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Nouveaux concepts dans la pathogenèse de la MPOC : l’inflammation systémique au premier plan

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Conférence internationale de l’American Thoracic Society

San Diego, Californie / 15-20 mai 2009

De plus en plus, on croit que la diminution des taux élevés de médiateurs pro-inflammatoires dans la grande circulation et les tissus extrapulmonaires contribuerait étroitement à une meilleure maîtrise de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et de la comorbidité connexe. Un certain nombre de nouveaux agents exerçant des effets anti-inflammatoires directs ou indirects – qui en sont à divers stades de leur développement – ont pour objectif de prévenir le déclin progressif de la fonction pulmonaire et de protéger les autres tissus touchés par l’inflammation croissante. Il s’agit là d’un réel virage dans notre compréhension de la physiopathologie de la MPOC.

Le point sur la physiopathologie de la MPOC

«Nous, les pneumologues, pensions que l’usage du tabac enclenchait un processus délétère pour les poumons, mais cette explication semble maintenant simpliste. Nous savons que les particules présentes dans la fumée se retrouvent dans la circulation et de nombreux tissus, et cela pourrait expliquer que l’état inflammatoire soit plus généralisé et que la quasi-totalité des patients atteints de MPOC souffrent d’une ou de plusieurs affections concomitantes. Il est primordial, à mon avis, que la MPOC soit maintenant perçue comme une maladie systémique», affirme le Dr Leonardo M. Fabbri, Département de pneumologie, Università degli Studi di Modena et Reggio Emilia, Italie.

Bien que cette nouvelle théorie gagne du terrain rapidement, elle ne date pas d’hier. Les données à l’appui d’une importante composante systémique de la MPOC existent depuis de nombreuses années, rappelle le Dr Peter Calverley, School of Clinical Sciences, University Hospital Aintree, Liverpool, Royaume-Uni, qui participe activement au développement et à l’évaluation de divers traitements systémiques pour la MPOC. Certains agents ciblent des médiateurs très spécifiques de l’inflammation, comme le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa) et la protéine C-réactive (CRP), alors que d’autres exercent un effet plus global sur la régulation des cellules inflammatoires. Plusieurs approches semblent viables.

«De tous les agents mis au point récemment, les inhibiteurs de la phosphodiestérase-4 (PDE-4) sont ceux qui sont les plus proches de la commercialisation, explique le Dr Calverley. La PDE-4 est une cible intéressante, puisque cette enzyme exerce des effets inflammatoires dans tout l’organisme et non seulement dans les voies respiratoires. Un médicament administré par voie générale pour une maladie systémique, c’est parfaitement logique», ajoute-t-il.

Inhibiteur de la PDE-4 dans le traitement de la MPOC

Les résultats d’un essai clinique d’envergure sur l’utilisation d’un inhibiteur de la PDE-4 dans la MPOC ont été publiés il y a deux ans (Calverley et al. Am J Respir Crit Care Med 2007;176:154-61). Cette étude portait sur le roflumilast, inhibiteur de la PDE-4 administré une fois par jour, que le Dr Calverley a décrit comme «le plus puissant des agents testés cliniquement». Lors de cet essai, 1513 patients atteints de MPOC sévère (VEMS médian de 41 % du volume prédit) ont reçu aléatoirement 500 µg de roflumilast ou un placebo. Au terme des 52 semaines de l’étude, le VEMS post-bronchodilatation avait augmenté de 39 mL sous l’effet de cet agent, par rapport au placebo (p=0,001). Le taux d’exacerbation n’a pas baissé de manière significative sous l’effet du roflumilast chez l’ensemble des patients, mais on a observé une diminution dans les cas les plus sévères (Figure 1).

Figure 1. Variation moyenne du VEMS post-bronchodilatation


«Le développement du roflumilast avance bien, et nous attendons beaucoup d’autres données», précise le Dr Calverley, qui souligne que la tolérabilité est acceptable. L’activité de cet agent valide la théorie voulant qu’un traitement systémique puisse améliorer les paramètres classiques d’évaluation de la MPOC comme la fonction pulmonaire. Il s’agit là d’un point important parce que l’objectif ultime d’un traitement systémique est l’obtention de meilleurs résultats influencée par l’amélioration de la fonction pulmonaire et la maîtrise des affections concomitantes.

Manifestations systémiques

Si l’on part du principe que la MPOC est une maladie systémique, le recours à un seul agent pour la protection de multiples organes est un objectif logique. Le Dr Fabbri a même qualifié la variation du VEMS de «biomarqueur d’un processus morbide systémique global», et a insisté sur l’importance de voir la MPOC comme une maladie qui va bien au-delà de la fonction pulmonaire. Certes, concède-t-il, les pneumologues sont de plus en plus à l’affût de maladies concomitantes comme les maladies cardiaques, le diabète, l’anémie, l’ostéoporose et la dépression chez les patients atteints de MPOC, mais l’inverse devrait aussi être vrai.

«Nous avons récemment demandé à des confrères et à des consœurs d’une clinique de médecine cardiovasculaire si nous pouvions explorer la possibilité que leurs patients souffrent de MPOC. De tous les insuffisants cardiaques, 29 % souffraient de MPOC, mais seulement deux patients le savaient», poursuit le Dr Fabbri.

Si l’on encourage ce virage et que l’on place la MPOC au cœur d’un processus inflammatoire systémique, c’est qu’on a espoir d’atténuer le nombre d’issues défavorables, dont le décès prématuré. Lorsque le Dr Bartolome Celli, Tufts University, Boston, Massachusetts, et son équipe ont analysé les causes de décès chez les sujets de l’étude TORCH d’une durée de trois ans, ils ont constaté que la mort avait été causée par la maladie respiratoire dans 35 % des cas, par une maladie cardiovasculaire dans 27 % des cas et par un cancer dans 21 % des cas, les cancers découlant eux aussi d’une modulation de l’activité du système immunitaire, explique le Dr Celli. Comme d’autres conférenciers, il a qualifié les facteurs de comorbidité fréquents de «manifestations extrapulmonaires», indiquant ainsi que ces processus morbides ont des éléments en commun.

La recherche de nouvelles stratégies pour la maîtrise de l’inflammation systémique est nécessaire du fait que les cibles semblent différer de celles d’une maîtrise de l’inflammation pulmonaire. Dans le poumon, l’inflammation semble résulter en grande partie d’un afflux de neutrophiles, d’éosinophiles, de macrophages et de monocytes, lesquels sont associés très étroitement à la libération du leucotriène B4 et des interleukines (IL)-1ß, IL-1a et IL-12. Si l’activation des lymphocytes est commune à l’inflammation pulmonaire et à l’inflammation systémique, les médiateurs de l’inflammation comme la CRP, le fibrinogène, le TNFa, l’IL-6 et l’IL-8 semblent davantage caractéristiques d’une inflammation systémique. Le Dr Steven I. Rennard, University of Nebraska School of Medicine, Omaha, pense que les marqueurs sanguins spécifiques et mesurables de l’inflammation seront utiles non seulement pour évaluer l’inflammation systémique, mais aussi pour orienter le traitement, comme le sont le cholestérol sanguin et le taux d’hémoglobine glyquée dans les maladies cardiovasculaires et le diabète, respectivement.

«À mon avis, l’inflammation systémique est le chaînon manquant qui nous permettra d’élucider la MPOC, et la mesure de l’inflammation sera d’une absolue nécessité pour le développement et l’utilisation de traitements novateurs qui maîtrisent le processus morbide», poursuit le Dr Rennard.

Par exemple, on a constaté une élévation reproductible du taux de protéine D du surfactant pulmonaire dans le sang périphérique de patients atteints de MPOC par rapport à des fumeurs ne souffrant pas de MPOC de même que chez des fumeurs par comparaison à des non-fumeurs, explique le Dr Rennard. Ces taux ne sont pas corrélés avec les stades de la MPOC selon la GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease), mais la dysfonction pulmonaire, une fois amorcée, pourrait emprunter une trajectoire indépendante de l’inflammation systémique même si la maîtrise de l’inflammation systémique est importante pour le traitement. On a toutefois établi une corrélation entre d’autres marqueurs, comme la CRP, le fibrinogène, le TNFa, l’IL-6 et l’IL-8, d’une part, et le VEMS ou la capacité vitale forcée (CVF), d’autre part, dans le cadre d’autres études dont les résultats ont été publiés. Le défi consiste à trouver un marqueur spécifique de la MPOC et prédictif des résultats.

Marqueurs de l’inflammation

Si l’on arrivait à repérer un marqueur de l’inflammation associé à la MPOC, la détection précoce du processus morbide de la MPOC deviendrait une réalité. En effet, bien qu’un marqueur de la progression puisse être utile, la MPOC est généralement détectée à un stade plutôt avancé, à un moment où il n’est peut-être plus possible de faire régresser le processus morbide.

«La MPOC ne commence pas le jour où la spirométrie objective une altération de la fonction pulmonaire, mais presque assurément des années plus tôt», fait remarquer le Dr Ravi Kalhan, Feinberg School of Medicine, Northwestern University, Chicago, Illinois. «À l’heure actuelle, non seulement n’avons-nous pas de marqueur de la maladie à un stade précoce, mais nous ne pouvons même pas définir le stade précoce. L’augmentation de l’inflammation systémique pourrait être l’outil dont nous avons besoin pour repérer ces patients avant que d’importantes lésions pulmonaires apparaissent.»

L’étude de cohorte prospective en cours intitulée CARDIA (Coronary Artery Risk Development in young Adults) pourrait nous fournir cet élément d’information. Amorcée en 1985, l’étude porte sur un vaste éventail de marqueurs de l’inflammation, l’objectif étant d’évaluer les signes de développement d’une maladie CV. Le Dr Kalhan évalue la fonction pulmonaire en relation avec ces mêmes marqueurs L’analyse des taux de CRP et de fibrinogène a fait ressortir une corrélation entre le déclin avec l’âge de la fonction pulmonaire et les taux de CRP et de fibrinogène après prise en compte de l’indice de masse corporelle, mais cette corrélation valait uniquement pour la CVF, le VEMS n’étant pas corrélé avec ces marqueurs de l’inflammation. Comme les sujets de la cohorte ne sont pas encore assez âgés, l’incidence de la MPOC n’est pas assez élevée pour que l’on puisse déterminer la valeur prédictive des marqueurs de l’inflammation, mais de telles études sont prévues.

«Nous sommes loin d’être avancés pour ce qui est de mesurer l’inflammation systémique en relation avec la MPOC, mais je pense que nous allons repérer un phénotype pour l’inflammation en vertu duquel certains patients atteints de MPOC sont très vulnérables à un vaste éventail de maladies inflammatoires», avance le Dr Kalhan.

Le rôle des traitements actuels dans la MPOC

Les traitements actuels de la MPOC ne semblent pas exercer d’effet notable sur les marqueurs systémiques de l’inflammation, affirme le Dr Klaus F. Rabe, Département de pneumologie, Centre médical de l’Université de Leyde, Pays-Bas. Par exemple, le tiotropium, bronchodilatateur à longue durée d’action, a récemment été associé à des améliorations de la fonction pulmonaire et de la qualité de vie chez des patients atteints de MPOC qui avaient été évalués sur une période de quatre ans, mais il n’a pas été associé à une réduction substantielle de la CRP ou du TNFa. Le Dr Rabe précise qu’il en va de même pour les corticostéroïdes en inhalation comme la fluticasone, même si ces agents diminuent les cytokines inflammatoires spécifiques du tissu pulmonaire.

«Les médicaments classiques n’agissent pas sur l’inflammation systémique, de sorte que s’il s’agit d’un objectif important, nous devons élaborer de nouvelles stratégies de traitement», indique le Dr Rabe. Par ailleurs, certaines données montrent que les statines pourraient être bénéfiques en raison de leur effet anti-inflammatoire systémique. Citant une étude rétrospective publiée l’année dernière (van Gestel et al. Am J Cardiol 2008;102:192-6), le Dr Rabe a rapporté que les statines étaient associées à une augmentation significative de 33 % (HR de 0,67; IC à 95 % : 0,52-0,85) de la survie à long terme chez les patients atteints de MPOC. Bien qu’il ne soit pas clair que le bénéfice ait découlé directement de l’effet anti-inflammatoire, les auteurs précisent que leur analyse partait du principe que la MPOC est une maladie inflammatoire que l’on peut maîtriser par ce mécanisme.

Le rôle partiel éventuel d’un processus auto-immun sous-jacent à la MPOC pourrait brouiller les pistes. Plusieurs études ont objectivé l’augmentation des cytokines Th1 et des chimiokines, et diverses protéines pourraient être candidates au titre d’autoantigènes déclenchants. Par exemple, une étude chez l’animal portant sur le rôle des peptides d’élastine en tant qu’auto-antigènes a pu démontrer une augmentation du nombre de macrophages et de neutrophiles activés ainsi que de la MMP9 et de la MMP12 dans le liquide alvéolaire, caractéristiques de la présentation de la MPOC. Dans son survol de l’hypothèse auto-immune, le Dr Fabbri faisait remarquer que selon plusieurs chercheurs, une réponse auto-immune pourrait expliquer que certains fumeurs développent la MPOC et d’autres, non.

L’inflammation pulmonaire persistante est une manifestation caractéristique de la MPOC, mais les anti-inflammatoires en inhalation ne permettent qu’une légère amélioration de la fonction pulmonaire, n’infléchissent pas la progression de la maladie et n’exercent pas d’effet mesurable sur la comorbidité de la MPOC, comme les maladies CV. Il semble improbable que les anti-inflammatoires systémiques puissent faire régresser les lésions pulmonaires découlant de la MPOC avancée, mais ils pourraient ralentir la progression et être bénéfiques en maîtrisant le processus inflammatoire touchant d’autres organes. De plus, si l’on perçoit maintenant la MPOC comme un processus inflammatoire systémique, de nouvelles possibilités s’offriront à nous pour l’élaboration de méthodes de détection précoce, voire de traitement plus précoce et, par conséquent, de conservation de la fonction pulmonaire.

Résumé

Il ne semble pas approprié de définir la MPOC comme une simple maladie pulmonaire. L’augmentation des médiateurs de l’inflammation observée dans de multiples organes pourrait expliquer que la MPOC soit si souvent associée à d’autres troubles majeurs, dont les maladies CV. Par comparaison aux anti-inflammatoires en inhalation et aux bronchodilatateurs, les stratégies visant à réprimer l’inflammation systémique pourraient non seulement resserrer la maîtrise de la maladie dans les poumons, mais également ralentir, voire stopper, les processus morbides concomitants. Les données à l’appui d’un bénéfice clinique associé aux anti-inflammatoires systémiques en développement valident l’hypothèse voulant que les agents oraux aient un rôle thérapeutique à jouer. L’intérêt grandissant que suscite ce champ de recherche pourrait se traduire par de meilleures méthodes de diagnostic de la MPOC et d’évaluation de sa progression.

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