Comptes rendus

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Maladies inflammatoires de l’intestin : cicatrisation de la muqueuse et paradigme thérapeutique

Infections bactériennes à Gram positif : la recherche peut guider la pratique clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence annuelle de l’AMMI (Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie) Canada et de la CACMID (Canadian Association for Clinical Microbiology and Infectious Diseases)

Edmonton, Alberta / 6-8 mai 2010

Lorsqu’on choisit un antimicrobien pour traiter une infection complexe, on se demande souvent, entre autres, si l’agent envisagé est bactéricide ou bactériostatique. Le Dr Edward A. Dominguez, Methodist Transplant Physicians, Dallas, Texas, met toutefois en doute l’utilité clinique de cette distinction.

Comme il l’expliquait à l’auditoire, il y a deux façons de déterminer si l’agent est bactériostatique ou bactéricide. La première méthode consiste à calculer le ratio entre la concentration minimale bactéricide (CMB) et la concentration minimale inhibitrice (CMI). Si le ratio CMB:CMI est supérieur ou égal à 16, on dira du médicament qu’il est bactériostatique, alors que s’il est inférieur ou égal à 4, on dira qu’il est bactéricide. L’autre méthode, plus courante, consiste à utiliser la courbe de bactéricidie. Un antimicrobien est considéré comme bactéricide s’il a réduit de plus de 3 log un inoculum standard de 5 X 105 unités formant colonies (CFU)/mL dans un volume de 0,01 mL après 24 heures d’incubation en milieu liquide.

Cependant, ces critères standardisés ne correspondent peut-être pas à la réalité clinique. Le Dr Dominguez a souligné un certain nombre de différences importantes entre l’activité in vivo d’un médicament et son activité in vitro. Chez le patient, l’antibiotique sera soumis à la fixation aux protéines sériques et aux variations du pH. En laboratoire, les tests sont faits durant la phase exponentielle de croissance alors que, chez le patient, les bactéries d’un foyer infectieux sont souvent en phase stationnaire et peuvent être présentes en concentrations atteignant 1010 CFU par gramme de tissu. Certains antibiotiques bactéricides se sont montrés inefficaces face à de telles concentrations, fait-il remarquer.

Certains antibiotiques peuvent avoir différentes propriétés selon le micro-organisme en cause. Prenons les macrolides par exemple : bien qu’ils soient classés comme étant bactériostatiques, il a été démontré qu’ils exercent in vitro une activité bactéricide contre Streptococcus pneumoniae et S. pyogenes; de même, le linézolide, considéré comme bactériostatique, est bactéricide contre S. pneumoniae lorsqu’il est utilisé à forte dose pour traiter une pneumonie ou une bactériémie, indique le Dr Ethan Rubinstein, chef, Section des maladies infectieuses de l’adulte, University of Manitoba, Winnipeg.

Inversement, il a été démontré que des antibiotiques bactéricides pouvaient exercer une activité bactériostatique sur certains micro-organismes. De plus, précise le Dr Dominguez, l’administration d’un antibiotique bactéricide peut causer la libération soudaine d’endotoxines dans certains types d’infection, comme une infection à Escherichia coli entéro-hémorragique et le boutulisme infantile, en raison de la lyse rapide des bactéries. Dans la méningite pneumococcique, l’œdème cérébral pourrait être exacerbé. En revanche, l’utilisation d’un antibiotique bactériostatique pourrait réduire la libération de toxines, comme c’est le cas pour la clindamycine, qui inhibe la synthèse de TSST-1 (toxic shock syndrome toxin 1) par Staphyloccus aureus.

In vivo, des comparaisons d’agents bactéricides et d’agents bactériostatiques ont fait ressortir une efficacité similaire dans certaines indications. Le Dr Dominguez a cité des comparaisons entre la tigécycline (bactériostatique) et la lévofloxacine (bactéricide) dans la pneumonie communautaire (PC) (taux de guérison de 89,7 % et de 86,3 %, respectivement) de même qu’entre le linézolide (bactériostatique) et la vancomycine (bactéricide) (53 % vs 52 %) dans la pneumonie nosocomiale. Lorsque des médicaments sont d’efficacité comparable, on doit tenir compte d’autres facteurs dans le choix du médicament, comme la voie d’administration, le risque de résistance et les effets indésirables usuels.

Pharmacocinétique et pharmacodynamie

La Dre Lynora Saxinger, professeure agrégée, Division des maladies infectieuses, University of Alberta, Edmonton, a expliqué en quoi la pharmacocinétique (PK) et la pharmacodynamie (PD) d’un médicament peuvent exercer un effet substantiel sur son efficacité dans certains contextes thérapeutiques. L’exposition des bactéries au médicament dépend non seulement de la dose utilisée, mais également de la capacité fonctionnelle de l’organe qui élimine le médicament et de la pénétration de ce dernier dans le foyer infectieux ciblé. Les médicaments ne diffusent pas de façon égale dans les tissus et les liquides corporels, explique la Dre Saxinger, leur distribution étant en fait hétérogène. Ainsi, la concentration d’un médicament dans le liquide de revêtement épithélial (ELF, pour epithelial lining fluid) joue un rôle important dans le traitement d’une infection pulmonaire. La concentration d’une bêta-lactamine, par exemple, est généralement plus faible dans l’ELF que dans le sérum, alors que c’est l’inverse pour les macrolides. Les quinolones parviennent toutes à atteindre une forte concentration dans l’ELF. L’azithromycine et le linézolide sont pour leur part présents en concentrations 13 et 2 fois plus élevées dans l’ELF que dans le sérum, respectivement, alors que la concentration de la ceftazidime dans l’ELF ne représente que 0,2 fois celle du sérum, poursuit la Dre Saxinger. Il en va de même pour la tigécycline, sa concentration dans l’ELF étant d’au plus 0,18 fois la concentration sérique sur une période de 12 heures.

«La seconde moitié de l’équation PK/PD est la CMI», enchaîne la Dre Saxinger. La CMI peut varier non seulement d’un micro-organisme à l’autre, mais aussi d’une population de patients à l’autre. Par exemple, la CMI de la tigécycline était plus élevée chez les patients atteints de pneumonie sous ventilation assistée que chez les patients atteints de PC (Rubino CM, ICAAC 2009). Par conséquent, le fait de connaître la CMI d’un agent à l’égard d’un micro-organisme particulier au sein d’une population particulière peut être une donnée utile pour le choix du schéma thérapeutique. Dans le cas de la vancomycine, le rapport cible entre l’aire sous la courbe (ASC) sur 24 heures et la CMI est de 400. Del Mar (Intens Care Med 2007;33:279-85) a démontré que cette cible était atteignable chez la plupart des patients avec une CMI de 1 ou moins. Cependant, chez les patients infectés par S. aureus de sensibilité intermédiaire ou résistant aux glycopeptides (GISA), la probabilité que la valeur cible soit atteinte est beaucoup plus faible. En outre, une autre étude (Lodise et al. Antimicrob Agents Chemother 2008;52[4]:1330-6) a mis en évidence un risque croissant de néphrotoxicité chez des patients qui avaient besoin de 4 g/jour ou plus de vancomycine pour atteindre des concentrations thérapeutiques (34,6 % des patients sous vancomycine montraient des signes de néphrotoxicité vs 6,7 % des témoins sous linézolide).

Résultats de l’étude CANWARD

Le problème des souches bactériennes antibiorésistantes en milieu hospitalier est répandu. Non seulement cette résistance est-elle à l’origine d’un accroissement de la morbi-mortalité, mais elle augmente le nombre d’épreuves de laboratoire requises et de mesures de lutte contre l’infection, elle exige l’administration d’antimicrobiens plus coûteux et elle prolonge le séjour à l’hôpital. Melanie DeCorby, chercheuse au Département de microbiologie médicale, Faculté de médecine, University of Manitoba, a présenté les données de 2009 de l’étude CANWARD (Canadian Ward Surveillance Study), programme continu visant à surveiller la prévalence et la progression des agents pathogènes résistants dans les hôpitaux du Canada. Depuis 2007, l’étude CANWARD génère des données annuelles sur le statut de ces micro-organismes. Parmi les micro-organismes à Gram positif, le SARM a causé 21,1 % des infections à S. aureus dans l’ensemble du Canada; cependant, on a observé une variation considérable d’une région à l’autre, les extrêmes étant de 22,8 % en Ontario et de 10 % dans les Maritimes. L’analyse de la proportion relative des infections à SARM communautaire (SARM-C) et des infections à SARM lié aux soins de santé (SARM-N) a révélé une variation encore plus grande, de 56,9 % des infections à SARM-C dans l’Ouest à seulement 5,1 % au Québec, pour une moyenne nationale de 31 %.

«Les infections à SARM se sont stabilisées dans un grand nombre de régions», précise le Dr Stephen Shafran, professeur titulaire, Division des maladies infectieuses, University of Alberta, «quoique nous voyions de plus en plus de souches résistantes à la clindamycine dans les isolats communautaires. Nous nous dirigeons vers une fusion des isolats de SARM-C et des isolats de SARM-N, si bien que nous cesserons peut-être un jour de qualifier le SARM de “communautaire” ou de “lié aux soins de santé”, l’hôpital étant un milieu communautaire; les patients vont et viennent, et la distinction est de moins en moins évidente.» La résistance à la clindamycine se chiffre maintenant à 46,6 %, et la résistance à la ceftriaxone, à la ciprofloxacine et à la clarithromycine est très forte. Par contre, l’étude CANWARD n’a fait état d’aucune résistance de SARM à la daptomycine, au linézolide, à la tigécyline ou à la vancomycine en 2009.

Les chercheurs ont noté une variation régionale considérable dans la distribution de certaines bactéries à Gram positif. Par conséquent, insiste Mme DeCorby, «il est important de savoir ce qui se passe dans votre hôpital et de connaître les antibiogrammes locaux».

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