Comptes rendus

Le complément sous les feux de la rampe : De nouvelles données sur la prise en charge de l’HPN émanent du congrès
Plus de cibles, plus d’options, HPN mieux connue : vers une approche thérapeutique personnalisée

Nouvelles Frontières - Lutte contre la grippe

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Conférence canadienne sur l’immunisation de 2023

L’heure est au rattrapage! Remettons la vaccination antigrippale sur les rails après l’urgence mondiale associée à la pandémie de COVID-19

Ottawa – En temps normal, la Conférence canadienne sur l’immunisation (CCI) réunit tous les 2 ans les autorités sanitaires, les intervenants en santé communautaire, les chercheurs et les cliniciens ayant un intérêt pour les vaccins et les maladies évitables par la vaccination. Or, à cause de la pandémie de COVID-19, la conférence ne s’était pas tenue en présentiel depuis 2018 – en partie à cause des restrictions quant aux voyages et aux rassemblements, mais aussi parce que de nombreux participants étaient fort occupés à gérer la plus vaste crise sanitaire de notre époque, notamment la plus vaste campagne de vaccination de masse de l’histoire de l’humanité. La CCI 2023 tant attendue a permis de mesurer les efforts et les réussites de la réponse à la COVID-19, et de réfléchir à la façon dont les avancées en technologie vaccinale et l’amélioration des processus de santé publique pourraient nous aider à combler d’importantes lacunes en matière de vaccination contre d’autres maladies évitables par la vaccination ayant surgi ces dernières années. Le présent compte rendu fait état de communications et de points de vue sur les programmes de vaccination systématique contre la grippe saisonnière au Canada.

Leçons à tirer de la pandémie de COVID-19

« Comme de nombreuses crises par le passé, la pandémie nous a permis de tirer d’importantes leçons et de paver la voie à des innovations majeures », affirmait la Dre Theresa Tam, l’administratrice en chef de la Santé publique au Canada et l’une des responsables de la réponse du Canada à la COVID-19, dans son allocution d’ouverture. « À l’échelle mondiale, la pandémie a donné lieu à de nombreux accomplissements, notamment la conception de nouveaux vaccins à l’aide de nouvelles technologies dans un temps record, une meilleure compréhension de la vaccinologie, une plus grande efficacité dans l’administration des vaccins, et une surveillance accrue de l’innocuité et de l’efficacité des vaccins. »

L'un des principaux thèmes de la conférence a été la nécessité de nous rattraper dans la vaccination contre la grippe et d’autres maladies évitables par la vaccination, parce que la pandémie de COVID-19 ainsi que les restrictions qu’elle a imposées à la santé publique et les pressions qu’elle a exercées sur le système de santé nous ont fait perdre du terrain. Le taux cible de la vaccination contre la grippe saisonnière est de 80 % des adultes de plus de 65 ans et des adultes plus jeunes aux prises avec une maladie chronique; cela dit, comme l’ont souligné plusieurs présentateurs, les résultats d’un sondage récent de l’Agence de la santé publique du Canada ont révélé que ces taux cibles n’étaient pas atteints avant la pandémie (70 % des personnes âgées et 44 % des adultes plus jeunes à risque élevé) et que, durant la pandémie, le taux de vaccination avait chuté à 38 % chez les jeunes adultes avec comorbidité.

La Dre Tam a expliqué comment la pandémie de COVID-19 avait contribué à mieux sensibiliser le grand public aux vaccins et aux maladies, et a encouragé ses collègues à tenir compte de cette nouvelle réalité au moment de mettre en œuvre des programmes de vaccination. « Nous ne devons pas sous-estimer la capacité des personnes à apprendre et leur intérêt en la matière, dit-elle. Nous devons prendre garde de ne pas trop simplifier les choses – la population s’attend maintenant à des communications très transparentes sur l’efficacité [des vaccins], et en particulier sur l’innocuité. »

Priorisation des vaccinés et objectifs de vaccination

Bien que la plupart des provinces et des territoires du Canada aient adopté une politique de vaccination antigrippale universelle dans tous les groupes d’âge, les autorités accordent une attention particulière à la protection des adultes âgés et des adultes aux prises avec des affections concomitantes qui augmentent leur risque de graves complications après un épisode grippal. « Les adultes âgés ne sont pas simplement des adultes qui vivent depuis plus longtemps. Ils forment un groupe particulier », explique la Dre Melissa Andrews, Dalhousie University, Halifax. Elle a décrit le phénomène de l’immunosénescence, c’est-à-dire le déclin de la capacité de l’organisme avec l’âge à avoir une réponse immunitaire, et insisté sur les conséquences de la comorbidité et de la fragilité globale d’une personne sur sa capacité à se remettre d’un épisode infectieux. « Nous voyons souvent les infections comme la grippe, et même la COVID, comme un enjeu à court terme – on l’attrape, on s’en remet, et on va mieux, poursuit-elle. Or, les personnes frêles et vulnérables ne reviennent pas nécessairement au point de départ, et pourraient être à risque de déclin fonctionnel persistant. »

Philip Kim et ses collaborateurs, Sinai Health, à Toronto, ont analysé les risques et l’issue de la grippe chez les adultes de 50 à 64 ans. « L’incidence des épisodes grippaux graves ne change  pas radicalement après le seuil [de 65 ans] », précise M. Kim. Selon cette étude populationnelle de surveillance prospective de l’infection grippale confirmée en laboratoire (GCL) et des conséquences de la maladie, l’hospitalisation pour cause de GCL chez les personnes de 50 à 64 ans a atteint un taux annuel de 22,4 pour 100 000 (vs 7,49 chez les adultes plus jeunes et 45,9 chez les 65 ans ou plus); et le taux annuel de mortalité s’élevait à 0,90 pour 100 000 (vs 0,12 chez les adultes plus jeunes et 2,0 chez les 65 ans ou plus). En particulier, une maladie sous-jacente était associée à un risque élevé d’hospitalisation ou de mortalité pour cause de GCL à la fois chez les 50 à 64 ans et les 65 ans ou plus. (Figure 1)

Figure 1. Taux d’hospitalisation et de mortalité chez les 50 à 64 ans et les 65 à 74 ans, avec ou sans comorbidité

Bien que l’objectif premier de la vaccination antigrippale soit de prévenir les problèmes respiratoires graves et la mort, de nouvelles données semblent indiquer que les effets bénéfiques pourraient aller au-delà de l’appareil respiratoire, en s’étendant à l’appareil cardiovasculaire. Dans un symposium commandité, le DrPhilippe De Wals, Université Laval, 

Québec, a décrit en quoi une infection respiratoire sévère peut augmenter le risque cardiovasculaire en favorisant un état pro-inflammatoire et procoagulant. Chez les adultes, durant la semaine qui suit un épisode de GCL, le risque d’infarctus du myocarde est temporairement multiplié par un risque d’environ 6; selon les estimations mondiales, l’activité grippale représente environ 4 % de tous les décès attribués à la maladie cardiaque ischémique. Le Dr De Wals a passé en revue des données montrant un effet protecteur de la vaccination antigrippale contre l’infarctus du myocarde et le décès de cause cardiovasculaire, surtout chez les patients présentant déjà des facteurs de risque cardiaque. « Cette nouvelle théorie – selon laquelle la vaccination antigrippale pourrait protéger contre les maladies cardiovasculaires – pourrait changer la façon dont on fait la promotion de ces vaccins et dont on parle de leur efficience », conclut-il.

Vaccins actuellement commercialisés

« La vaccination antigrippale était simple par le passé. Il suffisait de dire "va te faire vacciner contre la grippe!", mais il y a maintenant beaucoup plus d’options », expliquait le Dr Scott Halperin, Canadian Centre for Vaccinology, Dalhousie University, à Halifax, dans un symposium commandité. Il a fait un tour d’horizon des vaccins antigrippaux actuellement homologués au Canada :

  • Vaccins trivalents inactivés (VII3) : préparations produites sur œuf et offertes à dose standard (VII3-SD), à dose élevée (VII3-HD) ou avec adjuvant (VII3-adj)
  • Vaccins quadrivalents inactivés (VII4) : préparations produites sur œuf, à dose standard (VII4-SD) ou à dose élevée (VII4-HD), ou issues de cultures cellulaires, à dose standard seulement (VII4-cc)
  • Vaccins recombinants quadrivalents (VAR4)
  • Vaccins vivants atténués trivalents (VVAI-3) ou quadrivalents (VVAI-4), administrés par vaporisation intranasale

Tous les types de vaccins se sont montrés sûrs et efficaces pour la prévention de l’infection grippale dans la plupart des populations; cependant, seul un sous-groupe de vaccins est remboursé chaque année par les agences provinciales et territoriales, selon le groupe d’âge :

  • Pour les nourrissons, les enfants et les adultes jusqu’à l’âge de 64 ans (toutes les provinces et tous les territoires) : VII4-SD
    • C.-B., Î.-P.-É. et Yukon : VVAI-4 remboursé pour les enfants de 2 à 17 ans; C.-B. : VVAI-4 remboursé pour les adultes chez qui d’autres vaccins ne peuvent pas être administrés par injection.
    • Chez les 65 ans ou plus :
      • C.-B. et Ontario : VII4-HD ou VII3-adj remboursés
      • Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Î.-P.-É., N.-B. et Yukon : VII4-HD remboursé
      • Québec, T.-N.-L. : VII4-SD remboursé
      • N.-É., T.N.O. et Nunavut : VII4-SD remboursé pour les personnes vivant à domicile, VII4-HD pour les résidents de centres de soins de longue durée; N.-É. : VII4-HD offert aux patients âgés au cours de la prochaine saison grippale (annonce récente).

« À l’échelle locale, il y a moins de confusion, conclut le Dr Halperin, parce qu’il y a généralement un seul vaccin offert par groupe d’âge. Le nombre de vaccins commercialisés ne devrait pas changer notre message : il faut se faire vacciner, un point c’est tout. »

Coup d’œil sur l’efficacité vaccinale

Lorsqu’on évalue l’efficacité vaccinale au sein de sous-populations (p. ex. chez les adultes âgés), les essais randomisés peuvent être coûteux et générer des résultats variables selon le comparateur, l’intensité de la saison grippale évaluée et le niveau de concordance entre le vaccin et les souches circulantes. On peut donc avoir une meilleure vue d’ensemble de l’efficacité vaccinale si on l’évalue sur plusieurs saisons grippales. C’est l’approche qu’ont adoptée la Dre Brenda Coleman, University of Toronto, et ses collaborateurs pour leur communication par affiche sur l’efficacité relative du VII3-adj et du VII3-HD chez les 65 ans ou plus. « [Cette étude avait pour objectif de] protéger le public, surtout les plus de 65 ans qui sont plus à risque de complications à la suite d’une grippe. Nous voulions savoir si le vaccin antigrippal avec adjuvant était aussi bon – ou meilleur – que les autres vaccins sur le marché, affirme la Dre Coleman. L’étude a révélé que, malgré la dose moindre d’antigène injectée, le vaccin avec adjuvant était aussi efficace que le vaccin à haute dose. » L’analyse de multiples essais menés sur plusieurs saisons grippales antérieures à la pandémie de COVID-19 a effectivement montré qu’il n’y avait pas de différence significative entre le VII3-adj et le VII3-HD quant à la prévention des consultations externes liées à la grippe ou encore, des consultations à l’hôpital ou aux urgences (Figure 2).

Figure 2. Méta-analyse de l’efficacité relative (EVr) des vaccins antigrippaux trivalents, avec adjuvant vs haute dose, chez les adultes de 65 ans ou plus

« De nombreuses personnes ne sont pas au courant des différences, je pense. La plupart des personnes âgées ne savent pas qu’elles ont le choix, si bien qu’elles reçoivent le vaccin ordinaire sans adjuvant ni haute dose, qui n’est pas aussi efficace pour elles, affirmait la Dre Coleman au sujet des implications pour la pratique clinique au Canada. Les personnes âgées ne sont pas assez informées pour demander un vaccin spécifique. Et, en toute vérité, je ne sais pas combien de professionnels de la santé (PS) savent que le [vaccin avec adjuvant ou le vaccin à haute dose] est plus efficace que le vaccin ordinaire administré aux adultes plus jeunes. La sensibilisation est l’un des éléments essentiels du tableau. » 

Conclusions et implications pour les PS et le public du Canada

 Alors que les Canadiens et le système de santé essaient de retrouver une certaine « normalité » après la pandémie de COVID-19, il est crucial de rattraper le temps perdu de manière à atteindre les taux cibles de vaccination et d’obtenir de meilleurs résultats. « C’est à nous tous qu’il incombe de mettre à profit à la fois les enseignements concrets de la vaccination contre la COVID-19 ainsi que les processus, les collaborations et les liens que nous avons tissés et qui sont tout aussi importants, et de les appliquer aux programmes de vaccination systématique tout au long de la vie », enchaîne la Dre Tam.

Lorsqu’on lui a demandé des conseils pratiques sur la façon dont les PS du Canada et le public peuvent collaborer pour optimiser les résultats de la vaccination antigrippale, la Dre Coleman a répondu : « Ce que je veux, c’est que les PS sachent qu’ils devraient offrir soit le vaccin avec adjuvant, soit le vaccin à haute dose, à leurs patients âgés. Pour moi, c’est ce qui compte. Et maintenant que le grand public connaît mieux l’efficacité vaccinale et sait qu’il existe plus d’un vaccin pour une maladie en particulier, il doit porter attention au vaccin qu’on lui propose. Et les patients âgés doivent demander le vaccin avec adjuvant ou le vaccin à haute dose. »

Questions et réponses

Questions et réponses tirées d’un entretien avec la Dre Brenda Coleman, scientifique clinicienne, Unité de recherche en épidémiologie des maladies infectieuses, Sinai Health, Toronto

Q : Avez-vous eu des surprises en voyant les résultats de votre méta-analyse?

Dre Coleman : Pour tout dire, je m’attendais à ce que le vaccin à haute dose obtienne de meilleurs résultats [que le vaccin avec adjuvant]. On a fait la promotion du vaccin à haute dose et ce vaccin est bien connu, si bien que les gouvernements sont plus portés à acheter ce vaccin que le vaccin avec adjuvant. Je pensais donc qu’il se révélerait plus efficace, mais ça n’a pas été le cas. [Les deux types de vaccins] sont à peu près égaux dans toutes les études. Ils sont très semblables et il faut que les PS le sachent et que les politiciens le sachent aussi afin que leurs choix soient plus éclairés.

Q : Y a-t-il autre chose que nous devrions encore savoir ou faire pour protéger les Canadiens âgés efficacement contre la grippe?

Dre Coleman : Il nous reste seulement à trouver des bras à vacciner, car ils ne sont pas tous vaccinés! Le public doit savoir à quel point la grippe peut être grave et que les vaccins peuvent être pas mal efficaces pour prévenir la maladie et l’hospitalisation.

Q : Les données de votre analyse proviennent toutes de saisons grippales antérieures à la COVID-19, mais j’imagine que ces données demeurent pertinentes?

Dre Coleman : Tout à fait. La grippe revient à ce qu’elle était auparavant [comparativement à la saison 2020-21, où il y a eu peu de cas de grippe]. En 2021-22 et au cours de la dernière saison grippale, il y a eu beaucoup plus de cas de grippe parce que les gens ne pratiquaient plus la distanciation physique et qu’ils ne portaient plus de masque pour prévenir la propagation. L’étude a ceci de bien qu’elle a été menée sur un nombre suffisant de saisons pour nous permettre de brosser un bon tableau des souches circulantes et des différents niveaux de concordance entre le vaccin et les souches.

Q : Y a-t-il des enseignements à tirer de la campagne de vaccination massive contre la COVID-19 que nous pourrions appliquer à des programmes de vaccination à plus petite échelle contre la grippe saisonnière?

Dre Coleman : Essayer de vacciner autant de gens simultanément [contre la COVID-19] était une tâche herculéenne, et les problèmes d’approvisionnement que nous avons connus au départ ont évidemment causé des difficultés et des retards. La machine est maintenant bien huilée et elle semble fonctionner rondement. C’est à mon avis une bonne chose de faire appel aux pharmacies pour la vaccination. C’est plus pratique pour beaucoup de gens – que vous vous fassiez vacciner sans rendez-vous ou que vous ayez à prendre un rendez-vous, il y a fort à parier que ça ira plus vite que chez le médecin. C’est l’une des bonnes choses des dernières années : vous pouvez aller à la pharmacie et obtenir l’aide de votre pharmacien pour vous faire vacciner contre la grippe et la COVID-19. C’est une expérience de tous les jours, beaucoup plus normale.

Cet entretien a été condensé et révisé.

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