Comptes rendus

Prophylaxie de la thromboembolie veineuse : répercussions sur la prise en charge du patient cancéreux
Aspects nouveaux de la prise en charge globale du risque et du traitement de l’hypertension

Nouvelle orientation du traitement de la douleur dans la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 21e Assemblée annuelle du Consortium of Multiple Sclerosis Centers

Washington, D.C. / 30 mai-2 juin 2007

La douleur est un symptôme courant de la sclérose en plaques (SEP), 50 % à 70 % des personnes atteintes de la maladie en étant affligées. Environ 20 % des patients qualifient leur douleur de sévère, et 20 % ont des douleurs au quotidien. Cependant, la plupart des médicaments ne procurent pas de soulagement systématique de la douleur, et environ 70 % ne bénéficient pas d’un soulagement approprié, explique la Dre Virginia Devonshire, directrice, University of British Columbia Multiple Sclerosis Pain Clinic, Vancouver.

«La douleur est parfois cliniquement difficile à diagnostiquer et à traiter, sans compter que les patients ne la signalent pas toujours, précise-t-elle. Les patients ont souvent l’impression qu’ils doivent simplement l’endurer.» De plus, beaucoup de patients craignent les médicaments et s’inquiètent des effets indésirables et des interactions médicamenteuses en raison des médicaments, parfois nombreux, qu’ils doivent prendre pour traiter leurs symptômes.

La douleur neuropathique ou émanant directement d’une lésion nerveuse est parfois particulièrement difficile à traiter, affirme la Dre Devonshire. «Il arrive que le patient ne soit même pas en mesure de reconnaître qu’il s’agit d’une douleur ou qu’il ne soit pas conscient de ses retombées.» Cliniquement, la douleur peut se manifester par une sensation de brûlure (dysesthésie), une douleur lancinante paroxystique, des paresthésies douloureuses, une allodynie (douleur au toucher) ou une hyperalgésie. «Le plus souvent, mes patients me signalent une douleur constante et profonde ou une sensation de brûlure», poursuit-elle.

Il existe diverses modalités pour le traitement de la douleur associée à la SEP, entre autres des stratégies non pharmacologiques comme la physiothérapie, l’acupuncture, la relaxation, la méditation, les étirements et l’exercice aérobique, et des stratégies pharmacologiques. «Prendre sa douleur en charge, c’est comme prendre sa vie en main», fait remarquer le Dr Mark A. Ware, professeur adjoint d’anesthésie et de médecine familiale, Université McGill, Montréal, Québec. «Nous devons tenter d’aider nos patients à se prendre en main, à soulager leur douleur, à faciliter leur rétablissement fonctionnel, à bien dormir et à gérer leur humeur, leur spasticité et d’autres symptômes de la SEP.»

Dans les lignes directrices publiées récemment par la Société canadienne de la douleur, les antidépresseurs tricycliques et certains anticonvulsivants comme la gabapentine et la prégabaline sont recommandés en première intention pour la douleur neuropathique chronique (Moulin et al. Pain Res Manag 2007;12:13-21). Les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline et la lidocaïne topique sont recommandés en deuxième intention, tandis que le tramadol et les analgésiques opioïdes à libération contrôlée sont recommandés en troisième intention pour le traitement de la douleur modérée à sévère. Les traitements recommandés en quatrième intention sont les cannabinoïdes (CB), la méthadone et plusieurs anticonvulsivants (lamotrigine, topiramate et acide valproïque).

Tour d’horizon des données

Les CB sont les derniers-nés de la classe des antidouleurs. Jusqu’au milieu des années 1940, ce traitement était en fait très bien connu, car un extrait du plant de marijuana était alors utilisé, explique le Dr Ware. Bien que l’ingrédient actif, le tétrahydrocannabinol (THC), ait été isolé au milieu des années 1960, peu de recherches dignes de mention avaient permis d’en confirmer les vertus thérapeutiques jusqu’à il y a 10 ans environ, note le Dr Ware. Par contre, nous avons maintenant de plus en plus de données cliniques indiquant que les dérivés du cannabis sont des analgésiques efficaces pour la douleur cancéreuse, les lésions médullaires et la douleur viscérale.

À l’heure actuelle, environ 2 % des Canadiens utilisent la marijuana à des fins médicales pour soulager leur douleur et améliorer leur sommeil, leur humeur et leur capacité fonctionnelle, souligne le Dr Ware. Au Canada, environ 1500 patients ont obtenu l’autorisation de consommer de la marijuana en vertu de la réglementation canadienne sur l’accès à la marijuana à des fins médicales. En général, les doses de CB sont peu élevées et permettent de réduire la dose des opioïdes et des autres médicaments, ajoute-t-il.

Mode d’action

«Les CB ont de multiples cibles qui atténuent la douleur», enchaîne la Dre Pamela Squire, professeure adjointe de clinique, University of British Columbia, Vancouver, qui a décrit les deux types de récepteurs CB identifiés : les récepteurs CB1 présents dans le cerveau et le système nerveux périphérique et les récepteurs CB2 localisés en périphérie dans les cellules et les tissus de l’appareil reproducteur et du système immunitaire.

Une soixantaine de CB ont été extraits du plant de cannabis, explique la Dre Squire, et un certain nombre de préparations sont en cours d’évaluation pour usage clinique. Pour l’instant, un seul de CB – une préparation à base de delta-9-tétrahydrocannabinol et de cannabidiol (THC:CBD) provenant du plant entier – est homologuée au Canada. Ce CB s’administre sous la langue ou à l’intérieur de la joue au moyen d’un vaporisateur, et permet ainsi au patient de soulager sa douleur. Chaque vaporisation libère 2,7 mg de THC et 2,5 mg de CBD. Comme le précise la Dre Squire, les patients peuvent progressivement augmenter leur dose jusqu’à un maximum de 48 vaporisations en 24 heures. Selon le libellé de la monographie, le patient peut au besoin augmenter sa dose progressivement, pourvu qu’il tolère bien le médicament.

Données corroborantes

Le Dr Ware a passé en revue plusieurs études récentes sur l’utilisation de médicaments dérivés du cannabis pour le soulagement des symptômes courants de la SEP.

Selon les résultats d’une étude randomisée, à double insu, à groupes parallèles et comparative avec placebo, la préparation actuellement homologuée de THC:CBD a été efficace pour soulager la douleur et les troubles du sommeil chez les patients en proie à des douleurs neuropathiques centrales associées à la SEP (Rog et al. Neurology 2005; 65:812-9). Cet essai de cinq semaines regroupait 66 patients souffrant de SEP, dont les deux tiers souffraient de douleurs neuropathiques centrales modérées à sévères qui ne cédaient pas aux autres médicaments sur le marché. Les patients recevaient soit la préparation de THC:CBD, soit un placebo, en plus des autres médicaments qu’ils prenaient déjà. Les résultats ont révélé que le dérivé du cannabis était significativement plus efficace qu’un placebo pour réduire l’intensité moyenne de la douleur (p=0,005) et des troubles du sommeil (p=0,003). Il a été généralement bien toléré, mais les patients du groupe THC:CBD étaient plus nombreux que les témoins du groupe placebo à signaler des étourdissements, une sécheresse buccale et de la somnolence.

Spasticité

Des essais randomisés et comparatifs avec placebo ont aussi objectivé l’effet bénéfique des CB sur la spasticité, que l’on observe chez jusqu’à 84 % des patients souffrant de SEP qui peut miner la qualité de vie, et c’est l’un des symptômes de la SEP les plus difficiles à traiter. Selon les résultats d’un essai de 15 semaines regroupant 667 patients dont la SEP était stable, mais qui présentaient une spasticité musculaire, les CB ont exercé un effet sur la spasticité et la douleur rapportées par les patients (p=0,003) (Zajicek et al. Lancet 2003;362:1517-26). Une étude récente de six semaines a révélé que, lorsque la préparation de THC:CBD homologuée était ajoutée aux agents actuellement utilisés pour traiter la spasticité, elle atténuait la spasticité de façon significativement plus marquée qu’un placebo (p<0,05) chez les patients souffrant de SEP aux prises avec une spasticité importante (Collin et al. Eur J Neurol 2007;14:290-6).

Expérience des patients

Lors des essais cliniques, les effets indésirables les plus fréquents de la préparation de THC:CBD étaient les nausées, la fatigue, les étourdissements et les réactions au point d’application. Ces effets, qui étaient généralement d’intensité légère ou modérée, se résorbaient souvent lorsque la dose était diminuée ou à l’arrêt du traitement.

Bien que certains patients ressentent une euphorie, celle-ci n’est pas aussi prononcée qu’après l’inhalation de marijuana, souligne le Dr Ware. «Le risque de dépendance est extrêmement faible. Le patient peut cesser de prendre le médicament à sa convenance ou le prendre de façon intermittente», ajoute la Dre Squire. Comme la vaporisation sur la muqueuse buccale autorise une souplesse posologique, le patient peut adapter la dose à l’intensité de ses symptômes. «De nombreux patients prennent leur médicament le soir, de sorte que les effets indésirables comme la somnolence deviennent un avantage», note-t-elle.

«Les CB ne sont pas aussi toxiques que les opioïdes, affirme le Dr Ware, ajoutant que la tolérance acquise n’a pas posé de problème non plus. Depuis l’homologation il y a deux ans, je n’ai observé aucun cas de tolérance acquise chez mes patients qui ont pris ce médicament.»

Résumé

Le traitement efficace de la douleur doit en définitive reposer sur une démarche multidisciplinaire concertée dans laquelle interviennent le patient, le(s) médecin(s), le personnel infirmier, le physiothérapeute, l’ergothérapeute, l’entraîneur et le psychothérapeute de même que la famille et les amis. «Nous devons reconnaître d’emblée que les patients pourraient avoir besoin de plus d’un traitement et de l’aide de plus d’un professionnel», précise la Dre Devonshire. Parmi les nouvelles options thérapeutiques à la disposition des Canadiens, les CB se sont révélés utiles et sûrs pour le traitement de la douleur neuropathique associée à la SEP.

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