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Nouvelles options dans le traitement de la fibromyalgie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 70e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Washington, D.C. / 10-15 novembre 2006

Le syndrome fibromyalgique se caractérise par une douleur musculotendineuse diffuse, des troubles du sommeil et l’asthénie. L’étiologie et la physiopathologie de la fibromyalgie demeurent mal comprises, bien que les symptômes aient été associés à des anomalies du système nerveux central (SNC) dans la perception et le traitement des stimuli de la douleur. Selon diverses études menées au sein de la population générale de nombreux pays, la prévalence de la fibromyalgie varierait entre 0,5 % et 4,0 % (Dadabhoy D, Clauw DJ. Nat Clin Pract Rheumatol 2006;2:364-72). Aux États-Unis, la fibromyalgie est le trouble douloureux généralisé le plus fréquent, et on estime qu’elle toucherait environ six millions de personnes.

Comme l’explique la Dre Leslie Crofford, chef, division de rhumatologie, University of Kentucky, Lexington, aucun traitement n’est encore homologué pour la fibromyalgie. Plusieurs formes de traitement ont été essayées, dont les AINS et les antidépresseurs tricycliques, mais le taux de succès est variable. Certains agents se sont révélés efficaces chez certains patients, mais la tolérabilité constitue souvent un problème. En outre, aucun traitement pour la fibromyalgie n’a fait l’objet d’études cliniques à long terme.

En tant que protéine alpha2-delta, sous-unité du canal calcique voltage-dépendant dans le SNC, la prégabaline s’est montrée prometteuse pour le traitement de plusieurs types de troubles douloureux. D’abord développée pour le traitement de l’épilepsie, elle est maintenant indiquée pour le traitement des névralgies postzostériennes et des neuropathies diabétiques au Canada et aux États-Unis. L’évaluation clinique a aussi permis de recueillir des données sur son efficacité dans le traitement de la fibromyalgie. Lors d’une étude comparative avec placebo de huit semaines, la prégabaline à 450 mg/jour a atténué significativement la douleur, les troubles du sommeil et l’asthénie, et a amélioré les paramètres du changement global (Crofford et al. Arthritis Rheum 2005;52:1264-73).

Résultats à long terme

Lors du congrès, la Dre Crofford a présenté les résultats d’une étude à long terme sur la prégabaline dans le traitement de la fibromyalgie. L’objectif premier de l’étude était d’évaluer l’efficacité de la prégabaline, par comparaison à un placebo, sur le plan de la durabilité de l’effet dans le traitement de la douleur fibromyalgique chez des patients qui avaient d’abord répondu à un traitement par la prégabaline administré en ouvert.

Les critères d’inclusion de l’étude comprenaient un diagnostic de fibromyalgie selon les critères de l’American College of Rheumatology (ACR), la présence de douleurs associées au syndrome depuis au moins trois mois, la présence d’une douleur provoquée par pression en au moins 11 points sur 18 et un score d’au moins 40 mm sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 100. Les critères d’exclusion étaient notamment l’utilisation de médicaments pour le soulagement de la douleur ou de l’insomnie causées par la fibromyalgie, ou de médicaments rétinotoxiques; une clairance de la créatinine £60 mL/min; l’utilisation de médicaments interdits sans congé thérapeutique approprié; et la présence de troubles rhumatologiques, d’une dépression sévère ou d’une affection somatique ou psychiatrique instable.

Le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité était le délai de perte de la réponse thérapeutique (PRT), laquelle se définissait de deux façons : diminution <30 % du score de la douleur sur l’EVA par rapport à la valeur initiale (période ouverte) lors de deux visites consécutives durant la phase à double insu; et l’aggravation des symptômes de la fibromyalgie nécessitant un changement de traitement.

Des chercheurs de 99 centres aux États-Unis ont inscrit 1051 patients à la phase ouverte initiale de six semaines. Pendant les trois premières semaines, les patients recevaient la prégabaline à 150 mg/jour, puis à 300 mg/jour, à 450 mg/jour et à 600 mg/jour, selon la tolérabilité. La posologie pouvait être abaissée une fois au cours des trois premières semaines de la phase ouverte. Pendant les trois autres semaines de l’évaluation en mode ouvert, les patients continuaient de recevoir la dose jugée optimale pour chacun d’eux.

Au terme de la phase ouverte, les patients qui avaient répondu au traitement actif étaient admissibles à la phase à double insu et comparative avec placebo de 26 semaines. La réponse se définissait comme une diminution ³50 % du score moyen de la douleur et une impression globale de changement correspondant à une «amélioration marquée» ou à une «amélioration très marquée». En tout, 663 patients (63 %) ont terminé l’évaluation ouverte et, de ces patients, 566 (85 %) étaient admissibles au traitement randomisé, rapporte la Dre Crofford.

Après randomisation, les patients recevaient leur dose optimale individualisée du traitement actif ou un placebo. La dose optimale correspondait à 600 mg/jour dans 50 % des cas, à 450 mg/jour dans 25 % des cas et à 300 mg/jour dans 25 % des cas. Pour les besoins de l’analyse statistique, les trois doses du traitement actif ont été combinées.

Au terme de la phase à double insu, les chercheurs ont noté une PRT chez 174 patients du groupe placebo (61 %) vs 32 % des patients sous traitement actif, ce qui représente une différence à la baisse de près de 50 %. Chacune des six analyses de sensibilité a confirmé la solidité de l’analyse principale (p<0,0001).

«Chez les patients qui sont passés de la dose efficace du traitement actif au placebo, la PRT a été très rapide, dans un délai de sept jours chez 25 % des patients et d’environ 24 jours pour une autre tranche de 25 %, indique la Dre Crofford. En revanche, chez les patients qui ont continué de recevoir le traitement actif, le délai moyen de PRT était de 34 jours lorsque la réponse au traitement disparaissait. Dans les cas où l’intervalle de 34 à 40 jours a été dépassé, la réponse thérapeutique s’est maintenue pendant les six mois de l’étude.»

Des analyses distinctes de chacune des trois doses actives ont fait ressortir un avantage hautement significatif par rapport au placebo en termes de PRT, ajoute-t-elle. L’analyse des paramètres secondaires d’évaluation de l’efficacité a fait ressortir systématiquement des différences significatives (p<0,0001) en faveur du traitement actif. Ces paramètres secondaires étaient l’impression globale de changement de l’état du patient, le questionnaire sur l’impact de la fibromyalgie, une échelle standardisée d’évaluation du sommeil, une évaluation multidimensionnelle de la fatigue, et la totalité des huit rubriques du questionnaire SF-36 sur la qualité de vie liée à la santé.

Des effets indésirables (EI) ont été signalés chez environ 80 % des patients pendant la phase ouverte de l’étude, et la plupart étaient bénins ou modérés, fait remarquer la Dre Crofford. Durant la phase à double insu, 62 % des patients sous prégabaline et 45 % des patients sous placebo ont eu des EI, et 82 % des EI étaient bénins ou modérés. Toujours pendant la phase à double insu, les EI les plus courants étaient l’insomnie, la sinusite, les nausées, les arthralgies, l’anxiété, la grippe et un gain pondéral, lesquels sont survenus chez des proportions similaires de patients dans les groupes placebo et traitement actif. La Dre Crofford rapporte que les EI ont motivé l’abandon du traitement chez 7 % des patients sous placebo et 17 % des patients sous traitement actif. Dans le groupe de traitement actif, plus de la moitié des abandons ont été motivés par des EI qui s’étaient d’abord manifestés pendant la phase ouverte. Des EI graves ont été signalés chez 2 % des patients pendant toute la durée de l’étude. Au cours de la phase à double insu, trois patients du groupe placebo et sept patients du groupe prégabaline ont signalé des EI graves, mais dans tous les cas, l’EI a été jugé sans lien avec le médicament à l’étude.

«Cette étude de 26 semaines a objectivé la durabilité du soulagement de la douleur chez des patients fibromyalgiques qui avaient répondu à la prégabaline pendant la phase ouverte, de conclure la Dre Crofford. La prégabaline a prolongé le délai de PRT de manière significative. Au terme de la phase à double insu, la réponse au traitement était disparue chez près de deux fois plus de patients sous placebo que de patients sous prégabaline. La prégabaline a été généralement bien tolérée, tant pendant la phase ouverte que pendant la phase à double insu.»

La Dre Lesley Arnold, professeure adjointe de médecine, University of Cincinnati College of Medicine, Ohio, a passé en revue les nouvelles options pour le traitement de la fibromyalgie et a discuté d’inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline qui seraient prometteurs. Des mesures non pharmacologiques – dont l’exercice, la thérapie cognitivo-comportementale, l’éducation et le soutien social – se sont aussi avérées bénéfiques. La Dre Arnold en conclut que de nombreux patients fibromyalgiques bénéficieraient probablement de l’association d’un traitement pharmacologique et de mesures non pharmacologiques (Arnold LM. Arthritis Res Ther 2006;8[4]:212).

Résumé

Il semble y avoir de l’espoir pour les patients aux prises avec la fibromyalgie. On comprend maintenant mieux ce trouble et, bien qu’aucun agent ne soit actuellement approuvé pour le traitement, la prégabaline est un anticonvulsivant qui donne des résultats très prometteurs à long terme.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, la prégabaline n’était pas indiquée pour le traitement de la fibromyalgie ou de l’épilepsie au Canada.

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