Comptes rendus

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Nouvelles options dans la prophylaxie des thrombo-embolies veineuses en contexte chirurgical

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 50e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

San Francisco, Californie / 6-9 décembre 2008

Le programme RECORD (Regulation of Coagulation in Major Orthopaedic Surgery Reducing the Risk of DVT and PE) regroupait quatre études cliniques multicentriques de plans similaires, avec randomisation et double insu, portant sur un total de 12 729 patients. RECORD 1 et 2 comparaient le rivaroxaban, inhibiteur du facteur Xa, et l’énoxaparine, héparine de bas poids moléculaire (HBPM) administrée à 40 mg une fois par jour pendant des périodes de durée variable après une arthroplastie totale de la hanche. RECORD 3 et 4 comparaient le nouvel agent et l’énoxaparine à différentes posologies (une injection unique de 40 mg/j ou deux injections de 30 mg/j) après une arthroplastie totale du genou. L’efficacité et l’innocuité de ces agents ont été évaluées selon les mêmes critères au cours des quatre études et par le même comité indépendant, qui se prononçait en aveugle pour chaque paramètre.

«On pensait que le nombre de [certains] événements serait faible dans les études prises isolément, remarque le Dr Alexander Turpie, McMaster University, Hamilton, Ontario. Le mixage des données augmente la précision statistique et permet une meilleure évaluation [d’autres] paramètres cliniquement pertinents.»

Le paramètre mixte principal de l’analyse regroupait les thrombo-embolies veineuses (TEV) symptomatiques (thromboses veineuses profondes [TVP] et embolies pulmonaires [EP] non mortelles) et les décès toutes causes confondues. Les paramètres secondaires comprenaient les décès toutes causes confondues et deux paramètres mixtes, l’un regroupant les EP et les décès toutes causes confondues, et l’autre, toutes les issues cliniques importantes (décès, infarctus du myocarde, AVC, TEV symptomatique, hémorragie majeure) (résumé 36).

Le paramètre principal d’évaluation de l’innocuité était la survenue d’une hémorragie majeure favorisée par le traitement. Ainsi, les hémorragies majeures peropératoires, les hémorragies majeures ou non majeures mais cliniquement pertinentes, et finalement, toutes les hémorragies ont fait l’objet d’une évaluation. Sur le plan de l’innocuité, les paramètres secondaires étaient représentés par tous les autres effets indésirables, dont les événements cardiovasculaires (CV).

Pour l’ensemble des quatre études, le paramètre principal a été atteint par 1,3 % des patients sous HBPM vs 0,6 % des patients sous rivaroxaban, soit une réduction de 58 % du taux de risque (HR, pour hazard ratio) (p<0,001). L’analyse de chaque composante du paramètre mixte a montré un avantage constant en faveur de l’inhibiteur du facteur Xa : TVP, 19 vs 49, HR 0,39, p<0,001; EP, 10 vs 19, HR 0,52, p=0,098; décès toutes causes confondues, 8 vs 16, HR 0,50, p=0,108.

L’analyse des paramètres d’innocuité n’a pas montré de différence entre les deux groupes quant à l’incidence des hémorragies. La seule différence significative concernait le paramètre mixte – hémorragies majeures ou non majeures, mais cliniquement pertinentes – qui était plus fréquent dans le groupe rivaroxaban (p=0,039). Par contre, lors d’une analyse distincte des différents paramètres hémorragiques dans les 12 jours postopératoires (lorsque le risque hémorragique est le plus élevé), aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les groupes de traitement.

Parmi les patients sous énoxaparine, 39 ont présenté un événement cardiovasculaire vs 30 sous rivaroxaban, mais la différence n’était pas significative. Le nombre de patients chez lesquels on notait une élévation des enzymes hépatiques le jour 0 et le jour 1 était similaire, quel que soit le traitement anticoagulant.

«Dans un contexte d’intervention majeure en chirurgie orthopédique, le programme RECORD a mis en évidence une amélioration du paramètre mixte regroupant les TEV, les événements CV, les décès toutes causes confondues et les hémorragies majeures, chez les patients traités par rivaroxaban à 10 mg/j comparativement aux patients sous énoxaparine, quel que soit le schéma de traitement», note le Dr Turpie.

Autres anticoagulants

Certes, le programme RECORD a pu démontrer l’efficacité et l’innocuité du rivaroxaban par rapport à l’énoxaparine, mais on ne dispose pas d’études cliniques permettant d’élargir cette comparaison à d’autres anticoagulants.

Selon M. Alex Diamantopoulos, IMS Health, Londres, Royaume-Uni, les comparaisons indirectes peuvent s’avérer utiles pour évaluer un traitement en l’absence d’étude clinique, et il a utilisé cette stratégie pour comparer le rivaroxaban à la warfarine, au fondaparinux et au dabigatran (résumé 1292).

À l’aide d’une revue de la littérature, Diamantopoulos et ses collaborateurs ont repéré plusieurs études cliniques randomisées comparant l’énoxaparine à la warfarine, au fondaparinux ou au dabigatran pour la prophylaxie des TEV chez des patients qui subissaient une arthroplastie totale du genou. Les résultats des deux études RECORD portant sur cette même intervention reflétaient de leur côté la performance du rivaroxaban vs celle de l’énoxaparine.

Les chercheurs ont alors comparé les efficacités relatives de chaque anticoagulant par rapport à l’énoxaparine. Lorsque le comparateur était l’énoxaparine à 30 mg deux fois par jour, l’analyse des données de la littérature a révélé que le rivaroxaban réduisait le risque de TEV de 56 % vs la warfarine (p<0,001) et de 29 % vs le dabigatran (p<0,05). Si la posologie d’énoxaparine était 40 mg/j en une seule injection, la réduction du risque de TEV sous rivaroxaban atteignait 67 % vs la warfarine (p<0,001) et 47 % vs le dabigatran (p<0,001). On retrouvait des différences du même ordre pour les TVP. L’efficacité du rivaroxaban et celle du fondaparinux étaient similaires lorsqu’on les comparait à celle de l’énoxaparine. Enfin, il n’y avait pas plus de complications hémorragiques avec le rivaroxaban qu’avec les autres anticoagulants.

Rapport coût-efficacité

Le Dr Phil Wells, Université d’Ottawa, Ontario, a comparé le rapport coût-efficacité du traitement par rivaroxaban à celui du traitement par énoxaparine, à partir des données de RECORD 1 et 2 qui regroupaient des patients subissant une arthroplastie totale de la hanche (résumé 1291).

RECORD 1 comparait le rivaroxaban (10 mg/j en une prise) et l’énoxaparine (40 mg/j en une injection sous-cutanée) administrés pendant 35 jours après l’intervention. Dans RECORD 2, l’énoxaparine à la même posologie, mais administrée seulement 10 à 14 jours après l’intervention et relayée par un placebo jusqu’au 35e jour postopératoire, était comparée au rivaroxaban administré pendant 35 jours. Le Dr Wells et ses collaborateurs ont élaboré un modèle économique leur permettant d’évaluer, au Canada, l’efficience d’un traitement prophylactique par le rivaroxaban vs l’énoxaparine, en fonction des deux durées d’administration. Lorsque les deux anticoagulants étaient administrés pendant 35 jours, le rivaroxaban était associé à une meilleure issue clinique, à un gain supplémentaire de 0,0006 année de vie sans invalidité (QALY) et à une économie estimée à 264,93 $ par patient. Cette épargne résultait d’une efficacité accrue, d’une réduction des complications à long terme et d’une diminution des dépenses liées aux injections en soins externes. Les analyses de sensibilité ont démontré la supériorité du rivaroxaban sur l’énoxaparine, en termes d’efficacité et de coût, lors de 98 % des simulations.

Lorsque l’énoxaparine était administrée moins longtemps, le traitement prophylactique par le rivaroxaban entraînait un surcoût de 90,34 $ et un gain de 0,0027 QALY par patient. Le surcoût lié à la durée de traitement par le rivaroxaban était en partie compensé par la réduction du coût associé aux TEV et aux complications à long terme. Finalement, le surcoût par QALY s’élevait à 33 323 $. Les analyses de sensibilité ont montré qu’au seuil de 50 000 $/QALY, le rivaroxaban était plus efficient que l’énoxaparine lors de plus de 70 % des simulations.

«Nos analyses ont montré que le rivaroxaban était supérieur à l’HBPM et que, pour cette raison, même avec une légère augmentation des coûts et l’allongement de la durée du traitement – 35 vs 14 jours – il était encore efficient, épargnait des vies et que le rapport coût/QALY restait dans les limites fixées, fait remarquer le Dr Wells. Les analyses sont solides. Nous avons fait toutes les études de sensibilité, et les résultats étaient toujours à peu près pareils. Lorsqu’on compare l’inhibiteur du facteur Xa et l’HBPM [l’énoxaparine] administrés pendant 35 jours, le rivaroxaban est alors totalement efficient.»

Adhésion aux recommandations pour la prophylaxie des TEV

Le Dr Wells a également présenté les résultats d’une étude portant sur les retombées cliniques du respect des recommandations de prophylaxie des TEV chez des patients qui subissaient une arthroplastie totale de la hanche ou du genou (résumé 170). Cette étude ciblait en particulier les recommandations de l’ACCP (American College of Chest Physicians) selon lesquelles les patients doivent bénéficier d’une prophylaxie par une HBPM, le fondaparinux ou un antivitamine K, pendant 10 à 35 jours (Chest 2008;133[6 suppl]:381S-453S).

Les chercheurs ont comparé l’issue escomptée en cas d’adhésion aux recommandations de l’ACCP et l’issue escomptée en cas de non-respect de ces recommandations – absence de prophylaxie, prophylaxie débutée avec retard ou poursuivie moins de 10 jours (en l’absence d’hémorragie majeure, de TEV ou de décès).

Le Dr Wells et ses collaborateurs ont utilisé la base de données d’un hôpital pour recueillir les antécédents médicaux de 3497 patients. Les deux paramètres principaux étaient la proportion de patients ayant reçu une prophylaxie conforme aux recommandations de l’ACCP et la fréquence des TVP, des EP ou des hémorragies mineures ou majeures.

L’analyse des résultats a permis d’établir que 40 % des patients avaient reçu une prophylaxie contre les TEV conforme aux recommandations de l’ACCP. Le respect des prescriptions était similaire, que les patients subissent une arthroplastie totale de la hanche ou du genou. Lorsque les recommandations n’étaient pas suivies, le risque de TVP doublait presque (3,76 % vs 2,01 %, p=0,003) et le risque d’EP était multiplié par huit (1,19 % vs 0,14 %, p=0,001). Par contre, le risque d’hémorragie mineure ou majeure ne différait pas significativement, que les patients soient traités selon les recommandations ou non.

Selon une analyse de régression logistique, l’adhésion aux recommandations de l’ACCP était le seul facteur prédictif important de TEV, car elle réduisait le risque de TVP d’environ 50 % (risque relatif approché [OR, pour odds ratio] 0,54, p=0,006) et le risque d’EP de près de 90 % (OR 0,12, p=0,004).

«Une utilisation insuffisante du traitement prophylactique contre les TEV est associée à une issue clinique plus défavorable. Si l’on suivait les recommandations de l’ACCP à la lettre, les taux de TVP et d’EP diminueraient significativement. Les raisons de cette sous-prescription demeurent inconnues et devront faire l’objet d’études supplémentaires», conclut le Dr Wells.

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