Comptes rendus

Évolution des stratégies antiplaquettaires dans les interventions coronariennes percutanées
Cancer de l’ovaire : défis du traitement et prise de décisions

Nouvelles données sur l’hépatite C chronique : amélioration des protocoles de traitement et mise en évidence de différences entre les génotypes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 58e Assemblée annuelle de l’American Association for the Study of Liver Diseases

Boston, Massachusetts / 2-6 novembre 2007

On estime que 300 000 Canadiens sont infectés par le virus de l’hépatite C (VHC). Environ 50 % ne répondent pas au traitement et, de ces non-répondeurs, 10 % à 20 % développent une cirrhose hépatique et 1 % à 4 %, un cancer hépatocellulaire, explique le Dr Saya Victor Feinman, professeur titulaire de médecine (gastro-entérologie), University of Toronto, Ontario. «L’hépatite C est la principale indication des transplantations hépatiques en Amérique du Nord et probablement à l’échelle mondiale», ajoute le Dr Paul Marotta, directeur médical, transplantations hépatiques, London Health Sciences Centre, et professeur agrégé de médecine, University of Western Ontario. Le Dr Marotta s’attend à une augmentation marquée du nombre de cas au cours des 10 à 15 prochaines années.

Étude POWeR : Efficacité dans la pratique au quotidien

Les résultats de deux essais cliniques internationaux de grande envergure sur l’interféron alfa-2b péguylé en association avec la ribavirine (PEG-IFN alfa-2b/RBV) ont objectivé des taux de réponse virologique durable (RVD) de 54 % et de 56 % (Manns et al. Lancet 2001;358:958-65; Fried et al. N Engl J Med 2002;347:975-82). Le paramètre principal de l’étude plus récente POWeR (Pegetron Prospective Optimal Weight-Based Dosing Response) était l’obtention de résultats comparables au sein de la population générale, en contexte réel, poursuit le Dr Marotta. Cette hypothèse a été soumise à une étude d’observation et non interventionnelle réalisée en mode ouvert et prospectif dans divers centres du Canada chez des patients porteurs d’une hépatite C chronique qui n’avaient jamais été traités.

Les patients infectés par un virus de génotype 2 ou 3 (G2 ou G3) ont été traités pendant 24 semaines alors que les patients infectés par un virus de G1 l’ont été pendant 48 semaines, comme c’est la norme au Canada. En tout, 1977 patients ont amorcé le traitement, mais 177 d’entre eux ont été exclus pour diverses raisons : infection concomitante par le VIH; charge virale indécelable au terme du traitement, mais absence de suivi à six mois; absence de données sur le traitement. Les patients qui ont abandonné le traitement en raison de l’absence de réponse, d’effets indésirables ou de raisons personnelles ont été inclus dans l’analyse de la population ayant terminé l’étude (n=1800).

L’étude a prouvé que le traitement était efficace en contexte réel. Les taux de réponse en fin de traitement, de RVD et de rechute étaient respectivement de 61,7 %, 54,3 %, et 11,9 %. Le taux de RVD globale était presque identique aux résultats de Manns et al., tout comme le taux de RVD du sous-groupe VHC GI (42 %). Le taux de RVD des sous-groupes VHC G2 et G3 se chiffrait respectivement à 72 % et à 79 % dans l’étude POWeR, vs 82 % dans l’essai de Manns. Le taux de rechute très faible enregistré dans l’étude POWeR concordait avec le taux observé dans l’essai réalisé en vue de l’homologation du produit (Figure 1).

Figure 1. Taux de rechute dans l’étude POWeR


«Il est rassurant de savoir qu’on peut reproduire les résultats de l’essai de Manns en contexte réel, parce que cet essai excluait toutes les personnes susceptibles de ne pas répondre au traitement», note le co-investigateur de l’étude POWeR, le Dr Frank Anderson, Liver and Intestinal Research Centre, et professeur agrégé émérite, University of British Columbia, Vancouver.

«Les médecins qui traitent peu de patients peuvent être certains que leurs résultats seront aussi bons que ceux de [l’essai de Manns], fait valoir le Dr Marotta. Les données encourageront ces médecins à ne pas attendre trop longtemps pour traiter. Plus on traite tôt, meilleurs sont les résultats.»

Mieux vaut traiter tôt

Ce sont les résultats de biopsies du foie qui motivent principalement la nécessité d’un traitement précoce. «À mesure que la fibrose et la cirrhose s’aggravent, les taux de RVD globale diminuent», souligne le Dr Marotta. Le taux de RVD globale chez les patients dont le score de la fibrose se situait entre F1 (fibrose légère) et F4 (cirrhose) se chiffrait à 66 %, 56 %, 40 % et 29 %, respectivement (p<0,001).

De même, une faible charge virale initiale exerçait une influence positive sur les résultats. Le taux de RVD globale était de 56,5 % chez les patients dont la virémie était faible au départ (<600,000 UI/mL) comparativement à 49,6 % chez ceux dont la virémie était élevée (p=0,009). Les chercheurs ont constaté que la charge virale initiale n’était pas annonciatrice d’une rechute.

Réponse systématique dans toutes les catégories de poids

Les résultats de l’étude donnent à penser que l’ajustement de la posologie de PEG-IFN alfa-2b et de RBV en fonction du poids améliore les résultats. Lors de l’essai de Manns, chez les patients qui ont reçu la dose fixe de 800 mg/jour de RBV avec le PEG-IFN alfa-2b, les chercheurs ont observé une corrélation négative entre la réponse et le poids corporel. Lors de l’étude POWeR, le taux de RVD ne différait pas de façon appréciable entre les catégories de poids, tant chez l’ensemble des patients que dans chacun des groupes déterminés en fonction du génotype viral, poursuit le Dr Feinman.

À cet égard, les résultats de l’étude POWeR confirment les résultats publiés récemment de l’essai WIN-R réalisé aux États-Unis. Dans l’essai WIN-R, le taux de RVD globale se chiffrait à 44,2 % chez les patients dont la dose de RBV variait en fonction du poids, comparativement à 40,5 % chez ceux qui recevaient la dose fixe de RBV (p=0,008); le taux de RVD globale se chiffrait à 54,3 % dans l’étude POWeR. Les résultats de l’essai WIN-R chez les patients dont la dose de RBV variait en fonction du poids pourraient avoir écopé par rapport à l’étude POWeR, de préciser le Dr Marotta. Ce dernier attribue la différence au fait que le Canada peut compter sur un excellent soutien du personnel infirmier, faute de quoi il est difficile de convaincre les patients de poursuivre leur traitement en dépit de fréquents effets indésirables fort désagréables; de plus, les Noirs – qui forment un pourcentage beaucoup plus élevé de la population américaine – ne répondent pas aussi bien au traitement que les Blancs. Les risques d’atteinte rénale et d’anémie sont deux facteurs qui limitent les possibilités d’ajustement posologique de la RBV, note le Dr Feinman.

Lorsque la dose de chaque agent est ajustée en fonction du poids, «le poids n’a pas d’incidence sur le taux de réponse globale», de conclure le Dr Marotta.

Les génotypes viraux 2 et 3 : deux solitudes?

Cette étude a aussi permis, pour la première fois, d’examiner de très près les différences dans la réponse au traitement selon que le patient est infecté par un virus de G2 ou de G3. «Dans un grand nombre d’études préalables, les patients infectés par le [G3] et le G2 étaient amalgamés pour former le groupe des patients dits “plus faciles à traiter”, et étaient comparés aux patients infectés par le G1 qui sont reconnus pour être difficiles à traiter», expliquait le Dr Robert Bailey, professeur de clinique en médecine, University of Alberta, Edmonton, dans sa communication par affiche. Dans l’essai POWeR, le nombre élevé de sujets, 276 porteurs du G2 et 389 porteurs du G3, a permis aux chercheurs de cerner des différences importantes entre les deux groupes. Par exemple, une virémie élevée au départ (>600,000 UI/mL) laissait présager des résultats négatifs dans le groupe G3 (et le groupe G1), mais pas dans le groupe G2. «Les patients infectés par le G2 répondent bien au traitement, peu importe leur charge virale initiale; en revanche, les patients infectés par le G3 qui présentent des facteurs de mauvais pronostic ne répondent pas aussi bien au traitement», d’enchaîner le Dr Bailey.

De même, chez les patients infectés par le G2, les taux de réponse «ne varient pas en fonction de la fibrose, indique le Dr Marotta. Même s’ils sont cirrhotiques, le taux de réponse est très bon.» Dans le groupe G3, par contre, «la fibrose fait une différence, essentiellement comme dans le groupe G1. Bref, les résultats ne sont pas aussi bons dans le sous-groupe G3 que dans le sous-groupe G2.»

«De nouvelles stratégies de traitement, comme une augmentation de la dose ou une prolongation de la durée du traitement, s’imposent pour le sous-groupe de patients cirrhotiques infectés par le G3, poursuit le Dr Bailey. Dans les études futures, nous devrions éviter de combiner [le G2 et le G3].»

De nouvelles questions à l’horizon

L’étude POWeR a révélé que, contrairement à toute attente, le taux de RVD augmentait parallèlement au poids chez les patients cirrhotiques (F3-F4, n=378), rapporte le Dr Feinman. Plus précisément, il était de 29 % chez les patients de 50 kg à 64 kg vs 37 % chez les patients de 75 kg et plus. Des études françaises ont donné des résultats similaires. À score de fibrose comparable (et l’écart se creuse quand la fibrose s’aggrave) et en présence d’une virémie élevée ou d’une fibrose avancée, le taux de RVD est moins élevé chez les patients infectés par le G3 que chez les patients infectés par le G2, fait remarquer le Dr Marotta.

Résumé

Les médecins doivent traiter l’hépatite C le plus tôt possible pour maximiser les chances de succès. Les résultats de l’étude POWeR montrent que l’ajustement posologique en fonction du poids – tant du PEG-IFN alfa-2b que de la RBV – uniformise la réponse dans toutes les catégories de poids. Le faible taux de rechute enregistré dans la population hétérogène en conditions réelles apporte des éléments d’information cliniquement utiles sur la durabilité de la réponse au traitement lorsque la posologie des deux composantes a été individualisée. Enfin, l’étude a mis au jour d’importantes différences entre les sous-groupes G2 et G3, ce qui indique que ceux-ci devraient être étudiés séparément dans les essais cliniques futurs.

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