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Le complément sous les feux de la rampe : De nouvelles données sur la prise en charge de l’HPN émanent du congrès

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 64e Assemblée annuelle de l’American Society of Hematology (ASH)

Présentielle/virtuelle, La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 10–13 décembre 2022

La Nouvelle-Orléans – L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) est une maladie rare découlant de l’activité inappropriée du système du complément contre les érythrocytes. Malgré sa rareté, l’HPN a suscité beaucoup d’intérêt au congrès 2022 de l’ASH. Entre autres, l’un des grands prix de l’ASH a été décerné aux Drs John Atkinson et Peter Hillmen pour leurs contributions respectives à notre compréhension de la biologie du complément et de la prise en charge des maladies reliées au complément. De plus, trois séances financées par l’industrie, trois présentations orales et 23 affiches ont porté sur d’autres facettes de l’HPN, la physiopathologie et la prise en charge en particulier. Le présent compte rendu porte sur notre compréhension de l’issue clinique de l’HPN de même que sur les retombées des traitements établis et en développement.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

« L’HPN est l’archétype du trouble dépendant du complément », a affirmé le Dr Peter Hillmen, University of Leeds, Royaume-Uni, et chef, Engagement Hématologie, Apellis Pharmaceuticals, dans le discours qu’il a prononcé au moment d’accepter le prix Ernest Beutler au congrès 2022 de l’ASH. « En raison de la dysrégulation du complément, les patients atteints d’HPN doivent composer avec une hémolyse intravasculaire et une hémoglobinurie continues, et avec des symptômes tels que l’anémie qui nécessitent des transfusions régulières. Environ la moitié des patients ont des thromboses, souvent dans des localisations peu courantes. Avant la mise au point d’un traitement, environ le tiers des patients mouraient d’une thrombose », dit-il. Dans leurs discours, les Drs Hillmen et Atkinson, Washington University, ont expliqué comment l’évolution des connaissances sur la biologie du complément avait conduit à la conception de l’actuel traitement de référence dans l’HPN, soit l’inhibition de la protéine C5 de la voie terminale du complément par l’éculizumab et son dérivé, le ravulizumab. Le Dr Hillmen a discuté d’autres cibles thérapeutiques potentielles comme des composantes de la voie proximale du complément, dont la protéine C3 ainsi que les facteurs B et D, et a souligné l’importance cruciale du complément non seulement dans l’HPN, mais dans un vaste éventail de troubles auto-immuns et/ou inflammatoires touchant divers systèmes de l’organisme1.

Regard plus approfondi sur le traitement de référence

Nous accumulons des données sur l’éculizumab depuis plus de 20 ans et, de ce fait, nous avons beaucoup de recul sur l’issue clinique de l’HPN et les retombées du traitement. Le Dr Richard Kelly, St James’s University Hospital, Leeds, Royaume-Uni, a présenté une analyse rétrospective de tous les patients au Royaume-Uni dont l’HPN a été traitée par l’éculizumab ou le ravulizumab depuis mai 2002. Les données ont montré que le diagnostic est souvent jalonné de retards et de difficultés, environ 17 % des patients étant dirigés vers un spécialiste autre qu’un hématologue et que le diagnostic est erroné chez environ un patient sur huit. Grâce au traitement axé sur l’inhibition de C5, la plupart des patients (72,4 %) peuvent se passer d’une transfusion pendant 1 an, et le taux de thrombose demeure faible (4,5 %). « Notre expérience des inhibiteurs de C5 – l’éculizumab et le ravulizumab – confirme l’efficacité et l’innocuité à long terme de ces produits. Le taux de survie globale demeure élevé, et les complications telles que thrombose, infection méningococcique et évolution clonale, sont peu fréquentes2, » conclut le Dr Kelly.

Le ravulizumab étant plus accessible, de nombreux patients auparavant traités par l’éculizumab toutes les deux semaines reçoivent maintenant le ravulizumab afin de pouvoir profiter d’un intervalle plus long (8 semaines) entre les doses. Dans une communication par affiche, le Dr Morag Griffin, St James’s University Hospital, et son équipe ont présenté l’analyse intermédiaire d’un essai de phase IV mené chez 10 patients qui sont passés au ravulizumab. Le taux moyen de lactate déshydrogénase (LDH) n’a pas varié de manière significative après le changement de traitement (Figure 1), et le taux de C5 libre a été abaissé efficacement durant la totalité de l’intervalle. Pendant la période d’analyse de 183 jours, les chercheurs n’ont signalé aucun cas de crise hémolytique, d’infection méningococcique ou d’autres effets indésirables (EI) graves survenus durant le traitement3.

Figure 1.

Nouvelles options de traitement

Inhibiteur de C3 : pegcétacoplan
Le pegcétacoplan, inhibiteur de C3 administré par voie sous-cutanée, a récemment été homologué au Canada pour le traitement de l’HPN chez les adultes pour qui les inhibiteurs de C5 sont inappropriés ou insuffisamment efficaces. Le Dr Christopher Patriquin, University Health Network, Toronto, et président du Réseau HPN Canada, a présenté les résultats d’une étude de prolongation faisant suite à plusieurs essais chez des patients déjà traités ou jamais traités. « Les données à plus long terme étayent en grande partie ce que nous avons observé dans l’essai [de phase III] initial PEGASUS, a-t-il déclaré dans un entretien. Chez les patients traités, nous avons observé une normalisation ou quasi-normalisation durable du taux de d’hémoglobine et un assez bon contrôle du taux de LDH. Il semble en résulter une amélioration des scores de qualité de vie et un allègement du fardeau transfusionne4. » Comme c’est le cas avec les autres inhibiteurs du complément, des crises hémolytiques peuvent survenir sous pegcétacoplan; il nous faut donc plus de données et d’expérience pour déterminer la meilleure façon de prendre ces crises en charge et de conseiller les patients.

Inhibiteur du facteur B : iptacopan
Dans une séance de dernière heure, le Dr Régis Peffault de Latour, Centre de référence des anémies aplasiques médullaires acquises et constitutionnelles, Paris, France, a présenté un essai de phase III randomisé où l’on comparait l’iptacopan, inhibiteur oral du facteur B, à l’éculizumab (ou au ravulizumab) chez des patients atteints d’HPN dont l’anémie n’était pas maîtrisée par un inhibiteur du C5. Pendant les 24 semaines de traitement, le taux d’hémoglobine a augmenté d’au moins 2 g/dL par rapport au taux initial chez 51 des 60 patients sous iptacopan, et le taux absolu d’hémoglobine a dépassé le seuil de 12 g/dL chez 42 patients; aucun de ces paramètres n’a été atteint chez aucun patient recevant toujours un inhibiteur de C5. Aucun décès ni infection par une bactérie encapsulée n’a été enregistré dans les deux groupes; les EI les plus fréquents de l’iptacopan étaient les céphalées et la diarrhée. À l’heure actuelle, l’iptacopan n’est pas commercialisé au Canada5.

Inhibiteur du facteur D : vemircopan
Le Dr Peter Browett, University of Auckland, Nouvelle-Zélande, a présenté les résultats de l’analyse intermédiaire d’une étude de phase II de validation de concept sur le vemircopan, inhibiteur oral du facteur D, chez des patients atteints d’HPN qui n’avaient jamais été traités. Après la période de traitement de 12 semaines, le taux d’hémoglobine a augmenté en moyenne de 3,9 g/dL par rapport au taux initial, et le taux de LDH a diminué de 81 % par rapport au taux initial. À une exception près, aucun patient n’a eu besoin de transfusions pendant les 26 semaines du suivi. Les EI, d’intensité légère ou modérée, ont été considérés pour la plupart comme non liés au médicament; les céphalées et les vomissements étaient les plus fréquents. « Cette analyse intermédiaire de l’efficacité et de l’innocuité du traitement valide le concept de l’inhibition du facteur D par le vemircopan chez les patients atteints d’HPN et étaye la pertinence d’un essai de phase III6 », conclut le Dr Browett. À l’heure actuelle, le vemircopan n’est pas commercialisé au Canada.

Enseignements à retenir pour les cliniciens du Canada

« Voici le principal message à retenir, non seulement au moment de déterminer s’il vaux mieux opter pour [un inhibiteur du C5 ou le pegcétacoplan] mais aussi pour tout autre traitement à venir : nous devons nous assurer que la voie terminale du complément est bloquée, affirme le Dr Patriquin. « C’est la base – nous devons protéger nos patients contre l’hémolyse et tous les effets délétères qui peuvent en découler, dont la thrombose. En outre, il pourrait y avoir des avantages à l’inhibition de la voie proximale du complément, surtout chez les patients qui présentent une anémie symptomatique malgré un blocage optimal de C5. »

Le Dr Patriquin appelle à la prudence chez les patients qui passent de l’éculizumab ou du ravulizumab au pegcétacoplan. « Nous devrons les surveiller aussi étroitement que nous le ferions s’ils recevaient un inhibiteur de C5, peut-être même plus étroitement encore parce que nous sommes en terrain inconnu. Nous devons avoir une meilleure idée du comportement clinique de la maladie, notamment en présence de vaccins et d’infections. Dans un contexte de pandémie, nous devons garder ça à l’esprit. »

Avec ses collègues du Réseau HPN Canada, il encourage les cliniciens à profiter des ressources et des collaborateurs du réseau. « Si vous avez un patient atteint d’HPN à un moment donné et que cette maladie vous est inconnue, n’hésitez pas à communiquer avec un expert de l’HPN au Canada. Peut-être pourrons-nous vous guider, peut-être même inscrire votre patient dans le registre, et il se pourrait que votre patient puisse participer à des essais cliniques, dit-il. « Plus il y a de Canadiens qui participent aux essais – en supposant que ces traitements se révéleront sûrs et efficaces –, plus il est probable qu’ils seront commercialisés au Canada. Bref, si vous trouvez un patient, nous nous ferons un plaisir de vous aider. »

Conclusion

L’inhibition de C5 par l’éculizumab ou le ravulizumab demeure le traitement de référence de l’HPN, et les analyses à long terme étayent le solide profil d’efficacité et d’innocuité de ces agents. On peut passer de l’éculizumab au ravulizumab sans mettre en péril la maîtrise de la maladie. Le pegcétacoplan est une nouvelle option qui pourrait donner de meilleurs résultats chez les patients pour qui les inhibiteurs de C5 sont inappropriés, mais une surveillance étroite et l’évaluation du risque d’infection sont souhaitables. 

Références :

1.  Atkinson J et Hillmen P. Discours d’acceptation du prix Ernest Beutler, présenté au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.
2.  Kell Ry et al. Affiche 2566 au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.
3.  Griffin M et al.  Affiche 1251 au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.
4.  Patriquin C et al.  Affiche 1248 au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.
5.  Peffault de Latour R et al.  Communication verbale de dernière heure LBA-2 au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.
6.  Browett P et al. Communication verbale 294 au congrès de l’ASH, du 10 au 13 décembre 2022.

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