérieuses comme le besoin de résection chirurgicale11. Dans les formes légères ou modérées, les données d’essais cliniques confirment les unes après les autres que la cicatrisation de la muqueuse est plus favorable à une rémission prolongée que la seule suppression des symptômes. Lors d’une étude (N=495) dans laquelle on a comparé l’issue selon que la muqueuse avait cicatrisé ou non sans égard au type de traitement reçu, l’atteinte de cet objectif s’est traduite par une réduction significative de l’inflam
ies et par une diminution du recours aux CS12 (Figure 1). Dans les CU d’intensité modérée à sévère, on croit que la cicatrisation complète protège également contre les poussées, même si elle est plus difficile à obtenir13.

Figure 1. Incidence de la colectomie chez les patients atteints de CU dont la muqueuse avait cicatrisé à un an

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Ces données encouragent les efforts pour offrir à tous les patients, peu importe où ils se situent sur le spectre de gravité de la maladie, un traitement adapté à l’objectif de cicatrisation et, dans son prolongement, à celui de réduction du risque d’hospitalisation et de colectomie. Les objectifs généraux du traitement des maladies inflammatoires de l’intestin sont donc : l’induction et le maintien de la rémission clinique sans corticothérapie, la cicatrisation complète de la muqueuse et la prévention des interventions chirurgicales et des autres complications comme le cancer et la mort.

Algorithme de traitement

Les préparations de 5-ASA sont reconnues comme le traitement de première intention dans la CU légère ou modérée dans la plupart des guides de pratique clinique, y compris ceux de l’ECCO (European Crohn’s and Colitis Organization)14 et de l’ACG (American College of Gastroenterology)15. Dans les proctites strictes, les suppositoires pourraient être plus efficaces que les agents oraux étant donné qu’ils ciblent directement les tissus touchés16, mais, lorsque l’inflammation franchit le sigmoïde, il semble avantageux d’associer les deux formes galéniques17.

Les CS suppriment très efficacement les symptômes des poussées aiguës et on devrait les employer en cas d’insuffisance du 5-ASA seul, car cet ajout peut accélérer radicalement le soulagement18. Cela dit, la corticodépendance — à savoir le besoin de maintien d’une certaine dose de CS ou d’un second cycle de traitement en un an — est un écueil important. La corticothérapie doit avoir une durée limitée en raison de ses nombreuses complications possibles, tels le risque de dépendance déjà mentionné, la vulnérabilité aux infections, l’hypertension, les troubles du métabolisme glucidique et l’ostéoporose19,20. Quant à la corticorésistance, évoquée devant la persistance des symptômes, elle commande le passage rapide à d’autres agents21, cela s’avérant d’autant plus pertinent que l’on a démontré l’inefficacité des CS dans le maintien de la rémission22.

L’azathioprine (AZA) est utile dans le traitement d’entretien et devrait être envisagée en cas de corticodépendance23 (Figure 2). Lors d’une étude avec placebo menée chez des patients qui étaient en rémission dep
au moment de l’admission, le taux de rechute à un an était de 31 % dans le groupe AZA vs 61 % chez les témoins (p<0,01)24. À la lumière de ces résultats et de ceux d’autres études, l’ACG considère que cet agent peut être utile dans le traitement d’entretien en cas de réponse insuffisante à la sulfasalazine15.

Figure 2. Algorithme de traitement temporel dans la CU modérée

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L’apparition d’une résistance aux CS et/ou à l’AZA peut anéantir la maîtrise des symptômes aigus, mais, tout en cherchant à la restaurer, on doit tenir compte de l’issue à long terme dans le choix des stratégies de traitement. Dans ce cas de figure, on pourrait recourir à un agent biologique à la fois pour induire une rémission et la maintenir à long terme. Chez les patients qui présentent une poussée aiguë sévère résistante aux CS, les agents biologiques pourraient constituer une solution de rechange à la colectomie. Chez près de 50 % des patients corticorésistants, le traitement par l’infliximab (IFX), un anti-TNFa, a réduit le besoin d’intervention chirurgicale25.

Traitement par un anti-TNFa et issue

Maintenant qu’on connaît l’importance d’une cicatrisation précoce et durable de la muqueuse, les agents biologiques ne sont plus réservés au traitement de secours dans les formes sévères. Ils conviennent à tout patient atteint d’une forme modérée ou sévère devenue résistante aux CS ou à l’AZA ou corticodépendante. Nombre de ces patients obtiennent une rémission durable et une cicatrisation de la muqueuse sous traitement biologique, résultats eux-mêmes corrélés avec une amélioration du pronostic, comme en témoignent les essais ACT1 et ACT2. Lors de ces essais, on a randomisé des patients dont la maladie était modérée ou sévère (malgré un traitement concomitant par un CS seul ou un CS associé à l’AZA ou à la 6-mercaptopurine [6-MP]) en vue de leur donner de l’IFX à une dose de 5 ou de 10 mg/kg ou un placebo26. Après 8 semaines, environ
evant l’anti-TNFa à l’une ou l’autre dose avaient atteint le critère de cicatrisation, défini comme un sous-score endoscopique absolu de 0 ou 1, vs 34 % (p<0,001) des sujets sous placebo. À 54 semaines, le taux de colectomie était de 21 % dans les groupes anti-TNFa vs 34 % dans le groupe placebo (p=0,03), et le taux d’hospitalisation était de 20 % vs 40 % (p=0,003) (Figure 3)27.

Figure 3. Essais ACT1 et ACT2 : résultats à 54 semaines

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Induction de la rémission et de la cicatrisation : stratégies de maîtrise de la maladie à long terme

Le choix du traitement d’entretien doit en partie être dicté par la sévérité de la maladie lors de la première poussée, par l’intervalle sans récidive et par la sévérité de la récidive. Chez les patients dont la maladie est légère ou modérée qui connaissent une rémission prolongée après un traitement par le 5-ASA, il est raisonnable d’utiliser ce même agent en traitement d’entretien. Chez les patients qui ont une rechute moins de trois mois après un traitement initial par le 5-ASA, un immunosuppresseur, comme l’AZA ou la 6-MP, pourrait mieux servir le double objectif de cicatrisation et de réduction du risque de nouvelles rechutes. Des données d’études comparatives montrent que l’AZA induit plus de rémissions à la fois cliniques et endoscopiques que le 5-ASA dans la CU corticodépendante28.

Dans les cas modérés ou sévères, une rechute précoce après un premier cycle de traitement par un immunosuppresseur tel que l’AZA ou une corticodépendance malgré le recours à un immunosuppresseur sont des éléments qui aiguillent vers un agent biologique pour le
. Lors des essais ACT1 et ACT2, l’IFX administré
es comme traitement d’entretien a été plus efficace que le traitement classique sans agent biologique aux chapitres de l’induction de la rémission, de la cicatrisation de la muqueuse et de la réduction du besoin de CS après 54 semaines chez ces patients atteints d’une CU modérée ou sévère réfractaire aux traitements de première intention (Figures 4 et 5)26.

Figure 4. Essais ACT1 et ACT2 : cicatrisation de la muqueuse

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Figure 5. Essais ACT1 et ACT2 : patients en rémission clinique ne recourant plus aux CS

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La tendance à la baisse des taux de colectomie observée depuis quelque temps pourrait résulter de l’utilisation plus intensive récente des immunosuppresseurs et des agents biologiques29. Bien qu’on ne sache pas clairement si une maîtrise efficace de la CU réduit le risque néoplasique, il est du moins établi que l’extension et la durée de la maladie influent toutes deux sur ce risque9, ce qui fournit un argument de plus en faveur de l’utilisation de traitements capables de cicatriser durablement la muqueuse. L’importance de cet objectif tient aussi à l’observation selon laquelle la présence d’une inflammation de longue date, non réprimée ne serait pas étrangère au risque de dysplasie et de cancer30. L’efficacité des agents biologiques dans la CU a été démontrée dans une étude menée chez 115 patients dont la CU était réfractaire aux CS qui ont reçu de l’IFX en traitement d’induction (trois perfusions), puis en traitement d’entretien périodique31. L’issue était significativement plus favorable chez les patients ambulatoires atteints d’une forme modérément sévère que chez les patients hospitalisés en raison d’une poussée sévère (Figure 6). Qui plus est, le lien significatif objectivé par l’étude entre la concentration sanguine minimale détectable d’IFX et de meilleurs résultats laisse à penser que l’administration du traitement à la dose et au moment adéquats pourrait être déterminante pour l’issue. À l’instar d’un nombre croissant de données, ces résultats attestent que l’utilisation des agents biologiques dans la CU réfractaire aux traitements de première intention est une stratégie efficace d’optimisation des résultats. Les agents biologiques, comme les anti-TNFa, sont associés à divers effets indésirables, tels que les céphalées et les nausées, mais ces effets sont en général légers et cèdent spontanément32. Le talon d’Achille de ces agents est leur effet immunosuppresseur. Cela dit, selon les données du vaste registre TREAT (Therapy Resource Evaluation Assessment Tools) concernant 6290 patients
e de Crohn, le risque d’effets indésirables graves liés au système immunitaire n’est pas majoré par l’IFX33. Bien que l’IFX soit associé à un risque d’infection plus élevé que les autres traitements, la prise d’IFX ne constituait pas un facteur de risque d’infection grave indépendant après une analyse multivariée par régression logistique. Selon cette analyse, seule la prednisone (risque relatif approché [OR] de 2,1; IC à 95 % : 1,15-3,83; p=0,016) était associée à un risque accru de mortalité.

Figure 6. Issue à 10 semaines après un traitement d’induction en trois perfusions

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Résumé

Le fardeau de symptômes qui accompagne la CU active est souvent si lourd qu’il rend prioritaire la mise en route urgente d’un traitement efficace. S’il est essentiel d’employer des médicaments qui offrent un équilibre optimal entre l’innocuité et l’efficacité, nous devons désormais rechercher aussi des stratégies qui nous permettront d’obtenir une cicatrisation complète de la muqueuse, de prévenir les rechutes, de ralentir la progression de la maladie et de prévenir ses complications tardives. Le choix du traitement d’entretien, qui dépend de la réponse thérapeutique antérieure et de la sévérité de la rechute, pourrait influer sur l’issue à long terme, y compris le risque de complications, en particulier la colectomie. La maîtrise de la maladie pourrait également réduire le risque de cancer lié à la CU. Bien qu’il soit important de privilégier les schémas de traitement les plus simples et les mieux tolérés, l’intensification du traitement en vue de cicatriser la muqueuse est tout aussi primordiale en raison des possibles bénéfices ultérieurs d’une quiescence totale de la maladie. Dans les formes modérées ou sévères, la corticodépendance ou l’absence de réponse clinique après un traitement initial par un immunosuppresseur légitiment le recours à un agent biologique.

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LA DÉMARCHE PROGRESSIVE ACCÉLÉRÉE DANS LA MALADIE DE CROHN : POURQUOI UN TRAITEMENT PRÉCOCE ET POUR QUI ?

Commentaire éditorial :

Brian Bressler, MD, MSc, FRCPC

Professeur agrégé de clinique, Département de gastroentérologie, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

Une fois installée, la maladie de Crohn (MC) progresse généralement la vie durant. Bien que son évolution varie d’une personne à l’autre, environ 75 % des patients finissent par devoir être opérés au moins une fois1. La MC siège le plus souvent au niveau du côlon proximal et de l’intestin grêle distal, mais elle peut toucher l’ensemble du tube digestif. La cause, multifactorielle, demeure imparfaitement comprise. Il est toutefois établi qu’une fois le processus inflammatoire enclenché, le cours naturel de la MC est généralement ponctué de poussées à répétition, chacune augmentant le risque de sténoses, de fistules et de résections de l’intestin.

Il est important de pouvoir prédire la sévérité de la maladie au moment de choisir le traitement, car les agents utilisés varient énormément en termes d’efficacité, de tolérabilité, de risque d’effets indésirables, de coût et d’autres facteurs pertinents. Par le passé, la démarche de puissance progressive était de rigueur, si bien que le recours aux traitements les plus efficaces était différé et réservé aux cas réfractaires2. Cette démarche est aujourd’hui remise en question, car on soupçonne que même les traitements efficaces contre les symptômes ne permettent pas de maîtriser le processus morbide sous-jacent. Un imposant corpus de données montre qu’une démarche de puissance progressive accélérée est la meilleure façon de traiter la MC.

Bien que les corticostéroïdes (CS) et les immunomodulateurs soient efficaces pour supprimer les symptômes, ils sont moins fiables que les agents biologiques pour induire et maintenir la cicatrisation de la muqueuse dans la MC modérée ou sévère. Or, lors d’une poussée aiguë, l’objectif premier – au-delà de la suppression des symptômes – est la cicatrisation complète de la muqueuse, celle-ci semblant conférer une certaine protection contre les poussées futures. La cicatrisation de la muqueuse serait donc le meilleur critère que nous puissons utiliser pour faire dévier l’évolution naturelle de la MC. Le traitement d’entretien a pour objectif de prévenir les poussées inflammatoires menant aux sténoses, aux fistules et aux résections chirurgicales. L’utilisation précoce d’agents biologiques dans le traitement de la MC repose sur la possibilité que nous offrent ces agents de modifier le cours naturel de la maladie. Les agents biologiques ne conviennent pas à tous les patients atteints de MC, certes, mais la démarche thérapeutique de puissance progressive préconisée antérieurement chez tous les patients pourrait en fait diffé
maladie et accroître le risque d’issue défavorable à long terme chez la proportion substantielle de patients dont la maladie risque de progresser.

Évaluation des immunomodulateurs dans la MC

Depuis plusieurs décennies déjà, on utilise de plus en plus les immunomodulateurs – l’azathioprine (AZA) ou le méthotrexate (MTX) – afin d’améliorer la maîtrise de la MC, mais l’usage croissant de ces médicaments n’a pas donné lieu à une diminution des interventions chirurgicales, l’une des pires complications de la MC (Figure 1)3.

Figure 1. Effet neutre des immunomodulateurs sur les résections chirurgicales de l’intestin

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Au chapitre de l’efficacité, les limites des immunomodulateurs sont particulièrement évidentes dans les études où on les compare aux agents biologiques. Lors de l’une des études les plus ambitieuses et les plus rigoureuses, deux groupes distincts de patients corticodépendants ont été randomisés de façon à recevoir trois doses d’induction d’infliximab (IFX) (anti- TNFa) et de l’AZA ou un placebo + AZA4. L’un des groupes avait déjà reçu de l’AZA et de la 6-mercaptopurine (6-MP), et on considérait que le trait
autre groupe n’avait jamais reçu le schéma AZA + 6-MP. Après 24 semaines, la proportion de patients bénéficiant d’une rémission sans CS était plus élevée dans le groupe anti-TNFa, non seulement chez ceux pour qui le schéma AZA + 6-MP avait échoué, mais également chez ceux qui le recevaient pour la première fois (Figure 2). En raison des lacunes de l’AZA dans cette étude et d’autres études, un groupe de consensus a suggéré de remplacer cet immunomodulateur par un agent biologique si la maladie n’est pas maîtrisée dans un délai de 12 à 16 semaines5.

Figure 2. Taux de rémission sans CS chez des patients jamais traités par l’AZA ou ayant échoué un traitement par l’AZA

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Dans le cadre de l’étude phare SUTD (Step Up/Top Down), deux stratégies ont été comparées chez des patients atteints de MC qui n’avaient encore jamais reçu de CS ou d’agent biologique6. Un groupe a reçu trois perfusions de l’agent biologique et de l’AZA, puis, au besoin, d’autres perfusions d’IFX et de CS. L’autre groupe a d’abord reçu des CS et, après la deuxième poussée nécessitant des CS, on amorçait un traitement par l’AZA, puis, si la maladie n’était toujours pas maîtrisée, un traitement par l’anti-TNFa. À court terme, la démar
own) a été considérablement plus avantageuse que la corticothérapie initiale, le pourcentage de patients en rémission durable (selon les critères de l’étude) ayant été presque deux fois plus élevé, tant après 26 semaines (60 % vs 35,9 %; p<0,006) qu’après 52 semaines (61,5 % vs 42,2 %; p<0,0278) (Figure 3). Après un suivi pouvant atteindre 104 semaines, l’exposition à l’IFX dans le groupe démarche progressive (step up) atteignait presque celle du groupe démarche dégressive, ce qui revient à dire que la plupart des patients ont eu besoin d’un agent biologique pour parvenir à une maîtrise acceptable de la maladie. Les taux de rémission étaient alors similaires dans les deux groupes.

Figure 3. SUTD : Patients en rémission

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Dans le groupe démarche dégressive, l’usage de CS était sensiblement moindre. A
es taux d’exposition à un agent biologique ont été similaires dans les deux groupes durant l’étude. Bien que l’étude n’ait pas été conçue principalement pour comparer les deux démarches sur le plan de l’innocuité, le taux et les types d’effets indésirables étaient comparables dans les deux groupes.

Une sous-étude endoscopique de l’étude SUTD réalisée chez 49 patients a objectivé l’absence d’ulcérations chez 73,1 % des sujets du groupe démarche dégressive vs 30,4 % des sujets du groupe démarche progressive (p=0,0028) après 104 semaines (Figure 4)6. Cet écart étaye la théorie voulant que le choix du premier agent d’induction puisse avoir des conséquences à long terme.

Figure 4. SUTD : Sous-étude endoscopique après 104 semaines – absence d’ulcérations

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L’avantage associé à l’utilisation précoce d’un agent biologique est attribué à la probabilité plus forte d’obtention et de maintien de la cicatrisation complète de la muqueuse. L’importance de la cicatrisation complète de la muqueuse a été démontrée par la sousétude endoscopique de SUTD, celle-ci ayant prouvé que la cicatrisation de la muqueuse à deux ans était un important prédicteur de la maîtrise durable de la maladie7. Dans les cas où la cicatrisation de la muqueuse était complète, on a rapporté un avantage statistiquement significatif après trois et quatre ans sur les plans de la rémission sans CS et de la fistulisation.

Dans le cadre de l’essai ACCENT, lors duquel les patients ont reçu aléatoirement l’un de deux schémas à base d’IFX ou un placebo, la cicatrisation de la muqueuse était prédictive d’un risque moindre d’hospitalisation à long terme, peu importe le traitement8. Ces résultats ont donné lieu à deux hypothèses, la première voulant que la cicatrisation de la muqueuse constitue un plus grand obstacle aux poussées que la seule absence de symptômes et la seconde voulant qu’un traitement précoce efficace puisse aussi améliorer l’issue à long terme en réduisant le risque de lésions irréversibles.

Vu les données montrant que la cicatrisation précoce de la muqueuse améliore l’issue à long terme, ce paramètre revêt une importance grandissante pour la comparaison des stratégies de traitement. Là encore, les agents biologiques se sont révélés systématiquement plus avantageux que les immunomodulateurs au chapitre de la cicatrisation. Lors de l’essai à double insu SONIC, qui comparait l’IFX, le schéma IFX + AZA, ou l’AZA seule chez des patients jamais exposés à un immunomodulateur et à un agent biologique, la cicatrisation complète de la muqueuse était un paramètre secondaire (le paramètre principal était la rémission sans CS)9. Après 26 semaines, l’IFX a été associé à une augmentation de 14 %
trisation de la muqueuse comparativement à l’AZA seule (30 % vs 16 %; p=0,023). L’as
t le schéma qui a été associé au taux le plus élevé de cicatrisation de la muqueuse (44 %).

Qui doit-on traiter pour optimiser les résultats?

Comme on pouvait s’y attendre, le taux le plus élevé de rémission sans CS parmi tous les groupes de l’étude SONIC a été enregistré chez les patients qui présentaient une inflammation marquée. Les données recueillies après 50 semaines ont fait ressortir un avantage particulièrement important de l’IFX, avec ou sans AZA, par rapport au schéma AZA + placebo dans le sous-groupe de patients présentant des lésions et une activité inflammatoire marquée au départ (taux de protéine C-réactive =8 mg/L) (Figure 6).

Figure 5. Algorithme temporel de traitement pour la MC modérée

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Figure 6. SONIC : Rémission sans CS après 50 semaines chez des patients dont le taux de marqueur de l’inflammation était élevé

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La sélection des patients atteints de MC les plus exposés au risque de progression est un procédé approximatif, mais plusieurs études ont permis de repérer des variables pronostiques utiles. Lors d’une étude monocentriqu
es facteurs de risque d’une maladie invalidante, on a évalué 1233 patients ayant reçu un diagnostic de MC sur une période de 13 ans10. Les patients qui ont dû être opérés au cours du premier mois suivant le diagnostic ont été exclus. Les facteurs associés à une MC invalidante étaient : le besoin de CS dès le départ, qui triplait le risque environ; un âge inférieur à 40 au moment du diagnostic, qui doublait le risque; et la présence de lésions périanales, qui doublait le risque ou presque (Tableau 1). Ces facteurs étaient additifs, si bien que la présence simultanée de deux facteurs de risque augmentait la probabilité d’une maladie invalidante par rapport à la présence d’un seul facteur, et que la présence des trois facteurs était un prédicteur plus fort que la présence de deux facteurs.

Tableau 1. Prédicteurs indépendants d’une évolution invalidante de la MC cinq ans après le diagnostic

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Chez les patients dont la maladie risque grandement de progresser, la démarche classique, c’est-à-dire l’utilisation différée d’agents puissants, pourrait avoir des conséquences négatives sur l’issue à long terme en raison d’une cicatrisation incomplète de la muqueuse et d’un risque accru de rechute assortie de complications. À en juger par ces données très récentes, la controverse réside davantage dans la sélection des patients en vue d’une optimisation des résultats que dans le bien-fondé de la démarche progressive accélérée dans le traitement de la MC.

Résumé

Du fait qu’ils peuvent modifier l’évolution naturelle de la MC, les anti-TNFa contribuent largement à prévenir ou à diminuer le risque d’apparition des complications les plus graves de cette maladie, dont les sténoses et les fistules. Certes, les mécanismes sous-jacents à la MC sont encore mal compris, mais de nombreuses données montrent que les complications associées aux poussées répétées enclenchent un cercle vicieux. Les données prouvant que l’obtention dès le départ d’une cicatrisation complète de la muqueuse annonce une rémission durable justifie l’utilisation précoce des traitements les plus efficaces. Les patients ne sont évidemment pas tous à risque de complications, mais en repérant ceux dont le pronostic est sombre et dont le risque de rechute est élevé, on fait déjà un premier pas important vers l’évaluation ou la sélection efficaces de traitements plus puissants dans le cadre de la prise en charge de la MC, tant à court qu’à long terme.

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