Comptes rendus

Nouveaux concepts thérapeutiques dans l’ostéoporose
Vers une amélioration du diagnostic et de l’innocuité : regard d’initié sur les progrès récents en matière de technologie et d’innocuité dans l’IRM cardiaque et vasculaire haute résolution

Nouvelles cibles et nouvelles stratégies pour la prévention et le traitement de la migraine

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

50e Assemblée scientifique annuelle de l’American Headache Society

Boston, Massachusetts / 26-29 juin 2008

«La migraine étant un trouble cérébral, il semble logique, à mes yeux en tout cas et probablement aux yeux de nombreuses autres personnes, que le traitement cible des structures neuronales», affirme le Dr Peter J. Goadsby, professeur titulaire de neurologie, University of California at San Francisco. Comme certains confrères et consoeurs, il a discuté de nouvelles cibles thérapeutiques et des futures molécules antimigraineuses, dont certaines agissent à la fois sur les composantes vasculaire et neuronale de la migraine.

Cibles neuronales : succès et ratés

Lorsqu’on a découvert, il y a plusieurs années, que le sumatriptan était un agoniste partiel des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1F, plusieurs agents ciblant les récepteurs 5-HT1F et 5-HT1D ainsi que des récepteurs apparentés ont été mis au point, mais une seule de ces molécules, le LY334370, agoniste partiel des récepteurs 5-HT1F, est encore en développement clinique, fait observer le Dr Goadsby.

Le récepteur vanilloïde de type 1 (TRPV1) a également été proposé comme la cible éventuelle d’antagonistes dans le traitement de la douleur neuropathique, mais des études utilisant les modèles animaux de la vasodilatation neurogène dure-mérienne donnent à penser que ce récepteur est peu susceptible de jouer un rôle important dans la migraine, poursuit le Dr Goadsby.

Par ailleurs, ses collègues de l’Institute of Neurology and the National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Londres, Royaume-Uni, et lui-même ont constaté que l’activation des récepteurs cannabinoïdes inhibait les neurones du complexe trigéminocervical chez le rat, ce qui ferait des récepteurs cannabinoïdes une nouvelle cible possible dans le traitement de la migraine. Les effets cognitifs ou psychoactifs éventuels des médicaments ciblant les récepteurs cannabinoïdes représentent toutefois un obstacle peut-être trop difficile à surmonter, ajoute-t-il.

Inhibition des jonctions lacunaires

Comme le souligne le Dr David W. Dodick, professeur titulaire de neurologie, Mayo Clinic, Scottsdale, Arizona, une molécule agissant sur une nouvelle cible neuronale, la jonction lacunaire, a atteint un stade avancé du développement clinique. Son mode d’action semble prometteur à la fois pour la prévention et le traitement de la migraine.

Les jonctions lacunaires interviennent dans la diffusion intracellulaire des ions, des seconds messagers et des métabolites et semblent donc jouer un rôle important dans l’induction et la propagation de la dépression corticale envahissante (CSD, pour cortical spreading depression), processus qui, croit-on, sous-tendrait la migraine avec aura. L’inhibition de la CSD pourrait être un objectif valable pour les nouveaux agents. «L’aura n’est présente que chez environ le tiers des migraineux et même ces patients ne souffrent pas tous exclusivement de migraines avec aura; en fait, la plupart de ces migraineux souffrent aussi de migraines sans aura», confirme le Dr Dodick. Lors d’études où des modèles animaux recevaient par voie intrapéritonéale divers agents utilisés à des fins de prophylaxie antimigraineuse, ces agents – le topiramate, le valproate, le propranolol, l’amitriptyline et le méthysergide – inhibaient la CSD, ce qui donne à penser que des événements apparentés à la CSD pourraient sous-tendre la migraine sans aura.

Lors d’études précliniques, le tonabersat, anticonvulsivant qui inhibe les jonctions lacunaires, s’est révélé capable d’inhiber la vasodilatation neurogène sans exercer d’effet apparent sur la tension artérielle, la fréquence cardiaque ou le débit sanguin cérébral; on a aussi démontré qu’il inhibait le nombre et la durée des vagues de CSD. «Il inhibe également la libération d’oxyde nitrique induite par la CSD, de sorte que, en un sens, il inhibe le processus métabolique qui alimente la CSD», fait valoir le Dr Dodick.

Au congrès de l’International Headache Society en 2007, le Dr Goadsby et ses collaborateurs ont présenté les résultats du plus vaste essai clinique mené à ce jour sur le tonabersat, qui était un essai comparatif avec placebo mené à double insu sur la prophylaxie antimigraineuse. Le paramètre principal – variation du nombre moyen de jours de migraine après les trois premiers mois de traitement – n’a pas été atteint, bien que les résultats aient été favorables pour quelques-uns des paramètres secondaires, dont le taux de répondeurs à trois mois, la consommation moindre de médicaments de secours à trois mois et la satisfaction des patients. L’agent a semblé bien toléré, les effets indésirables survenus pendant le traitement ayant été comparables dans le groupe de traitement actif et le groupe placebo. Une étude de phase IIb est en cours aux États-Unis, et son paramètre principal est une réduction du nombre moyen de crises migraineuses par mois au cours des huit dernières semaines de traitement.

«Ces inhibiteurs des jonctions lacunaires et les antagonistes des récepteurs du peptide lié au gène de la calcitonine [anti-CGRP] qui pointent à l’horizon représentent un tournant fort intéressant, non seulement pour les patients qui souffrent – et nous espérons que ces médicaments feront la preuve de leur action sur le processus sous-jacent de la migraine – mais aussi pour toute la sphère thérapeutique, car la migraine sera probablement respectée davantage et les migraineux gagneront en crédibilité.»

Tableau 1. Traitement de la migraine : nouvelles cibles et nouvelles molécules


Anti-CGRP : efficacité semblable à celle des triptans

Deux anti-CGRP sont actuellement en développement clinique : l’olcegepant, agent administré par voie intraveineuse (i.v.), et le telcagepant, agent administré par voie orale. Des études de phase I et de phase II ont montré que ces deux agents sont efficaces, sûrs et bien tolérés, rapporte le Dr Stewart J. Tepper, directeur de la recherche, Center for Headache and Pain, Neurological Institute, Cleveland Clinic Foundation, Ohio. Le CGRP est un neuropeptide de 37 acides aminés qui appartient à une famille de peptides incluant la calcitonine, l’adrénomédulline et l’amyline. «C’est l’un des vasodilatateurs endogènes les plus puissants que nous connaissions», fait valoir le Dr Tepper. On en parle à chacune des étapes où il est question de la genèse et de la physiologie de la migraine, et selon votre théorie quant au point de départ de la migraine, vous trouverez encore le CGRP dans les parages. Si l’on part de la périphérie pour aller vers le centre, on le trouve dans les méninges, dans les ganglions trigéminaux, dans le complexe trigéminocervical et dans les noyaux du tronc cérébral jusqu’au cortex.»

La mise au point des anti-CGRP avait pour objectif de bloquer la vasodilatation en périphérie et d’éviter la vasoconstriction, de modifier l’action du CGRP dans les ganglions trigéminaux, d’atténuer la transmission de la douleur et d’inhiber les effets centraux du CGRP. Le Dr Tepper a fait référence à un essai de validation de principe lors duquel les patients recevaient aléatoirement de l’olcegepant par voie i.v. ou un placebo (Olesen et al. N Engl J Med 2004; 350[11]:1104-10). La réponse – qui se définissait comme l’absence de douleur céphalique deux heures après la perfusion de 2,5 mg – a atteint un taux de 44 %, alors que le taux de réponse à quatre heures se chiffrait à 56 % vs 2 % et 10 %, respectivement, pour le placebo. Le taux de réponse soutenue globale s’établissait à 47 % pour l’anti-CGRP vs 15 % pour le placebo, et le taux de récurrence était respectivement de 19 % vs 46 %. Les nausées, la phonophobie et la photophobie ont aussi diminué parallèlement à la réponse au traitement, note le Dr Tepper.

«Les effets indésirables de l’olcegepant i.v. ont été aussi très encourageants, souligne-t-il. Aux doses les plus fortes, le médicament a semblé causer des paresthésies alors qu’aux doses plus faibles et cliniquement importantes, les effets indésirables semblaient comparables à ceux d’un placebo, et aucun effet indésirable grave n’a été signalé.»

Données d’une étude de phase III

Le Dr Tony W. Ho, North Wales, Pennsylvanie, a présenté des données de phase III sur le telcagepant. L’étude randomisée dont il a parlé visait à comparer le telcagepant avec un placebo et le zolmitriptan à 5 mg dans le traitement d’une migraine unique d’intensité modérée ou sévère chez 1380 patients.

Les paramètres principaux de l’étude étaient, à deux heures, le taux d’absence de douleur, le soulagement de la douleur et l’absence de photophobie, de phonophobie et de nausées. Les paramètres secondaires étaient l’absence soutenue de douleur de deux à 24 heures, l’absence totale de migraine à deux heures et l’absence totale de migraine de deux à 24 heures après l’administration du médicament. Le telcagepant a été étudié aux doses de 150 mg et de 300 mg.

Les chercheurs ont constaté que pour chacun des paramètres évalués, le telcagepant à 300 mg était significativement meilleur que le placebo et d’efficacité comparable au zolmitriptan à 5 mg. Comme ce fut le cas pour l’olcegepant, les données sur les effets indésirables du telcagepant «ont finalement fait ressortir un profil très favorable. Au chapitre des médicaments à venir, c’est vraiment une bonne nouvelle pour nos patients», fait valoir le Dr Tepper.

Effet central

De plus en plus de données montrent que l’action des anti-CGRP est principalement centrale plutôt que périphérique, affirme le Dr Tepper, comme en témoigne la dose clinique de 300 mg de telcagepant qui est beaucoup plus élevée que la dose dont on aurait besoin pour obtenir un effet sur les méninges en périphérie. «Cette classe de médicaments semble à la fois efficace et sûre, mais il semble qu’un effet central soit nécessaire à l’effet clinique, et c’est le message à retenir. Il est aussi rassurant de constater que cet agent n’altère pas la cognition, le système nerveux central ou les fonctions intellectuelles et qu’il n’exerce pas d’effets indésirables sur ces plans», poursuit le Dr Tepper. Certaines données semblent aussi indiquer que le CGRP serait une cible appropriée dans le traitement des algies vasculaires de la face (cluster headache) et l’hémicrânie paroxystique chronique, ajoute-t-il.

Les Drs Dodick, Ho et leurs collaborateurs ont aussi présenté une analyse rétrospective des données de l’essai de phase III sur le telcagepant. En particulier, ils se sont intéressés à l’absence soutenue de douleur et d’effets indésirables à partir de données fournies par les patients. Ils ont constaté que le telcagepant était supposément supérieur au placebo sur les plans de l’absence soutenue de douleur, de l’absence d’effets indésirables et d’autres paramètres mixtes d’efficacité et de tolérabilité. Ils ont également constaté que le zolmitriptan était supérieur au placebo pour certains de ces paramètres, mais sa supériorité par rapport au placebo était moins marquée que celle du telcagepant à 300 mg.

Variation des effets du traitement d’une classe à l’autre

Lors de la conférence couronnée du prix Harold G. Wolff en 2008, le Dr Marcelo Bigal, professeur adjoint de clinique en neurologie, Albert Einstein Medical College, New York, New York, s’est penché sur le lien entre, d’une part, l’utilisation excessive d’antimigraineux pour le traitement des symptômes et, d’autre part, la progression de migraine aiguë à migraine chronique. Il a également fait part à l’auditoire d’une enquête réalisée auprès de ménages américains d’un bout à l’autre du pays.

Cette enquête – qui a rejoint plus de 162 000 personnes – a révélé que la progression de la migraine survenait seulement chez quelques patients, qu’elle semblait liée autant à la fréquence des céphalées qu’à l’utilisation d’antimigraineux et qu’elle était liée à certaines classes de médicaments, mais pas à d’autres. Par exemple, ils ont observé que les barbituriques et les opioïdes étaient associés à un risque accru de migraine chronique, alors que les AINS semblaient au contraire exercer un effet protecteur, sauf chez les patients qui avaient des céphalées de 10 à 14 jours par mois. «Au sein d’une classe de médicaments agissant à court terme, l’influence de l’agent est modifiée par la fréquence d’utilisation ainsi que par la fréquence des céphalées», note le Dr Bigal.

Tout est question de temps

Certes, les nouvelles molécules et les nouvelles cibles thérapeutiques ont suscité beaucoup d’intérêt au congrès, mais la recherche sur les traitements établis occupait aussi une place importante.

Par exemple, les chercheurs ont réalisé une étude croisée ouverte qui visait à comparer le rizatriptan avec l’almotriptan dans la pratique clinique. Des adultes migraineux devaient traiter deux crises migraineuses séquentielles, l’une à l’aide du rizatriptan à 10 mg, l’autre avec leur antimigraineux d’ordonnance usuel, et ce sont les patients qui décidaient de l’ordre des médicaments. On avait remis aux patients un chronomètre et un journal dans lequel ils notaient le résultat du traitement et le délai d’obtention d’un soulagement.

En tout, 79 des 146 patients inscrits ont utilisé un chronomètre pour les deux crises, et ces patients ont été inclus dans l’analyse finale des résultats. Les auteurs ont constaté que le pourcentage de patients chez qui le soulagement de la céphalée était amorcé deux heures après l’administration du médicament était significativement plus élevé dans le groupe rizatriptan (88,6 %) que dans le groupe almotriptan (73,4 %) (p=0,007).

De même, les chercheurs ont noté que, dans le groupe rizatriptan, le délai d’obtention du soulagement était significativement plus court (45 vs 60 minutes; p=0,002), tout comme l’intervalle précédant la disparition complète de la céphalée (100 vs 135 minutes; p=0,004).

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’entretiens avec le Dr Tony Ho, North Wales, Pennsylvanie; le Dr Stewart Tepper, Cleveland Clinic Foundation, Ohio; et le Dr Peter J. Goadsby, University of California at San Francisco, durant le congrès.

Q : Que pensez-vous des résultats obtenus à ce jour avec le telcagepant?

Dr Ho : Nous sommes assurément très encouragés par les résultats du premier essai de phase III, car le telcagepant s’est révélé supérieur au placebo selon tous les paramètres principaux et [...] les paramètres secondaires. Le telcagepant a aussi été très bien toléré.

Q : Le Dr Tepper a mentionné que l’efficacité du telcagepant était comparable à celle des triptans. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une comparaison juste?

Dr Ho : Le comparateur actif dans notre étude était le zolmitriptan à 5 mg. L’étude n’avait pas pour objectif d’établir la supériorité ou la non-infériorité d’un agent par rapport à l’autre, et le nombre [de patients] était assez élevé. À la lumière de [ce] nombre, l’efficacité du telcagepant à 300 mg semble comparable à celle du zolmitriptan à 5 mg. En outre, le telcagepant a été bien toléré, son profil d’effets indésirables ayant été semblable à celui d’un placebo.

Q : Devons-nous réaliser des études chez des patients qui présentent des contre-indications à l’usage d’un triptan, par exemple, la migraine basilaire ou hémiplégique, la maladie coronarienne, la maladie artérielle périphérique ou la maladie vasculaire cérébrale, afin de déterminer l’innocuité des anti-CGRP chez ces patients?

Dr Tepper : Aucune étude n’a été réalisée sur le traitement des migraines hémiplégiques et d’autres migraines de type vasculaire. Par contre, deux communications par affiche [ont été présentées] au congrès. Dans l’une des études, le telcagepant a été administré à 28 patients coronariens, et aucun effet indésirable n’a été signalé. Dans l’autre étude, le telcagepant a été administré à 20 hommes en bonne santé qui ont ensuite reçu de la nitroglycérine, et les effets vasodilatateurs de la nitroglycérine n’ont pas été inhibés par l’anti-CGRP, ce qui revient à ce que le Dr Ho dit toujours, à savoir qu’il y a de très nombreuses façons d’obtenir la vasodilatation, y compris l’oxyde nitrique, et que l’anti-CGRP n’inhibe pas la vasodilatation par ces autres mécanismes.

Q : Lors des essais cliniques, avez-vous constaté un soulagement de la douleur non céphalique [sous l’effet des anti-CGRP] comme les myalgies ou peut-être la dysménorrhée ou les migraines menstruelles?

Dr Tepper : Non. L’étude était tellement axée [sur les céphalées] que nous n’avons pas beaucoup d’autres données, à part les données indirectes montrant que le taux de CGRP est élevé en présence de certaines affections, comme l’hypertension, le dysfonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire ou le sepsis, ou à la suite d’une intervention chirurgicale de l’oeil. Ces affections caractérisées par une élévation du taux de CGRP semblent constituer de bonnes cibles.

Q : Compte tenu de la complexité des mécanismes qui sous-tendent la migraine et de la redondance inhérente à la biologie, ne serait-il pas logique de cibler de multiples mécanismes pour inactiver le processus qui se solde par la migraine plutôt que de trouver le remède miracle?

Dr Goadsby : Tout à fait. La migraine est une maladie complexe dont les mécanismes sont complexes, et c’est probablement la raison pour laquelle toute molécule utilisée seule aura un effet maximal bien inférieur à 100 %. L’idéal serait d’établir clairement les mécanismes qui ont un effet, puis, comme nous le faisons dans la pratique clinique, d’associer ces mécanismes et de voir s’il en résulte un bénéfice additif.

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